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Full text of "Œuvres complètes, accompagnées de notices par E. Réaume & F. de Caussade"

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*_ 


OUVRES    COMPLÈTES 

de  Théodore 

Agrippa  d'Aubigné 


ŒUVRES  COMPLETES 


Agrippa  d'Aubigné 

PiibUka  pooT  U  picmUn  foii 

it  Notieet  Kogre^ûjat,  lUiérairt  tf  KNugra^ii^ue, 

it  Variante*^  d'an  Commtiaain,  Smit  TabU 

dti  ncmt  fr«prt$  tr  â'tm  Gloffeirt 

Pir 

MM.    Eue.    RÉAUME   &    de   CAUSSADE 


Tome   deuxiârae 


PARIS 

ALPHONSE   LEMERRE,    ÉDITEUR 


Q7H 


TRAITTE 


SUR 


LES  GUERRES  CIVILES 


[Inédit.  Publié  d'après  le  manufcrit  origiiul  de  U  G>Ueâion  Tronchin. 

Mss.  d'Aubigné.  T.  VI,  f«  i.] 


TRAITTÉ 
LES  GUERRES  CIVILES 


YANT  efcrit  ce  premier  Traitté, 

|:^    l'obllination  de  mes  amis,  qui  ef- 

ra*ll  peroyent  contre  toute  efperance 

de  la  modellie  &dela  fatiecé  aux 

ij  tigres  &  aux  loups,  me  le  fie 

(\^|  jecter  dans  un  fond  de  coffre  pour 

inendre  (comme  ils  me  remonf- 


troyent)  quelques  plus  grandes  apparences  de  ce  que 
je  prefageois.  Ces  efprics  doux  Ûfoyent  avîdemeni 
les  lettres  de  la  Cour,  qui  difoyent  ainfi  :  le  Roy 
cil  de  bon  naturel,  il  ne  demande  qu'obeiffancc ; 
ce  n'eft  qu'une  opiniaftretê  de  l'AfTeniblee,  il  y  aura 
de  raccommodement.  Tel  &  tel,  &  tel,  qui  font  de 
nos  Grands  refpondent  pour  le  Confeil,  qu'il  ne  vien- 
3ra  pas  aux  eztremitez  ;  on  guérira  tout.  Il  y  a  quatre 
corps  en  France  qui  ont  à  contrecœur  les  voies  ex- 


Chapitre   II. 


c^■iXc£.^j^^  BSTS  difiinâioD  que  aotu  redou- 
J5p/^^7^i\^  rions  pour  noftre  expedidon  n'a 
plus  efté  nife  que  pour  ceux  qui 
veulent  eflre  trompez,  depuis  le 
'Va\.  V  'Wï  defannement  des  villes  de  Nor- 
-^^^^~^^^  '  °'*'"''^i  ^^  P'''^^  '^^  Saumur,  pris 
- — - — *-'/>— —  -j'  de  mauvaifc  grâce,  eftanc  offert 
trop  gracieufement,  Gcrgeau'&  Sanccrre,  traittees 
comme  vous  avez  fçeu  ;  ces  dernières  places,  parla  cor- 
rupdon  de  leurs  Gouverneurs,  eftoyenc  mieux  equip- 
pees  en  marchandifc  qu'en  guerre,  &  comme  nous 
difions  de  long  temps,  eftoyent  places  de  danger  & 
non  plus  places  de  fcureté.  Celles-là  &  autres  ayant 
pris  leur  leçon  de  Saumur  faifoyent  de  long  temps 
profellîon  de  defobeiffance  aux  AfTemblees  &  en  ces 
derniers  jours  crioyent  l'obeilTance  abfoluë  au  Roy;  fe 
mettants  au  mauvais  abri  de  la  diftinAion ,  elles  ont 
eflayé  Q  on  n'en  vouloic  qu'aux  rebelles,  elles  qui 
eltoyent  rebelles  à  l'ordre  par  lequel  les  Eglifes  le 
nuincenoyent.  Après  elles,  voyez  le  craiccemenc  du 
PcùAou  qui  a  mis  bas  [les  armes],  &  puis  de  quel 
prix  eft  la  foy,  en  commançant  à  la  promelTe  de 
Fontainebleau,  &  palTant  par  cous  la  traînés  des 
places  jufqucs  au  dernier  ;  &  les  Gouverneurs  qui 


^     traittA  sur  lis  «verb.es  civiles. 

en  ont  fait  marchandife  fçauront  dire  dans  aa  &  jour 
où  ils  en  fônc. 

Il  faut  dire  en  paflani  que  tout  ceux  qui  s'atai- 
buent  la  gloire  de  noflre  ruine,  quelques  difputes 
&  jaloufie  qu'il  y  ait  encre  les  Jefuices,  Capuchitis 
&  le  Prince  de  Coudé,  il  faut  qu'ils  la  cedeai  aux 
libéralité?  ou  prodigalités  de  la  Ro^e  mère  exer- 
cées principalement  à  Saumur.  C'ell  de  là  que  les 
Gouverneurs  abandonnant  le  ferment  d'union  &  les 
règlements  des  AfTemblees,  ont  eflé  i  l'efcole  du  Coih 
feil  du  Royi  eux  &  nos  Grands  fc  font  battus  à  qui 
auroit  le  gré  du  pernicieux  changement.  Ce  gré, 
dangereufe  &  nouvelle  diftion,  leur  a  fait  en  appa^ 
rencc  avoir  quelque  gré  vers  les  ennemis,  mais  en 
effeâ  leur  a  fait  perdre  le  gré  ft  la  créance  des 
peuples  qui  leur  eftoyent  commis. 


CHAPITRS    II.  7 

leurt  aftûxts,  car  nous  <D  voyoni,  grecuàDieu,  qui 
n'ayim  point  rudement  repouifê  U  recerche  oet 
rfaoléc  [dut  douces  om  efpoufi  les  amerei,  fit  Sont 
nllicK  &  fou&nis  i  h  vemieu^  AJlëmblee,  &  oinfi 
pour  avoir  eflé  diSérenn  de  procédures,  donnent 
leurs  une*  à  Dieu  &  leur  vie  4  1>  publique  relô- 
luttoa. 

Mail  ceuzi^  ncfepouiroot  rtleverdc  UbcwriK 
où  il*  {ê  ùmc  enfoncez,  ni  remenie  les  voila  ^>rés 
s'eâre  ailsblez,  ceux  U  doibvent  changer  lêurt 
&dea  ezculés  en  reco^ioiflàocv  de  leur  pedié,  & 
donner  glcnre  à  Dieu  qui  s  voulu  tffiidir  leurs  con- 
lèila  pour  l'orgueil  de  leur  maudite  prudence,  les  a 
(comme  Salomon)  de  la  tepidicé  pouJTez  i  la  glace, 
&  du  panchant  de  l'amour  du  monde  poulTez  en  un 
précipice  infernal. 

A  ce  mallieur  ont  contribué  pluûeurs  faux  Pafteurs 
de  l'Eglife,  qui  de  mclme  main  onc  diftribué  le 
pain  de  vie  &  reçeu  le  prix  du  fang,  ou  ceux  qui 
par  les  efperances  onc  fait  mal  plus  long  temps  que 
les  premiers  par  la  poUëOïon.  Ceux  là  de  qui  le 
nom  fera  efpargné  juJTques  à  la  jufle  acienie  de  la 
reûpifceace,  doivent  prendre  leçon  fur  les  fia  Nota- 
bles qui  avouent  promis  l'inËune  prévarication  :  des- 
quels Dieu  a  nié  les  deux  principaux  en  un  jour,  les 
deux  autres  en  un  an,  &  les  deux  autres  abandonnez 
à  l'apollafie,  ont  elle  empefcbez  par  la  mort  hon- 
ceufe  de  fâvourer  les  fruiâs  &  le  îalaire  d'iniquité. 

Tels  efpriis  ont  appelé  modelUe  l'adoucifTement 
des  chofea  horribles;  par  celle  modellie  aSedee,  ils 
ont  jette  une  planche  fur  l'abifine  d'entre  le  riche 
&  Lazare,  au  moins  en  tant  qu'ils  onipeu,  &  monllré 
peu  de  différence  entre  les  religions,  &  partant  la 
mort  de  leurs  martyrs  ne  dcvenoic  qu'une  témérité, 


TK.A1TTË    SUK    LBS    CUEEB.BS  Cil 


qu'ils  nommoyent  en  leurs  fermons  les  PapiAes  Cato- 
liques,  l'Ante-Chrift  Evefque  de  Rotnme,  les  Idolâ- 
tres fimpIeSjS:  ainQ  eflâyoyent  d'enterrer  les  erreurs 
avec  honneur,  &  il  parotll  qu'ils  les  ont  &ic  rebour- 
jonner. 

Ceux  U  meCne  ont  pris  en  hatne  les  efprics  qui 
voyant  ces  décadences,  les  reprenoyent  de  leurs  che- 
veui  frifez,  de  leur  empois,  de  leurs  cooverfations 
ridicules,  des  jarretières  pendantes  &  habits  exceC- 
(ïfs  de  leurs  femmes  &  d'eux.  Ils  appeloyent  ces 
repreneurs,  &  qui  monftroyent  au  vif  l'ellat  où  nous 
fommes  à  prefent,  du  nom  d'aigres  &  violents  ;  ils 
nommoyent  encor  les  fermes,  curbulaats  &brouilloas  : 
&  ceux  qui  refufoyent  les  prefents  de  leur  Prince, 
ont  efté  mis  au  roole  des  orgueilleux  &  des  fols, 
■ifiLk-lire  tncduydc  rebellio 


Chapitre   III. 


AissoNs  les  caufes  à  pirt  pour 
voir  leurs  effeéis.  Le  Confeil  du 
Roy  cravaille  grandement  à  faire 
que  les  Prefches  ne  foyent  point 
mterrompus;  on  fait  efcrire  les 
I  plus  fimplcs  de  la  patience  ima- 
lire  où  ils  font,  pour  ployer 
les  cœurs  de  ceux  qui  font  en  péril.  Le  Marefchal 
Lefdiguieres  doibr  de  rente  toutes  les  fepraaines 
quelque  lettre  pour  difpofer  les  efprits  du  Dauphiné 
à  ne  [prétendre]  plus  haut  qu'a  fait  l'Anjou;  le 
PoiiSou,  la  Xiincongc  &  le  Perigort.  On  fait  par 
toute  la  France  figner  par  les  corps  &  par  les  par- 
ticuliers un  ferment  oppofé  directement  &  mot  à 
moi  k  celuy  que  toutes  les  Egtifes  de  France  ont 
juré  &  figné  plufieurs  fois  pour  l'obfervation  des 
règlements.  Le  but  efi  d'accouftumer  à  la  perfidie 
aujt  chofes  politiques,  celle  qu'on  leur  minute  pour 
l'an  qui  vient,  en  la  matière  du  faluc.  On  imprime, 
on  dit  à  l'oreille  que  les  Princes  font  defabuzés  de 
pouvoir  violenter  les  confciences  &  que  les  peuples 
ont  perdu  cefte  fureur  qui  les  avoit  rendus  fauvages 
aux  maflacres  paflez;  à  quoy  on  joinô  doucement 
que  les  Huguenots  font  devenus  plus  civils  &  def- 


lO      TRAITTl    SUS    LB8   GUBUaSS    CIVILES. 

niaifeE,  &  qu'il  ne  s'en  trouvera  plus  à  preuve  du 
feu  comme  au  temps  pafîË  :  meûâes  quelques  ima 
d'entre  nous  cm  dit  que  Dieu  nous  ayant  oiié  par 
nos  péchez  le  zele  de  foa  nom  &  la  conftance  de 
mourir  pour  fa  caufe,  nous  devoit  aufli  ofter  l'efpfr. 
rance  qu'il  vouluft  faire  miracle  pour  nous. 

Mais  en  l'une  &  en  l'autre  partie  de  ces  fauflës 
traditions  Dieu  nous  a  fait  voir  en  deux  manières 
les  marques  de  l'anciene  vérité,  foit  en  ce  que 
la  barbarie  des  perfecuteurs  n'eft  point  elleinie, 
foit  en  ce  que  l'efprit  de  cooilance  trouve  encore 
entre  les  hommes  fes  tefinoings.  Cela  eil  miraculeui 
&  commencement  de  miracle,  {comme  a  efcric  qud- 
qu'un)  : 

De  tili  caurt 
Siftrmtt  m  co/ifiaaetj  ou  fi  dort  aux  riguairt. 


CKAPITK.I    III.  II 

§1  ae  perdront  que  les  filt  de  pçxdidoii.  Let  Je^g» 
d'Achëilles  qui  en  a&e  ville  &  ûlleurt  ibnc  fêrnûms 
[Hiblics  fur  Lucrèce,  fur  le  Livre  Dtt  trou  la^f- 
t^4  &  fur  celui  du  Threforier  Valee;  l'inveonon 
diabolique  dei  Arminient,  qui  d'une  dielê  d'elcoU 
aroyenc  Ait  un  puù  dans  celuy  des  Eflati;  lei 
Doâeun  de  ceûe  peftlfere  lèfle,  entretenu*  &  payez 
pour  St  glilTer  parmi  nous  avec  l'ardcle  adjouAé 
nouvellement  à  leurconfeflîon,  par  lequel  ils  reprou- 
vent toute  deffence  contre  les  Tyrans,  feuil  ce  pour 
la  pure  caufe  de  Dieu  :  coûtes  ces  chofes  ont  fait 
mennr  Satan,  &  Tes  difctplcs  s'eAann  vantez  que 
l'ailê  &  la  profonde  pali  auroyent  elleinâ  au 
foyer  des  fidèles  tout  feu  de  religion,  ils  ont  trouvé 
que  le  repos  de  Capue,  qui  delh-uiTit  l'armée  d'An- 
nibal,  n'a  peu  corrompre  les  foldacs  de  Chrift.  Car 
encor  en  ces  aftcs  derniers  vous  trouvez  les  pre- 
mières marques  de  l'Eglifc  en  fon  enfance,  foit  à 
voir  les  meimes  barbaries  qu'on  dilbii  eflrc  elïeintes, 
foit  i  faire  mourir  en  s'esjomffant ,  foie  à  redonner 
la  mort  avec  foin  &  ceux  que  les  accidents  vouloient 
tirer  des  mains  des  bourreaux,  foit  à  mutiler  les 
corps  à  diverfes  fois  &  à  voir  les  proches  exécu- 
ter les  proches  parents,  fur  qnoy  les  exécuteurs  ont 
crié  que  le  temps  de  gnce  n'elloic  plus  ',  foit  aulll 
d'autre  cofté  à  voir  les  percs&Ies  enfants  avec  mu- 
tuels encouragements  fe  tenir  bonne  compagnie  à  la 
mort;  une  mère  follicitee  de  fauver  la  vie  à  l'enfant 
qu'elle  allaiâoit  en  faire  prefent  aux  affafllns,  &puis 
ouvrir  fon  fein  aux  poignards  &  haches  qui  la  déchi- 
rèrent en  quatre  pièces ,  iniiruiteà  fa  fermeté  parles 
leçons  d'un  fien  frère  lequel  fe  voyant  lié  par  les  tueurs 
l'elcria  :  Si  ne  fçaunex  vous  lier  la  veriii.  Là  on  a 
encor  veu  des  marôrs  eflayez  par  des  morts  lentes; 


13      TS.AITTË    SVR    LIS    GITB&B.BS    CIVILES. 

quelqu'un  mis  entre  deux  morceaux  de  bois  affés 
eflognez  pour  qu'il  peut  choifir  la  vie,  s'il  vouloit, 
encre  ces  deux  embrafleinents. 

En  «  petit  traitté&au  iraictement  qui  commence 
par  la  France ,  vous  verrez  que  l'efprii  de  Dieu  a 
tousjouTE  eu  fa  force,  qu'il  la  communique  k  fon 
Eglife,  &  puis  qu'il  l'honore  des  triomphes  paSet  : 
il  n'eft  pas  las  d'elle,  il  la  tient  par  û  main  &  la 
relèvera  au-delTus  de  fes  ennemis. 


'tî^îcrv"* 


Chapitke   IV. 


■  ASPA&    Baroaec ,    nepveu     du 

<  Cardinal    de    meline  nom,    un 

des    Confeillers    de   li   Coi^re- 

gation  eftant  (comme  grand  juriC- 
confulce)  du  nombre  des  fept  qui 
I  furent  empruntez  extraordiniire- 
ment  pour  le  procès  du  peiît 
Capuchin  à  Romme,  fut  tellement  ravi  des  veritez 
&  de  la  conftance  de  ce  martyr  qu'il  quitta  tous  les 
honneurs  qu'il  pofledoit  ou  efperoit,  &  mefmes  celuy 
d'envoyé  pour  Efpagne  tenir  un  an  le  compte  des 
affaires  de  Chreftienté.  Ce  perfonnage  ayant  en  raain 
tous  les  Eflais  particuliers  de  toutes  les  provinces 
qui  font  en  l'Europe  occidentale,  apporta  toutes  fes 
defpeches,  premièrement  à  Monlieur  Defdiguieres, 
qui  le  fit  conduire  par  un  Conful  Briançon  à  Paris. 
Il  y  avoit  lors  l' AlTembîee  fecrette  qui  fe  cenoit  au 
logis  de  Monfieur  de  Bouillon;  Baronce  s'y  adrefla, 
&  pour  eftre  entendu  h  Compagnie  luy  donna  Co- 
miflaires  les  Sieurs  d'Aubigny  &  de  Feuguere, 
M,  D.  S.  E.  Il  defploya  fur  table  pour  chafque  en- 
droit des  pays  que  nous  avons  coitez,  deux  liafles, 
l'une  portant  pour  titre  Anes  pacis ,  l'autre 
Àrits    belli.    Les  ComifTaires   ont    fait    leur  rap- 


14      TK.itiTTt    soi   lEf   CUI&ftBt   CirtHs. 

porc,  cani  en  U  fudite  AfTemblee  qu'en  autres  Pn^ 
TÎnciales  &  Générales,  qu'ils  n'avoyent  trouvé  pro- 
vince, ville,  ni  perfonnes  notables  qui  ne  fuÎTeDE 
deTignees  en  fes  mémoires  à  converfion  ou  à  eveifion. 
Et  pour  ce  que  i  l'ouvercure  des  paquets,  l'Italien 
demanda  d'où  il  vouloit  fçavoir  les  nouvelles  pre- 
mièrement &  que  les  ComilTaires  avoyent  déliré 
commencer  par  la  parde  la  plus  prompiement  m^ 
nacee,  ils  ouvrirent  Arrêt  pacis  apud  Rkatos  &  puis 
Artes  Belli,  U  où  eftoit  depeinô  tout  ce  qui  eft 
arrivé  depuis;  de  là  on  voulut  voir  la  province  de 
Poiftou  pour  l'intereft  particulier  du  Poiôevin  :  li 
parue  une  excellente  peinture  des  places  de  feurecl, 
de  leurs  Gouverneurs  qui  edoyent  gagpiez  &  qui 
eftoyent  à  gagner,  &  eft  arrivé  fort  peu  de  choies  en 
,  qui  n'aye  refpondu  au  projeft. 


CHAPITKI    IT.  i; 

Ibui,  TOlU  voftx  encore  deux  uicres  brinehes  coi^ 
reitet  l'une  de  l'uicre  à  {çaroîr  foubs  l'eniiiâioii 
ftdHEpsooa  de  l'herefie  i  l'ivantage  du  Si^e  Ronuin, 
la  deftruâion  de  couœa  les  R^ubliques  au  profit 
det  Sotnreraiiu. 

En  paflànt  je  coneny  on  mot  qui  eft  foubi  Yat^ 
dde  de  Berne,  auquel  eftant  queftion  de  mettre  tine 
moitié  de  cell  EIlû  ibubi  les  mains  d'un  Prince,  S 
dit  que  ce  Prince  ell  ami  de  l'Inquifition  &  qu'il 
•ppitodra  par  elle  au  pays  qui  parie  Roman  i  par- 
ler bon  Kamin.  Quant  à  ce  qui  parle  AlUnuàdj  à 
la  venté,  les  mémoires  portoyent  de  le  diftribuer 
aux  cantcms  Catholiques,  mais  il  eftoit  aifS  i  juger 
en  autres  chofes  que  ce  n'elloit  point  pour  les  Ùilër, 
mais  feulement  pour  fe  fervir  de  leurs  armes,  pour 
les  partager  après  à  Leopold  &  au  duc  de  Bavieres. 

Cell  chofe  notable  que  de  voir  de  ce  temps  1^  les 
principes  de  l'Arminianlûne,  leur  fouveraine  efpc- 
rance  pour  venir  à  bout  de  la  Hollande,  &  plus 
eftrange  que  tout ,  de  voir  les  perfonnes  qui  ailait- 
toyeot  ceiU  fefte  en  Ton  Irerceau.  Le  dcITein  de 
ceil  efcrit  ne  peut  exprimer  en  fa  brièveté  ce  qui 
lèroit  bien  requis  pour  faire  taire  les  langues  mer- 
cenaires ou  les  cGEurs  infidèles  par  lafcheté,  qui 
attribuent  ce  que  nous  voyons  &  l'AiTemblee  &  à  la 
ferme  obfervation  des  règlements. 

Vous  verrez  encor  la  raifon  pouiquoy  la  querellé 
des  Huguenots  devoit  commencer  par  le  Beam, 
aflTavoir  pour  oder  du  voifinage  d'Hefpagne  des  gêna 
qui  avoient  la  barre  de  leur  reli^on  enct'eua 
&  ta  communiquation  des  Efpagnols ,  difficulté  que 
r^roche  des  Jefuites  oflera.  Je  ne  puis  encor  laiflër 
paâêr  l'excellente  obfervadon  qui  eft  de  donner  dés 
le  commencement,  ou  au  moins  defigncr  les  con&f- 


l6      TRAITTS    sur    les    GUERKES    CI71LES. 


quadons  de  toutes  les  bonnes  nuifons  de  France 
qui  font  profeflion  de  la  Religion  comme  cho{è 
utile  pour  faire  armer  à  bon  efcicnc  contre  les  Héré- 
tiques; là  eft  dit  pour  exemple  que/onj  telles  coa- 
Jifquations  Ù-  les  Jûllieitears  qui  menaçoyeat  let 
Juges  de  ce  qui  eftoit  arrivé  à  la  Mercuriale ^  les  Juges 
dt  France  condamnoyent  au  feu  avec  horreur  &  fe 
portoyent  la/chement  en  la  delivraace  de  l'Eglife. 
Voila  les  termes  des  cayers. 

El  certes  fi  nous  fommcs  bien  advertis  des  a£faires 
de  France,  on  trouvera  qu'il  n'y  a  homme  qui  aie 
mille  efcus  raillant  duquel  la  confifquation,  û  non 
donoee,  ne  foit  defignee  pour  le  moins.  Peut-cftre 
qu'une  raillerie  d'un  Couriifan  en  auroit  bien  ouvert 
l'appedt  :  c'eft  que  l'Italien,  de  ceux  qu'on  appeloii 
coyons  de  mille  livres,  demandoit  à  Monglar  quel- 


CHAPITRE    IT.  17 

fiûc  quelque  diftinâiOD  en  la  Religion,  pourronc  eftre 
eichudi,  &  c'eft  une  lettre  qu'un  Jefuîte  de  l4of^ 
acit  KOvoyoic  i  un  autre  Allemand.  Elle  efi  du  Ror 
■n  Pape,  aflcs  imponanta  pour  efire  in&ree  an  m 
Heu: 

«  Trf«  Saint  Père 
■  j^iifiju'il  n'y  a  p<Hnt  aetlleur  commencenent  que 
cdujr  d'une  aâion  tendanœ  i  la  gloire  de  Dieu, 
Voftre  Sainâeté  aura  pour  agréable  que  ma  fnaûet* 
■Tf™""'<*i  i  lôn  entrée  au  GourememenE  de  l'Eglilc 
Stiiue,  lioic  d'une  suvre  qui  face  non  mcuns  reluire 
h  pieté  paternelle  que  croiftre  les  deroti  {èntiinena 
qu'il  plaifi  ^  Dieu  me  donner,  Lei  premières  inftru^ 
dms  que  j'ay  receuës  en  la  foy  &  bonnes  mœurs 
ont  etté  des  Percs  Jefuices  ;  ils  ont  eu  jufques  i 
prdêni  la  direAioa  de  ma  confcience,  dont  je 
demeure  crés-fatisfait  &  deCreux  de  faire  refenttr  à 
tout  leur  Ordre  les  eflèâs  de  ma  bienveillance.  Sur 
quoy  oyant  que  le  procès  de  la  canonization  du 
Bienheureux  Ignace,  inlUtuteur  dudiiOrdre,  efloit  fait 
ft  qu'il  ne  reftoit  que  le  vouloir  de  Voftre  Sainâeté  & 
parfaire  ce  bon  œuvre,  j'ay  bien  voulu  la  fupplier, 
comme  je  fay  très  aSe^iicufemenc,  que  fon  bon  plaifir 
Ibit  le  déclarer  &  le  meccre  au  nombre  des  Sainfls 
que  noftre  mère  Sainfte  Eglife  révère  &  honore 
pour  tels.  Les  faveurs  que  j'auray  k  recevoir,  pour 
pandes  qu'elles  foyeni,  ne  me  feront  point  toutes  À 
telle  confolation  comme  celle-cy  feule  qui  outre  les 
benedîAions  que  j'en  efpere,  comblera  de  profperitez 
monGouvcmemenc,  La  Providence  divine  qui  infpire 
les  cœurs  &  en  retient  les  mouvements,  n'a  pas 
permis  que  cefte  dévotion  emprainie  dans  mon  cœur 
dés  quelques  années  aie  e(U  plullofl  manifeftee,  refer- 


TRAlTTfi    sua    LES    CUBRB.SS    CIVILES. 


vant  àyollre  Sunâecf  cefle  aflion  tuic  cclebre,  &  à 
moy  le  bonheur  de  lui  faire  une  demande  qu'elle 
trouvera  digne  du  Fils  aiûié  de  l'Eglife.  Ce  titre  non 
moins  gravé  en  mon  ame  que  dignement  procédé  de 
mes  predeeelTeurs  me  donne  une  forte  d'émulation  L 
l'avancement  de  noflre  très  Sainte  Religion,  à  l' extir- 
pation des  Herefîes,  me  fait  a&eflionner  davantage 
la  difle  canonizadon  fur  l'efpoir  que  j'ay  que  l'inter- 
ceflîon  de  ce  Bienheureux  me  fera  un  puiffant  fecours 
•i  faire  ce  pourquoy  Dieu  l'a  envoyé  en  ce  monde  : 
à  quoy  tout  ceft  Ordre  [s'ed]  employé  tant  utile- 
ment. Mon  Royaume  a  eu  cède  benediftion  que  ce 
ferviteur  de  Dieu  fbit  venu  en  ma  ville  de  Paris 
apprendre  les  Sciences,  qu'au  mefme  lieu  il  aflembla 
fes  compagnons  &  commença  fa  Société  i  Montmartre. 
J'efpere  des  nouvelles  benediftions  fi  VoAre  SainAeté 


CRAPITB.K    lY. 


"> 


yicdences  raiibns,  par  lefquelles  depuis  deux  ans  on 
a  emporté  nos  révoltez  &  mis  à  l'efpreuTe  ceux  qui 
font  demeurez  debout  :  car  au  lieu  qu'au  temps 
paflë,  après  les  promeflês,  on  adjouftoit  les  menaces 
légèrement,  voici  les  termes  de  ces  dernières  faifons, 
comme  je  les  ay  ouys  eh  ezcufe  d'un  ami  que 
l'apottafie  m'a  ofté,  comme  je  les  ay  encore  ouïs  de 
quelques  Grands  du  Royaume  travaillans  à  me  per- 
vertir, &  comme  plufieurs  qui  liront  ceci  auront 
appris  à  melmes  occafions.  Voicy  donc  leurs  propos  : 
Vous  ape^  â  perdre  honneur^  Eflats^  maifons^familUs^ 
&  les  efperances  de  tout  cela;  vous  voyei  vos  Grands 
vaincus  par  leur  avarice  ou  ambitions ,  ^rayei  de  la  fin 
de  Monfieur  l'Admirai  &  faifons  par  crainte  &  pru^ 
dence  leur  paix  à  vos  defpens^  mais  fur  tout  pour  ce 
qv^ils  fçavent  les  menées  de  tous  les  Royaumes  de 
toute  la  Chreflienté  tellement  poinéïees  à  voflre 
ruine f  qu^ils  ne  fçavent  quelle  pièce  porter  au  devant. 
Tous  vos  Gouverneurs^  horfmis  fort  peu^  ont  promis 
Vobeiffance  aveugle  &  tireront  un  beau  rideau 
d'obeijfance  au  devant  de  leur  lafcheté^  &  adjoufloient 
à  moy  :  Ce  font  chofes  que  vous  fçavej  cognoiftre 
&  prédire  :  apprenei  à  vous  en  fervir. 


CHAP1TB.S    T.  ai 

nudroit  mieux  tuer  le  fini  en  U  nuifon  de  fon  voifin 
qœ  de  l'attendre  en  la  fienue.  Vous  tvez  tcu 
{Aa^tit  gcnercu:^  ce  qu'ont  fiûlli  les  Jefuitea  dus 
tous;  quand  Ut  ont  manqué  en  une  entreprifis,  il* 
en  relèvent  quattre  &  fe  vantent  commuellement 
qu'Us  oni  les  coeur*  de  très  puiflants  Milords,  nuia 
fuitout  des  Dames  d'Angleterre,  pour  leiquelles  ila 
font  prières  fecrettei,  &  entre  les  plus  remarquablea 
rendent  bien  le  compte  des  Reformées  plus  alfé  que 
de  cellet  qui  ont  juré  en  leurs  mains.  Vous  prencs 
confiance  en  ce  grand  tblTé  qui  entoume  voftre 
héritage ,  mais  l'yvroye  dl  en  voftre  champ,  il  ne 
faut  qu'un  iàux  Palleur  pour  en  ouvrir  un  coin  auK 
loups  de  France  &  d'Efpagne  qui,  quoy  que  mon- 
Urueux  en  voftre  Ifle,  font  tous  préparez  i  s'y  loger. 
Vous  avez  par  voftre  AmbalTadeur  fait  efclatter  le 
confentement  de  nos  miferes  ;  vollre  bon  propos  a 
efté  reçeu  avec  le  defdain  que  Cadenet  a  rapporté 
d'Angleterre,  tnftniit  par  vos  Papiftes  qui  lui  ont 
dépeint  vollre  Roy  tout  autre  qu'il  n'eft  :  &  nous 
tous  enveloppez  en  mefme  condition  nous  portons 
aigrement  le  mefpris  de  voftre  nation,  pour  ce  que 
nous  avons  efté  lelinoins  oculaires  de  voftre  incom- 
parable valeur. 

MeiEeurs  des  Eftats,  au  milieu  de  tant  de  force 
&  de  vertu  qui  ont  efté  bénites  de  Dieu,  argu- 
mentent tousjours  du  pafTé  à  l'advenir,  &  pour  ne 
perdre  l'affiftance  des  François  jugent  froidement 
&  avec  refpeft  l'Affemblee  de  la  Rochelle.  Vray  eft 
que  les  particuliers  ne  laiflenc  pas  de  faire  leur 
devoir,  mais  qu'ils  fe  fouvîennent  qu'en  la  caufe  qui 
eft  maintenant  arborée,  tout  fervice  de  Papifte  eft 
périlleux,  qu'ils  regardent  biea  la  dernière  claufe 
que  les  Arméniens  ont  adjouftee  à  leur  ConfelBon,  à 


M      TRAITTÉ    SUR    LBS    GOBKRBS   CIVILES. 

fçavoir  qu'il  n'y  a  nulle  deffencc  légitime  des  fubjeCb 
contre  les  Princes  fouverûns,  ni  pour  matière  de 
religion,  ni  pour  ciufe  que  ce  foît.C'eft  aujourd'hui 
furquoy  travaillent  principalemeni  GrgQîus,  Tileous 
&  leurs  compagnons.  Et  en  mefine  lempi  que  celle 
vennine  fait  efclacter  leur  fentence  contre  la  juftice 
de  vos  armes,  en  meûne  temps  voua  aurez  eflé  priez 
de  France  de  les  vouloir  recevoir.  Voyez-vous  point 
que  les  Jefuices,  les  Capuchins  &  telles  gens  font 
touce  la  France,  &  en  cefte  requcfle  diâaceurs  &  pr&- 
lèntateurs.  Marquez  en  quelle  conlcience  peuvent 
combattre  pour. vous  vos  Capitaines  Papilles,  fi  ce 
n'efl  que  leurs  ConfelTeurs  ayants  befoln  d'eux  parmi 
vous,  leur  dlftribuent  difpence  duPape  pour  guerroyer 
contre  l'Egllfe  en  bonne  intention.  Et  ne  trouvez  pas 
eftrangc  que  celle  marcluiidilt  vienne  de  Rommc? 


CHAPITRE    y.  23 

les  ferres  donc  il  eft  armé.  Force  gens  de  bien 
ft  sdyifez  ont  dilcouru  ces  jours  fur  Timprudence 
qui  paroift  en  Tirnudon  d'un  Prince  qui  ne  fçauroic 
fi  peu  regarder  vers  la  France,  mais  la  France  avec 
les  avantages  que  la  perfecudon  luy  donneroic,  qu'il 
n'y  fift  une  brefche  irréparable  à  jamais.  D'ûlleuit 
ce  grand  Q>rps  des  Eftacs  e%al  aux  plus  grands,  aux 
forces  de  la  terre,  &  ikns  compagnon  en  celles  de 
la  meryce  Corps  (di  je)  qui  n'a  encor  monftré  nulle 
baflèflè,  ni  ingradcude  envers  les  Cens,  efpoufera 
£ms  doubte  la  caufè  de  fon  chef  de  guerre  bien 
aymé.  Après  que  nous  avons  aflez  adiniré  l'audace 
ft  l'imprudence  de  ce  fi^e  prétendu,  il  vient  une 
voix  qui  dit  :  Ne  trouvêj  point  cela  tant  eftrange, 
c^eft  que  les  affaires  de  la  Chreflienté  font  en  unpoinâl 
qxiainfi  comme  ainfi^  il  faut  rompre  avec  les  Eftats* 
Dieu  vous  preferve,  Meffieurs,  que  à  cefte  rupture 
vos  Papiftes  n'emportent  quelque  pièce  avec  eux. 

Et  rAllemagne  eft  fi  empefchee  qu'ils  n'auroyent 
pas  loifir  de  m'efcouter  ;  auffi  n'ay  je  rien  à  dire  de 
ce  codé  là,  mais  ouy  bien  à  la  troupe  dormante  des 
Suifies  Reformés  que  [je]  ne  veux  point  convier  à 
courir  au  mal  d'autruy,  mais  bien  à  s'efveiller  pour 
celuy  qui  les  approche,  Ils  fçavent  mieux  que  moy 
ce  que  leur  importe  le  fait  de  la  Yaltdine,  quelle 
fureur  ils  ont  veuë  à  leurs  voifins,  quelle  afflidion 
en  leurs  frères,  quelles  defloyautez  en  ceux  qui  con- 
joints par  ligue  &  par  nadon  font  disjoinds  par 
religion,  &  par  une  religion  qui  met  tous  les  fer- 
ments au  vent.  Ils  auront  fçeu  auiC  que  le  Pape 
qui  cy-devant  a  partagé  les  mers  de  l'Occident,  fait 
maintenant  le  partage  entre  les  Roys  de  France 
ft  d'Efpagne,  le  DucdeSavoye  &les  Cantons  Papilles, 
de  tout  ce  qui  voifine  la  France,  &  que  le  Pape  met 


«4      T&AITTK    SDK    LIS   CUBK&BS    CIVIIBS. 

«q  interdiâ.  Vous  en  avez  Ici  premier*  aclvis&T9ui 
Kitcx  biea  coft  Ici  commcncemenn.  J'ay  un  pegc 
CtKiipœ  à  vouB  faire  duquel  je  vous  prie  me  pv— 
neicre  U  privaut^. 

Un  Jour  MonTieur  de  ViUero^  donnant  4  difiier  k 
trài  ou  quatre  de  fes  amis,  fur  le  &uiâ  (coBune  fi 
le  bon  via  euâ  efchauSë  les  privautés)  quelqu'un 
luy  demanda  :  Monfieur^  il  fûul  qitë  voiu  Joyi  U 
pHu  grtmd  trompeur  du  itumd*,  puifyu»  c'efi  vous 
qui  maniei  taiu  <f  affairas  ta  h  France,  &  celUe  d$ 
Uut  Ut  wfiiu.  De  gractj  ditet  aout  qui  efi-ce  df 
tous  noj  eftnutgeri  que  vous  trompei  avec  pimt  df 
difficulté?  hvty  apréi  avoir  monllré  par  un  ris  que 
la  francbife  ne  luy  defplaifoit  point,  mit  en  peine  la 
compi^nie  derefpoodre  à  la  queftion.  Enfin  comme 
l'un  attribuoit  les  meilleures  cauiionf  aux  Italiens,  un 


CHAPIT&B    T«  ^5 

mit  les  propos  de  oefie  compagnie,  fur  lelqiièls  |e 
pms  la  Jiaidieflè  de  dire  auzSoiflès,  que  s'ils  n'ont 
pas  obcenndei  Roys  ce  qu'ib  ont  accouftumé,  qu'ils 
s^en  preneot  au  dungpBienc  de  leurs  manières 
iL  fefidudoas,  non  pas  que  j'eftime  qu'ils  ayent  etH 
YOjré  en  la  Cour,  pour  y  apprendre  leors  affiûresi 
mais  on  leur  a  drefTé  cefte  efcole  chez  eux  par  les 
dhrers  Ambaflàdeiuv,  qui  ont  gagné  plus  d'autorité 
que  de  couftume,  quand  ils  en  devroyenc  avoir  moins, 
agiflaiirt  de  nutuYaife  fby .  Les  anciens  Suifles  n'euflênt 
point  Ibufiert  les  yiUo^neries  qui  ont  mis  en  fàng 
UValceline  ft  le  pays  en  defcdadon;  il  faut  que 
quelques  udlitex  pardculierc;|i  ayenc  £ût  fupporter 
qu'en  malcraittant  les  Grifons  ils  ayent  demandé 
congé  de  bien  faire  aux  pedcs  Cantons.  Advifez, 
Suiflès  autrefois  redoutez,  où  vous  mené  cefte  fer- 
vitude  &  combien  vous  devez  desferer  à  des  gens 
qui  fe  monftrent  par  leurs  deportements  plus  toft 
AmbaiTadeurs  du  Pape  que  du  Roy;  préparez  vous 
aux  diftinâions  de  la  France  :  ces  difÛnâions,  fi  les 
prefents  particuliers  opèrent,  feront  auflî  bien  qu'à 
vos  voifins  des  exftindions. 

J'ay  peu  à  dire  aux  Venidens  pour  ce  qu'ils  fe 
rendent  différents  en  caufe  de  religion  &  doivent 
eftre  les  derniers  attaquez,  mais  les  querelles  des 
Republiques  porteront  fur  eux  feuls  les  divers  far- 
deaux qui  nous  aiu'ont  accablez. 

J'achève  par  les  Genevois,  qui  comme  les  pre- 
miers en  rhonneur  d'avoir  femé  l'Evangile  chez 
leurs  voifins,  font  auifi  les  premiers  en  haine  &  fur 
lefquels  on  doit  defployer  le  plus  d'inhumanitez. 
Dieu  leur  a  fait  prefent  de  vigilance  &  de  courage 
abondamment,  mais  c'eft  à  cefte  fois  qu'en  luy  de- 
mandant leur  pain  quotidien,  ils  doivent  compren- 


»6      TR.AITTÉ    SUR    LES    CVB&RBS    CIVILES. 

dre  en  cefte  requefie  k  charité  &  unioa  de  leurs 
voifîns,  leur  paix  du  dedans,  de  bons  chefs,  de  bons 
foldats,  prévoyance,  pourvoyance,  fidélité  à  foy- 
mefme,  labeur  lans  fe  lalTer,  &  celle  refoludoD  de 
mourir  de  bonne  grâce,  par  laquelle  la  vie  demeure 
en  fon  entier. 


oicr  donc  le  temps  arrivé,  où 
les  nifes  de  l'Ante-  Chrift  fc  deC- 
ployent  en  fureurs.  Ce  lion  ru- 
giflanc  ou  pldlofl  ce  faux  loup 
nous  a  fait  fauter  au  colec  contre 
toute  apparence  de  droit.  Cent  de 
nos  places  de  leureté  font  prifes, 
en  partie  pour  ce  que  les  Gouverneurs  les  ont  ven- 
dues, &  en  partie  pour  n'avoir  pas  eu  le  loifir  de 
penfer  avoir  pour  etinemis  mortels  ceux  que  nous 
devions  eftîmer  percs  &  frères.  Il  n'y  avoit  pas 
apparence  que  l'Eflat  confervé  par  nous  deuft  s'em- 
ployer ^  noftre  perdition.  On  n'obferve  peu  ou 
point  de  différence  entre  ceux  qui  lèvent  les  mains 
au  devant  des  coups  ou  ceux  qui  ont  le  ventre  à 
terre  pour  élire  battus  à  la  Turquefque.  Il  n'y  « 
différence  de  ruine  entre  ceux  qu'on  a  fait  voler  à 
l'effort  ou  ceux  que  l'on  tient  en  mue,  finon  que  ces 
derniers  efpereni  l'avantage  d'Uliffe,  qui  ell  d'eftre 
mangez  les  derniers.  Je  ne  marqueray  plus  fmon  que 
l'on  s'attache  plus  rudement  i,  ceux  qui  ont  edé  les 
fidèles  inftruments  d'Henry  le  Grand  ;  marquez  fuT- 
louc  que  le  Bearn,  Nerac,  Monuuban,  Bergerac, 


as       T&AITTt  CUR   I,IS    OUBaftBS   CtVIIli, 

Saine  Jean  d'Angeli  &  la  Rocbelle  font  Hz  villes  où 
ce  grand  Prince  a  mis  à  couvert  fa  jeunefle  perfeco- 
tee  :  ces  villes  ne  lui  ont  pas  feulement  ouvert  leurs 
portes,  mais  leur  fein  pouKl.'efchauffer  &  garder, 
mais  leurs  bourfes  &  leur  pain  abondamment.  Ceft 
en  elles  que  aux  accidents  de  maladie  ou  de  blefliire, 
auxquels  ce  Roy  eflott  fubjeft,  prenoyent  &  la  minuit 
leurs  Miniftres,  meooyent  femmes  &  enfants  dedans 
les  temples,  les  faifoyent  refonner  de  cris  à  Dieu 
aux  adverfitez  de  leur  Chef  bicn-aimé  ou  d' exulta^ 
rions  en  fa  prDfpericé.  Ce  font  ces  villes  defqueUes 
{dus  violemment  on  jure,  on  pratique  l'entière 
deftruftion.  Henry  le  Grand  &  fou  Pwty  en 
avoyenc  eflevé  quelques  unes  de  bourgs  en  villes 
&  citez  \  de  villes  on  en  fait  des  bourgs  ft  afin  qu'il 
t  rien  de  Turquefque  oublié,  on  en  chingc  les 


CHAPtTB.1    TI.  39 

or  ùàiat  qu'il  [y]  en  a  de  deux  lôrtet,  l'une  i  la  perfe- 
cuDOD  des  mifeniblet,  l'autre  au  mainden  des  affll^  : 
k  U  première  que  vous  voyez  efcbautEér  aujour- 
d'huy  les  Princes,  Setgtieurs,  Gendlshommes  &  fol- 
dacs  qui  lous  ont  efté  comp^nons  ou  dilciplcs  de  vos 
pères  vermeux  &  encor  de  quelques  ims  de  Toac,leiai 
(latliaritei,  leurs  careffes,  leurs  cmbrafliidet  Ae 
fiot  plus  que  pour  joiier  du  poignard.  Vous  les 
rofm  braver  &  baver  d'inveâivet,  de  mefpiit 
ft  d'aorotions  à  l'envi,  pourchallêr  bouk  humuiiif 
d'coire  le*  Françmt,  ils  exaltent  leurs  violences  :  les 
plus  grands  les  font  ibniier  i  Romme,  les  autres  ea 
ù  Cour  ou  en  leur  pays.  Qu'ils  r^udent  bien  la 
louange  qu'Us  pratiquent,  car  quand  ils  auroyent 
exterminé  &  chaflï  de  France  le  dernier  de  nous, 
ils  ne  fe  peuvent  vanter  linon  que  mille  ont  cité 
yiâorieuz  fur  un.  Voila  une  violence  de  populace 
&  du  milieu  de  laquelle  un  foldat  courageux  fe  red- 
reroit  avec  honte  &.  horreur,  voila  cefle  violence 
que  je  maintiens  ne  fentir  rien  le  Chevalier,  mais 
entièrement  le  bourreau. 

Mais  l'efpee  du  Chevalier  efi  ceinte  pour  la  def- 
Fence  des  pcrfonnes  outragées,  du  pauvre,  de  la 
vefve  &  de  l'orMiti,  pour  retirer  l'accablé  quand  là 
venu  eft  offufquee  par  une  foule  de  poltrons  : 
ft  encore  celte  vertu  de  Chevalerie  a  Ton  emptoy 
contre  les  bedes  farouches,  les  monftres  effroyablû 
ft  l'injuliice  des  tyrans.  Voila  cefle  féconde  forte  de 
violence  ï  laquelle  la  bouche  de  Dieu  a  promis  le 
Royaume  desCieux;  c'ell  avec  eux  que  David  s'ef- 
gaye  en  les  reveillant  ainfî  : 

Oqitt  tr  quand  il  Sion  fonira 
Pour  Ifriûlfteourt  tBfafouffranet, 


30      TB.AITTÉ    SUR    LES    COBRRES   CIVILES. 

Quand  Dieu  mtttrafon  peuple  en  délivrance, 
Dtjoye  eâoiu  If  nul  jouyra, 

Je  ne  veux  poini  fpecifier  les  vengeances  que 
Dieu  excecuters  par  les  mains  de  fes  eofints,  comme 
elles  font  defpeinâes  en  cermes  exprés  auxPfeaumet 
53,  £8,  109  &  149,  &  autres.  Je  les  lailTe  chancer 
aux  Jefuites  en  leurs  prières  de  quarante  heure* 
&  aux  infolentes  cérémonies  de  leurs  feux  de  joye. 
Nous  convions  les  gendarmes  d'Ifrael  à  en  prendre 
la  modetlie  &  non  l'excès. 

L'Ordonnance  de  Dieu  nous  appelle  à  deux  fortes 
d'armes,  premièrement  aux  fpirituElles.  Armez-vous 
de  toutes  pièces  comme  les  defcrit  Saint  Paul, 
[  temporelles  que  voUre  iullice, 


CHAPITB.X    YI.  31 


leur  multitude  pour  s'enorgueillir  au  bras  de  la 
chair,  autant  de  fois  ils  ont  efté  vainquus;  mais 
suffi  ne  dites  pas  comme  Elie  :  //  n*y  a  que  moy 
qui  liayê  JUchi  h  genotûl  devant  BaaL  Dieu  com- 
mence à  vous  en  monftrer  plus  de  (èpt  mille.  Vous 
{ères  aflêz  forts  s'il  fe  met  à  voftre  teflbe  ou  s'il  prend 
place  de  bataille  en  la  bande  qui  le  fouftient,  mais 
Q  veut  la  diligence,  il  bénit  les  mains  de  ceux  qui 
jouiilènt  des  commodités  de  cefte  vie  uns  en  abîmer 
ft  uns  s'y  plonger,  qui  boivent  au  ruifleau  courant 
uns  fe  veautrer.  Ce  fut  l'efpreuve  des  trois  cents 
de  Gedeon,  quand  Madian  fe  desfit  foy  melines, 
comme  encores  il  fe  desfera,  &  voftre  Chef  paffera  le 
premier  au  travers  du  torrent,  rompra  le  fil  de  l'eau 
&  des  tempeftes  pour  vous. 

De  Peau  courante  à  grand  hafte  il  hoira^ 
Par  ce  moyen  ayant  vi&oire  plaine j 
La  tefie  haut  tout  joyzux  lèvera. 

Ne  daignez  regarder  ni  conter  les  Grands  qui 
vous  abandonnent.  Vos  Princes  &  eux,  faits  efclaves 
par  les  mafTacres,  arboroyent  les  faveurs  de  leurs 
maitreflfes  &  leurs  hontes  aux  fieges  de  vos  citez.  La 
multitude  des  révoltez  nous  apporte  plus  de  pitié  que 
d'effroy,  mais  vous  n'avez  rien  perdu,  car  ils  n  ef- 
toyent  point  de  nous.  Il  n  eft  point  nouveau  de  voir 
ceux  que  Dieu  a  eflevez  par  les  armes  chreftienes 
fouler  en  la  boiie  Thonneur  qu'ils  ont  gagné, 
&  avoUer  pour  brigandages  les  adions  qui  les  ont 
honorez.  Si  vous  cerchez  des  chefs,  vous  trouverez 
encore  des  Langorans,  des  Mombruns  &  Defdi- 
guieres,  &  au  défaut  d'eux  des  Luzeaux,  des  Vivans, 
des  Campets,  des  Merles,  des  Gremians,  Boulliarges, 


33       TS.AITTÉ    SUS.    LSS    GVBK&BS  CITII.BS. 

GéoSres  &  Vovinjt  ft  de  pliu  petits  encore,  de  qni 
les  mains  feroac  mex  fortes  pour  relever  l'en&igne 
d'Israël  qiund  celle  de  Dieu  les  rclcTera.  11  vtms 
donne  encore  des  plus  grands  de  k  France  qui  & 
preTencent  à  leur  debvotr,  &  t^ra&i  toiimi  régime 
au  Diable  &  aux  o&es  des  grandeurs,  parent  l'efto- 
niac  aiui  coups  &  à  une  deûr^e  mort.  Toiuec 
chofes  vous  abonderont,  quand  vos  péchés  n'e&o- 
gneronc  plus  la  ùce  de  Celuy  qui  a  les  viâuirca  ea 
fil  main, 


DU  DEBVOIR  MUTUEL 
DES   ROYS 

ET     DES    SUBJECTS 


Jjprt. 


1.  Mm.1 


t.  VI,  f 


DU    DEBVOIR    MUTUEL 
DES  ROYS 

ET    DES    SUBJECTS 


Cha 


ITRE    I. 


eflieurs,  VOUS  m'avez  envoyé  quel- 
ques thefes  qui  courent  par 
'uftre  Guyenne,  &  on  nous  a  fait 
voir  les  meCnes  chofes  ou  appro- 
chantes de  divers  endroifts  de  la 
France.  Telles  queftions  renou- 
velées parplufieursfortesd'efprits 
meriieroyent  d'ellre  renvoyées  au  tens  commua  &  à 
la  confcience  où  il  s'en  crouve,  ou  bien  à  pluTieurs 
doâes  efcrïts  fur  cefte  madère,  entre  lefquels  je 
remarque  un  livre  indculé  la  France  Gaule  d'Hot- 
coman,  un  autre  qui  a  pour  titre  Deffence  contre 
Ut  Tyrans  que  nous  avons  longtemps  attribué  au 
meljne  autheur,  &  depuis  appris  d'un  Seigneur  qua- 
lifié entre  les  Eglifes  reformées  &  recommandable  par 


^6     CBBTOIK  OBS   &OT)   ET  DBS  SDBJSCTS. 

plufieurs  livret  de  iâ  façon,  que  cefhiy-li  eftoit  {ord 
de  fa  main.  Ilferoit  encorei  à  renvoyer  k  la  Senind* 
voloruaire  de  la  Boëûe  &  plufieurs  aucret  doâea 
&.  libres  difcours,  de  ceux  qui  en  France  font  demourez 
françois,  que  le  gaing,  la  fiacceric,  la  beftilê  ou  l'ex- 
trême pauvreté  n'ont  pas  rendu  marchands  &  profti- 
tueurs  de  ce  que  nature  leur  avoir  donné.  Or  puis- 
que le  Diable  ne  fe  laffe  point  de  repeter  fes 
impodures,  il  ne  faut  pas  qu'il  nous  trouve  haraflez, 
mais  prefts  à  le  convaincre  de  menfonge,  comme 
nous  ferons  en  marchant  fur  les  pas  des  premiers. 
Voicy  ce  que  vous  avez  mis  en  queftion  : 

Si  les  traitiez,  contrats  &  conventions  entre  le 
Prince  &  fes  fubjefts  font  obligatoires  de  la  part  du 


CHAPITRB    I. 


37 


il  en  faut  prendre  Tordre  ailleurs  qu'en  elles  mêmes, 
car  elles  fe  fencenc  de  la  confufion  des  âmes  de  leur 
autheurs,  ft  comme  à  pièces  auxquelles  en  quelque 
manière  on  peut  ûitisfaire  conjointement  &  en  autre 
elgard  feparement.  Nous  ferons  la  première  diftinc- 
cion  félon  trois  fortes  de  perfonnes  qui  nous  obligent 
à  parler  à  eux,  ayant  à  payer  de  diverfes  monnoyes 
ceux  qui  propofent  ces  thezes  :  conmie  adverfaires 
&  du  dehors,  ceux  qui  comme  (impies  cerchent 
inftrudion,  ou  les  hypocrites  qui  en  font  femblant. 


Chapitrb    II. 


il  ux  premiers  qui  ne  peuvent  fouf- 

'    frir    noftre    repos,   eeluy   de    la 

France ,  ni  le  leur  meûnes,  nous 

pouvons  fermer    U    bouche  '  par 

s  lefmoins,  qui  eft  félon  Ce- 

drenus   Xafinpà   vien,    &.   de   plus 


CHAPITRE    II. 


39 


pied  par  le  Prince  ne  liberoyenc  pas  de  ferment  tout 
ceux  qui  en  avoyenc  envers  luy;  &  là  defliis  les 
Doâeurs  ayant  efpluché  les  cérémonies  des  jurements 
faiâs  à  Blois,  déclarèrent  la  fby  publique  violée,  le 
Roy  indigne  du  Royaume,  enfuite  de  la  vie  &  enfin 
du  fidut.  Tel  jugement  a  efté  enchéri  par  le  confdl 
de  Aquaviva  &  de  fes  ailiftants  avec  Fadvis  de  ce 
qu'ils  appelent  la  Gmgr^adon,  &  de  plus,  toutes  ces 
choies  confirmées  &  mifes  au  G)nfiftoire,  les  ana- 
thèmes,  excommunications,  fulminations  données, 
publiées  ft  rengr^ees  contre  le  violateur  de  la  fioy  : 
ce  que  un  tel  Siège,  qui  à  tout  ce  que  l'on  dit  ne 
peut  errer,  ne  devoit  ainfi  nommer,  s'il  n'y  avoit 
point  de  foy  obligatoire  entre  le  Roy  &  fes  fubjets. 
Si  l'ezceflif  defir  de  {atisfaire,  ou  convaincre  les 
adverfaires,  nous  faifoit  franchir  les  barrières  de 
Tamour  &  refpeét  de  nos  Rois  conune  ils  ont  fait, 
nous  leur  monflrerions  par  le  menu  conunent  la 
vengeance  de  cefte  foy  violée  les  a  pouffez  à  remettre 
en  lumière  le  livre  de  la  Boëcie  touchant  la  Servitude 
volontaire  y  à  cercher  les  lov^Deprœmiis  tirannicidarum^ 
&  qui  eft  horrible,  furcout  nous  monflrerions  com- 
ment ils  ont  recommandé  d'apotheofe  leurs  affailins 
canonisés. 

C*eft  ce  que  nous  pouvons  rcfpondre  à  ceux  qui 
nous  querelenc  comme  le  loup  l'aigneau  buvant  au 
deifoubs  de  luy,  n'entreprenant  pas  d*arrefler  le 
vain  babil  par  nos  raifons  &  d'elles  faouler  ceux  qui 
ne  font  point  de  noflre  fang. 


^^M 


w 


Chapitre  III. 


la  feconiie  îone  de  gens  qui  meu-  ' 
vent  telles  qudiions,  bien  qu'ils 
foyent  de  rare  ftupidité,  on  doibi 
principalement  &  plus  expreiTe- 
mcnt  refpondre;  leur  miiere  te 
requiert  &  la  matière  exige  trois 


CHAPITB.B    III.  4^ 

Hebiieuz  &  Grecs,  le^  meûnes  termes  font  employés 
en  Tune  &  Fautre  langue  au  meûne  livre  ipteam 
chapitre),  fur  la  belle  juftice  que  rendoyent  les  enfants 
d'Ely  au  peuple,  nommant  leur  rapine  &  non  pas 
leur  droit  de  SBI^Ç  &  èuudm^y  où  il  fe  voit  la  jufle 
punition  de  Dieu  qui  euft  efté  injufte  û  c'euft  efté 
leur  droit.  Nous  fortifions  cefte  expoûdon  par  le 
chap.  7*  d'Ezechiel,  verfet  a/*,  oà  il  eft  dit  :  Jr  iisi 
tratêray  félon  leur  train  &  les  jugeray  félon  qiiûs 
auroni  dêffervi  DQÇI^y  DH^QBlf^D?.  l  latine  Vul- 
gaite  màmCt  fecundMim  fudida  eorum  juàicabo  [eùs\. 
J'ai  encor  melmes  paflages  au  5*  d'Ez^hiel  &  au  pre- 
mier des  Rois,  qui  peuvent  corriger  les  mauvais 
traduôeurs  quand  ils  ont  pris  rinjuile  pour  le  jufle 
&  mis  l'ennemi  de  juftice  en  la  place  du  droift.  Et 
certes  ce  n'eft  point  blafphemer  de  la  juilicedeDieu 
à  demi  de  l'avoir  voulu  faire  autheur  &  garant  des 
violateurs  qui  raviflent  les  filles  &  les  femmes  au 
fein  des  pères  &  des  maris. 

Tant  s'en  faut  que  les  peuples  foyent  obligez  à 
foufirir  telles  chofes  qu'ils  le  font  à  les  empefcher, 
à  reprimer  les  Roys  en  leur  malverfacions  ;  c'eft  de 
quoy  vous  verrez  une  recerche  excellente  en  noftre 
Junius  Brunis;  nous  vous  renvoyons  à  luy  pluftoft 
que  de  tranfcrire  les  diverfes  façons  par  lefquelles 
Dieu  s'eft  pris  aux  peuples  de  quoy  ils  n'avoyent  pas 
arrefté  les  fureurs  de  leurs  Princes  &  Tyrans,  les 
peuples,  di  je,  punis  d'avoir  foufiert  tels  excès.  Or 
Dieu  qui  eft  jufte  n'auroit  pas  exigé  de  fon  peuple 
l'injufte  &  l'impoflible,  ni  puni  la  fouffrance  ou 
l'obeiflTance  qui  auroit  efté  de  fon  exprés  comman- 
dement, mais  au  contraire  voyez  quelle  authorité  a 
le  confentement  des  peuples  fur  les  Rois. 

Quelcun   a  elcrit  que  tous  les  excès  portés  par 


4a      DEBVOIX.    DKS    kOTS    KT   DSS   SDBJ8CTI. 

Samiiel,  lorfque  avec  menaces  &  non  promefles  il 
edabliflbii  la  Monarchie  fur  Ifraël,  au  lieu  d'e(fa« 
des  ezcecracions  &  marques  de  fon  r^ec,  efloyeni 
des  fermes  defcripdons  &  articles  declaratoircs  du 
droit  des  Rois,  &  qu'autrement,  au  lieu  de.  Rois,  il 
les  euft  appelez  Tirans.  Ceftuylà  ne  fçavoti  pai  que 
les  Rois  entre  les  Grecs  n'avoyent  autre  nom  que 
deTiruis,  jufquesâ  cequerufage&  non  le  vocable 
ait  mis  dillinfhon  entre  la  Tirannie  &  la  Royauté. 
Samuel  defcrivani  foubz  le  Roy  le  Tiran  a  voulu 
monftrer  combien  l'efprii  de  Dieu  avoit  à  contre- 
cœur le  deTir  d'Ifraël,  &  à  toutes  les  nations  &  quelles 
marques  elles  cognuiftront  celuy  qui  règne  en  l'ire 
de  Dieu. 

Cependant  bien  prés  de  l'tnltiiution,  nous  avons 
les  exemples  du  mal  &  des  remèdes;  nous  trouvons 


CHAPITRB    III.  43 

* 

mes  mains j  fi  fay  mesfait  à  celuy  qui  avait  paix 
avec  moy^  voire  fi  je  iCay  délivré  celuy  qui  me  mth' 
leftoit  fans  caufe^  que  l'ennemi  pourfuive  mon  ame^ 
foule  ma  vie  en  terre  &  qu'il  mette  ma  gloire  à  la 
poudre^  &  puis  voyez  les  autres  hardiefles  de  David 
en  ce  Pfeaume.  y. 

Ceux  qui  mettent  en  queftion  s'il  n'y  a  aucun 
refuge  jufte  envers  le  Prince  &  aucune  deffence  jufte 
du  jufte  refus,  ceux  là  font  le  procès  à  David  qui 
après  avoir  refufè  fa  vie,  couru  aux  prières  &  au 
fecours  qu'il  demande  à  Dieu  contre  fon  ennemi 
(car  ce  font  les  termes)  vient  aux  fuites,  aux  cachettes 
&  aux  cavernes,  qui  plus  eft,  fe  retire  au  camp 
d' Achis ,  ennemi  d'Ifraël ,  met  en  befogne  les  gens 
de  guerre  mal  contents,  mal  vivants,  &  après  les 
avoir  armez  ufe  de  furprife  contre  fon  Roy,  luy 
prend  les  meubles  de  fa  chambre  pour  monftrer  ce 
qu'il  pouvoit,  fe  rendant  puiffant  contre  la  perfonne 
du  Prince. 

Nous  n'avons  pas  faute  de  gens  qui  veulent  faire 
parler  nos  Rois  de  France  en  IIpacoAi»  &  Duc  de 
Mofcovie  qui  s' appelé  maiftre  des  efclaves.  Ceux- 
là,  après  avoir  condamné  David,  n'approuvent  point 
le  refus  de  Naboth  pour  fon  héritage ,  mais  prenant 
les  termes  de  Samiiel  foubmettroyent  &  eux  &  leurs 
enfants  aux  chofes  horribles  &  vilaines,  comme  il  eft 
dit  des  filles  &  garçons  &  dementiroyent  l'Efcriture 
en  la  fentence  qu'elle  prononce  contre  Achab  fur  le 
fait  de  Naboth.  Si  on  nous  reproche  que  nous  n'avons 
pas  ufè  des  patiences  de  David,  nous  renvoyons 
ceux  qui  en  veulent  doubter  aux  véritables  Hiftoires 
où  ils  apprendront  comment  nous  avons  emprunté 
fa  harpe  &  fes  Pfeaumes,  cuidants  tempérer  la  démo- 
niaque fureur  de  nos  Princes  meurtriers  (nous  les 


44      DEBVOIR    DBS    ROTS    ET    DBS    SUBJBCTS. 


pouvons  appeler  ùnfi)  pour  ce  que  le  Roy  iîUt  ce 
qu'il  n'cmpeicbe  pu  i  fdre,  &  ne  puoiâ  pu  eftanc 
flic,  &  encor  nos  Rois  (foie  dii  avec  honte)  ont  gtb- 
boyé  des  feneflres  du  Louvre  fur  des  corpc  demi 
morts. 

Comme  David,  nous  avons  {iii  aux  Royaumes 
eftrangers  &  melmes  ouae  les  mers  :  comme  luy, 
nous  avons  caché  nos  vies  dans  les  cavemes  &  fo- 
rells,  &  U  prefeDté  nos  coeurs  &  nos  requeftes  i 
Dieu  pour  luy,  &  puis  pour  nous.  Si  comme  luy, 
nous  avons  munt  d'armes  noftre  innocence,  comme 
luy,  nous  les  avons  mifes  bas  auianc  de  fois  que 
le  Prince  a  fait  femblant  de  pofer  fi>n  courroux  : 
nous  avons  baifê  la  main  affligeante  de  nos  Rois  au- 
tant de  fois  qu'ils  l'ont  àree  du  ganœlet  &  tendue 
en  figne  de  paiit.  ft  puis  aun  viftoires  que  Dieu  nous  a 


CHAriTS.1     III.  ^ 

n'avcMT  mil  les  miiiu  aa  devant  dea  coups  que  fur 
le  fang  de  dix  mille  mardrs  &  de  trente  mille  mtf- 
fitcrcz,  ce  qui  De  puoiflbîi  pu  en  la  julUce  de 
David. 

Or  avant  fordr  du  palais  de  la  conlcieiice,  )e  levé 
U  mam  i  Dieu,  que  nonobfUni  ces  chofes ,  je  den 
l'eftat  de  la  Royaûé  le  plus  h(»iorabIe  ft  excellent 
de  cous,  quand  elle  cft  appuyée  des  correâi&  qui 
l'empefbhent  de  tomber  en  U  Tirannie  :  car  le* 
melmes  accidents  peuvent  arriver  aux  autres  Gou- 
Tememencs,  félon  que  Dieu  les  bénit  ou  "■■"^'' 
Et  pourtant  tout  ce  que  l'homme  manie  eAant  ful>- 
jeâ  à  dégénérer,  nous  tenons  l'Eftat  où  chacun  ft 
trouve  pour  le  plus  defirable  en  pnftiquanc  ce  que 
dit  Gutcdardin,  qui  cil  de  le  rappeler  Ibuvent  &  fa 
première  inHîtutioa. 


Chapitrs   IV. 


]  oiLA  quelques  mirques  de  ooUre 
jullice  en  ce  que  nous  difte  la 
pièce.  Il  faut  voir  finoftredroinire 
n'eft  point  encore  deifenduë  par 
les  ancienes  Toys,  &  ce  qui  s'appele 
droid  efcrit,  obfervé  par  toutes 


CHAPITRE    IT.  47 

dciers,  Admirables  à  leur  polterité,  qui  rrays  Princes 
OUI  eftimé  debvoir  eftre  proteâeurs  des  loix,  aoD 
deftruâeurs,  &  mieux  ûmé  les  doux  liens  de  U 
juftice  que  les  ctiaiues  d'injuiUce.  C'ell  de  ces  âmes 
efpurees  que  font  fornes  plufieurs  ordoniunces  qui 
panoui  onc  pris  auchorité;  cciu-U  onc  reûllé  aui 
flaceurs,  £iui  jurifconiiilies,  &  ont  tenu  à  dommage 
ce  que  lis  vouloyenc  établir  à  leur  prqfit.  A  la  ve~ 
riié  il  s'en  eft  trouvé  quelques-uns  confiderables  qui 
ont  exempté  les  Roys  des  loix  politiques,  comme 
te&uogne  la  loy  Pn'iutps  &  autres  femblables ,  mais 
nulles  maximes  &  refôludon  des  Doâeurs  n'ont 
exempté  nos  Princes  naturels  des  loys  de  nature  qui 
les  avoyent  fait  Princes  :  au  contraire  ils  les  onc 
prononcées  y  eflre  fubjeâz  &  obligez. 

Voila  pourquoy  l'obfervadon  des  contrats  &  con- 
ventions citant  du  droiâ  de  nature  (Z..  i,  in  prin- 
cipio,\i.  De  ConjJirutùmibus  Principum,  &  à  la  loy  i. 
De  Paûis),lE&  meCnes  Dofleurs  en  viennent  là  tous 
d'un  confentemeni que  Princeps  un'iur  in  contraitibus 
jure  communij  Ù-  confideratur  ut  privatus ,  ita  al 
uneatur  objtnartj  tjuia  obligatur  de  jure  naturaîi 
propier  confen/um.  Baldus  fur  la  loy  i,  De  Confli- 
tuiionibus  Principam,  Se  autres  Doâeurs  expliquent 
en  ce  fens  la  loy,  qui  eil  en  ces  termes  :  Digmi  vox 
efi  majeftale  regnann'i,  legibus  alligatumfe  principem 
profittri  :  adeo  de  auéloritate  juris  nojlra  pendfl 
authoritas,  &  rêvera  majits  eft  imperio  fubmiltere  legi- 
but  prindpaium;  Zazius  au  confeil  lo,  n.  4  [vol.  3J; 
Gaillius,  [Lib.]  u.  Objer.  lv,  2,  7;  Vafquius,  doBeur 
efp^nol,  Lib.  I,  Quafi.  iHuJi.,  cap.  3,  &  Jaibn, 
Lib.  I.  Conjil.  3,  II.  Decius  au  conTeil  151, die: 
Principem  adeo  obligari  ex  fuo  coniraéia  ut  nec  ple- 
aiiudo  poteflatii,  (que  d'aucres  appellent  pleniiadi- 


48      DBBVOia   DES    ftors    BT    OIS    SUBJBCTS. 

Mm  tempefiatis)  aut  alla  argeits  claufida  tum 
exirnat;  &  ainfi  il  n'y  ^  daufe  fi  exprefle,  qui  puiflè 
exempter  le  Prince  de  ce  qu'il  a  conirafÛ.  En  voici 
une  raifon  bien  rude,  c'eft  que  la  puilfance  du 
Prince  procède  de  celle  du  peuple  par  lequel  il  e(t 
Prince.  Sur  quoy  dileni  les  maifb^  :  Nom  poluit  po- 
pidus  plus  juris  daiê  principi  in  populiun  quant  ipji 
kabeatj  nunquam  auitm  lieuù  populo  Jus  naturaU 
aut  gentiuoi  violare;  jura  enim  natura  funt  attnui} 
ptrpetua  <T  immuiabilia.  C'cH  que  le  Prince  n'ayant 
droiA  que  celuy  que  le  peuple  luy  a  donné,  le 
peuple  n'a  peu  transférer  «  qu'il  n'avoit  pu,  k 
Içavoir  k  puiflance  de  violer  le  droit  des  gens,  ou 
ceux  de  nature  qui  font  perpétuels,  immuables 
&  qu'ils  appelent  étemels.  Ceux  qui  ont  amené  pour 
fuite  la  dLltJnftion  de  puilïance  en  abfoluê  &  ordi- 


CHAPITRE     IV.  4P 

Prince  fupplee  les  défauts  &  fubcUiiez  de  droit 
&  les  fonde  en  équité  [Legt  Omniuirij  ip,  Cod.  De 
Tefiameoris). 

Sueione  en  U  vie  d'Augufte  raporce  (cap.  4a), 
populo  congiariwn  repofeenti  Augufium  refpondifft 
f  ft  bontr  Jidei  ejfe  > .  Audi  les  Ordonnances  meftnea 
des  Empereurs  ont  bien  fceu  dire  qaeptrfidite  neque 
perjurii  Princept  author  efl  (Cod.  Si  adverfus  ven- 
didonem)  ;  —  principali  aathoritate  cireumfcribi  nt— 
itmtmoporitt  (Lege  ijCod.  De  iiis  qui  veniam);  — 
({Lêge]  6,  Cod,  Unde  vi)j  toutes  loys  générales, 
ftqui  déterminent  &  bornent  la  pulflance  des  Princes 
&  leur  defiendent  de  ravir  à  autruy  pour  gratifier 
un  autre  jufqu'à  fiium  ex  coniradla  (vide  Gaillium) 
«am  bénéficia  pn'ncipis  nemini  debeni  ejfe  captiofa 
(Paulus  notât  £.  8,  FI,  De  prietoriis  itipulationibus). 

Voire  mefmes  les  Princes  en  leurs  loys  authori- 
fent  en  quelque  façon  la  rébellion  contre  leurs 
Edifts,  comme  quand  leurs  Ordonnances  contienent 
quelque  ottroy  ou  difpofiiion  contraire  au  droid 
&  à  î'equité.  Sur  ce  fubjeft  plufieurs  loys  entr' au- 
tres la  loy  Qaotierts  refcn'plo  (Cod,  De  precîbus 
[Imperatori]  offerendis;  —  Lege  ,^,  Cod.  Si  contra  jus 
vel  utilicatem  publicam;  — Lege  ^,  Cod.  De  eman- 
cipatLonibus  liberorum;  — Lege  x  &  uliima,  FI,  De 
naialibus  reftituendis  ;  —  Lege  Jubemus  nuUam, 
Cod.  De  facrofanftis  ecclefiis  ;  —  Lege  Pradiaj 
Cod.  De  locatione  przdiorum  civilium),  La  loy  de 
Theodoze  le  Grand  eft  eJtcellenie,  quand  pour  repa- 
rer le  carnage  de  ThelTalonique,  il  commanda  que 
dorefnavant  on  furferroit  les  exécutions  de  fcm- 
blables  commandements  l'efpace  de  trente  jours,  pour 
donner  loifir  au  Prince  de  changer  d'advis  &  modé- 
rer fa  paOion  ;  c'eft  la  loy  {Si\  Vindicari  (Cod.  De 


JO      DEBVOIR    DES    ROYS    ET    DES    SUBJECTS. 

P(Enis),  mentionnée  en  THillaire  ccclefiaflique.  Les 
Dofteurs  difenc  auflï  fur  la  loy  dernière  (Cod.  Si 
courra  jus  &  cxt.)  Principem  jus  giurjïtum  ptr 
ailus  Jurii  geniiiun  lolUre  non  poffa.  A  cela  les 
Grecs  difent  Bxn)U)ù>  m  karli  BamXiiiï  t!  ^t^wii 
Kfarihwix*  veftci. 

Ce  qui  ell  die  en  la  lo)"  3  (Cod.  De  crimine  facrt- 
legii),  Difputare  d»  principali  judicio  non  opontrt 
<T  facriUgii  infiar  effe  dubitare  an  iV  dignus  Jit  gium 
eîegeril  Princeps,  n'a  rien  de  commun  avec  les  ma- 
tières générales,  car  il  ne  s'agiH  là  que  de  l'efta- 
bliiïcmcni  des  OiSciers.  Non  plus  cil  à  propos  la  loy 
[De]  quadrewtii  prirfcriptione  oà  eft  dit  omttia  prin- 
cipe effe  :  eUe  s'entend  Jîve  ex  Jua  fubfiantia  fivt 
ex  fiUiili  fuerii  aliquid  jUcnmuiii ;  de  melme  ce  que 


CHAPITRE 


les  flaieurs  des  Princes  &  ceux  qui  fur  toutes  loys 
ont  eHabïi  ces  paroles  :  Car  tel  efi  nojlre  lion  plaijir. 
Il  y  a  peu  de  mois  qu'un  Ambaffadeur  de  Saxe  ayant  • 
die  i  un  Secrétaire  d'Eltat  qui!  ne  demandoit  que 
l'equicé,  il  eut  pour  refponce  :  LaîJJbns  ce  mauvais 
mol,  on  ne  mené  pas  ainji  les  Roix  :  ce  mot  d'équité 
n'eft  que  de  pareils  à  pareils.  Il  faut  parler  aux  Rois 
comme  aux  Roix,  tr  pleuft  à  Dieu  que  Us  Cours  de 
Parlement  n'eurent  point  appris  comme  fouveraisies 
à  ne  /attacher  plus  au  terme  du  droit  en  jagtani 
(comme  ils  difent)  ex  xquo  &  bono.  AufE  un  de  nos 
Prefideacs  s'ell  efchuppé  jufqucs  k  dire  qu'il  fdloii 
laidër  aux  juges  de  village  l'obfervation  du  Droift 
rfcrip,. 


ceflc  autre  fuite  de  raîfons  qui 
s'appellent  d'ElVat  il  nous  faut 
courir  entre  des  lices  &  barrières 
ellroiies  pour  biftir  le  repos  fans 
deftruire  en  biftiffant,    &   com- 


CHAPITRB     V,  5] 

de  laquelle  nous  parlons,  telle  plus  expreflëment 
obfervee  en  ce  Roy,  à  caufe  qu'il  y  avoit  plus  de 
concradidions.  C'efl  que  le  jour  du  facre,  les  Pairs 
aflêmblez  envoyèrent  un  héraut  qui  ayant  trouvé  le 
Roy  en  h  chambre,  paré  de  facin  blanc,  luy  vint 
dire  :  t  Duc  de  Guyenne,  les  Pairs  de  Franetjont  en 
conjtil  pour  l'eUélion  du  Ray  de  France  &  voiu 
appellent  pour  y  porter  votre  fuffrage  >  j  &  demie 
heure  après  les  Pairs  le  vindrent  trouver  pour  luy 
Cgnifier  qu'il  avoir  elle  cllcu  Roy,  Se.  comme  tel  le 
faluerent,  puis  firent  faire  la  première  acclamation. 
Il  ell  bien  véritable  que  les  Grands  diSerencs,  tant  à 
caufe  de  la  Religion  que  pour  la  tranfmutation  de 
race,  furent  obfervez  de  plus  prés  les  ancienet 
formes  que  peut  élire  aux  autres  Roys. 

Il  y  a  encore  d'autres  recerches  dignes  de  correc- 
tion qu'on  a  ouy  efdater  tant  aux  guerres  de  la 
Ligue  qu'aux  derniers  mouvements  &  mefconcente- 
ments  qui  onr  paru,  de  quoy  tant  s'en  faut  que 
nous  voulions  nous  fervir,  qu'au  contraire  comme 
vrais  François  &  amateurs  du  fplendide  Ellat  de 
Royauté,  nous  difons  contre  tout  cela  une  raifon  qui 
n'a  point  faute  de  force  en  fa  brièveté  :  c'eft  que 
tous  les  obdacles  des  trois  poînfls  alléguez  s'envolent 
en  fumée  par  la  poiTelTion  de  tant  de  Roys,  par  le 
confentemenc  des  Pairs,  par  celuy  des  Cours  fouve— 
raines,  &  qui  plus  et!  des  Eflats  Généraux,  lefquels 
par  cette  raifon  mefme  qu'ilz  ont  eu  une  puiflance 
d'inftituer  &  de  depofcr,  ont  aulfi  eu  celle  de  con- 
firmer, de  juger  la  prefcription  &  d'arrefter  l'Eftat 
au  poina  qu'il  eft  à  prefent. 

Donc  en  nous  contentant  d'ufer  de  la  jullice  fans 
abufer  de  fa  rigueur,  ne  voulans  que  le  droift,  fans 
courir  au  paiTedroift,  nous  voulons  examiner  fi  ces 


54 


IIR    DBS    &OIS    ET    DES    SUBJECTS. 


Roys,  que  nous  aimons  comme  Roys,  fouffrcnt  ou 
doibvent  fouffrir  quelques  loys,  &  fi  de  ces  loys  ils 
doibvenc  eftre  protefteurs  ou  dedrufteurs,  s'ils  ont 
quelques  règles  ou  s'il  faut  qu'ils  fbyeat  defreglez, 
s'ils  doibveni  garder  quelque  loyauté  ou  dh-e  infidèles 
&  defloyatu;  fi  félon  ropinload'un  Duc,  les  paroles 
qui  fervent  aux  autres  hommes  pour  defcouvrir  leurs 
penfees  doivent  fervir  au  Pritice  pour  les  cacher;  fi 
ces  mots  :  Enfoy  <S-paroU  de  Roy j  ne  fervent  qu'au 
dehors  &  font  inutiles  au  dedans  du  Royaume;  fi 
ccluy  qui  ne  fçait  pas  diflimuler  ne  fçait  pas  régner, 
ou  s'il  feroit  point  mieux  dit  que  celuy  qui  eft  coo- 
trainâ  de  fimuler  ceffe  de  régner;  fi  pour  refcinder 
les  contrats  des  Rois,  il  vaut  mieux  les  faire  appeler 
mineurs  ou  ft  la  majorité  n'ell  pas  mieux  feame  à  la 


CHAPITRE    T.  55 

mourir,  &  tenu  nos  Roys  pour  élire  legicimement 
Appelez  i  la  Royauté;  &  mefhies  defnuts  que  les 
cérémonies  honorables  avec  lefquelles  on  les  levé  fur 
le  bouclier,  n'aSbibliiïënc  pas,  mais  auchorifent  le 
droit,  comme  en  Ifraël  le  royaume  a  tellement  cfté 
clcftif  qu'il  n'a  pas  laiffé  d'eftre  fucceflif  :  ainJî 
approuvons  nous  qu'en  France,  l'eleAton  pofant  en 
cauie  la  fucceflion  l'authorife  Se  ne  l'afibiblît  pas. 

Ayant  dit  ces  ehofes  en  faveur  de  la  Royauté,  je 
£êrois  bien  marri  qu'elles  fufTent  employées  pour  !a 
Tiraimie  &.  fon  injufte  fouftien.  Nous  devons  main- 
tenir l'Edat  foubs  lequel  nous  fommes  nez  &  refpi- 
rons,  ennemis  de  fa  décadence  &  du  périlleux 
changement.  En  un  mot  nous  devons  tout  au  Roy 
&  rien  au  Tyran.  Or  pour  mieux  cognoiftre  la 
Royauté  par  roppofirion  de  fon  contraire  qui  eft 
la  Tyrannie,  il  faut  fçavoir  que  ceftc  ci  n'eft 
point  feulement  aux  excès  &  violences  qui  diffa- 
ment le  rcgne,  mais  en  l'injude  ufage  du  fccptre, 
quand  il  veut  polfeder  ce  que  le  règne  ne  tient 
point  fous  foy.  ' 

Ainfi  que  le  Roy  ne  peut  fans  tyrannie  prendre 
ce  qui  n'efl  point  du  Royaume,  fur  les  frontières 
duquel  on  plante  des  bornes  comme  arbitres  de  la 
domination ,  ludî  celle  domination  a  fon  eftenduë 
&  fon  arreft  fur  les  matières  defquelles  elle  peut 
cognoiftre  &  difpofcrj  difpofer  (dis  je)  de  ce  qu'elle 
peut  cognoillre,  car  ce  qui  cil  par  de  là  la  cognoif- 
fance  eft  par  de  là  la  difpofitîon.  Partant  ce  qui  ell 
de  la  confciencc  eft  foubmis  à  Dieu  feul,  qui  leul  la 
pouvant  cognoiftre,  feul  la  peut  juger,  feul  la  peut 
dominer  :  d'où  nous  tirons  que  comme  le  Seigneur 
vaffal  &  fufcrin  commet  felonnie  &.  par  la  felonnie 
eft  confifqué,  quand  par  violence  il  excède  fes  droifls. 


jfi      DEBVOIR    DES    ROTS    ÏT    DES    SUBIECTS. 

pour  ravager  ceux  du  Roy  ou  autre  fouverain, 
&  ainfi  le  Prince  commet  feloonie  &  par  elle  cft 
jutlemeni  depofé  de  Dieu,  quand  U  rar^  les  con- 
fciences  qui  n'appardemient  qu'au  Dieu  u>uverain. 

C'ell  pourguoy  rereracl  Dieu  des  armées  a  pris 
la  verge  de  fer  contre  tels  excès,  a  mis  en  danger 
&  quelquefois  en  ruine  les  Princes  qui  ont  efchappé 
entre  leurs  barrières  :  tant  de  pays  &  de  peuples, 
aux  armées  defquels  Dieu  a  pris  place  de  bataille, 
ont  fecoué  le  joug  qu'ils  euITeni  bien  defiré  fupporter 
doucement,  &  en  France  les  fubjefls  affligez  Ji  leur 
grand  regrec  ne  pouvant  plus,  comme  David  fuyant, 
Se  deffendre  avec  les  pieds,  comme  David  armé  fe 
font  defTendus  avec  les  mains,  &  Dieu  a  fortifié  ces 
mains  armces  de  fer  &  d'equlté,  ces  mains  (di  je) 
qui  joinftcs  n'ivoyenc  peu  impecrcr  la  pitié,  def- 


CHAPITRE    T.  57 

crois  jours  Henry  le  Grand  impudemmeiit  &  don- 
noyent  aux  fubjefts  des  libertés  pir  de  là  ïoute 
raifon,  juiques  i  exalter  les  Tyranicides,  &  aprét 
avoir  rendu  leurs  chaires  puantes  d'inveaives  contre 
la  fucceflîon  du  Royaume,  ils  fe  font  enrouez  de 
crier,  t  II  mus  faut  un  Aod  ».  Ceux  li  mefme  qui 
cenoyent  ces  langages  avant  les  viAoïres  de  noflre 
grand  Roy,  ce  font  ceux  là  qui  ont  eTcrii  &  prefché 
ce  qui  s'en  fuit  :  que  traitter  de  paix  avec  fbn  Roy 
elloic  un  crime  qui  ne  fe  debvoit  pardonner;  que  lu 
chofes  extorquées  feroyeni  une  marque  de  felonnie 
i  jamais  i  que  les  premiers  s'eAoyent  contentez  de 
prefcher  en  fecret  n'ayans  aucres  armes,  quand  on 
les  faifoii  mourir,  que  les  prières  pour  ceux  meiines 
qui  leur  donnoycnt  la  mort  ;  qu'apprés  les  premières 
guerres,  par  U  paix  qu'ils  obtindrent  ils  ne  deman- 
dèrent que  la  liberté  de  prefcher  publiquement  fans 
autre  caution  que  la  foy&  parole  du  Roy,  &  qu'au- 
jourd'huy  ils  demandent  plus  de  deux  cents  places 
de  feurté,  prés  de  quatre  mille  hommes  es  garnifons, 
&  puis  des  Chambres  mi  parties  avec  tant  de  parité 
que  tout  cela  fe  peut  appeler  :  Faire  un  Efiat  dans 
i'Ejlai. 

A  quoy  les  Reformez  refpondeni  ce  que  nous 
tirerons  d'une  hiftoire  de  ce  temps  :  à  fçavoir  que 
tout  ce  que  difoyetii  leurs  advcrfaires  en  termes 
généraux  n'eftoit  que  trop  vray  ;  toutes  différences 
qui  faifoLcnt  parti  eiioyent  ruîneufes  en  un  Eftat; 
les  termes  de  guerre,  de  paix,  de  traitté,  l'envoy 
de  tambours,  de  trompettes,  de  rcprezaillcs  &  tout 
ce  qui  par  !e  droit  des  gens  s'obferve  entre  gens  de 
diverfes  nations;  mais  que  les  demandes  de  pleiges 
3.  la  foy  Royalle  &  les  places  de  feureté  &  dhoftage 
eftoyent  vocables  ignominieux  à  la  France  &.  ruineux 


58      DEBTOIR    DBS    KOrS    ET    DES    SUBIECTS. 

irËnït,&  que  partant  les  autheurs&caufès  de  telles 
horreurs  font  exfecrables  devant  Dieu  &  puniflables 
à  jamais;  que  donc  il  falloit  mettre  le  doigt  de 
refpreuve  fur  ceux  là  pour  eitcecuter  fur  eux  la  ven- 
geance de  Dieu  devant  lequel  ils  ont  à  refpondre 
de  50,000  morts  par  le  couteau,  par  le  feu,  par  la 
faim,  fans  diftinâîon  de  l'enfant,  de  la  femme,  du 
vieillard  &  du  languifTant.  Ça  cAé  aflez  d'ofler  les 
vies  i  qui  pouvoit  mourir  :  il  ell  befotn  pour  la 
cognoifTance  de  ceux  là  voir  fans  confuûon  &  par 
ordre  des  temps  &  des  caufes  la  naiftance  &  progrès 
dételles  confufions.  Les  archives  des  Maifonsde  Ville 
&les  greffes  des  Cours  font  encor  pleins  des  procès, 
arreils  &  fentenees  de  dix  miUe  âmes  de  tout  fexe, 
aage  &  condition,  traineï  dans  le  feu,  &  touKs  fortes 


CHAPITRE    V.  59 

Or  le  Ciel  [efmoignera  pour  jamais  que  (antqu'on 
a  fait  mourir  les  Reformez  par  les  formes  de  la  juf- 
cice,  quelque  inique  &  infupporcable  qu'elle  fuft, 
caur  qu'ils  fe  font  veu  condamner  par  le  throne  de 
leurs  Roys  &  foubs  leurs  auchoricés  &  formes  pu- 
bliques, ils  ont  tendu  les  gorges  &  d'ouc  point  eu 
de  mains;  mais  quand  l'auchorité  publique  s'elt 
converrie  en  infolence,  &.  le  magiftrac  lalTé  des  feujt 
a  jette  le  coulleau  es  mains  des  peuples,  &  par  les 
tumultes  &  grands  maflkcres  de  France  a  ollé  le 
vilàge  vénérable  de  la  Juftice  &  a  fait  mourir  au 
l'on  des  trompecies  &  des  tambours  le  voifm  par 
foQ  voifm,  qui  a  peu  deffendre  aux  miferables  d'op- 
pofer  le  bras  au  bras  &  le  fer  au  fer,  &  prendre 
d'une  fureur  fans  juftice  la  contagion  d'une  jufte 
fureur,  &  voyant  fins  merci  à  leur  fein  les  injuftes 
pointtes  des  efpees  homicides,  avoir  defiré  d'en  faifir 
les  pommeaux  ?  Suivant  Tertulien  :  Àdverfus  [hoftet] 
omnis  homo  miles  eft.  Voila  comment  les  armes 
receués  par  force  &  non  cerchees  onr  elle  tirées  des 
ellomacs  oSencez  pour  les  mettre  dedans  les  mains 
juftes  qui  en  ont  ferré  la  poignée ,  non  pour  donner 
mais  pour  repoulTer  la  mort,  fit  pais  par  degrés  on 
a  fait  les  pa[iens  dcffendeurs,  la  perfecution  guerre, 
les  agneaux  des  lions  [furor  fit  lajfa  palientia) 
comme  jugent  les  plus  cdranges  nations  lefquels 
des  uns  ou  des  autres  ont  le  crime  de  la  guerre  fur 
le  front. 

Mais  à  cède  guerre  (dit-on)  on  pofa  les  armes  au 
premier  offre  de  ta  paix ,  vous  ne  demandalles  que 
la  foy  du  Roy,  &  depuis  vous  avez  appris  à  y 
joindre  quelques  cautions.  On  refpond  que  fi  celle 
foy  Royalle  n'a  point  erapefché  les  defordres  que 
vous   lifcï,     non    fans    horreur,    depuis    les   pre- 


6o      DBBVOIR    DES    KOrs    BT    DES    SUBJECTS. 

mieres  iuTques  aux  trotJîeroes  guerres,  qui  a  inva- 
lidé celle  foy,  qui  l'a  edreinœ  &  ofté  de  Ton  excel- 
lente vercu,  ou  ceux  qui  l'oni  avillie  pour  mer,  ou 
ceux  qui  l'euflent  voulu  entière  pour  n'eftre  pas  mis 
en  morceaux  ? 

Il  a  donc  fallu  joindre  la  parolle  des  eftrangers 
&  la  caution  de  tous  les  corps  de  France,  &  puis 
quand  tant  de  féaux  ont  e&é  brififs  par  les  malTâcres 
généraux  de  la  Saint  Barthélémy,  ceux  qui  ont 
repris  vie  dans  les, cendres  de  Parti  ne  voyant  plus 
de  foy  publique,  ont  demandé  les  places  de  refuge, 
d'ollage  &  de  feureté,  noms  falcheux  Se  nouveaux, 
reprochables  pour  jamais  à  ceux  qui  ont  diSamé 
&  deshonoré  û  France,  mais  l!âns  fraude  à  ceux  qui 
les  doibvent  à  la  benediâion  de  leurs  juftes  armes 


CRAFITKS    T.  6l 

que  pour  là  haurefle  U  foy  ne  peut  defcendre 
jufques  &  fon  fubjed,  quitte  Dieu  de  lè«  promeflêt 
duquel  la  hauteur  eft  eflevee  par  defltu  le  Roy 
plus  que  celle  du  Roy  fur  le  peuple  bis,  &.  tout  ce  ' 
propos  fut  eftouSÎÎ  par  les  infolcntes  rebufics  Se  par 
le*  élévations  de*  courdfans.  Le  Duc  ferma  le  dif- 
cours  ainû  :  *  U  efi  vrai  qiu  h  Roy  m  doibt  poôa 
la  foy  à  fet  fuhfeétsj  ni  Jamais  venir  là  qua  da  trait" 
ter  aree  eux  en  façon  qi^il  ftàUe  payer  de  ce  joyat 
frteieux  de  la  foy;  il  luy  tfi  bUn  mieux  feant  de 
de^ndre  bien  les  loys  fondamentales,  traitii  perpi- 
tuel  &  barrières  inviolabUs  de  la  puigânee  &  de 
Pobi^àitee  :  mail  fi  le  Prince  iraitie  &  payetbjd 
foy^  il  la  doibt  dés  le  jour  qu'il  l'a  promife,  aufi 
fermement  qu'il  veut  que  fon  règne  fait  ferme,  fait 
que  le  compromis  ait  ejlé  fait  par  Jb  bonté,  par  fa 
faute  ûu  par  fon  malheur  ». 


Chapitkz  VI. 


CHAPITRE     VI.  63 

veni  dire  &  efcrîre  en  cordanc  leurs  coofcieitces 
&  leurs  cœurs,  s'ils  en  avoyenc.  Voyons  qui  d'eux 
ou  de  nous  s'acquicte  mieux  de  ce  debvoir  &  pourra 
mieux  en  refpondre  devant  Dieu. 

L'un  le  veut  doux,  l'autre  le  veut  rude,  l'un  le 
veut  aymé  &  honoré,  l'autre  le  veut  hay  ou  craint, 
l'un  régnant  feurement  par  la  paix,  l'autre  hafar- 
dant  fon  Edat  i  la  guerre  civile,  l'un  le  veut  ouïr 
louer  &.  l'autre  blâmer,  l'un  le  veut  loyal  &  l'autre 
perfide,  &  enfin  l'un  le  veut  Roy  &  l'autre  Tyran. 
Tels  efpriis  ployants  à  tout  voulurent  mériter 
recompenfe  pour  contre  leur  profelllon  ployer  le 
Roy  Henry  IV  à  fa  déplorable  mutation,  luy  qui 
fans  eux -maintenoic  tousjours  la  paix  de  77  comme 
loy  fur  les  Roys  &  obligatoire  ferment  i  ceux  là  luy 
aidèrent  à  la  miferable  refolution  qui  le  fit  cracher 
contre  fon  ouvrage,  &  depuis  ne  régnant  pas  fur  foy 
meûne,  régner  précairement,  affligeant  les  fiens  de 
peur  d'eftre  affligé.  En  voyant  tousjours  un  bon 
bras  &  les  coufteiux  de  Chiftel  &  de  Ravaillac  à  fa 
gorge,  il  avoit  ployé  de  peur  du  coup,  mais  il 
l'avança  au  lieu  de  l'efchappcr. 

Ceux  qui  applaudiffênt  aux  révoltez  &  les  veulent 
fuivre,  veulent  mériter  grâce  par  des  inveflives 
contre  leurs  frères  affligez,  &  par  des  apologies  pour 
des  bourreaux  accufent  ce  qu'ils  n'ofent  deffendre 
&deffendentce  qu'ils  n'ofent  attaquer;  ilsdevroyent 
s'enquérir  du  reful[at  de  Nancy  qui  eft  plus  que 
jamais  en  la  bouche  des  Loyolices  &  de  leurs  valets 
aux  pieds  nuds  :  c'ell  de  diftinguer  par  vingtaine 
d'années  les  exaftions  fur  les  biens  &  les  ignominies 
fur  les  perfonnes  de  ceux  qui  auront  abjuré  depuis 
l'an  1560,  &  par  opprobres  &  diverfes  taxes  les 
mulâer  pour  les  crimes  paflez,  car  (difent  ils)  le 


64.      DBBVOIR    DBS    KOTS    ET    DBS    SUBJBCTS. 

brigand,  le  faux  monoyeur,  ni  le  forcîer  ne  font  pu 
quinez  de  leur  oBence  pour  y  renoncer  :  &  les  Héré- 
tiques pim  que  tous  les  autres  maliàifteurs  doib- 
vent-ils  pour  une  parole  feinte  élire  abfbubs  de  ce 
qu'ils  ont  commis  par  eSed  ?  Les  uns  parlent  de  les 
traiter  à  la  Juifre,  les  autres  comme  les  Morifques 
de  Grenade,  &  quelques  uns  des  derniers  ayant  pofé 
pour  maxime  que  tous  les  révoltez  bien  efpiez 
ftrecogneus,  quelque  fi'uit  qu'ils  y  apportent,  fantent 
plus  tod  à  l'Atheifme  qu'^  ta  Papauté,  ceux  U 
demandent  s'il  ne  vaudroic  pas  mieux  méfier  ce  fang 
vil  &  de  peu  de  prix  avec  celuy  de  leur  compagnons. 
Voila  le  langage  du  Confeil  de  confcience  eflogné  de 
l'opinion  de  Titc  qui  vouloir  mefmes  efpïi^er  ce 
fang  vil.  C'eft  ce  vil  fang  de  qui  on  fe  peut  cfcricr  : 


CRAFITK>    VI.  •$ 

pieds  le  debvoir  de  fils  à  père,  de  femme  i  nurt 
&  d'uni  i  uni,  quand  le  Prinfe  veut  defraciner  ' 
de  leurs  raurs  tes  fêmences  d'humuiité. 

Ceux  qui  par  l'abandoD  de  leur  jufte  pard,  de 
leurs  frères  ft  d'eux  meûnes,  fe  condamneni  par 
leurs  penJêes,  aâions  &  confeflîoiu  i.  élire  vendus, 
qi^  de  leurs  langues  iniàmcs  advoiient  debvoir  obéir 
aux  chofes  defhaturees  &  à  trahir  leur  ame  dans  cette 
obeiflknce  abfolue  qu'ils  deffendent  &  prefchcot  tant, 
demandez  leur  i  l'oreille  s'ils  font  de  vil  fang?  Us 
l'adroiieronc  de  contenance,  fi  ce  n'eft  de  a  voix. 

Ouy  certes,  ce  terme  eft  bien  k  propo*  «mplopié 
pour  les  cGcurs  vils  &.  dégénères,  îrutfgpw  fucc^ 
feurs  de  tant  de  martyrs  magnanimes,  ou  après  eux 
des  héroïques  Princes  &  chefs  de  guerre  qui  ont 
daos  les  batailles  &  combats  donné  à  Dieu,  après  fon 
nom  invoqué,  leurs  aames  confolees  foubs  les  cor- 
nettes qui  portoyenc  pour  devife  :  Doux  le  pen'l, 
dûuee  la  mort  pour  Chrijl  6r  le  pays.  Louy  de 
Bourbon  qui  avec  fa  jambe  en  efclais  &  les  os  per~ 
ceam  la  botte,  alla  au  combat  en  difant  :  C'e^  aiBjî 
qae  ceux  de  Bourbon  entrent  en  la  méfiée,  ce  Prince 
en  cède  aâion  &  en  la  mort  mefmes  n'eut  point  de 
douleurs  pareilles  à  celles  qu'il  fentiroic  en  voyant 
le  train  de  fes  fuccefleurs ,  fuccefleurs  du  nom 
&des  honneurs,  non  de  l'honneur.  Lalches  avortons 
ou  fuppofez  à  vos  pères,  vous  les  vcrez  allis  au 
throne  flamboyant  où  Chrîft,  d'aigneau  de  facrifice 
devenu  lion  de  Juda,  jugera  les  nations  &  ceux  qui 
ont  diffamé  fes  allures,  &  là  vos  pères  devenus 
juges  redoutables,  vous  liront  rendre  compte  des 
cendres  de  deshonneur  que  vous  avez  parfemces 
&  des  gibets  que  vos  ferviles  &  fates  mains  ont  planté 
fur  leur  vénérable  tombeau. 


Chapit&b  VII. 


«ici  le  corollaire  de  nos  refolu- 
tions  circes  de  ce  que  nous  avons 
dit  :  le  Prince  qui  rompt  la  foy 
à  fon  peupk  rompt  celle  de  fon 


CHAPITKB     TH.  6^ 

terme  &  non  le  piincîpd,  n'y  ayant  au  payement  en 
doubte  que  deux  poinâs,  le  temps  &  le  moyen. 

Pour  le  temps,  deux  efgards  nous  en  doibvent 
faire  demander  l'abbr^é,  i.  fçaToir  ce  que  nous  laif- 
fons  &  ce  que  nous  efperons.  Noua  Uiflbns  une 
in&me  condition  d'un  faux  vivre,  qui  noua  apprend 
à  mourir  toua.  les  jours  :  noua  avons  delToubs  nous 
les  rebellions  de  ceux  qui  nous  fervent ,  la  trahifbn 
qui  règne  en  ce  temps,  les  révoltes  de  nos  foldats 
9l  i  i^u&eurs  celles  de  leurs  cnËuis,  ou  au  moins 
une  dégénère  lafcheté  qui  nous  ont  Sût  {b^>çonner 
la  fuppdïtion  ;  nous  avcins  k  nos  deux  coftés  ks  en- 
vies, les  haines,  les  perfidies,  les  ingratitudes  de 
nos  plus  proches,  les  aguets  de  nos  ennemis,  les 
pognards  à  la  gorge,  les  poifona  de  nos  domelliques, 
&  pis  que  tout  cela,  les  bouches  blafphemaotes  qui 
infeâent  l'air  d'inveâives  contre  les  agneaux  &  les 
martyrs,  de  loiianges  pour  les  loups  &  les  bour- 
reaux qui  eflevent  en  l'air  la  profperiié  des  mef- 
chanis  &  leur  douce  vie  en  termes  Ci  vilains  que 
nous  haïflbns  la  vie  &  la  profpericé. 

Au  deffus  de  nos  teftes  nous  avons  la  pelante 
domination  de  l'Injuftice,  nous  voyons  fur  les  tri- 
bunaux les  ennemis  de  Dieu  &  les  noftres  difpenfer 
dans  une  balance  inique  nos  vies  &  nos  biens  qu'ils 
adjugent  &  nos  ennemis,  &  qui  pis  eft,  la  liberté  de 
nos  confciences  ;  ils  nous  plument  &  nous  efcorchent 
vife  pour  revellir  ceux  là  mefmes  qui  nous  aban- 
donnent &  qui  en  trahiffant  Dieu  nous  vendent 
entre  leurs  mains  :  &  s'il  faut  regarder  au  dernier 
degré  de  ce  qui  eft  fur  nous,  nous  y  verrons  un 
Roy  pour  lequel  nous  âefchiïïbns  tous  les  jours  les 
genoux  devant  Dieu,  &  pour  la  vie  duquel  nous 
ferions  jonchée  des  noftres  de  bon  cœur  :  nous  voyons 


6B      DEBVOIR    DM   KOTI    IT  OIS    SDBJICTS. 

ce  Prince  h&iaé  par  lei  empoUbaneurs  des  aamet, 
courant  &  n^flkni  comme  ua  lion  à  la  mon  &  i  la 
ruine  de  ceux  en  qoi  il  trouvoic  fidélité.  Et  encor 
pour  rendre  plui  în&{^)artable  le  Rideau  de  celle 
dominaiioiif  noua  voy<»it  fur  les  efpaulea  &  fur  la 
perruque  dis  noftre  Prince  «é  SouTerain,  les.  pied* 
in&mea  &  pumno  de  l'AnKchrifl  qui  enfiuige  de.  la 
panTO'iflf  les  fleura  de  lye  &  &it  Jbn  marchepied  du 
^tuA^rnr  françoii. 

Voila  ce  que  ncms  perdons,  voici  ce  que  nous 
avons  -gaigné^  c'eft  L'union  pirfaiâe  avec  Qirift 
&  iês  ange*  ;  1^  la  joye,  la  liberté,  la  vie  ft  l'hon- 
neur vcrinlile  &  permanent,  ce  que  nul  fêos  n'a 
ÎBisais  fatouré  ni  compris ,  que  l'miil  n'a  peu  voir, 
que  l'oreille  n'a  peu  eniendre,  ni  le  cœur  defirer. 


CHAriTKS     TU.  6^ 

deux  pu  en  arrière ,  c'ed  pour  celuy  qui  donne  la 
vie  heureufe  &  véritable  pour  U  vaine  &.  la  fauïïe 
avec  l'excellent  gain  au  change,  &  au  lieu  de  regrets 
DOtu  comble  de  fcEticicez. 

Mais  li  encore  le  boa  Père  difpofanE  du  terme 
ft  dec  moyens  noui  veut  retirer  par  quelque  voye  plus 
calme  &  plus  propre  à  difpofer  nos  efprits  pour 
l'heureux  changement,  Il  c'eit  par  la  potence,  Qirift 
l'a  cmbr&flëe  pour  nous  &  en  a  ofté  le  déshonneur 
&  U  malediâion  par  fbs  triomphe  de  benediAion 
&.  d'honneur  :  it  a  hùiTé  les  traces  i  fes  ferviieurs, 
dreflani  l'clchelie  que  nous  redoublons  mal  i  pro- 
pos de  la  terre  à  l«  mort,  de  U  mort  au  Gel  &  ainfî 
en  a  fal&  l'efchelle  bien  heureufe  de  Jacob. 

Sont-ce  dac  efchaffauds,  font-ce  des  bûchers, 
premiers  efchellonG,  premières  clevxtions  pour  quit- 
ter la  terrée  Difons  ;  Nous  fommes  membres  de 
Chrift  puis  qu'il  parCût  fes  fouffrances  en  fes  mem- 
bres &  qu'il  veut  les  continuer  en  nous;  foyenc  le 
Ciel  &  le  Monde  fpeftaceurs  du  fang  que  nous 
efpandons,  &.  s'il  faut  périr  par  les  flammes,  nous 
jettons  nos  veuës  au  chemin  qu'elles  prenent  :  elles 
iront  devant  ft  nous  après,  &  avec  elles  de  l'air  dans 
les  nues;  &  en  perceanc  le  Ciel,  nous  volerons  où 
font  desji  nos  d^irs  arrivez,  à  fçavoir  au  throne  de 
l'Eternel,  pour  là  prendre  place,  r^ner  &  triom- 
pher avec  les  Anges  bienheureux. 


LE  CADUCEE 


LANGE    DE    PAIX 


LE  CADUCEE 


L'ANGE    DE    PAIX 


ien  heureux  font  cmx  qui  procu- 
rent la  paix,  car  ils  feront  apelit 
Enfaiu  de  Dieu,  dit  le  Seigneur, 
&.  pluft  à  Dieu  que  les  mifereg 
des  difcords,  foit  généraux,  foii 
particuliers,  ne  nous  euiTeni  point 
enfcigné  la  veritté  d'une  tele 
(àncan»,  à  nous  qui  n'ayant  peu  foub&nettre  nos 
penlees  à  l'otoritté  d'un  li  grand  Prophète,  avons 
eu  befoin  du  maytre  des  fols,  qui  eft  l'euperiance. 
Je  m'advance  k  un  labeur  pliin  d'épines  &  def- 
pourveu  de  fruitz,  fi  nous  n'en  devions  efperer 
qu'en  ia  terre  des  vivans.  Je  n'atends  icy  pour  ma 
recompenfe  que  le  iâlaire  des  bons  &  juftes  arbi- 
tres, qui  eft  la  hayne  des  deux  coftcz.  Car  nous 
Ibmmes,  &  les  uns  &.  les  autres,  fi  plains  de  oofire 


74        l-S    CADUCBl   pJ3    LANCB    DB    PAIX, 

droit  imagiiuire  qu'il  n'y  a  plut  de  l<^it  pour  U 
veriuble  equitci.  Je  veux  donc  falcher  &  Ici  uns 
&  les  autres  pour  aider  aux  deux,  ftnt  autres  recoin- 
penfei  que  de  &ire  paix  moy-ffleime  à  ma  con&ience, 
laquelé  me  piquant  de  mon  devoir  &  de  nu  pro- 
feÔion,  depuis  quelque  mois  m'a  tiré  du  Ut  avant 
l'aube  du  jour,  pour  rourir  i  la  viTtcadoa  des  diviiéz. 
J'ay  ouy  avec  palEance  leur  impailiaDCC,  &  les  amer- 
tumes de  leur  efpritz  avec  douceur;  je  leur  ayanoncé 
l'ire  de  Dieu,  de  laqude  il  ne  fault  tclinoignage  que 
le  fchiûne  qui  coure.  Ma  fmiplicicië  m'a  rendu 
excufable  envers  eux.  llz  ont  porté  quelque  refpeâ 
à  ma  vieillelTc,  de  laquele  je  ne  voudrois  plus  que 
ce  fruit  de  m'en  aller  dormir  en  paix,  les  ayant  laiflèx 
en  quelque  repos.  Mon  delTeing  eft  de  metcre  i  parc 


I.I    CADUCIK    OU    LANGK    DE    PAIX.         75 

meat&iu)ultice,  puis  iprés  fuii  moïens,  &  puiifuis 
fuccés  :  cw  quelle  jallice  peult  il  avoir  enfraindre  k 
Paix  que  nou«  avoDt  receuë,  li  curieuTcmeiii  con- 
knret  par  le  Roy  de  û  heureufe  mémoire,  Il  bon 
Prince  &  fi  bon  Maiilre,  qui  aroit  tant  de  paînes 
pour  rdifter  aux  imponunités  du  Pape  &  du  Roy 
d'Efpagne.  Ce  grand  Roy  qui  m'a  dit  plufieurs  fois, 
mefinea  les  larmes  aux  yeux,  qu'il  s' doit  jetter  (quoy 
qu'il  éuft  en  horreur  la  guerre)  dedans  cette  grande 
Éntreprize,  de  laquele  fit  blioche  Tieillelfe  ne  luy 
promettoit  pas  de  veoir  la  fin,  mais  qu'il  ne  pou- 
vcHt  pas  autrement  prolonger  quelque  promefles 
extorquées  de  luy  contre  nous  à  Ion  tacre  &  depuis 
plus  exprefTes  à  Ton  mariage,  qu'il-  falolt,  pour 
garanùr  ceiie  paix,  mettre  en  defordre  toute  l'Eu- 
rope, comme  ne  pouvans  ceux  de  la  Religion  eftre 
tolérés  que  dans  un  tel  defordre,  n'ed  ce  pas  grand 
pitié  que  la  douce  mémoire  d'un  tel  Prince  n'ayc 
point  eflé  un  tableau  d'honneur  aux  yeux  des  turbu- 
lans  pour  calmer  leur  impafTiance,  &  qu'ils  ayeni  eux 
roefînes  ozé  penfer  à  rompre  un  traité  fi  faintement 
promis,  fi  chèrement  confervé  par  tant  de  dificulcés, 
par  des  moïeos  fi  difictles  &  par  un  tel  Roy. 

D'ailleurs  que  ne  leur  ont  les  cheveux  drefTé  d'ho- 
reur  en  voiant  l'image  de  tant  d'Eglifes  de  delà  Loire, 
^lifes  véritablement  reformées  foie  pour  les  moeurs, 
foit  pour  les  efpreufves  de  confiance  que  les  nôtres  de 
deçà  [ont  fournies], où  nous  voions  tant  d'Huguenots 
de  commodité,  irapaiians  de  leur  aize,  &  qui  en 
veulent  troubler  autruy.  Nous  avons  confideré  ces 
Eglifes,  les  MiniAres  aux  feux,  les  femmes  Se.  les  filles 
violées  devant  les  yeux  des  pères ,  &  en  un  moi  un 
déluge  de  {mg  par  toute  la  France.  C'eft  telle  con- 
fideration  qui  noua  a  &it,   non  au  plus,  mais  au 


7«         LB    CADUCia   ou    LANOB   DS   VAIS. 

meiUeiirs,  cercber  la  paix  dam  le  .fein  de  l'obeil- 
iànce,  &  non  en  fnretei  dana  odny  de  la  rebelion, 
aymaot  mîeui  avec  ces  granda  perfonnage*  Maré- 
chaux de  France  &  lea  principaux  de  ceux  qui  ou 
men^  ooa  afiurea,  &  puia  avec  l'oraricié  Royale 
BOUS  feparer,  qiie  d'eftre  miTeraUes  avec  une  cahoë 
de  gens  pouflex  de  paffion,  ignorant  de  l'Eftat 
ft  mcline  de  leurs  a&irëa,  ùm  nous  amuaer  à  qud- 

3 lies  arûdei  vaiu,  de  peu  d'importance  ft  deiEqneU 
vaulc  mieux  £e  paâèr  que  de  romprechofè  û  pre- 
deuxe  que  la  paix. 

Je  ne  puia  vous  celler  que  rarobiàon  de  qnclquei 
uns  de  vos  comp^nona  ne  noua  ayt  efté  «iffi  tot 
depUiJânte,  y  ayant  rccofpm  une  merveitlenfê  a 
contre  l'otorité  dei  Graoda,  lelquela  n 


LB    CADtrcIS    OU    LAHGB    DE    FAIX.         fj 

J'acbercntyenproieftuicdevMic  Dieu  &  fe>  Angea 
que  je  n'&y  ceceu  uicua  âi^ni  conont  ï  Saulmur, 
ni  pfcmefles  en  condition  de  trahir  mon  parcy, 
cbofm  que  je  puis  en  bonne  con&icoce  acertener 
pour  ceux  qui  ont  efté  de  mefme  opinion  avec  moy. 
Que  û  depuis  la  Rayne  a  voulu  uar  de  là  benefi- 
ceoce  envers  fêt  fiddes  lèrviteun  dt  ftibjeis,  je  dia 
ft  ""■""*"■  à  qui  voudra  qu'on  peult  juâemeni 
recevoir  des  biens  de  la  main  de  fbn  Prince ,  &  qui 
pliu  eft,  que  le  refus  eft  marque  d'une  mauvailê 
coolience,  un  ûgne  de  ne  lé  vouloir  pa<  obliger  de 
fidélité  à  qui  on  l'cft  desja  par  nature,  ce  que  le* 
Vax  du  Royaume  nous  enfeignent  quand  elles  défen- 
dent de  recevoir  prefeni  de  la  main  des  Eûriogers  : 
&  puis  il  fembleroic  que  codre  Religion ,  comme 
celle  des  Cordeliers,  EU  vœu  de  pauvrette. 

Avec  telz  ou  femblables  propos  auquels  je  ne  fis 
point  de  repoafes,  tant  pour  ce  qu'ils  m'efmeurent 
que  pour  la  crainte  de  me  trouver  mal  inflruit,  je 
m'en  revins  après  une  exhortation  de  paix  &  de 
douKur  à  laquele  ce  Seigneur  promit  de  fe  com- 
poTer,  moïenaiu  qu'on  reconnuft  le  bon  droit  des 
pacifiques  &  qu'on  oftaft  de  la  bouche  ce  ciltre  de 
trahiftres  qu'on  leur  impofoii.  En  partant  il  trouva 
boa  l'ouverture  que  je  luy  fis  d'ofter  d'une  part  ces 
noms  de  boutefeux,  zélés,  comeguerre,  rurbulans 
ft  rebeles,  &  de  l'autre  de  trahiflres,  mercenaires, 
perfides  &  corrompus  :  mais  que  chefcun  recevant 
un  terme  honorable,  comme  la  charité  qui  nous  fait 
penfer  que  chefcun  a  voulu  faire  le  bien,  demande 
queksunss'apellent  emrenousfrud«fu&les  autres 

Deux  jours  après  je  viiitay  un  Gentilhomme  de 
Xûntonge,  lequel  depuis  vingt  ans  a  tousjours  eâé 


le    C«DUCII    OV    LANGI    Dl    PAIX, 


emploie  aux  AiTembleci  publiquca,  &  notemment  aiu 
premiereg  &  derniera  de  Chafteleraud,  Vendpfine 
&  Saumur,  lequel  s'y  e&  porté  ùaa  reproches  en 
Gentilhomme  qui  n'a  rien  à  efperer  par  la  guerre, 
fi  ce  n'eft  de  troubler  fi»  grandes  &  exquUês  com- 
moditez,  les  pUiûrs  de  fcs  ezelans  jardinages.  Son 
humeur  confpire  avec  les  affaires  au  dcfir  du  repos, 
quoy  que  ce  ibit  une  amc  fîerme  &  entière  en  ce 
qui  eft  du  fervice  de  Dteu.  Luy  ayant  cefinoigné 
mon  defir  de  communiquer  avec  luy,  il  me  mené  au 
fJOTÙr  du  lit  en  une  maifonneite  de  plaifîr  qui  eft 
au  bout  de  ton  parterre.  lA  je  defpîoie  dans  ion 
fein  les  raifons  cy  dclTus  alléguées,  y  adjouflant 
quelque  chofe  du  mien  comme  ne  pouvanc  nier  que 
ces  premières  forces  n'enflent  pris  une.avanctgeufe 


LB    CADOCBS    OU    l'aNSB    DB    H.1X.         79 

pirca  que  U  perce  des  viet  &  des  biens,  les  grandes 
révoltes  qui  font  les  vrayes  &  efficaces  ruines  de 
l'Eglife,  Quelques  uns  font  fi  fols  que  de  fe  cuider 
fortiffier  par  pluGcurs  Seigneurs  &  Gouverneurs 
PapiAes  qui  veulent  donner  leur  ame,  leur  places  au 
Party,  &  moy  je  ne  voy  rien  qui  nous  menace  de 
cani  de  ruyne  que  telle  conjonâion:  [J'entends]  encor 
que  nous  pouvons  bien  par  les  armes  '  veoir  des 
ino'iens  ft  pluiicurs  de  ruiner  la  France ,  mais  pas 
un  de  la  relever.  Que  ferions  doncq  par  la  guerre^ 
La  rendre  capable  de  n'ellre  plus  ny  à  nos  perfecu- 
teurs,  ny  i  nous.  J'ay  veu  en  quelque  Iteunoftre 
condition  defpeinte  par  un  navire  qui  l<^e  deux 
partis,  les  uns  de  la  proue,  les  autres  de  la  poupe 
crevani  avec  les  canons  qu'ils  onc  oM  des  faboris 
la  partie  opofee,  ne  pouvant  le  viâorieux  fe  venter 
que  de  périr  un  peu  après  fon  ennemy.  Voila  le 
vizage  de  la  guerre  civille  avec  des  couleurs  vrayes 
&  plus  vives  que  vous  ne  me  l'avez  defpeint.  Par 
ainfy  il  demeure  conftanc  encre  nous  que  quiconque 
a  pris  le  chemin  d'un  ellat  fi  funefle  a  voulu  tuer  la 
France  fa  mère,  &  eflr  parricide  pour  le  moins  en 
volonté. 

Je  vous  voy  l'efprit  préoccupé  que  ceux  qui  fc 
font  tenus  à  leur  memoyres,  ont  fuivy  la  leçon  de 
leur  Provinces,  ayent  tendu  à  une  guerre,  &  que 
ceux  qui  onc  dépendu  des  volontcz  de  ta  Cour  ayenc 
eu  pour  but  la  paix.  11  fauli  vérifier  ce  doubte  fans 
feinte,  fans  couleurs,  par  bonnes  &  fermes  raifons, 
lefquelles  ont  befoin  de  forces  pour  rezifter  à  l'oco- 
riccé  de  laquele  nos  Pradans  fonc  couverez. 

Il  y  a  trois  cezes  qui  font  partout  nos  difierances  : 
la  première,  les  uns  difenc  que  nous  pouvons  main- 
tenir nos  vies  &  nos  biens  en  faiiànt  pitié  ï  nos 


8o         IB    CADUCII    OU    L'aMCI    D1    VAIIC. 

adreriurcs  ;  les  autrei  difeni  que  noui  noiu  mtin- 
ceooos  mutua  formidim*.  La  ^onde  lexe  eft  que 
nos  adverlkires  n'ont  plus  de  volonté  de  nous  extir- 
per, les  autres  dilêni  que  C.  La  troifieme  que  ooftre 
ordre  ne  peult  élire  june  &  fubGâer  en  l'Euat.  Nous 
difons  qu'il  eft  jufte  &  qu'il  y  peult  fabfifler. 

En  traitant  de  U  première  queftion,  il  me  Sou- 
vient qu'auparavant  les  Aflcmblees  Proviocialet 
qui  donnèrent  forme  à  la  Générale,  ce*  Mar^ 
chaux  Si  grands  perfbnnages  que  vous  avez  ]4>ecifiez, 
&  defquels  l'otorité  vous  emporte,  nous  envoyèrent 
par  le  Sieur  de  Sainâ  Gômain  leurs  mémoires 
qui  fervirent  de  projetz  aux  noftres  fuivis,  à  dos 
provinces  voifînes,  &  meime  elles  n'y  ont  dimi- 
nuez. Cii  gtatiAs  hommes  ne  nous  aprenoyenc  pa$ 


L8    CADUCB8    OU    LANGB    D8    FAIX.         Si 

quels  apffoyeat  par  les  refpedz  de  Romme&d'Et 
pflgne  aufly  fouvent  que  par  ceux  de  France,  Il  nous 
dilbit  en  nous  ferrant  la  main  :  Il  it^tfi  auttmt  dt 
btfoin  que  vous  fiûifflù^  qt^à  vous  mefmes;  &.  oftei 
les  jaloulies  &  les  haynes  qu'il  concevoii  conn%  les 
Grands  de  noUre  Party,  il  aîdotc  k  l'affermilTement 
par  les  raifons  qui  fuiveni  :  c'eft  que  quand  du 
dedans  du  Royaume  le  Clergé  alTemblé  foubz  coït- 
leur  des  Comtes  de  CaDille,  l'envoïa  prelTer  par  les 
Cardinaux  de  Joyeufe  &  de  Sourdis  de  donner 
quelque  efperance  aux  Cacoliques  de  France  fur  leur 
deûr  de  noflre  extirpation,  ce  fage  Roy  s'engardoic 
tnen  de  leur  nier  la  teze,  ny  mefmes  que  fa  volonté 
ne  fuH  pareille,  mais  il  leur  faifoic  veoîr  nollre 
multitude,  nos  places,  noftre  opiniâtreté  &  dexté- 
rité à  les  deffendre,  &  par  là  la  ruine  du  Clei^é  au 
tiers  de  la  France,  &  payoit  de  noftre  force  pour 
éviter  la  guerre. 

Quant  le  Nonce  du  Pape  le  preflbit  de  la  part  de 
fon  Maiftre  par  prières ,  par  raifons  &  puis  par 
menaces,  à  exécuter  les  prometfes  de  noftre  ruync 
que  vous  avez  cottees  au  couronnement,  &  plus 
exprelTemeni  au  mariage  (l'apcndix  de  Genebrard 
imprimé  à  Lyon  nous  en  a  inftruits),  ce  Prince  n'a 
jamais  repondu  qu'il  n'en  feroit  rien,  mais  prins  un 
delay  de  fa  debte,  ne  pouvant  nier  le  principal,  affa- 
voir  en  attendant  qu'il  nous  euft  afoibliz  par  la 
révolte  de  force  gens  de  bonne  maifon,  Sl  par  la 
fubftraAion  des  places  que  nous  demandons  encor 
aujourd'huy.  Il  fe  fervoit  donc  de  la  force  qui  nous 
reftoii  pour  avoir  terme. 

Quant  ayant  alegué  que  le  Roy  d'Efpagnc  endu- 
rcît les  Mahometans  en  fon  Reaulme,  luy  qui  le 
preflbit  par  la  voyc  deftoumee  de  chaflèr  des  Chref- 


8a         LE    CADVC»   ou    LANOI    SI  PAIS. 

tiens,  ce  Roy  fii  en  Ton  Royaume  une  û  fanghnte 
cure  comme  il  a  paru,  que  noftic  Roy  privé  de  U 
première  deffaiie  fiii  porté  avecd' sucres  mouvement 
k  entreprendre  le  trouble  de  l'Europe,  duquel  voua 
avez  pu-lé;  ft  à  cela  juges  : 

QuoMa  molit  trit  faiiBam  ûtfatàert  gautm. 

Quant  la  Raine  aufli  toft  qu'eftablie  pour  Régente 
a  efté  prefTee  par  le  Nonce  &  par  le  Conte  Boiy 
eftably  auprès  d'elle  pour  procurer  cet  affaire,  de 
acomplir  les  promefTcs  du  Roy  Ton  mary  ft  la 
fienei,  &  quant  le  Duc  d'Epernon  &  autres  luy  oot 
noncré  leur  grand  defleîng  communiqué  à  luy  &  à 
elle  k  Monceaux  (c'eft  ce  qui  s'en  peult  dire  icy) 


LS  CADOCSB   OV    L  &NCI   Dt   PAIS.  S} 

^vKDt  Dieu  A  les  hommei  du  vilain  &  bagloni 
câat  det  guores  ctrilee  que  nous  «vont  elcrit. 

L>  &axide  Eeze  le  prefante,  c'eil  que  aucun  ne    ' 
Bont  veut  plus  exnrper,  &  li  defliu  on  akgue  les 
oorpt  det  vÛes  Us  de  U  guerre. 

Je  coofeflë  qu'il  y  a  en  France  plulieurs  corp*  de 
Tttes  fages  ^  leurs  defpuis  &  |Jus  kuz  noftrcs, 
cooune  Paris,  Orléans,  Roiiin  &  teles,  detqueles 
nui  Ici  principaux  font  enemis  &  craintifs  du  trôuUe, 
ce  que  Paris  doibt  à  mon  advis  à  la  fi^  A  bonne 
pkffioa  de  leur  Coure  de  Parlemenr,  Orléans  à  U 
r^eâioo  des  Jefuiros,  Rouhan  i  la  [«udeoce  de  leur 
premier  Prefîdant,  &  ùnfi  plufieura  pour  différantes 
caufesont  apris  à  rejette r  les  edinceles  de  leurniyne. 
Mais  TOUS  ne  voïez  point  ces  changemens  parmy  les 
médiocres  &  plus  bas  peuples,  &  principalement 
aux  lieux  où  les  Jefuites  inllruifenc  &  prefchent. 
Qui  aura  obfervé  ceux  de  Toloze,  Bourdeaux,  Poic- 
àera,  Lyon,  Angers  &  autres,  en  fçaura  bien  que 
dire.  Les  defenterrements  qui  fe  font  journellement, 
me&nes  aux  pays  où  ceux  de  la  Religion  font  les 
plus  forts,  &  des  fubjeis  fur  les  Gentilshommes 
feroyent  de  futEzantes  preufves  de  cette  haine.  Maïs 
nous  en  avons  une  plus  forte  que  nous  ne  voudrions 
&  que  j'ay  aprife  de  la  bouche  de  celuy  de  nos 
PrmdtHS  qui  a  aporté  beaucoup  de  branle  à  notre 
divificm,  c'eft  {comme  il  dit)  que  le  Roy  n'eft  point 
mon  en  vain.  Les  recerches  de  la  Cour  de  Parle~ 
ment,  les  derniers  playdoïers  de  Marteliere  ont  hxt 
veoir  fur  le  plus  tûult  efchaffault  de  la  Chrellienré 
que  la  hayne  n'eft  pas  morte,  &  que  Henri  le  Grand 
en  eft  mort. 

J'admire  la  profonde  prudence  de  ceux  qui  ont 
efiouffi  les  amcles  des  Provinces  qui  demandoient 


84         !■>    CADUCI8    OU    LAKOI    Dl    PAIX. 

juftice  de  celle  more.  Ils  nous  ont  &it  nire ,  fkns 
nous  dire  cornent,  en  quoy^  A  qui  nous  oSisnlionili 
A  qui  pouvions  nous  demander  chofe  fi  jufte  qu'à  U 
Roine  qui  tient  l'Elbu  >  Pour  qui  f  Pour  le  peuple 
&  pour  elle.  Comment?  Par  U  Cour  des  Pairs,  en 
punifTani  les  calomniateurs  de  mort,  mais  publique. 
On  les  accufe.  S'il  n'i  a  point  de  calomnie,  quel 
père  ell  fi  exécrable  duquel  meurtre  on  deffende  U 
recherche  aux  enfans?  Quand  nous  demandions  l'Edît 
de  Nantes,  on  nous  fermoîi  la  bouche  par  la  révé- 
rence du  Père  &  Reflaurateur  de  la  patrie.  On  nous 
U  ferme  quand  nous  nous  efcrlons  fur  le  parricide. 
Eft  ce  par  refpeâ  ou  par  crainte  qu'on  nous  deffent 
de  nous  efcrier?  Je  brîze  ]k  mon  devis,  mais  les 
pierres  parleront  lî  les  hommes  Te  tatfênt.  .Or  voiils 


LB    CADUCRB    OU    l'aHGK    DE    PAIX.         85 

bons,  après  eux  les  Cha1>illons  &  tant  d'auirei 
Seigneun  principaux  aux  dignicez  de  la  France. 
Ceux  ]k  ont  veu  brullcr  fix  mile  inocentz  avant 
s'eCnouvoir,  &  euflcnt  plucofl  païè  de  leurs  vies 
que  de  courir  aux  armes,  tï  les  exelens  Palleurs 
de  ce  fiecle  là  &  leur  confcîences  ne  leur  euflent 
reproché  le  fang  des  pafTez  &  celuy  qui  ell  preft  à 
vôfer. 

Ceux  là  ont  confulté  la  bouche  du  Seigneur,  les 
oracles  des  livres  fain£ts,  fans  mefprifer  les  exelanis 
Jurifconfulces  de  leur  temps;  &  Dieu  leur  ayant 
donné  des  Princes  du  fang  &  des  Pairs  de  France 
non  feulement  capables,  mais  obligez  par  leur  eftat 
de  s'opofer  à  la  tyranie  fur  les  âmes  &  à  l'em- 
brazement  de  la  France,  ceux  là  ont,  avec  toutes 
les  formes  fpecîfiees  par  le  Droit,  formé  le  Parcy  ac- 
cepté pour  tel  par  l'Eftat  de  France,  dés  lors  que  les 
Roys  en  leur  Confeil  ont  receu  ledit  Party  à  l'obfer- 
vation  du  droit  des  gens  comme  des  capitulations, 
privilèges,  des  tambours,  trompettes  &  herauiz, 
&  enfin  par  la  première  paix  formele  traittee  &  con- 
clue en  égal  nombre  dans  un  pavillon  violet  fur  le 
fable  d'Orléans,  par  laquele  paix  font  données  au  dît 
Party  &  approuvées  les  rançons,  les  reprezailles, 
jugemens  en  dernier  refTort,  exécutions,  grâces,  con- 
feàion  de  poudre,  fonte  d'artillerie  &  ^brique  de 
monoye,  toutes  ces  marques  de  Party  reconfirmées 
autant  que  les  ocafions  des  guerres  l'ont  defiré, 
&  enfin  par  neuf  Paix  folemneles. 

Ouy,  mais  on  dira  que  cela  ell  le  malheur  de  la 
France  &  que  toutes  ces  marques  bien  eftranges  ont 
pu  élire  tolérées  à  la  fumée  désarmes,  mais  eifteintes 
par  la  paix. 

Ceux  de  la  Religion  n'ont  jamais  veu  les  mains  du 


86      Li  CADUC»  oir  l'anob  dk  faix. 

Prince  tendues,  quoy  que  laJIês  de  fraper,  &  preftet 
i  Y  retourner  après  le  deflaflemeni,  qu'ils  n'ayent 
couru  pour  les  baifer  &  les  piedt  qui  fe  levoycnt 
pour  fe  mètre  fur  la  gorge,  &  de  plut  marris  de  leur 
privilège,  marque  de  ce  malheur  &  de  leur  necef- 
fité.  Ilx  onc  adoucy  &  les  termes  &  les  chofês  comme 
les  paix  en  edis,  &  fe  font  defpouïlkz  au  com- 
mencement de  viles  &  d'armes  jufquei  au  premier 
elTay  de  la  fby  publique,  laquele  violée  leur  aprit  i 
demander  des  places  de  furettë. 

Ny  les  editz  de  paix,  ni  les  places  d'oflages  de  U 
fby,  ny  te  tilcre  de  proteâeur  que  le  Roy  a  por^ 
vingt  ans,  n'elloyent  pièces  bien  confonantes  ii  un 
eflac  jufle  &  abfolu  :  &  pour  en  parler  ingénument, 
nos  re^lemens,  nos  G>nfeili  (oftez  leur  necellicé)  ne 


Ll    C&OVCII    OO    LANOI   DI    PAIS.         R7 

ceux  qui  la  maindeiinenc  aujourdbuy  en  verits, 
[{ont}  mil  en  arani  &  Ibni  omis  par  ceux  qui  les 
Traient  maintcnanc  oprimcf  ■ 

J'acbereray  par  ce  mot  que  deux  chofcs  noua 
fèrojrent  pliuoft  conlènar  k  la  mort  qu'i  pt^ndre  U 
vojre  de  dos  Prudâms.  C'ell  que,  comme  quelqu'un 
d'eux  a  confeŒi  i  deux  de  fes  amif ,  les  ner£i  que 
Tentent  donner  au  Part/  les  F*rm*s  bmiflènt  la 
guerre  &  en  oftent  Us  moyeni.  L'eftai  mi&rable  où 
'nos  Prvddiu  le  fflettent  appelé  la  perfecucion  &  la 
guerre  arec  elle.  Les  uns  ont  fuivy  les  mémoires 
qu'ils  receuretit  de  nos  Grands  &  ne  peuvent  changer 
leurs  jugemens  aux  rena  de  toutes  leurs  volonié*, 
les  autres  difenc  que  c'ell  louveer  fans  changer  de 
navigation;  tes  uns  veulent  obferver  leurs  fennans 
&  leurs  feings  confignei  en  leur  AlTemblee  oiorifee 
de  toute  la  France,  les  autres  difent  qu'ils  ont  des 
dozes  &  equiToques  pour  explication.  Les  Ftrm*s 
ne  peuvent  fe  départir  des  ordonnances  de  tele 
Aflëmblee  que  par  les  correâions  d'une  autre  de 
pareille  ocorité;  Ici  Prudans  veulent  que  par  des 
CcMumiffaires  refnfez,  non  advoiiez  &  depefchez  k 
l'exécution  des  points  difcordez,  on  face  par  pièces 
accepter  k  chefcune  à  part  ce  qui  requière  le  con- 
iêacemeni  commun.  En  fin  la  rejeâion,  les  menaces 
&  les  ruynes  des  uns  me  font  de  meilleure  odeur 
que  les  promelTet,  les  ellevadoas  &  nouveles  ri- 
chelTct,  pour  avoir  apris  que  toutes  les  harangues 
qui  commencent  par  .  Jt  u  âomteray,  ne  forteni 
jamais  de  la  bouche  des  Anges,  mais  de  l'efprii  de 
perdition. 

Telles  paroles  prononcées  avec  plus  d'emoiion 
ft  de  vehemance  que  je  n'euflc  defiré  contentèrent 
pourtant  ma  fêgonde  oreille  [dus  que  n'avoic  eflé  la 


LB    CADVCEI    OV    L  AKGB    DS    1 


première.  Après  avoir  pris  haleine,  je  r 
Geaulhonune  [ouc  ce  que  la  charicé  doibc  exiger 
d'un  vray  Chrefticn,  combien  ell  agréable  à  Dieu 
celuy  qui  quiie  de  fon  droit  pour  avoir  paix,  ale- 
guani  la.  fanunce  du  Sage  qui  deâîrad  mc&ne  d'eftre 
crop  jufle.  Luy  m'ayanc  remercié,  aprouvé  mon 
bon  defleing,  promit  de  flaichîr  cous  les  coeurs  de 
fes  amis  pour  aler  au-devani  de  la  réconciliation  let 
bras  avancez,  mettre  foubz  les  pieds  la  mémoire 
des  offanfes  publiques  &  particulières.  Il  acheva 
par  ce  terme  qu'il  feroit  tousjours  d'avis  d'oublier 
toutes  les  iufidelitez  palTees,  mais  non  pas  celles  de 

Je  luy  demande  pcrmiflïon  de  me  retirer  en  ma 

chambre  avec  papier  &  ancre;  c'eftiiît  pour  rédiger 


t   OV    LAKGS   DS    FA 


(exe ,  U  grandeur  &  ta  probitté  repugnoyent  à  relie 
aâion.  La  reponce  fut  qu'il  n'y  avoit  potni  de  fexe 
exampi  de  piifon  pour  les  crimes  de  leze  Majefté, 
qu'il  n'y  avoii  poinc  de  grandeur  là  où  il  s'agiflbic 
des  intérêts  de  la  Rayne,  que  Madame  de  Rohan 
a'elloif  pas  PrincelTe,  que  pour  la  probité  il  n'y  avoit 
rien  i  dire  contre.  Il  fui  répliqué  que  nul  n' avoit 
acuzé  cette  Dame  de  crime  de  leze  Majefté,  mais 
qu'cle  avoit  elle  prife  en  reprezailles,  que  fes  en- 
fans  avoyent  l'honneur  d'eftre  héritiers  de  la  race 
Royale,  defcendus  des  filles  de  France  &  en  ligne 
mafculine  des  Ducs  de  Bretagne,  fur  quoy  la  qua- 
lité de  Princes  ne  leur  [a]  jamais  efté  r^ufee.  De 
ce  difcours  ils  lumbent  fur  ce  pardon  ;  l'un  fe  met 
k  louer  la  grande  bonté  de  la  Rayne  de  vouloir 
fi  aizemcnt  pardonner  à  ceux  qui  avoyent  violé  les 
formalitez  de  l'Eftac;  l'autre  refpondit  qu'on  n'avoir 
en  rien  contrevenu  aux  règles,  veu  mefmes  que  les 
lettres  de  la  Raine  ordonnoyent  aux  Députez  de 
Saumur  qu'ils  eulTent  à  porter  fa  volonté  à  ceux  qui 
les  avoyent  envoies,  lefquelz  ne  pouvoyenc  eftre 
autre  que  les  Affemblees  Provinciales,  que  ceux  qui 
avoyent  inventé  réhabilitation,  pour  mettre  fuptile- 
mcnt  fur  la  teile  des  plus  gens  de  bien  de  la  France 
une  ignominie,  devoyent  eflre  punis,  car  cognoîflant 
bien  que  perfonnes  fi  honorables  opozeroyent  à  teles 
infamies  leurs  courages,  par  là  ils  ont  voulu  les 
émouvoir  aux  remèdes  extraordinaires.  Tel  propos 
fut  receu  avec  eflevation  &  mefpris  de  tout  ce  qu'on 
pouvoic  faire  contre  le  bon  plaifir  de  leur  Majellés. 
On  fe  jetta  fur  la  pauvreté,  paucité  des  Ftrmes 
abandonnés  des  deux  plus  grands  Capitaines-  de  la 
France,  meûnes  de  quelque  Palleurs.  Je  cognu  bien 
aux  refponces  à  teles  chofes  &  à  U  modeltie  de  mon 


90         Ll   CADDCES   OD    LAHSI    Dl    PAIX. 

hofte,  ie  conicnnni  d'dloigner  Ici  remèdes  des  armes, 
qu'il  oe  mecoit  pu  en  a.vuic  toutes  fes  penfees  potir 
pluCeurs  reQ>eâz.  Voyant  aulli  que  les  efpricz  s'al- 
icrojrcnt,  je  les  priay  de  remettre  telz  pro[lo«  en 
lieu  privé,  ce  qu'ils  firent  l'un  &  l'autre  volrâden. 

Ellant  hors  de  uble,  nous  nous  en  alona  nmi 
trois  au  meûne  cabinet,  où  ayant  pris  nos  place* 
j'ouvris  la  lice  au  dialogue  qui  s'enfuit,  conuneDçont 
atnfy  : 

Le  Modtfit.  C'eft  au  nom  de  Dieu,  auquel  voua 
fervez  l'un  &  l'autre,  par  fa  bonté  que  je  vous 
conjure  que  nos  propos  foyent  fans  fiel,  ayans  la 
paix  pour  but,  la  vérité  pour  guiilc,  &  l'humilité 
pour  moïen.  Laiflbns  les  matières  perfonneles,  lef- 
queles  ne  fe  peuvent  remuer  fjns  pique,  &  j 


Lt    CADDCIB    OU    L  AHGK    Dt    PAIX.         $1 

un  pauvre  fbt  niais  noroé  Geord^,  lequel  il  &ifoit 
trop  inhiunainemenc  faulter  de  delTus  un  bufiêt  dani 
un  monceau  de  chaires  &  d'efcabeaun,  &  comme 
ce  pauvre  homme  refiifoit  en  pleurant  de  s'aler 
bleflèr  &  meum-ir.  Ton  maiftre  n'avoît  point  de  plua 
violantes  foUcitations  pour  le  poulTer  à  fa  mîfere 
que  de  lui  reprocher  ta  gloire.  Certes  vos  matflres 
  vous,  vous  joiiez  atiiii  de  nos  afliâions,  nous 
reprochant  pour  orgueil  que  nous  ne  voulons  pas 
périr,  &  le  defir  de  guerre  quand  nous  voulons 
tfléurer  la  pais  &  ne  nous  précipiter  pas  dans  les 
maflacres.  Notre  obeilTance  à  la  Rayne  avoit  elle 
otmcertee  par  nos  Provinces,  les  moyens  d'y  obéir 
cherchés  8c.  prefcripiz  par  la  plupart  d'iceles  qui 
nous  avoyen[  donné  loy  de  n'en  palTer  à  la  nominacion 
qu'après  le  confencemenc  receu  :  &  d'ailleurs  nous 
n'avons  point  refuzé  abfolument,  mais  dilayé  jurques 
i  la  cognoilTance  de  nos  raifons  &  au  refus  ancier 
de  nos  prières  :  &  ce  grand  perfonnage  que  vous 
aleguez  nous  avoir  envoie  parrout  les  mémoires  fur 
lelquels  on  avoîi  drelTé  noitre  leçon,  &  vous  qui  nous 
menafllez  qu'autre  eftoic  la  volonté  des  Provinces, 
vous  avez  bien  fenty  qu'elles  nous  ont  advoués  en 
vous  defavouant,  la  plupart  ayant  bkfmé  leur  Dépu- 
tés de  s'eftre  lailTé  aler  trop  Facilement  au  petit 
nombre.  Vous  eftiez  de  ceux  qui  ivoyent  drelTé  nos 
articles  :  qu'avez  vous  veu  depuis,  vous  &  le  Grand 
que  vous  aleguiez,  pour  vouloir  que  le  droit  de 
Cœzar  eftouSc  celuy  de  Dieu> 

Le  Prudeai.  Nous  ne  penfions  pas,  eftans  aux  Pro- 
vinces,  que  la  fermeiié  nous  deud  mener  à  la  guerre 
comme  elle  eft  toute  apparente.  D'ailleurs  fur  les  fer- 
mans  que  quelques  uns  faifoyent  &  que  nous  faizîons 
•prés  eux,  nous  croyons  que  les  articles  euflënt  reT- 


Ç2         LB    CADUCEB    OU    LANGE    DE    PAIX. 

pondus  aux  defîrs  des  Eglifes.  Pour  moy,  je  pro- 
tège devant  Dieu  &  fes  Anges  que  je  le  lenois  pour 
affuré,  &  fi  vous  voulei  avouer  veritté  devanc 
Monfieur  que  voïez  qui  annonce  la  veritté,  vous 
villes  bien  i  ma  contenance  &  ^  celle  de  plufieuis 
autres  que  nous  avions  eftés  deceuz. 

Le  Fermt.  Il  ne  fault  point  de  conjuration  pour  me 
foire  avotier  ce  qui  ell.  Il  efl  certain  que  la  lefture 
des  refponces  elûnt  faîtte,  quelques  uns  des  voftres 
enfoncèrent  le  chapeau,  les  autres  fe  prirent  i  rire, 
cinq  ou  fut  ii  pleurer.  Je  vous  penfe  avoir  efté  du 
nombre  des  derniers,  mais  qui  vous  empefclia,  i 
fraude  veuë,  de  donner  les  mains  k  vos  frères, 
comme  firent  deux  des  quatre  Miniilres  qui  avoyeni 
fuivy  voftre  opinion? 


LI    CADUCBI    OU    LANGB    Dl    PAIX.         J)J 

cftoii  plus  grand  que  ces  chofês  &  s'il  y  a  lachené, 
où  paroift  elle  plus,  à  fuivre  les  Grands  ou  les  foi- 
bles^Jecnios  que  ces  faintes  promelTes  ayeniprint 
quelque  feau  plus  précieux  que  vous  ne  direz.  £c 
quanc  aux  moïens  exelans  de  ces  Grands,  en  avoyent 
ils  d'auQYs  que  ceux  qu'ils  nous  ont  propo[îis,&c  or- 
donner &  jurer  pour  la  paix  >  Dictes  en  confcience  (y 
on  nous  en  lalrra  jouir,  divi fez  pluioft  que  bien  unis? 

LeModtfit.  J'eus  un  peu  de  paine  àempefcher  la 
quereUe  fur  ce  féau  précieux,  mais  enfin  une  explt- 
cacion  les  fit  fuivre  en  cette  manière. 

L*  Prudent.  Quant  l'oeil  voit  ce  qu'il  n'avoit  pat 
vcu,Iec(Eur  penfecequ'dn'avoitpaspenfè.  Jeledis 
tant  pour  nous  que  pour  le  principal  d'entre  nous. 
Pour  nous,  qui  ne  fçait  que  les  derniers  lellamans 
&  contratz  n'effacent  l'oioriHé  des  premiers?  En 
cela  noftre  caufe  ell  pareille  à  celuy  qui  nous  con- 
duifoic,  &  pour  vous  en  dire  autant  qu'il  en  faulc 
pour  nous  juftifier,  quant  ce  Seigneur  eull  recognu 
(je  ne  craintlray  point  de  parler  ainfy  devant  Monficur 
qui  eft  remply  de  modeftie)  que  les  Miniftres  vou- 
loyent  ampiecter  l'otoritté,  effacer  parmi  nous  les 
degrez,  &  cornoyent  la  guerre  pour  ruyner  l'Eftat, 
nous  réduire  à  La  forme  des  Souifles  &  Pays  Bas, 
ayant  veu  cela  pour  chofe  nouvele,  les  gens  de  bonne 
roaifon  eurent  jufte  ocafion  de  s'y  opofer  &  de  chan- 
ger de  moïens  à  l'ocafion  prefante.  Au  relie  je  croy 
qu'il  n'y  a  nul  moïen  par  lequel  vous  puîlTiez  con- 
ferver  la  paix  que  par  l'humilité  à  taquele  volhe 
divifion  en  vous  afoiblilTant  vous  convie,  &.  fault  que 
vous  l'apeliez  une  verge  de  Dieu  pour  nos  péchez. 

Le  Ftrme.  Je  ne  fçay  ce  que  vos  yeux  ont  pu  veoir 
k  Saumur  &  voz  oreilles  ont  ouy  fonner,  bien  fcaî  je 
que  les  noltres  ont  pleurez  &  que  nous  euflions 


94         Ll    CADUCBt    Ott     LANSl    DB   PAIX. 

voulu  élire  fourds,  qiund  nous  avons  oiiy  vos  acu- 
fiàdons,  comme  cde  de  Alcîmus,  coacre  vos  frères. 
Il  ell  vray  qu'i  la  ledure  de  l'article  qui  condemnoic 
nos  Palpeurs  ï  ligner  que  leurs  Ëglifes  cûoytatprmtttt- 
duij  Réarmées,  de  vint  &  ung  les  dix-neuf  s'efcri^ 
rent  :  D»s  potmees,  dts  buehtrs  pliUofl  qn»  etU.  Le 
commencement  de  cette  voix  fut  par  les  Hliniflres 
de  Lyon,  Paris,  Roiihan,  Poittcrt,  Angcp,  lefquels, 
comme  ils  dirent  cuis  après,  ne  pcurent  siteodre  du 
premier  jour  des  armes  que  de  veoir  la  corde  au  col 
violer  leurs  femmes  &  leurs  filles  devant  leura  yctu 
en  leur  préparant  une  cruete  mort;  &  voila  leur 
guerre.  AcufercK  vous  les  neuf  Faix  impeirees  par 
tant  de  fang  d'avoir  eu  pour  but  i'Ellat  <tea  Souiflês 
par  le  e  on  fente  ment  de  trnis  Princes  de  Bourbon 


LB    CADDCIB    OV    LANGI    SB    PAIX.         95 

Prince  ne  les  arreftoit  pu  ea  aleguant  noflre  humi- 
lité,  nuls  bien  la  dificulté  i  nollre  niyne. 

L£  Pmdmt.  VoUre  difcours  de  cette  fonnerie  à  1102 
oreillet  me  piqueroii,  fi  je  ac  croyois  que  voiu  le 
dites  fuu  milice.  J'ayme  mieux  venir  au  principal 
&it,  auquel  je  dit  que  noua  avions  bien  enduré  foubt 
le  feu  Roy  U  qualité  de  l'Eglife  prtttndue  Rtffornut. 
Noos  eft-il  bien  Iccanifous  le  r^ne  d'une  vefve 
&  d'un  orfelin,  de  qui  le  père  nous  a  fait  tant  de 
bien,  d'cftre  plua  châflouiileux  qu'aux  temps  paTés, 
lorfqu'il  fault  coucribuer  à  la  co&fervacion  de  ï'EAat 
HOC  interetz  aufly  bien  que  nos  vies  }  Ec  puis,  pour- 
quoy  nous  acculez  vous  de  vouloir  confentir  ce 
dltrePN'enfommes nous  pas  auffydefplaifant  comme 
nous  mefmes  Compagnons  de  [eles  ignominies  î>  S'il 
y  en  a,  corne  vous  dictes,  montrez  nous  que  nous 
l'ayons  defiré  ou  confency.  Pour  le  point  de  mettre 
le  régime  des  affaires  encre  les  mains  des  Minières 
&  des  populaires,  ne  nous  aleguez  point  les  guerres 
palTees  auqueles  il  y  avoii  des  Princes,  car  mainte- 
nant qu'il  n'y  en  a  plus,  nous  verrions  un  beau 
melh^e  &  une  grande  confuflon.  Quant  à  l'humi- 
lité que  nous  vous  avons  tant  recommandée,  ce 
n'eft  pas  à  dire  qu'elle  full  du  tout  en  Te  de&rmant 
&  defgamifTant  des  rooiens  de  fubllller,  mais  que 
vos  feuretez  ne  brident  point  l'otoritté  du  Prince, 
que  les  millions  aux  places  vacantes  ne  dépendent 
que  du  Souverain,  lequel  fçaura  bien  y  pourveoirde 
perfonnes  capables  mieux  que  ne  feroyent  vos  Minif- 
tres.  Pour  moy  je  dételle  l'opinion  de  ceux  qui  en 
ont  voulu  attribuer  la  nomination  b  autre  que  au 
Roy. 

Lt  Ftruu.  Je  refpons  à  trois  matières  par  l'ordre 
que  vous  leur  avexdooné.  La  première  a  deux  chefs, 


{)6         LB    CADUCBB   OU    l'aNGI    D1    PAIX. 

fçavoir  que  nous  avons  enduré  le  dltre  de  prtttnàus 
RtffoTmii,  ce  qui  eft  vray  par  la  bouche  de  nox 
adverfaires,  faulx  par  la  noflre  &  nocemenc  par  les 
tefmoignages  que  nos  Miaiftres  doibvent  f^ner  pouf 
la  profeflîon  d'un  chefcun.  Les  tiltrcs  odieux  que 
vos  pretlres  nous  donnent  ne  vous  portent  point 
d'infamie,  finon  quant  vous  les  acceptez  &  les  gardez 
vous  mefmcs  comme  on  a  voulu  en  cette  dernière 
adion.  L'autre  branche  e(l  qu'il  (ault  vous  prouver 
que  vous  y  avei  confenri,  ce  que  vous  avez  fait  en 
opinant  tous,  qui  vous  appeliez  Pradtau,  que  nous 
avions  ocafion  de  contentement  en  la  refpoiile  à  nos 
articles,  defquels  cettuy  eft  le  premier  en  fcandale, 
&  puis  tous  vos  efcricz  notement  celuy  du  Miniftre 
Albigeois  &  le  manife(le  du  Maire  de  St  Jehan, 


Ll   CADIICBI    OU    LAMOt    Dl   VaIX.         97 

de  Milkiu,  aux  arcicUt  de  laquele  (bien  qu'il  n'y  eutt 
Bucan  Prince  duu  le  Put/)  il  ne  parufl  rien  qui 
fiaidft  l'abandon  de  U  Monarchie ,  maîi  bien  quant 
le  Roy  dernier  mon  voulut  à  l'Aflemblee  de  Mon- 
nbin  délibérer  quelque  chofe  qui  (entoit  trop  le 
mefprii  de  l'Eftai,  ce  fiirenc  let  Miniffaa  qui  luy 
rezifterent  en  face  :  encor  cette  preuf<re,  quant  luy 
mefinc,  le  Vicomte  deTurene  &  Favaa  ft  deux  autrei 
deliberereot  &.  execueerenc  la  guerre  que  l'on  nomma 
dc«  AmoimMXf  ce  furent  lei  Condftoirei  qui  la  jugè- 
rent inique  &  bridèrent  ta  plupan  det  vÛea  contre 
le  dit  Roy  de  Navarre,  leur  bifknt  reccpvoir  la 
confirmation  de  U  paix  ft  lea  contraignant  de  ren- 
trer fbubz  le  Julie  joug  de  la  Royauté.  Nous  avons 
bien  quelqu' autre  exemple  de  votre  grandeur  qui 
voulant  prendre  une  belle  ocalion  en  fui  arreftee 
par  ceux  qu'on  acuze  d'cflre  Souifles  :  &.Dieu 
vueille  que  l'aigreur  qu'il  a  aujourdhuy  contre  les 
Eglifes  &  particuliers  Fermes  ne  foit  point  venue  du 
trop  grand  refpeâ  au  Roy,  par  lequel  feul  elles  n'ont 
pas  fecount  là  fortune  quant  il  s'ed  veu  un  fiege  fur 
les  bras.  Les  reproches  &.  tes  menaces  qui  ont  fuivy 
cet  aâion  en  ont  plus  dit  que  moy  qui  me  tairay 
fur  cette  affaire. 

Toutesfois  &  quanies  que  l'on  condeflènc  i  quel- 
qu'un furecéi  d'un  contrad,  c'eft  une  ptperie  que  de 
le*  invalider  après  tes  avoir  prins.  C'a  autrefois  efté 
un  grand  crime  de  doubler  de  ces  mots  :  Ea  foy 
&  parole  de  Roy.  Cheicun  eilolt  tenu  de  fe  paier 
d'une  tele  monoye.  Sy  quelqu'un  l'a  falcifiee,  il  n'en 
fault  pas  btafmer  ceux  qui  fur  ce  g^  ont  perdu 
trente  mile  vies  en  une  fépmaine,  mais  bien  ceux 
qui  le*  ont  oftees. 

C'efl  de  là  que  Ibnt  venus  les  noms  d'otages 


9^         LE    CADVCBB   ou    I.AK6B    DB    FAIX. 

&  fureaez.  Maudit  fou  qui  en  aunenéUneceflitté; 
mais  quani  le  Mûftre  veult  donergage  de  fa  parole 
à  fon  fcrviceur,  efl  il  pas  moqueur  s'il  veulc  que  cà 
gages  foyeni  dans  fon  coffre,  pareil  à  quelqu'un  qui 
ayant  offert  la  cane  blanche,  difl  qu'il  entendoit  Cuu 
figner?  Pour  moy,  je  veux  penfer  que  le<  demieret 
aiïurances  de  nos  Royt  nous  ont  elle  doneet,  ou 
pour  le  moins  prolongées,  pour  les  garendr  des  Iblï— 
citations  de  Rome  contre  nous  :  or  c'eft  une  faul- 
ceté  que  pas  un  de  nous  en  ait  demandé  la  pure 
nomination,  mais  bien  quelque  cholè  d'aprochant  à 
la  formalité  qui  fe  pratique  pour  nos  Députez  géné- 
raux :  doncq  voicy  la  douleur,  c'elt  que  ceux  qui 
ont  tourné  le  dos  à  leur  vocadon  craignent  que  fi 
les  Eglilês  ont  quelque  fuffrage  i  l'eleâion  de  leur 
mfiaircni  pluioft    à   un  PapJHe 


I.I    CASVCll    OU    LAHOI    SI    PAIX.         Jljt 

cncmies  du  Chreltien,  du  vny  honeur  ft  contre  les 
)ufUs  &  Icverei  loix  qui  Sont  munrenanc  en  l'Eftat. 
Monûeur  de  N.  ne  vout  a  point  parlé  de  fon  eltimc, 
miû  de  celé  du  comioun  de  loijucle  vou<  ne  doubles 
point;  mefmes  vous  avez  à  TOUS  préparer  de  de£utcet 
oonire  un  extraie  qu'on  hit  courir  des  connu»,  pen- 
fions,  c(Ub,  promèllès  livreei  &  fkiees  i  un  che&un, 
pu  qui,  en  quel  lieu,  en  quelle  roouoye,  lins  oublier 
l'âpc^tcgme  d'un  inarchuit  de  Saurour,  lequel  Ibli- 
dié  par  Ibn  hofle  de  ferrer  l'or  qu'un  Gentilhomme 
luf  pre&ntott,  refuza  de  le  mettre  en  Coa  cofire,  le 
noomaiu  le  prix  du  fuig.  Vous  ferei  bien  de  refiiier 
lelet  choKs  que  notre  charité  ne  permet  pu  de 
croire. 

Lt  Prudent.  Ce  n'eft  point  moy  qui  pique,  mais 
mon  Coufin  jette  tousjours  quelque  trait  comme 
inprudemmant,  qu'il  fçait  bien  eftre  des  propos  que 
le  vulgaire  a  en  la  bouche  pour  nous  diffamer. 

Le  Ferme.  Je  n'en  ay  pas  plus  dit  que  vous,  &  puis 
que  VOUE  avoileE  que  l'on  le  dit,  donnez  nous  moyen 
de  parler  pour  vous  en  cette  ocafion, 

Lt  Prudent.  Nous  ne  pouvons,  ny  nous  ne  vou- 
lons nier  que  la  Rayne  n'ait  fait  du  bien  à  plufieura 
perfonnet  d'honneur  qui  l'ont  bien  mérité  par  leurs 
lêrvicet,  à  quelques  uns  par  la  recomendation  de 
MonTieur  le  Duc  de  B.,  à  d'autres  par  d'autres  voyes, 
ccnnme^moy  par  l'tntervantion  de  ma  parante  Ma- 
dame laMarquife  de  Guerchevile,  mais  je  jure  devant 
Dieu  &  fct  Anges  que  ce  n'a  point  elle  par  conveit- 
dons  que  je  deulTe  dire  ou  fùrt  cela,  ce  que  je 
croy  le  mefme  des  autres;  mais  nous  fçavons  trois 
ou  quatre  de  ceux  qiû  font  apelez  Permet,  lefquels 
ont  penfion  il  y  a  vingt  &  trente  ans,  telement  que 
fi  les  penfiont  lont  marques  de  mal  faire,  il  y  a  loi%- 


lOO      LB   CADUCIB   OU    l'aKGB    DB    FAIX. 

temps  qu'ils  font  mal.  J'adjoufte  à  cela  que  y  aiant 
lontemps  que  nous  avons  mérité,  nous  aurions  à 
nous  plaindre  d'avoir  efté  fruftrés  pluftoft  qu'eux 
ne  doibvent  trouver  mauvais  que  nous  ayons  efté 
recognus. 

Le  Ferme,  Mon  Coufin,  vos  avants^  ne  me  feront 
jamais  odieux.  Je  vous  veux  faire  touvenir  douce- 
ment combien  la  Dame  que  vous  avés  aleguee  eft 
ennemie  de  notre  Religion,  vous  a  efté  contre  à 
cauiê  d'elle  :  recognoiuez  en  votre  oonfience  qui 
péult  l'avoir  apaisée  envers  vous.  S'il  fault  fê  an^ 
boutonner  à  la  veritté,  il  n'y  en  a  point  de  tous 
nous  autres  à  qui  on  n'ay t  fait  des  offires  aventageux 
avec  des  conditions  en  termes  doux,  mais  de  rudes 
confequances.  Satan  de  ceux  qui  fe  font  Sorciers 
&  Magiciens  au  commencement  ne  demande  qu'une 
goutte  de  fang  ou  un  bouquet  de  vos  cheveux, 
bienheureux  qui  conoift  dés  les  ongles  &  cognoift 
dés  l'exhorde  quele  eft  fa  condufion.  Je  ne  veux 
point  pour  ceux  de  votre  condition  trouver  eftrange 
les  penfions,  fi  je  n'en  voioys  les  pafiions  bien  chan- 
gées, &  vous  fouvenez  du  langage  que' vous  me  tintes 
à  demie  lieuë  de  Montreul-Belay,  conbien  différant 
à  celuy  d'a^jourduy. 

Le  Prudent,  C'eft  plutoft  opiniaftreté  que  con« 
ftance  s'endurcir  en  fes  premières  opinions,  en  fer- 
mant l'oeil  &  l'oreille  aux  inftrudions  des  chozes 
prefantes. 

Le  Ferme,  C'eft  cette  inftruftion  des  profanes  qui 
a  aprins  une  Teologie  nouvele,  meiîne  à  quelque 
Pafteurs. 

Le  Prudent.  Vous  avés  ton  de  vous  plaindre  d'eux 
en  vos  termes  tousjours  malicieux,  car  vous  avoués 
vous  mefmes  que  fans  eux  la  pluralité  des  voix 


\ 


Lt    CADVOB    OU    LAKGK    DK    PAIX.       lOI 

eftcnt  nofire,  &  d'ailleurs  ceux  qui  ont  dépare^  les 
bien&cz  avoyeni  eu  le  gouft  bien  perveity  d'en 
•voir  ofiêit  i  ceux  qui  les  ont  defchirez  avec  des 
fangtan»  farcafmes  julques  à  leur  faire  quiter  les 
Aflêmblees  par  leur  injures  redoublées  i  qui  mieux 
mieux  :  &  quant  ils  ont  voulu  en  demander  juftice 
en  une  Aflembtee  d'EcclefiafUques ,  on  a  député 
Tcn  eux  pour  les  adœonefler  qu'ils  avoyenc  pris  les 
femontrances  des  profetces  bien  indignement  inter- 
prenees  pour  attaque  en  leur  particulier.  Au  lieu  de 
leur  &ire  jullice,  ils  ont  receu  nouveles  bleflures  en 
interprettani  leur  amertume  à  une  mauvaise  difpofi- 
don  d'cftomach.  EU  ce  &  ceux  là  qu'on  oroic  offert 
&  donné  ? 

Le  Ferme.  A  ceux  là  offert  auparavant  de  leles 
leçons  &  depuis  pour  les  changer,  mais  non  donné 
à  ceux  là,  à  caufe  de  leur  refus.  Il  eft  vrai  que  on 
ne  leur  prefentoit  point  de  penfion  en  leur  nom, 
mais  ouy  en  celuy  de  leur  enfans. 

Le  Prudent.  Voulés  vous  maintenir  qu^il  y  a 
quelque  Minières  qui  ayent  reçu  penfion^ 

Le  Ftrme.  Je  le  maintiens  de  deux,  &  de  l'offre 
qu'on  en  a  faic  à  huit.  De  ces  deux  là  l'un  l'a  reccuë 
&  luy  efl  encor  continuée  au  nom  de  fon  iîlz,  &  fans 
l'exhortation  que  MonTieur  nous  a  faiite  d'efpargner 
le<  noms  des  individus,  je  l'orois  desjà  nommé  :  l'autre 
qui  auparavant  le  voyage  de  Paris  n'apeloit  les  Pru- 
dant  que  trahiflres,  conire  les  remontrances  que 
nous  luy  faifions  pour  adoucir  le  terme,  il  reçut  fa 
penfion  en  contant  &  en  raporta  un  langage  bien 
diflierant  du  premier;  depuis  ne  pouvant  fuporter 
fa  honte  obtint  fon  congé  fur  une  depefche  aprouvee 
fanlce.  Et  puis  qu'il  en  fault  venir  là,  où  efl  ce 
meritte  de  penfions  à  perfonnes  du  tout  incognuës, 


103       LE    CADUCBl    OU   L  AN6B   DB   PAIX. 

eatre  Lefquelz  nous  pouvons  fpecîfier  tel  avocat  qni 
en  ft  quatre  mite  livres^ 

Le  Prudent.  La  Rayne  l'en  efl  confiée  i  la 
dgefle  &  bonne  difpenfaTion  du  Seigneur  que  vous 
Içavez. 

Le  Ferme,  Ouy,  qui  en  a  apoincé  Tes  domeftiquet 
enleuroftant  pourtant  ce  qu'ÎIz  tiroyent  auparavant: 
mais  je  dcmanderois  bien  une  raifon  ponrquoy  cetœ 
fageflc  y  a  compris  quelque  Papifles,  &  par  quel 
droit  itz  ont  pari  aun  deniers  des  Eglifes  ? 

Le  Prudent.  El  eit  pourries  vous  nommer  un  de 
cette  qualité  > 

Lt  Ferme.  Ouy,  le  Seigneur  de  Re^iac. 

Le  Prude/Il.  Ce  Seigneur  le  nye  conlUmment. 

Le  Ferme.  Nous  l'avons  aprouvé  veritablemeni. 


LB   CADOCII    OU    LAKGI   Dl   yAIX.       103 

taft  entre  let  maiiu  de  ceux  k  qui  telz  deniers  font 
donnéi,  &  non  dilbibuez  su  prix  de  la  deffeâion, 
auÛM  plaife  i  Dieu  qu'il  n'y  eidl  autres  ocafioni  de 
plaintes. 

Lm  PradtMt.  Aleguez-en  quelqu'une  lêrieuze 
ft  Inen  choiûe  à  la  charge  qu'ele  ferve  de  fin  à  votre 
popos. 

L«  Ftrme.  C'eft  l'infideliEé  de  laquele  piaillant 
wattt  les  marques  qui  nous  obligeroyent  aux  preufves 
ft  recherches  perfonneles,  j'en  prendray  une  en 
vous  demandant  :  fie  ttnei  tout  pat  Pexteutùm  dtt 
Cpmftili  Prmiaeiaux  pour  mataaift? 

Lt  PruàtHt.  Ouy,  ft  maindens  que  tels  Confeîli 
Provinciaux  &  l'ochoricté  qui  leur  e(l  attribuée  par 
les  reglemens  ell  incompaiible  avec  l'Eflat,  que  nous 
devons  les  rccnncher.  J'adjoufte  que  nul  bon  Fran- 
çi»s&bonferviceurde  Roy  .ne  peulcdirc  autrement. 

Lt  Ferme.  Tenés  vous  pour  homme  de  bien  celuy 
qui  viole  Ton  fermante 

Le  Prudent.  Non,  mais  pour  infidèle. 

Le  Ferme    Avés  vous  promis,  juré  &  ligné  les 

Lt  Prudent.  Ouy,  mais  la  Rayne  ayant  depuis 
trouvé  mauvais,  nous  nous  en  départons  comc  bons 
lérviieurs. 

Lt  Ferme.  Fault  il  pour  cllre  bon  ferviteur  violer 
&roy> 

Lt  Prudent.  Le  Prince  peut  difpcnfer  de  la  fiïy. 

l^  Ferme.  Ouy  de  la  foy  qu'il  a  receuë,  mais 
non  de  celé  que  Dieu  a  flipiUé. 

Le  Prudent.  Il  n'y  a  point  de  fermant  fans  quelque 
condition. 

Lt  Ftrme.  Lc  ferment  non  conditionel  cil  violé 
quand  on  te  conditione  après. 


DUCBB    OU    LANCE    DE    FA 


Le  Prudent.  L'interprétation  efl  en  la  penfee  de 
celuy  qui  jure. 

Le  Ferme.  Ouy  U  faulce,  mais  la  vraye  eft  aux 
paroles  fimples. 

Le  Prudent.  Nous  avons  force  traitez  qui  nous 
aprenenc  comment  il  fâui  uzer  du  fens  mental. 

Le  Ferme.  Ouy,  c'ell  le  fens  menteur  &  l'equi- 
vocque  des  Jefuites,  defquels  vous  vous  en  alez 
difciples,  fi  Dieu  n'a  pitié  de  vous. 

LePrudtat.  Maïs  voudriez  vous  maînienir  qu'ayant 
advifé  des  remèdes  en  cas  de  mefconientemens  &  de 
malcraicemens  aux  Egliles,  on  ne  puft  jamais  relaf- 
cher  les  moïens  qu'on  a  efUblis  &  jurez  quant  U 
necefficé  en  eft  oftec  ? 

Le  Ferme.  Non  vrayemant,  pourveu  que  par  le» 


Ll    CADCCBI    OU    LANGB    Dl    PAIS.       IQJ 

L*  PnuUiu.  Ce  font  de  vos  foupçmu.  Qui  peuli 
trouver  ellringe  que  la  Rayne  aie  fuivy  les  advis  de 
ceux  qui  eftoyent  parmy  les  affaires^ 

L»  Ftrme,  C'cfi  à  (ùre  qu'ils  cravailloyesc  pour 
elle. 

Lt  Prudent.  El  pour  qui  donc^  Ne  fommei  noot 
pas  cenuB  de  travailler  pour  noire  Rojr? 

L^  Ftrme.  C'eft  le  fervir  que  de  &îre  droit  aux 


Le  Prud^Kt.  C'eft  mieux  le  {êrvir  que  d'empef- 
cher  les  requeftes. 

Lt  Farau,  Ou/,  en  empeJchant  les  caulès  des 
requeftes. 

Ll  Prudtitt.  Vous  m'avouerez  Q  le  Roy  eull  fait 
trancher  la  lefte  à  l'Amiral  ChaJilllon,  quant  il  pre- 
fenta  la  première  rcquetle  aux  Eftats,  il  n'y  eull 
jamais  eu  de  Parcy. 

Le  Ferme.  Ce  qui  ell  arrivé  depuis  a  bien  montré 
qu'un  fy  grand  Party  n'eftoic  point  attaché  à  un 
fueille  de  papier;  mais  marquez  en  pafTani  commani 
vous  elles  imbu  de  maximes  pour  edouffer  le  droit 
de  vos  frères.  Quelle  infpiration  vous  a  inftruita  en 
une  Théologie  fi  nouvele  &  difcordente  des  refolu- 
ôons  générales  du  Party,  duquel  vous  vous  diœs 
tacot} 

Le  Prudent.  Vous  le  verrez  par  les  refuluu  du 
Synode  de  Privas.  Nous  fommes  alTurez  que  vos  opî- 
Duftretez  feront  defavouees  &  que  l'on  nous  fera 
raifon  de  quelques  Alînillres,  lefquels  à  une  lettre 
de  reunion  qu'on  leur  efcrivoit  firent  refponces  -.Notu 
dsrimu  prudemment  nous  réconcilier  aux  EgU/tt  : 
raut  verrej  jitc  la  Rayne  yftrafenie  tr  nous  àvoûe- 
rtj  de  ce  que  voat  appelé^  Scki/mt, 

Le  Ferme.  Voâre  erperance  vient  de  la  longueur 


106      LB    CADUCXH   OV    l'aNCB   DE    PAIX. 

du  [cmps  qu'on  a  eu  pour  parler  aux  Députez,  mais 
attendez  aa  cootraire  que  la  veritié  y  fera  maitreflc, 
n'ellani  point  oprimee  d'oiorittf . 

Le  Modifie.  MelTieurs,  la  longueur  de  vos  propos 
n' amortie  point  vos  violaoccs  &  n'afbiblill  pas  vos 
tentions.  Qiefcun  de  vous  veult  avoir  la  gloire  de  la 
difpute,  mais  pour  en  avoir  pour  Toy,  il  en  fauli 
donner  i  Dieu.  Je  vous  fcpareray  psu'  ce  mot  de 
reconciliation  aux  Eglifes  :  Voila  le  chemin.  Le 
National  ne  peult  prononcer  pour  les  deux  opinions, 
il  fault  que  l'une  foit  condemnee.  Préparez  vos 
coEurs  à  fubir  doucement  le  jugenjent  qui  en  fera  Faic. 
EmbralTez  l'ordonnance  de  Dieu  invoquée  par  la 
bouche  de  vos  pères.  J'eflûnc  qu'il  faudra  cela,  ou 
abandoner  le  nom  de  Chredien  Refformé.  Je  veux 


LV    CADUCBI   OV    LAH6S    DS    FAIX.       I07 

ritté  qui  mt  p»fi  tmpefektr  d'altr  à  bras  avaiicii  am 
iUmmi  d»  ctux  qtd  m'ont  donné  de  quoy  nu  plaindro 
aafy  tofl  qi^iU  nu  feront  woir  un  autrt  dtfting.  Fû 
m»  litMt  qifà  et  qiu  fay  de  bien  &  d'konearijftxpo- 
firajr  timt  pour  atoir  leur  amxtii.  Mais  de  Vhmuur 
&  du  bien  du  Party,  <^efl  de  quoy  jo  na  trafiqua 
peùa.  Il  y  en  a  parmy  eux  pluj  expêrimentis  que 
may  :  jeferay  gloire  de  leur  obéir  quant  ilj  touâmu 
atoir  pour  but  le  bien  de  l'Eglife.  Je  répliqué  : 
Vo^  des  paroles,  Monfeignearj  vrayement  Cre^ 
liâmes,  mais  ayant  remarqué  la  difftraxce  que  vous 
faites  entre  les  haneursirl'honeur,  j'oie  vous  prier  de 
Pedaireir.  —  Les  honneurs  (dit-il)  eefoni  Us  marquât 
ou  faidces  ou  vrayes  qufon  reçoit  du  vray  honeur. 
Mais  en  cet  endroit  je  ne  parle  que  de  notre  honeur 
uni  à  celuy  de  Dieu,  ce  que  j'aptique  fpecialemeni  à 
la  foy  donnée  6"  aux  fermaru  que  nous  avons  prefiei 
devant  la  face  de  toute  l'Eglife.  C'efl  aux  defpans 
de  lele  foy  que  je  ne  puis  accepter  l'amitiè  de  per— 
fonne:  de  toutes  autres  chofes  j'enferay  litière  pour 
la  réunion.  Quoy  que  j'eufe  defleing  pour  parler 
tousjours  pour  les  abfans,  comme  doic  tout  Miniflre 
de  reconciliation,  ce  que  je  pus  répliquer  fut  de 
prier  Dieu  qu'un  propos  tant  faine  fuft  confirmé.  Je 
ne  fus  pas  plucoll  à  ma  maifon  que  je  trouve  un  des 
frères  revenans  du  National.  Par  luy  je  receus  une 
copie  de  la  déclaration  contre  l'abolition,  pièce  qui 
me  fembla  au  commencement  hardie  &  depuis  necef- 
faire.  Ayant  aufly  Icu  les  aâcs  du  Synode,  veu  le 
commun  lèntimcni  de  cous,  quelques  fenfures  bien 
digérées  &  quelques  repanianccs  qui  ont  donné 
gloire  4  Dieu,  je  levay  les  yeux  au  Ciel,  lotiani 
ce  Dieu  [oui  puîlTanc  qui  parfait  Ibn  œuvre  en 
Infinnitié. 


LANGI    DX    PAIX. 


Que  touces  ces  chofes  aprennii  i  ceux  qui  oat 
failly  de  doner  gloire  à  Dieu,  Ji  ceux  qui  font  demeu- 
rez debout  d'en  rendre  grâces,  de  s'humilier  &.  tirer 
du  gantelet  la  main  de  paix  en  y  conviant  fon  con- 
traire meûne.  Ne  fuçons  pat  en  ferpent  le  venin  de 
ces  fleurs,  mais  comme  abeilles,  le  miel  de  leur 
amertumes,  &  furtoui  le  dircoura  paflii,  confôloos- 
nous  ainfy  :  jamais  l'Eglife  de  Dieu  q'a  uzé  des  via- 
lances,  des  fraudes,  des  corruptions,  des  trafaifons, 
ny  du  coffre  de  Memmon  pour  deilruire  les  Herezies, 
mais  elle  a  touiours  elle  acaquee  par  telz  moyens. 
Ce  n'ed  pas  parmi  les  chardons  que  rEfprit  malin 
Terne  fon  yvroye,  mais  dans  le  froment  du  Sei^ 
gneur,  yvroye  que  le  Père  a  deffendu  aux  Anges 
d'aracher,  comme  fi  l'Eglife  militante  eftoii  mar- 


tB    CADUCHB    OU    LANGB    DB    PAIX.       IO9 

Il  femble  que  Dieu  ayt  refpondu  du  Ciel  : 

Mtù$  eu  pUûrf  )à  iesjoiati 
Par  moy  feront  tojl  rtjoàaj. 

Viens,  Seigneur,  les  rejoindre  ^  U  honie  des  mef- 
chans,  i  la  confoladon  de  ton  efpouze,  &  la  gloire  de 
ce  grand  nom  auquel  feul  apartienc  gloire  &  triomphe 
i  jamais. 


MEDITATIONS 


LES   PSEAUMES 


l   AOTRIUK    Air   LBCTBOK. 


LUSiEURs  diverfes  occaTions  m'ont 
excité  aux  Méditations  que  ce  Li- 
»us  prefente,  lefquelles  font 
fpecifiee»  particulièrement  en  leur 
e  ;  mais  il  y  en  a  une  géné- 
rale qui  m'a  convié  à  les  faire 
paroiflre  au  jour.  C'efl  que  parmi 
les  corruptions  de  ce  fiecle  les  flupides  qui  en  leur 
igoorance  affeftee  n'ont  penfees  que  terreftres,  ou 
les  efprits  de  vanité  qui  déclament  ouvertement 
contre  la  Parole  de  Dieu,  la  defcrient  pour  eftre 
d'un  llyle  groflier,  infeftans  d'un  mortel  defgouH  les 
oreilles  des  Grands.  Ce  langage  aullî  plein  de  malice 
que  d'orgueil  ne  fe  pouvant  combattre  par  difputes 
ni  remonflrances,  pourcc  que  les  profeflëurs  de 
l'Atheilme  n'advouent  leur  impiété  qu'^  leurs  dif- 
ciples  Sl  complices,  j'ay  eflimé  étire  k.  propos  de 
fiùre  voir  comment  parmi  les  flyles  les  plus  elabou* 
tét,  &  dans  les  difcours  qui  pour  le  moins   fonc 


114  FK.BVACI!. 

purgez  de  barbarie,  lec  pallâges  de  l'Elcrinire  Gnt 
non  feulement  comme  un  efmul  fur  l'or,  mais  oonuBe 
les  pierreries  aiquifes,  &■  relèvent  le  langage  le 
plus  eflevé,  confirment  par  axiomes,  preuvenc  par 
arrell  du  Ciel,  illufirent  par  exemples,  &  recréent 
les  efprits  qui  aimenc  Dieu  par  ravifTantes  lumières 
&  parfaites  beautez.  Les  efcrivains,  prefcheurs 
&  harangueurs  plus  renommés  de  ce  temps,  n'ont 
point  efUmé  déroger  à  leur  éloquence ,  quelque 
diferte  &  afieâee  qu'elle  foii,  Iots  que  dans  les 
chaires  8l  barreaux  de  Paris,  comme  aulE  dans  les 
Eftacs  Généraux,  ils  ont  allégué  les  authorinz  de 
l'Efcrinire,  me&nes  aux  termes  de  U  verûon  vul- 
gaie,  qui  eft  telle  que  chacun  cognoill  :  fachans  que 
roefmes  dans  la  rudefTe  de  celle-1^  reluit  tousjours 
h  Majcfté  de  celui  qui  prononce,  &  U  richefle  qui 


LAUTHEUR    AU     LSCTEUR. 


"5 


adoratioiis  par  le  Toy,  plus  majeftaeiix  que  le  Vous. 
Certes  qui  prendroit  la  loi  du  vulgaire,  &  les 
mignardes  flaceries  du  temps,  on  fe  lairroit  en  fin 
mener  à  dire  en  chofes  facrees,  Je  vous  baifo  Us 
aums^  comme  on  Ta  efcrit  d'un  prefcheur  Efpagnol. 
J'en  dirois  d'advantage  en  un  difcours  privé  :  c'eft 
aflfés  que  par  cette  Epiflre  je  convie  mon  Ledeur 
à  eflever  (en  iimplicité  du  langage  de  Canaan)  fes 
penfees  à  Dieu,  au  fein  duquel  y  a  propitiation, 
qui  fi  tieni  volontiers  fris  des  cœurs  defoU\y  qui 
n'oublie  jamais  la  clameur  de  ceux  qui  le  fupplient, 
qui  ne  fou£fre  point  juftice  eftre  foulée,  &  en  qui 
feul  aux  temps  calamiteux  fe  trouve  confeil  &  con- 
folation. 


MEDITATIONS 
LES  PSEAUMES 


OCC&ÎSIOT^  ET  c4%GVmEV^. 

DE    LA    MEDITATION 
FAICTE    SUR     LS     PSEAUME     1}}. 


e  Roy  Henri  IV  ayaia  dejiré  au 
Bapiefme  du  Dauphin  tr  aulw 
ànt^^  en/ajM  de  France,  quelques  tttirt- 
^Jj  C?l  prt/ïj  de  paix,  furtout  en  joufiei, 
T^w"^-^  caroufcU,  &  en  combats  de  piedà 
pirftA^  la  barrière,  avait  envoyé  quérir 
^— -'«"'->— -^  nofire  Autheur  pour  en  ordonner; 
mais  le  Conjeil  du  mefnagt  ayant  faiH  tfpargner 
c«tt»  de/pence,  le  S''  iFAubigné  lui  donna  une  medi~ 
tation  fur  le  PJeatane  tôt,  laquelle  il  rfa  peu  tirer 
des  coffres,  comme  la  futvanle.  Il  fut  adrerti  par 
l'Abbé  d'Elbene,  que  le  Roi  ayant  faiéi  lire  celte 
pièce  à  fon  coucher,  Coiton  avoir  remarqué  que  le 
fiylefentoil  un  ejprir  tousjours  prefi  à  déclamer  contre 


Il8      MEDITATIONS   SUR    LES   PSBADUBS. 

Us  vices j  Cr  qui  ne  fe  plm/oit  paiat  amx  IdamgUf 
tAbbé  ayant  ea  pour  refponfe,  que  le  fieele  dommil 
bien  pliu  d'argaments  pour  les  premières  qiu  pomr  Us 
fécondes^  &  tPailleurs  qi^il  falai  avoir  efgard  à  e» 
Pfeautnej  qui  traittoit  de  chaffer  les  vices  de  UfaiiuTU 
(y  de  la  Cité  :  depuis  le  Roy  me/me  ayant  convié 
l'Autheur  à  monflrer  qt^il  depofoit  bien  quelqv^ois 
l'humeur  cynique,  à  faire  quelque  pièce  fur  les  dotH 
ceurs  de  la  paix,  cnie-ci  fut  ehoifie ,  oàû  yn  des 
chofes  qui /entent  la  contrainte,  tr  quelque  dij/êrenct 
en  l'ujage  de  ta  liberté, 

psEauhb   133. 

I .  Voici f  o  que  <^ejl  chofe  bonne,  fr  que  t^tft  ehofe 
plaifante,  que  frères  /entretiennent^mefmes  enfemhie, 

.   C'efl  comme  cejle  kuyU  precteufe.  efpaadué  fur 


IfBDITATIOMS   SVB.   LBS   PSBAUMBt.      II9 

li  de  qui  vient  toute  bonne  donation,  qui  a  touf- 
)oursprefent&  le  pouvoir  &  le  vouloir,  a  rendu  nos 
defirs  abrégez,  nous  contente  &  dit  Voici. 

Ceft  de  voir  convenir  comme  frères  ceux  qui 
eogooiflent  un  meûne  père,  voir  unis  par  la  con- 
tatàt  ceux  qui  le  font  par  les  lois  &  par  obligation 
dénature,  par  communauté  d'héritage,  ft  par  le  doux 
joug  de  la  patrie,  voir  habiter  enfemble  ce  que  le 
Diable  avoit  ft  voudroit  encores  efpars,  les  cœurs 
qui  Ont  efié  (1  contraires  efchauffés  de  mefmes 
defirs,  &  les  efprits  qui  ont  confpiré  chofes  repu- 
géantes  unis  à  pareils  deflèins. 

n  n'eft  point  ici  queftion  de  feindre  un  amour 
fid)uleux,  ni  une  vaine  Deité  conciliatrice  des  accords 
difcordans.  Vous  ne  verrez  point  ici  le  fils  de  Pore 
ft  de  Penie  employé  à  rejoindre  FAndrogene  feparee 
par  le  couteau  de  rAbfence,  en  portant  à  Tune 
ft  l'autre  nature  la  réunion  qui  mit  le  Ciel  en  jaloufie. 
Arrière  les  fables  de  no  (Ire  vérité  ;  il  ne  faut  plus 
cercher  d'ombres,  puis  que  nous  recevons  du  Père 
de  lumière  le  threfor  de  clarté  :  mais  bien  plus  utile- 
ment que  les  poètes  &  les  peintres  defcrire  &  def- 
peindre  les  fruids  de  la  concorde  terreftre,  arrhe  de 
l'amour  du  Ciel,  gage  de  cet  eftat  parfaid,  &  du 
ibuverain  Bien  qui  nous  eft  promis  en  la  bienheu» 
reufe  immortalité. 

Qui  beaux  font  les  pieds  de  ceux  qui  portent  la 
paix,  leur  face  eft  plaifante  à  voir,  le  fon  de  leur 
propos  eft  plein  d'harmonie,  leurs  efprits  ne  ref- 
pirent  que  des  haleines  douces,  on  ne  cueille  que 
fleurs  agréables  &  fruids  délicieux  en  leur  fréquen- 
tation. 

Ceft  la  paix  heureufe  de  la  Chreftienté,  car  comme 
par  contagion  nous  avions  efmeu  toutes  les  veines 


I30       MEDITATIONS    SOR   LES    PlBAUUtS. 

de  l'Europe,  kufll  font  elles  racoilèes,  quand  noftre 
paroxifme  s'eft  appaifé.  Trés-heureux  ce  Royaume 
où  cette  paix  habite.  Depuis  oeuf  années  la  France, 
comme  ellonnee  de  Ton  bien,  ne  fe  peut  fouvenir 
d'avoir  dormi  un  fi  long  fonuneil  fur  fon  lia  paie 
de  fleurs  de  lys.  Depuis  le  fcepire  de  Pharamond 
elle  a  porté  les  mefmês  douceurs  &  la  Province,  k\z 
Ville,  à  la  bmiUe  &  en  fin  à  la  perfbnne  ptrdculiere 
qui  ne  fent  point  de  guerre  entre  ces  qualités  ;  en 
mefme  temps  que  le  fang  du  Royaume  n'eft  plut 
efcumeuz  pour  aigrir  la  pituite,  la  melancholie  ne 
ravale  point  le  flegme,  l'eftomac  de  ce  grand  corps 
prenant  bonne  pari  de  la  chaleur  qu'il  lui  fu&  par- 
tager, &  diftribuer  avec  juHice  fon  chyle  à  toutes  les 
extrémités  :  mais  fur  tout  le  cerveau  non  infisâé 
n'afiefte  les  parties  balTes  de  fes  intempéries  &  les 


MEDITATIONS    SUR   LES    PSBAUMSS.       IJI 

trroufoic  premieremenc  la  tefte:  par  ce  que  le  Roy, 
qa^elle  reprefente,  paruge  en  fils  ailhé  de  Dieu, 
cueille  les  prémices  des  douceurs  de  la  paix  qui  lui 
donne,  dés  le  jour  de  fa  naifTance,  le  fommeil  faos 
treflaucs,  les  plaifirs  fans  frayeurs,  les  viandes  (ans 
amertume  &  fans  {bupçon. 

Et  c'eft  bien  raifon  que  celui  qui  a  le  premier 
liiToaré  par  prévoyance  les  angoiflès  des  guerres, 
duquel  le  foin  a  devancé  le  foin  de  cous  les  aucreg) 
en  mefine  ordre  participe  à  la  mucadon  defiree  &  au 
iàlaire  des  labeurs. 

Gxnme  aufli  après  lui  les  parties  plus  hautes,  qui 
ont  fenci  les  orages  à  mefure  de  leur  élévation, 
reçoivent  à  leur  rang  le  doux  air  fouhaitté,  la  pre- 
cieuie  liqueur,  en  parfumant  la  barbe  vénérable. 

Ce  qui  s'efpanouit  vers  les  efpaules  figure  les 
offices  divers,  par  les  quels  cette  tefte  communique 
ces  richefles  coulantes  &  non  précipitées  fur  cet 
Ephod,  dans  lui  &  avec  lui  fur  les  douze  noms  dez 
Provinces  :  les  douze  pierres  precieufes  les  dénotent, 
font  comme  le  threfor  amaffé  de  toutes  les  tribus,  qui 
à  toutes  retournent  jufques  à  la  parfaiôe  diftribu- 
don,  tant  que  le  peuple  bas  en  ait  fa  pordon,  ce  qui 
eft  marqué  en  ces  paroles,  Jufques  au  bord  du  facré 
vefiement. 

Encore  pouvons  nous  marquer  conmient  cefte 
liqueur  paflant  fur  TEphod  fait  fouvenir  les  douze 
tribus  des  beneficences,  &  entre  toutes  de  la  prife  de 
polfeilion  de  Canaan.  Et  la  France,  imitant  les  douze 
lignées,  a  voulu  eftre  feparee  en  douze  Provinces 
foubs  douze  Pairs,  doit  avoir  en  Teftomac,  en  la 
place  de  l'Ephod,  la  mefme  obligation  du  paffage 
de  Payen  au  Chriftianiline  qu^ont  receu  les  Hébreux 
au  traverfer  du  Jordain.  Et  on  demande  :  pourquoi 


132      MIDITATIONS   SUR.    LES    PSBADMBS. 

les  douze  choiût  des  lignées,  comme  douze  Pûra, 
ont  porté  les  douze  pierres,  chacun  la  fienne  pour  (k 
aihn}  C'eft  en  rccognoifliuice  Sl  hypothèque  per< 
penieile  du  bienfait  receu.  Le  Jordain,  comme  ua' 
archive  Inviolable,  garde  ces  ditres  pour  les  pro- 
duire au  grand  jour  à  faire  le  procès  à  ceux  qui 
auront  oublié  ou  mefufé  de  la  délivrance. 

Oferbns-nous  point  approprier  aux  chofet  fuf- 
dites  le  Baptefme  en  la  place  du  Jordain,  où  S.  Jean 
l'exerça,  &  où  Noftre  Seigneur  le  voulut  recevoir  : 
en  ce  fleuve  facré  confiderer  les  douze  Apoflrei 
comme  les  douze  Pairs  de  l'Eglife,  &  meOne  leur 
voir  configner  au  fond  de  ce  Jordain  les  douze 
pierres  &  les  douze  articles  de  noflre  foi,  félon  ce 
iju'il  a  pieu  à  quelques  bons  Pores,  comme  les  douze 
pierres    precieufes    &  fondamentales  de    la   bonne 


MBDITATIOKS    SUR   LES   PSBAUMBS.       12^ 

&  laîflbns  encore  pour  lui  les  yeux  &  le  front;  le 
refte  du  TÎfi^,  la  barbe  &  le  col  nou3  reprefente 
TEcclefiaftique  ;  les  bras  &  la  ceinture,  où  doit  pendre 
réfpèe^  feront  pour  la  NoblefTe  ;  les  jambes  &  les 
pîeds  nous  (ignifient  le  peuple,  par  lequel  toutes  les 
autres  parties  font  portées  :  defirant  qu'au  prix  que 
chaque  partie  prend  part  à  la  doiice  liqueur  des 
benediâions,  qu'auflî  elle  contribue  à  la  veritaUe 
œnfeâion  du  bien  public. 

Ainfi  à  la  tranquillité  publique  donnent  les  bons 
Rois  leurs  veilles,  leur  foin,  les  premiers  mouvemens 
des  traiâez  ;  &  donnent  plus  que  cela,  les  ofienfes 
receuës,  les  reproches  des  moindres,  &  les  blaûnes 
▼oire  injuftes,  recevans  du  mal  par  ceux  pour  le 
falut  defquels  ils  s'emploient  fidèlement  ;  ils  contri- 
buent la  viftoire  de  leur  cholere,  leurs  vengeances, 
qui  peuvent  s'appeler  injuftices,  l'efloignement  de 
leurs  plaifirs,  &  abbaiiTent  leur  grandeur  vers  terre 
en  s'eflevant  vers  le  Ciel,  avec  cette  refolution  qu'au 
peuple  &  aux  enfans  il  faut  faire  du  bien  par  force, 
&  fans  efpoir  que  la  charité  qui  defcend  puiffie 
remonter  en  haut. 

Ainfi  les  Rois  fatisferont  aux  loix  Divines  &  hu* 
maines,  defquelles  nous  apprenons  que  celui  n'eft 
point  à  fupporter  qui  afpire  aux  commodicez,  &  fe 
fouftrait  aux  charges  ;  &  puis  c'eft  félon  nature, 
que  les  commoditez  &  incommoditez  foyent  obligées 
Tune  à  l'autre,  que  qui  fent  le  fardeau  en  tire  le 
commode,  &  au  contraire. 

Celle  Myrrhe,  de  laquelle  la  finguliere  propriété 
eft  d'empefcher  les  pourritures,  de  faire  mourir  les 
vers  dés  leur  création,  reprefente  la  prudence  des 
Rois,  qui  par  le  foin  de  faire  exercer  la  juftice 
empefche  les  amas  des  humeurs   corrompues  des 


134      MEDITATIONS    SUS,   LES    PSEAUMES. 


infeAions  populairet,  &  applicadon  ji  mauvaifes 
mœurs,  caufes  de  la  putrefaâion  &  corruption  des 
EtlacG. 

Par  ce  moyen  comme  les  Tyrans  font  devenir  les 
corps  vivans  des  charognes  d'Ellat,  les  Rois  qui 
en  font  pères,  d'un  Eftat  qu'ils  trouvent  en  pièces 
&  en  charognes  font  refleurir  un  corps  plein  de  vie, 
&  un  Royaume  triomphant. 

A  ces  reftaurateurs,  &  non  aux  autres  appartient 
dédire  avec  David:  Quand  j'aurai  accepté  Paffigaa- 
tion,  je  jugerai  droitemeni.  Le  pays  /efeouloitj 
tr  tous  ceux  qui  habitent  en  ieelui:  mais  j'ai  affermi 
fes  piliers;  ou  bien,  Je  veux  tenir  la  voye  nom  «d- 
jî&J«,  quand  tu  viendras  me  rendre  Roi  paifible^  &  ce 
qui  fuit  de  ce  Cantique  excellent. 

C'eft  après  aux  Ecclelialîiques,  irréprochables  &  de 


MBDITATIOKS    SUR    LBS   PSBAUMBS.        125 

doit  eftre  content  de  participer  en  fon  ordre  à  ces 
odeurs  excellentes  ;  car  bien  qu'il  porte  tout,  fi  eft-il 
le  dernier  qui  contribue  au  foin  du  public,  &  la 
partie  de  deflbus  les  pieds  eft  la  plus  eflognee  du  péril. 

n  n'appartient  pas  aufli  aux  bords  du  veftement 
&  à  fi»  doublures,  de  vouloir  eftre  de  mefine  eftofie 
que  la  tiare.  Bien  .peut  Textremicé  de  Thabit  le 
plaindre  s'il  y  a  des  plis  traverfàns,  &  des  foulures 
(qui  ùmt  les  fchiûnes,  feâes  &  divifions)  qui  empef- 
Âent  l'eftenduë  de  la  diftillation  fidutaire  en  toutes 
les  parts  où  elle  eft  requife,  ou  fi  les  tignes  &  les  vers 
les  defgaftent.  Mais  la  Myrrhe,  comme  nous  avons 
dit,  y  porte  un  remède  fouverain. 

Pour  féconde  comparaifon  d'un  Eftat,  ou  d'une 
compagnie  heureufe,  l'Efprit  de  Dieu  nous  donne 
une  montagne,  &  ne  choific  pas  un  orgueilleux  Bafan, 
ni  ces  roches  cornues  qui  pafTent  la  région  moyenne, 
pour  de  leur  front  endurci  rompre  &  troubler  les 
exercices  des  nues,  qui  deffigurent  la  rondeur  de  la 
terre,  propres  feulement  à  donner  donunage  fans 
profit,  &  l'efiroi  fans  plaifir. 

Mais  au  lieu  de  ces  montagnes  fteriles,  il  choifit 
les  collines  de  Sion  &  de  Hermon^  par  tout  vertes, 
utiles  par  tout  &  agréables  :  ces  monts  vont  recevoir 
doucement  les  faveurs  de  la  pluye  non  précipitée.  Et 
comme  le  poil  de  la  barbe  d*Aaron  faifoit  découler ^ 
&  non  tomber  par  tuyaux  la  precieufe  liqueur,  ainfi 
d'herbe  en  herbe,  de  branche  en  branche  fe  reçoit 
rhumeur  nourifliere  par  les  terres  plus  bafles.  Le 
coupeau,  qui  eft  le  Roi  de  cette  montagne,  reçoit 
le  premier  coup  de  ces  pluyes,  les  change  en  rofees, 
&  par  fa  rondeur  bien  formée  les  diftribuë  efgale- 
ment  :  ce  qui  eft  le  propre  des  bons  Rois,  de  garder 
la  proportion  harmonique,  félon  laquelle  fe  départ 


126      HlDITATIOm   tUM.    tBt    PIIAOHKI. 

plui  de  nouniture  panni  lei  irbret  plu*  cftaidiir» 
ou  qui  ornenc  de  plus  grands  féuilltges,  ou  qui  ciiri> 
chilTent  de  plus  de  fruiâs  ;  &  auJli  qui  ièlon  I« 
capacité  de  leura  rameaux  peuvenilprenore  du  Soleil 
Il  venu  aicraâive,  &  de  là  les  radnei  plus  ^ft^Miiff 
foni  capables  de  fuccer  &  d'attirer. 

Mais  ceux  qui  au  lieu  de  iàire  dégoutter  leim 
biensfaiis,  les  precipiteat  fans  raifon,  fnu  d'un  ooAA 
des  fecherelles  ft  defluget  de  l'autre,  eayvrent  let 
uns,  altèrent  les  autres.  Ceux-là  Jbni  pareils  à  cet 
roches  de  Bafan,  fterîles  en  leur  haut,  cavemeofti 
au  milieu,  ft  qui  ont  les  pieds  en  quelque  mareft 
puant.  Le  Ciel  careflé  ces  leftes  feiches  de  grcflei 
au  lieu  de  pluye,  les  embrafé  au  lien  de  les  elffaaufièr  : 
leurs  fronts  fervenc  de  qulntenes  aux  orages  &  cho- 
3  de  l'air  :  ce  qui  elchappe  en  terre  fait  non  des 


MXDITATIOVS   SUR    LXS    PSBAUltfBS.       IZJ 


efabliffan»  &  garandiTans  les  loix  du  pays,  &  tea 
autres  s'oppofans  par  leur  vertu  à  celles  d'un  coib- 
qiœraiic  ennenû. 

Nous  avons  veu  la  pratique  de  telles  cbofes  en  ce 
Royaume  affligé,  la  prodigalité  fous  le  voile  de 
libéralité  précipiter  par  orages,  non  les  fleuves, 
mais  les  torrents  des  bienfaits,  lefquels  eftouffoyenc 
Is  trop  de  terre  grafle  pouiTee  en  un  (èul  Heu; 
&  mefine  paraboniSkncefaifoyent  mourir  les  plantes 
trop  favorîfees,  comme  font  les  arbres  enterrés  au 
defliis  de  leur  nombril,  en  rendant  le  refte  deihué 
ju^uea  aux  moelles. 

Le  Ciel  au  lieu  de  pluyes  primeroges  pour  enfler 
les  Ueds,  les  verfoit  à  r^ret  &  à  contrefaifon ; 
&  jullement  couroucé  du  mauvais  ufage  de  ces  pre- 
(ents,  ne  prodiguoit  que  calamités  ;  les  vents  &  foudres 
de  diveifes  fadions,  qui  s'encrechoquoyent  en  cette 
montagne,  ont  mis  les  plus  exquifes  beautez  de 
nature  à  morceaux  &  en  cendres.  Nous  pouvons  dire 
comme  ceux  qui  navigent  fous  la  ligne,  que  ce  qui 
comboit  du  Ciel  enlevoit  la  peau,  &  caufoit  le  fcorbut. 
C'eft  de  là  que  nous  avons  veu  les  palais  changes 
en  mafures,  les  galeries  de  Fontainebleau  en  eftables, 
les  yardtns  en  pafturages ,  les  fontaines  en  foiiil  de 
pourceaux  &  la  Sale  du  Louvre  en  gibets. 

$i  aujourd'hui  nous  voyons  un  Eftat  mefprifé  jadis 
pour  ia  pauvreté,  maintenant  redouté  pour  fes  thre- 
fofa,  fi  nous  voyons  nos  mafures  relevées  en  palais 
admirables,  nos  deferts  changés  en  paradis  terreftres  ; 
ce  que  les  eftrangers  &  regnicoles  regardoyent  avec 
hofreur  &  en  fe  bouchant  la  veuë  par  leurs  fourcils 
refironcés,  maintenant  ils  le  contemplent  ravis  d'admi- 
ration &  de  volupté,  non  fans  tourner  les  yeux  en 
haut  :  diibns  que  les  Princes  n'ont  pas  feulement 


138      MIOITATIONS  SUft    Lit    rSXAUMS). 

faiâ  la  paix  cnfemtJe,  mais  que  le  Ciel  U  fait  avec 
eux,  &  avec  nous,  ft  ne  noue  faic  jtlua  (èndr  que 
deg  rofees,  ft  ne  fera  tant  que  noua  auroni  paix 
âvec  Dieu. 

De  ces  rofées  (laifTant  à  part  la  caufê  des  auifêi) 
l'efficieute  efl  le  Soleilj  la  madère,  l'humidité  enclole 
en  la  terre  ;  la  forme,  l'attraSion  ft  difcufllon  ;  U 
fin,  la  dillribution  générale  de  l'humeur  neceflàire  k 
U  generadon  par  les  pardes  moyennes  ft  hautes. 

Vous  diriez  que  le  Soleil  eft  un  grand  Prince  fbu- 
verain,  qui  dre  fes  tributs  du  peuple  bas  par  ces 
voyes  ordinaires,  &  départ  Içt  ncheflcs  (autrement 
inutiles  en  fes  cabinets)  pour  les  employer  i  la  nour^ 
riiure  des  beautés  eflevecs,  i  la  décoration,  &  meGne 
à  la  defenfe  des  qualités  louables ,  gardant  en  tout 
ft  par  tout  fa  propordon  harmonique ,  i  U  fpleo- 


MEDITATIONS    SUR    LES    PSEAUMBS.       129 

aux  enfans,  qu'on  leur  redemande  puis  après  pour 
cfprouver  leur  naturel.  Ces  chofes,  di-je,  montées 
par  attraétion  dans  le  Ciel,  font  de  là  renvoyées  en 
riches  bcnediftions  pour  en  arroufer  &  rendre  fer- 
tile rheriuge  du  Souverain.  Et  comme  les  richefles 
des  peuples  ne  monteroyent  point  au  threfor  du 
Prince  s'il  ne  les  exigeoit  par  voyes  accouftumees, 
les  penfees.  qui  fe  converdfTent  en  louanges  à  Dieu, 
croupiroyenc  &  pourriroyent  dans  les  vallées  &  ca- 
chettes de  nos  cœurs,  fi  le  Soleil  de  Juftice  ne  les 
yenoic  cercher,  efmouvoir  &  efchauSer.  Tel  eft  le 
fom  fans  foin  de  TEfprit  vivifiant. 

Or  voila  la  paix  du  Ciel  avec  nous,  de  nous  à  lui, 
durant  laquelle  le  commerce  va  librement,  la  charité 
monte  &  defcend,  (ce  qui  n'arrive  pas  fur  les  fables 
d'Afrique  où  il  ne  pleut  point)  ou  bien  cette  corref- 
pondance  difcontinuë  entre  le  Ciel  &  nous,  quand 
nous  fommes  en  guerre  avec  lui  :  lors  les  chemins 
font  fermés  à  la  communication,  fors  aux  armées  d'en 
haut,  qui  fe  font  faire  place  pour  ruiner,  deftruire, 
&  rendre  la  terre  en  cendre  deffous  un  Ciel  d'airain. 
Ayant  efié  exprimé  par  deux  tableaux  quelles  font 
les  benedidions  celeftes  fur  les  bénits,  nous  pouvons 
par  confequence  des  contraires,  remarquer  les  male- 
didions  qui  pendent  fur  la  tefte  des  cœurs  rebelles 
à  Dieu,  &  fur  tout  fur  les  boute-feux  &  femeurs  de 
difcorde,  foit  dans  les  Royaumes  &  Provinces,  ou 
dans  les  familles,  foit  en  la  confcience  d'un  chacun 
particulier,  voir  ce  que  prépare  le  Ciel  slux  pefli- 
feres  opprejfeurs^  qui  follicitent'  les  carnages  &  font 
infatiables  de  fang. 

Nous  avons  à  nous  efcrier  fur  eux  aux  termes 
que  nous  donne  noftre  première  figure  de  félicité, 
qu'au  lieu  de  participer  au  fain£l  baufme  &  parfum 
n.  9 


130      MZDITATIOHS    SUR    LES    FSSADHIS. 

de  bencdiâion,  iU  n'ont  i  aqendre  d'en  tuiuc  que  k 
pluyc  de  Sodome.  On  leur  appliquera  les  feuencet 
qui  s'enfuivent  i 

lit  ont  rendu  du  mal  pour  U  bien.  Dtpuis  q^^il  a 
aimé  nuiUdiéfàu,  qiètll*  Ptmak^e;  &  jMirc»  qt^il 
n'a  point  pris  plaifir  à  la  bttudiiHoa,  qu'anfi  tlU 
itfioigne  de  lut.  Il  1  aimé  le  mal-enconcre,  qi^il  ta 
fait  vefiu  eoituM  de  fa  robbe,  ir  qièeUe  entre  daufom 
corps  comme  eau,  &  comme  huile  dedans  fes  04. 

Voila  un  aucre  vdtement,  &  une  ancre  liqueur 
que  celle  d' Aaron,  pour  Ici  ennemîi  de  paix.  Toutes 
les  autres  Foudroyantes  menaces  font  de  par  Dîeu  le 
falairc  des  ceuvres  de  nos  adverfaires,  qui  ont  per- 
Jeeuti  celui  que  tu  avois  frappé^  ^font  laurt  comptât 
de  la  douleur  de  ceux  que  tu  avots  navrés,  &  qu'ils 


MlfBITATIONS    SUR    LES   PSEAUMES.       131 

Feront  pirometter  Us  efpics  Cr  la  paUlt. 
Ce  qm  en  reftera  O^  ievienira  du  grain, 
JJtune  hmche  ejtrangere  ejtouriira  la  faim. 

On  ne  kur  dira  pas  beaux  font  les  pieds,  &  ce 
qui  s'enfuît;  mais  leurs  talons  feront  plus  beaux  que 
le  Tîf^e,  leur  defpart  plus  beau  que  leur  rencontre  : 
on  lew  dira  bon  jour  à  regrec,  &  Fadieu  de  bon 
cflenr,  voire  le  dernier,  &  enfin  Tofficier  de  la  dif- 
corde  aura  pour  fon  éloge. 

.    Ok  marche  le  meurtrier  des  fient  Cr  de  foi  mefme. 
Portant  fa  mort  au  front,  livide,  pafte  Cr  hlefme  ? 
Il  efi,  au  lieu  de  fer,  armé  de  trahifon. 
De  dureté  hrutale  O^  lafche  perfidie. 
Sache  le,  houtefeu,  que  parmi  Fincendie, 
Rien  r^ efi  fi  tofi  hrujfli  que  V infâme  tifon. 

Or  foit  leur  partage  en  Veflang  de  feu  (r  fovf^ 
fre  nf. 

Nous  revenons  à  la  troupe  blanche,  &  n'avons 
plus  que  la  conclufion,  qui  dit  que  cette  AJfemblee 
heureufe  Sent  du  Seigneur  la  faveur  plantureufe.  Ce 
qui  a  fait  defigner  le  mot  d^ AJfemblee  ou  d'Eglife, 
c'eft  cette  particule  L  A,  qui  fe  rapporte  à  Sion, 
&  par  confequent  à  la  troupe  des  enfans  de  Dieu. 

Ces  benedi£tions  fe  peuvent  bien  appliquer  à  plu- 
fieurs  fortes  de  compagnies,  mais  plus  particulière- 
ment &  véritablement  à  TEglife,  &  aux  familles  de 
TEglife  :  car  le  Prophète  en  referrant  cette  béati- 
tude à  Sion  defignee  par  L  A,  en  fruftre  privative- 
ment  Moab  &  Amaleh,  &c.  Et  encorcs  font  inca- 
pables de  cette  faveur  les  orgueilleux  rochers  qui 
fe  treuveroyent  proche  de  Sion,  d'autant  qu'ils 
eflevent  leurs  telles  trop  haut,  &  ne  font  fufcep- 


MEDITATIONS    SUR    LES    rSBAUMES. 


tibles  que  des  injureit  qu'ils  reçoiveiu  par  lu  mctcores. 
Ceux-là  mefroes  fonc  cailloux  endurcis,  propres  à 
jeccer  du  feu  &  non  à  recevoir  l'humeur  favorable 
qui  pdTe  delTus. 

Encor  pouvons  nous  remarquer  comment  en  la 
confecration  &  fanâificarion  d'Aaron,  on  lui  c^noit 
le  mol  de  l'oreille ,  le  pouce  de  U  main  droitte, 
&  l'orteil  du  pied  droîc,  du  fang  qu'avoit  rendu  le 
mouton  des  confecrations.  Cefloic  pour  fournir  à 
toutes  les  parties  du  partage  que  nous  avons  déduit. 
A  l'oreille  qui  unit  les  fondions  internes  &  enernet 
du  cerveau,  celles  du  Roy  &  de  fon  Confeil,  eft 
befoing  que  le  Ciel  benilTc  tant  pour  les  intelligences 
des  myfteres  &  fecrets  de  Dieu,  que  pour  celles  des 
affligions  &  requeftes  du  peuple.  La  mefine  &veur 


MEDITATIONS   SUR    LES    PSEAUMES.       133 

Mais  n*efperei-votts  point  fin  à  vofire  foufframe? 
Point  n^ef claire  aux  Enfers  Vauhe  de  Vefperance^ 
Tranfis,  defefperei,  U/^y  a  plus  de  mort, 
Qui  foit  en  vojtre  mer  des  orales  le  port. 

Tout  au  contraire,  c'ell  en  quoi  fe  paiînent  en  leur 
extafe  IsS  bénits  du  Ciel,  qu'en  un  aife  tant  incom- 
prehenfible,  il  n'y  ait  ni  excès,  ni  manque,  ni  dimi- 
nution, ni  altération,  ni  achèvement. 

Heureux  donc  le  troupeau  fainô  &  efleu  pour  une 
celle  fucceilion  !  Très  heureux  le  lignage  Que  Dieu 
en  partage  Choifit  &  retient  !  Tous  peuples  du  monde 
habitable,  W ont  pas  un  traiélement  femblable. 

Car  tous  les  royaumes  de  la  terre  apprennent  par 
leurs  lafUtudes,  dommages  &  mutuelles  peines  à 
former  quelque  paix,  mais  fujette  aux  inexécutions, 
aux  prompts  changements,  &  bien  fouvent  à  cacher 
fous  les  Oliviers  les  Orties  &  les  Aconites  :  n^  ayant 
que  la  paix  en  r£glifc,  de  laquelle  on  puiÂe  dire 
abfolumcnt  :  Voire  pour  Jamais  ne  mourir. 

Baifons  donc  les  pieds  qui  nous  apportent  la 
tranquillité,  la  main  qui  nous  prefente  Tolive  ;  bri- 
{bns  le  poing  qui  nous  apporte  le  flambeau  de  ruine  ; 
gardons-nous  des  diftindions  qui  font  Textindion 
des  zèles,  qui  allument  les  fureurs;  ne  mefprifons 
aucun  de  nos  frères,  ni  pour  fa  petiteffe,  ni  pour 
eftre  le  dernier  :  ayans  fouvenance  que  Jofeph  con- 
damné à  mort,  vendu,  emprifonné,  chaffé  aux  pays 
des  aulx  &  des  oignons,  nous  peut  un  jour  diitri- 
buer  le  pain,  les  douceurs  du  miel  &  du  laid. 

Eftimez  &  attendez,  François,  d'une  tribu,  &  que 
vous  avez  vcu  de  la  perfonne  facree  qui  règne  fur 
vous  à  joie,  que  la  force  des  Caïns  ne  vous  efchaufife 
point  fur  Abel.  Si  vos  frères  ont  quelque  fonge  dif- 


134      MBDITATtOHS   SUR    LES   PSBAUHBS. 

ferenc  des  voftres;  û  Jacob  les  dîftîngue  de  quelque 
livrée,  ne  veades  pas  Jofeph  aux  Madianitesbazanez  : 
joinâ  que  c'eft  luy  qui  de  la  follê  &  de  l'exil  a 
redonné  la  vie  à  fes  frères. 

Gardons  nos  mains  &  nos  penfces  d'eafànglanter 
fa  robbe,  car  il  la  faudroii  reprelênter  au  Père  tu 
jour  efpouvanubU  de  fou  dernier  jugement. 


OCCCÂSIOV^  ET  q/i^gv^e:^. 


DB    LA    UtDITATION 
FAICTE     sua    LE    PSËaUMX      84. 


N  grand  Seigneur  du  Royaume 
de  France  j  plus  ejlevc  encùr  en 
meritei  qu'en  extrailion,  fe  com- . 
plaignant  aigrement  &  familiere- 
"iïV 'C'(lC7y'P  "'""  "  ''°fi'''  auteur,  entre  plu- 
CJi^Z^^jffc^  f'""  liffiéHons,  des  dtax  qui 
— ^-^''"r^^  -^  I  l'enfuiveni  :  la  première  ds  la 
grande  ingratitude  que  Us  Grands,  les  Républiques 
(T  les  peuples  rendent  à  ceux  qui  font  litière  de  bien 
tr  de  vies,  pour  s'employer  aux  affaires  publiques, 
<Tpar  leuTslabeursfleriles,<D-  par  leurs  périls  mefprifés, 
/oppofent  aux  malheurs  <T  ruines  qui  menacent  leur 
parti;  l'autre,  de  ce  que  nuls  ne  peuvent  sejlever  par 
fa  vertu  {quoi  que  ce  foi t  par  les  bonnes  voyes)  qu'ils 
n'encourent  les  envies,  <T  la  haine  de  ceux  mejmes 
fouhs  qui  (r  pour  qui  ils  r'employent,  ir  ne  fayent 
tous  les  jours,  au  péril  du  précipice,  à  mefure  de 
leur  eflevation;  ce  Pfeaume  fut  choifi  pour  confoler 
^confeiller  ce  Seigneur,  tr  ceux  que  pareille  amer- 
tume de  caur  afflige  journellement. 


Ij6      MBDITATIOKS  SUR    LBS   PSIAUMIS. 


Ctux  qui  plaifi  à  Dita  Je  Liafftr, 
Ceax  là  ne  font  rien  que  ptnfer 
A  Ut  ruiner  V  dejlruire. 

FSBAUMB   84. 

I.  Eternel  des  armettf  combien  Jont  aînutbUt  tts 
tabernacles!' 

3.  Mon  ame  ne  ceffe  de  emtroùtr  grandement , 
&  me/me  défaut  après  les  parvis  de  l'Eternel  :  mon 
caur  &  ina  chair  treffailUnt  de  joye  après  le  Dieu 
fort  Ù-  vivant. 

3.  Le  paffereau  mefme  a  bien  trouvé  fa  maifonj 
&  VaroadclU  fon  nid,  où  elle  a  mis  fis  petits  :  us  au- 
leh.  0  Eternel  des  armées,  mon   Roy   &  n.        "        ' 


MEDITATIONS    SUR    LBS    PSBAUMBS.       137 


1 1 .  Car  V Etemel  Dieu  nous  eft  101  SoleU  &  un  bou' 
cUer  :  V Eternel  donné  grâce  tr  gloire,  &  j^ejpargne 
aucun  bien  à  ceux  qui  cheminent  en  intégrité, 

12.  Etemel  des  armées ,  0  que  bien  heureux  eft 
l'homme  qui  ^affeure  en  toi! 


MEDITATION 

SUR  LE    PSBAUMS    84. 

temel  Dieu  des  armées,  c*eft  à  toy 
à  qui  nous  adreflbns  nos  vœux  &  nos 
plaintes,  par  ce  qu'il  y  a  propiciadon  en 
ton  fein,  équité  en  tes  jugements,  force 
À  TÎâoire  en  ton  bras,  comme  eftant  le  Dieu  très 
fort,  qui  retiens  en  ta  puijfance  les  ijfues  de  la  mort. 
Que  beaux  font  tes  tabernacles!  que  tes  exercices 
campent  defTous  de  belles  tentes,  &  qu  il  faid  bon 
loger  deiTous  tes  pavillons  triomphans.  Ce  font 
beautez  qui  ne  fleuriffenc  point  pour  eftre  fenees 
&  fleftries  fur  le  foir.  Ce  font  palais  eflevés  dans  le 
Ciel,  bien  differens  de  ceux  defquels  les  Princes  fe 
vantent  pour  y  planter  leurs  titres  orgueilleux.  Les 
pierres  n'en  gèlent  point  à  la  lune  ;  le  vent  &  les 
glaces  ne  les  peuvent  dilTiper  ;  leur  eflevation  ne  les 
menace  point  de  ruine,  pour  ce  que  tout  y  eft  fondé 
fur  le  roc. 

Telle  hautefle  n'offenfe  pas  le  Ciel,  comme  fît 
Babel;  &  les  chapiteaux  ne  defpitent  pas  les  nues, 
pour  en  appeler  le  foudre  à  leur  deftruétion.  Voila 
la  caufe  violente  de  l'amour  fans  mefure  que  nous 
portons  à  tes  parvis,  o  Dieu ,  &  nos  âmes  pante- 
lantes les  vont  cerchant,  conune  la  biche  les  eaux  : 


MEDITATIONS    SUR  LBS    PSIADMIS. 


elles  de&illeot  en  cène  recerche,  &  le.  paCaent  en 
leurs  defirs  enfiammeg,  lors  mefinement  que  les 
méchants  qui  n'onc  poïnï  d'yeux  pour  le  Temple 
fpirituel,  demandent  :  où  eft  la  demeure  de  noure 
Dieu? 

Certes  voici  la  dure  fai{bn  oïl  les  fidèles  îm- 
fonnenc  de  foupirs.  Et  bien  qu'ils  ayenidequoi  fé^ 
mer  la  bouche  aux  impies,  lur  ce  que  la  demeure 
de  l'Etemel  n'eft  pas  aux  maifons  faites  de  mains 
d'hommes,  neantmoins  ils  fe  trouvent  empefchez  en 
eux-mefmes,  à  l'elclat  de  joie  iniblence,  &  aux  cris 
de  plus  en  plus  monians  ji^uea  au  Gel,  aux  infulta- 
nons  des  perTecuteurs,  lorfqu'ils  bruJlent  nos  iW- 
ples,  dilllpent  nos  Aflmblees,  raflaûants  leurs  ^«ux 
charnels  au  renverfement  des  pierres  mortes  ;  mais 
plus  i;nciir  quand  ils  s'actaquenc  aux  vives,  brifen: 


MEDITATIONS    SUR    LES    PSEAUMES.        139 

«M  prefonterai-je  devant  la  face  de  Dieu!  &  puis  : 
£/f-c«  à  jamais  que  ton  ire  eflendras^  &  ta  fureur 
de  fils  en  fils  ira?  &  encore  :  Souvienne^toi  comme 
tes  ennemis,  o  Eternel,  ta  gloire  ont  abbaifee.  En 
ramercume  de  pareilles  complaintes,  nous  cueillons 
des' fleurs  au  Cantique  du  Prophète  Royal  que  nous 
n'avions  pas  remarquées  auparavant.  Mais  le  plus 
predeuz  temps  que  nous  trouvons  à  dire,  font  ces 
habitacles  privez  que  rEfprit  de  Dieu  avoit  conftruiu 
dans  le  fein  de  chacun  fidèle. 

Ces  feins  qui  eftoyent  {knâuaires,  ces  cœurs 
cables  de  la  Loi,  &  fur  lefquels  elle  eftoit  efcrite  du 
doigt  de  Dieu,  ces  eftomacs,  cabinets  des  threfors 
de  confiance,  ont  fait  ouyr  mefme  dans  les  feux  les 
magnifiques  paroles  du  Dieu  vivant.  Ces  premiers 
Temples  ont  elle  abbatus  par  la  mort,  &  en  leur  hon- 
teufe  pollerité  nous  ne  voyons  que  mafures,  retraites 
de  ferpents  &  de  lutins,  de  vices  &  d'Lnfcdions. 
Ces  pourceaux,  où  les  diables  fe  font  jettes,  font 
corps  fans  ame  &  fans  vie,  puifqu'ils  ne  fentent  pas 
la  froiffure  de  Jofeph.  Ces  cœurs  affadis  que  Dieu  a 
laifl*é  fondre  en  les  abandonnant,  pource  qu'il  en  elloit 
abandonné  :  ces  feins  qui  ne  font  fainds  ni  Tem- 
ples, mais  cloaques  d'eaux  puantes  &  de  lafchetez, 
ont  changé  les  violences,  par  lefquelles  leurs  pères 
ont  ravi  le  Royaume  des  Cieux,  en  tiédeurs  que  Dieu 
vomit  de  fa  bouche,  en  mortelles  froideurs,  en  té- 
nèbres Egyptiennes  :  ténèbres,  di-je,  par  l'abfence 
du  feu  qui  fut  jadis  marque  de  la  prefence  de  Dieu. 
Ifraël  eil  a£fligé  par  les  Balaams  accueillis  pour  le 
maudire,  par  les  Jafons,  par  les  Alcimes  :  car  les 
bouches  qui  mefmes  avoycnt  efté  facrees  à  la  vérité, 
'partifanes  du  Prince  du  monde,  meurtriers  &  men- 
teurs, accufent  le  peuple  de  Dieu,  telmoignent  contre 


140      MEDITATIONS    SVK.   LES    PSBAUUBS. 

lui,  trahilTeai  Jerufalem,  employent  leur  éloquence 
mercenaire  Jt  cbancer  le  meurue  pour  viâoire,  à 
avilir  le  fang  racheté  par  celui  de  Jcfus  Chrift, 
vanter  les  bru  roidet  des  tueurs,  coûter  pour  fange 
les  morts  de  Judas,  ellever  la  juftice  des  Nicanors, 
opprimer  de  blafine  les  efgorgez,  fiùre  fleurir  les 
uns  en  leur  bouche  &  etcrits  par  loiianges  fèines 
&  menfongeres,  &  vomir  fur  les  affligés  le  jargOB  de 
Semeï  contre  David  fugitif  ;  &.  ainûfe  rendani  bour- 
reaux de  leurs  compagnons,  ou  par  la  peur  qu'ap- 
porte l'infidélité,  ou  par  k  vilaine  &  mercenaire  efpe-  ' 
rance  que  le  Diable  pa}'e  en  flieilles  le  plus  louvent. 
On  a  efcrit  que  le  peuple  allant  en  la  captivité  de 
Perfe,  quelques  Prophètes,  fuivis  de  leurs  eo&ns, 
allèrent  cacher  les  précieux  meubles  de  l'Eglife, 
{&.  entre  autres  ce  feu  facré,  tefmoin  de  l'aflldance 


MEDITATIONS    SUR    LBS   PSEAUMBS.       I4I 

ienritude  du  Tyran  d*eiifer,  ont  laifl^  mourir  dedans 
leurs  cœurs,  jadis  eftimés  fanâuaires  de  Dieu,  ce 
feu  puiflknc  de  luire  &  de  brufler,  &  ne  produifenc 
aujourd'hui  de  leurs  bouches  que  flegmes  puans, 
&  vilains  excréments  de  cette  eau  graflfe,  dans  laquelle 
les  cœurs  &  les  feux  fe  font  noyés^  N^eft  ce  de 
quoi  tomber  fur  nos  genoux  pour  crier  vers  le  Ciel  : 
Tourne  à  part,  o  Soleil  de  Juftice,  le  nuage  efpais 
de  nos  peïchez,  à  ce  que  ces  rayons  mettent  en 
feu  nos  glaces,  &  fay  de  nos  puits  fecs  des  autels 
(umans  en  bonne  odeur;  refais  en  des  Temples, 
remets  y  ton  Arche,  l'Urim  &  Thumim,  &  tire 
encore  dehors  facrifices  des  nephtars  &  purifications. 
0  que  bien  heureux  font  ceux  qui  habitent  en  ta 
maijbnj  qui  te  louent  incejfamment  ^  &  qui  faifants 
leur  profit  de  leurs  défauts,  embraffent  les  petites 
colonnes  du  Temple  nouveau,  rexercice  de  tes 
louanges  qui  leur  eftoit  ennuyeux,  prenent  un  ap- 
pétit &  une  faim  falutairc  du  pain  des  Anges,  au 
lieu  de  leur  damnablc  fatieté,  &  logent  une  loif  ar- 
dente en  la  place  du  mefpris,  ayant  perdu  de  veuë 
la  maifon  de  Dieu. 

Il  n'y  a  plus  parmi  nous  loi  ni  foi  ;  &  tant  de 
lafchetés  &  perfidies,  qui  ont  rendu  Ifraël  mef- 
prifé  aux  nations  voifmes,  horrible  à  foi  mefme, 
viennent  de  ce  que  la  vérité,  qui  ne  peut  loger  ail- 
leurs que  dans  TEglife,  a  fuivi  fon  exil.  Nous  avons 
eu  honte  d'elle,  elle  de  nous  :  nous  lui  avons  dcfiiié 
fon  logis  accoutumé,  elle  a  eflé  bien  venue  au  Ciel  : 
nous  lui  avons  defrobé  nos  yeux,  elle  à  nous  fa  lu- 
mière :  nous  avons  fait  un  veau  d'or  &  adoré  les 
beftes,  &  leur  joug  nous  efl  demeuré  fur  le  col  : 
nos  Moyfes  ont  eu  les  bras  appefantis,  quelques  uns 
par  les  prefents  d'iniquité.  Ifraël  a  fuy  devant  Ama- 


I4>      MIOITATIOKf   tUK    LKt   PSKAOMIt. 

lec,  au  lieu  qu'aucresfois  quand  il*  ont  levé  les  nttint 
hautes,  IfniS  a  efté  vainqueur. 

Quind  ferons  noui  irrités  de  noftre  la&hetéf 
pour  la  convertir  en  courage  &  Dieu  }  Quand  lêron^ 
nous  las  d'avoir  let  pieds  des  vices  ft  videux  fur 
nos  gorges,  ft  faire  hommage  aux  portes  d'enfer  ?  Il 
faut  dire  de  toutes  nos  afièâions,  Q  nout  voulons  que 
ce  foit  avec  efficace,  0  qu»  bieit-iuureux  ^  Pbuair^ 
duquel  Vamour  &  la  eraintt  font  m  Im'^  &  ctux  «m 
l'efprit  defqiuU  fimt  m  ehâmîiu  batttu,  ft  à  qui  m 
donnes  d'y  cheminer  de  verni  en  vertu,  de  fbree  en 
force,  de  benediâion  en  beoediâion. 

Pour  reprendre  ce  bon  vonlotr,  nous  ne  fauriont 
fi  tod  dire,  Il  faut  eettfifftr  i  DUu  mffht  tnttf^, 
qu'auflicon  l'Etemel  n'ait  ofté  la  peine  de  nos 
pcfchcz  :  &  voila  !e  dcfcfpoir  changé  en  efpcrance, 
e  en  doarinc.  &  l'inconflanirc  en  icrmea': 


USBITATIONS   SUR   LES    PSEAUMES.       I43 

Jacob,  &  laquelle  ne  confond  point  en  la  tribula- 
tîoa  melme,  maïs  porte  patience,  la  patience 
refpreuve,  &  refpreuve  Telperance.  Ces  premiers 
gÊgu  dé  la  bonté  de  Dieu  bien  receus,  bien  poflè- 
dés,  ameinent  le  relie  à  la  perfeôion,  qui  ell  à  faluc, 
fuivant  ce  qui  eft  dit  :  A  celui  qui  a,  il  lui  fera  encores 
damU,  Par  ce  moyen  ceux  qui  ont  cheminé  de  grâce 
en  grâce  font  couronnez,  comme  nous  avons  dit,  de 
bexioUâion  en  benedidion. 

Que  ii  ce  chemin  ell  plein  d'efpines,  il  la  voye  de 
fàlut  ell  eilroite,  il  la  fecherelTe  de  Baca  &  le  val 
des  meuriers  fait  périr  de  foif  les  palTans,  cette 
Ibif  £ût  le  deilr,  &  le  deiir  le  courage.  Creufons  y 
des  puits,  Dieu  y  fera  fourdre  les  ruiilèaux  à 
laiét  &  les  fontaines  des  eaux  vivantes,  qui  eftan- 
chent  la  foif  pour  jamais,  A  ce  labeur  plein  d'cfpe- 
rance,  le  Ciel,  fe  rendant  partifan  de  nos  deflTeins, 
fe  liguera  pour  eux,  les  arroufera,  les  emplira  de 
fes  pluyes,  faveurs  &  bcnedidions  :  Et  tout  pour 
avoir  dit  à  Dieu^  Tu  es  ma  retraite^  &  avoir  eftabli 
le  fouverain  pour  ton  domicile;  il  rcfpond favorable- 
ment en  cts  termes  :  Puis  qicil  m'aime  affcêfueufe- 
ment  y  je  le  colloquerai  en  une  haute  retraitte.  Je 
ferai  avec  lui  en  deftrejfe  ^  pour  ce  qu'il  cognoifl 
mon  Nom. 

L'Efpritde  Dieu  nous  fait  prefent  d'une  merveil- 
leufe  confolacion,  en  ce  quil  die  que  palTant  la 
vallée  de  miferc  &  les  deferts  du  monde,  les  plus 
courageux  caveront  des  puits  qui  fcron;  emplis  de 
la  pluye  du  Ciel.  Ceux  qui  travaillent  aux  puits 
&  fontaines  n'employent  pas  leurs  peines  pour  eux 
feulement  :  tels  ouvrages  ne  font  point  à  l'utilité 
d'un  particulier,  mais  faits  à  Tufage  des  voifms  &  à 
la  publique  commodité. 


144      MEDITATIONI    sua    LIS    PSEA 


O  VOUS  qui  gemîHèx  pour  avoir  travaillé  aux  af- 
faires générales,  y  avoir  defpeodu  vos  biens,  voftre  ' 
fang  &  voftre  fueur;  qui  avez  fupporté  pour  les 
peuples  les  ingradcudes,  les  blafmes,  les  foupçoDS, 
les  mutineries,  les  révoltes;  &  enfin  ce  que  louffre 
par  eux  quiconque  fe  perd  pour  cuit  :  Ou  vous  per- 
(bnnes  particulières,  qui  avez  violenmient  travaillé 
pour  les  parents,  domeftiques  ou  amis  ;  qui  ineûnes 
avez  penfé  relever  les  premières  ingratitudes  par  les 
bienfaits  plufieurs  fois  réitérez,  pareils  À  ceux  qui 
n'ont  pas  laifTé  de  creufer  les  puits,  quand  la 
[erre  ingrate  n'y  envoie  point  d'eau  ;  qui  avez  par 
pcrfeverance  elTayé  de  vaincre  les  azurs  endurcis, 
&  continué  vos  travaux  dans  les  arènes  feiches  &  fans 
humeur,  voicy  le  portraiâ  de  vos  peines  &  de 
vos  fuccez.  Le  Ciel,  qui  n'eft  jamais  ingrat,  repare 


MEDITATIONS    SUR   LES   PSEAUMES.      I45 

font  oftez  de  la  main  du  Père,  qm  envoyé  &  fufcite 
DOS  envieux  comme  vilains  &  infâmes  vers,  pour 
piquer  le  kikajon,  &  faire  mourir  les  verdures  deli- 
deufes,  par  là  nous  ofter  des  mains  &  de  la  fré- 
quentation des  mefchants,  fes  ennemis,  &  nous  chaf- 
&r  droit  au  tabernacle  de  Sion.  Obfervons  donc 
cette  règle,  de  n'affeâcr  que  le  but  de  vocation 
fupemelle,  baifans  la  main  de  Dieu  qui  arrache 
des  noftres  les  voluptez,  donne  amplement  le  necef- 
faire,  &  ne  veut  cftre  invoqué  que  pour  le  pain 
quotidien. 

Prefle  donc,  o  Etemel,  à  nos  requeftestes  oreilles 
&vorables;  regarde  la  face  de  ces  oinâs.  Ceft  nous 
que  tu  as  choifis  &  fanôifiez;  tu  nous  as  feparé 
pour  ton  peuple  acquis,  ta  facrificacure  royale,  ton 
héritage  bien-aimé.  Pour  nous  faire  tiens,  tu  nous 
as  rachetez,  &  payé  noftre  rançon  de  fi  haut  prix, 
qu  elle  a  courte  le  fang  du  Fils  de  ta  diledion.  Con- 
ferve  &  garantis  ton  héritage  contre  les  cmbufches 
du  mefchant,  qui  a  couché  fon  trait  fur  la  corde  ; 
défends -nous  de  la  main  d'oppreiïe  &  des  traits 
enflammez  de  Satan. 

Ton  Efprit  nous  apprenne  d'eftimer  plus  les  ca- 
chettes feures  de  ton  Temple  qu'crtre  haut  montez 
es  ubernacles  d'iniquité,  puis  qu'un  jour  chez  toi  eft 
plus  précieux  que  mille  au  palais  des  Grands,  def- 
quels  les  grades  plus  eflevez  ne  font  que  pièges 
&  fientes  à  qui  les  cognoirt  bien,  n'approchent  ni  en 
heur  ni  en  honneur  la  qualité  des  fidèles  portiers 
en  la  maifon  du  Roi  des  Rois,  n'y  ayant  point  de 
comparaifon  entre  les  clefs  dorées  des  cabinets  de 
vanité  &  celles  du  Royaume  des  Cieux. 

Là  defTus  nous  avons  à  méditer  que  tous  les 
plus  violents  fouhaits  &  defu's  tendent  à  deux  fins 
II.  10 


146       MBDITATIOKS   SUR    LB5     PSBAVHES. 

bien  difTerenies,  qui  ont  contraires  effets  :  afçavoîr, 
à  la  fplendcur  &  à  la  feurt^  tout  enfeDible.  L'une 
veut  t'eUevatlon,  ft  l'autre  la  balfeflê  :  l'une  tend  it 
ctlre  veuë  par  deSiis  les  autres,  l'autre  ï  etlre  ca- 
chée, mefme  derrière  foi.  La  première  condîiioïi  ell 
expofee  au  péril  des  envies,  l'autre  &  la  honte  ft  au 
mefpris;  la  première  craint  les  précipices,  l'autre 
d'edre  foutee  aux  pieds  ;  l'une  de  s'eftourdir  en  fon 
cflcvacion,  l'autre  de  pourrir  en  la  fange  &  l'obf- 
curité;  &  toutesfois  tout  homme  de  deffein  veut  de 
chofes  tant  hccerogenees  faire  un  très  difficile  accord. 
Car  ainfi  qu'il  advient  aux  maladies  implicites, 
ceux  qui  fe  veulent  guérir  de  l'envie  &  du  mefpris 
cnferoble,  n'employent  aucun  médicament  falutaire 
à  l'un  de  ces  deux  extrêmes,  qui  &  l'autre  nefoit 
poifon;  pour  ce  que  leparoidre  appelle  i  foi  la  veuë 
&  l'envie,  &  la  feurté  fuit  tous  les  deux. 


MBDITATIOKS    SUR   LES    PSEAUMBS.       147 

ft  qui  en  meûne  temps  &  fur  mefmes  fujeâs  mec  en 
«Tint  noftre  juftice  comme  Taube,  &  puis  noftre 
preud'honùe  comme  le  midi.  C'eft  lui  qui  a  reUvé 
h  ckêitf  de  la  jfouâre^  &  le  fouffrêteux  de  la  fiente 
&  lefaiifeoir  avec  les  Principaux^  &  qui  eft  notable, 
awc  les  Principaux  de  fon  peuple, 

Auffi  dilbns-nous  avec  David,  U  me  cachera  en  fa 
hgette  au  mauvais  tenu;  il  me  tiendra  caché  en 
U  cachette  de  fon  tabernacle  :  &  quand  &  quand  eft 
id|oufté,  //  me  haufera  deffus  un  rocher^  ma  tefte 
s^ejkpera  par  deffus  mes  ennemis. 

Le  mdme  qui  avoit  caché  Moyfe  dans  le  cofiret 
de  joncs  quand  il  fut  expofé,  defcouvrit  fa  beauté  à 
la  fille  de  Pharaon,  pour  lui  communiquer  après  fes 
rayons  &  fa  clarté,  jufques  à  telle  fplendeur  qu'elle 
fut  infupporuble  aux  yeux  des  Ifraëlites.  C'eft  lui 
qui  en  noftre  nuift  nous  guide  avec  un  flambeau, 
ft  au  plus  grand  midi  nous  couvre  &  conduit  par  la 
nuée  ;  c'eft  lui  qui  a  protégé  fon  peuple  dans  les 
abyfmes  des  eaux,  de  là  dans  les  deferts,  où,  après 
avoir  efté  halé  &  bafanné,  il  Ta  fait  luire 

...  Comme  fer  oit 
Voile  d^un  pigeon  qui  fer  oit 

De  fin  argent  hrunicy 
Dont  U  pennage  efiincelant 
Fait  femhler  Voile  en  Voir  volant 

Du  plus  fin  or  jaunie  : 

Faifant  de  ce  peuple  tout  fauvage  des  triom- 
phants, qui  firent  leur  glorieufe  entrée  dans  les 
conqueftes  de  Canaan.  Le  mefme  qui  ii voit  caché 
David  entre  les  brebis,  le  fit  triompher  glorieux  à  la 
tefte  de  fon  armée,  quand  il  fut  temps;  &  pour  un 
temps  l'ayant  déprimé  en  la  caverne  d'OdoIIan, 


148      MBOITATIOKS  SUB.   LES    FSEAUMBS. 

le  combla  de  Ipleodeur  fur  le  dirofhe  dlfnSl, 
Me  Ibit  permis  de  choîHr  ennv  loiu  lei  exemples 
de  noUre  ficde  celui  de  la  Roine  Elifabtihf  de 
laquelle  on  a  e&ric  : 

Ia  main  qui  U  ravit  de  la  gtoU  en  M  /aUj 
Qià  thangta  la  felUttt  en  la  thairt  rayait j 
Et  U  /util  de  la  mort  en  un  degrt  Ji  haa, 
Qai  fit  un  tribunal  d'un  etltfie  efÂ^^aut  : 
L'ail  gui  vid  Ut  defirt  a/pirani  à  laJUmwu, 
Quand  tu  gardai  ton  ame  en  voidant  ftrdrt  Famef 
Cet  mI  vid  Ui  danger»,  fa  main  porta  Ufax, 
Te  fit  hturtmje  tn  guo'rt  V  ftrwt  dam  lapaix. 

Diroos-nout  que  mefioe  en  la  peribnne  de  fbn 
bien  aimi  FÛt,  il  a  uCf  comme  il  lui  a  pieu  des 

ténèbres,  de  U  crèche,  de  ia  fuite  en  Eg)'pte,  du 


MSDITATIOKS    SUR    LES   PSEAVM2S.      I49 

par  Noë,  les  Patriarches,  Moyfe,  David  bien  aimé, 
Salomon  le  fage,  les  Prophètes,  Apoftres,  ft  grands 
fenriteurs  de  Dieu.  Il  a  falu  que  ces  excellents 
TÎfiiges  ayent  efté  marquez  de  quelques  poreaux, 
ftrSglife  eft  demeurée  obligée  à  fembler  fon  chef 
aux  divers  temps  de  gloire  &d'aneantiflement,  &  en 
ces  tems  calamiteux  la  gloire  de  TEtemel  paroift 
oblcurcie,  comme  le  peut  eftre  le  foleil,  &  la  bien 
aimée  du  Seigneur  fouflBre  comme  la  lune,  non  à 
relgard  de  ces  corps  précieux,  mais  du  noftre, 
edipfe  &  defeâion. 

Telle  eftant  la  condition  du  chef,  de  Tefpoufe,  ftde 
lêsenfSuis  plusiàvoris,  qui  fera  celui  des  membres  de 
l'E^e  à  qui  telles  marques  feront  en  horreur, 
puifque  mefmement  toutes  ces  viciflîtudes  tournent 
en  triomphe  aux  efleus,  &  qu'après  toutes  les 
eztremitez  que  nous  confiderons,  la  dernière  nous 
pafle  aux  extrêmes  félicitez  ;  la  cachette  la  plus 
noire,  la  folTe  la  plus  profonde,  &  la  plus  infime 
de  nos  conditions  eft  le  fepulchre  ;  la  cheute  dans 
la  fofTe  eft  le  bond  de  la  plus  haute  eflevation  ;  les 
ténèbres  les  plus  obfcures  de  toutes,  qui  nous  don- 
nent la  dernière  nuift,  font  celles  qui  font  vaincues 
par  l'aube  de  l'Efperance,  &  defquelles  nous  fortons 
pour  poffeder  le  luftre  de  la  plus  vive  fplendeur, 
qui  eft  la  gloire  des  Cieux. 

D'où  viennent  ces  effefts  ii  contraires  &  fi  excel- 
lents, hors  la  penfee  &  le  pouvoir  de  l'homme,  qui 
ne  peut  produire,  ni  fuffifamment  coignoiftre  la  con- 
ciliation de  telles  extremitcz  ?  c'eft  de  Dieu  ;  &  com- 
ment? pour  ce  que  Noflre  Seigneur  Dieu  très  doux 
êft  foUil  &  bouclier  pour  nous^  qui  feul  peut  donner 
gloire  &  gr<^<^^}  fi^efpargnant  aucun  bien  fait  à  ceux 
qui  cheminent  en  intégrité.  C'cft  le  treffeur  bou- 


i;0      MSDITATIOKl   SUB.   LU    PSBAUMSS. 

elier,  &  U  gloûv  efprouree  qui  nous  retire  quand 
il  fuie,  &  puu  ea  tempi  opponun  notu  fait  aller 
haut  la  tefie  levée;  comme  aulli  les  boudien  dea 
anciens  qui  lèrvoyeni  à  les  couvrir  dea  coups,  Her- 
voyencauflî  ji  créer  les  Empereurs,  en  les  enlevaiu 
fur  des  boucliers  à  la  veuë  des  peuples  en  marque 
d'eleâion. 

11  eft  tout  enfémble  nofire  lumière,  nofire  yîc- 
toire,  &  quant  &  quant  noftre  lëurté  ;  fes  m^ftw^^ 
rayons  qui  donnent  la  fplendeur,  portent  auffi  U 
proteâion,  car  ils  aveuglent  les  Sodomîtet  pour 
îauver  Lat  :  &  comme  les  anciens  guerriers  fùfc^rent 
luire  leur  pavois  &  boucliers,  ce  bouclier  de  grâce 
eft  rayonneuz,  puiflant  de  parer  aux  coups,  &  d'ef- 
bbuyr  les  yeux  des  ennemis.  Qaî  le  regardera,  j'en 
irourem  loul  efddirê ;  l'avez  vous  coocctnplii,  vous 


MEDITATIONS   SUR    L  KS   PSEAUMBS.       151 

fêncons  efclairés  de  rEfprîc  de  lumière,  quand  du 
profond  de  nos  ennuis  le  cœur  s'efleve  aux  Cieux, 
pour  dire  là  dedans  :  A  coi  je  foupire,  à  toi  je  tends 
les  mains,  o  Sire.  C'eft  pourquoi  rÉfpric  defpeint 
les  deux  propriétés,  de  ce  Soleil  &  de  ce  bouclier^ 
fous  gloire  &  grâce;  gloire  au  Soleil  qui  produit 
nos  preud^homies  eh  plein  midi,  grâce  au  bouclier 
qui  nous  couvre  des  ennemis,  &  nos  pefchez  de  la 
tace  de  TEcernel. 

Mais  voulez-vous  voir  dans  le  profond  du  péril  mor- 
tel un  portrait  notable  de  ce  que  peut  ce  grand  Soleil 
âê  Juftice^  &  ce  bouclier  qui  ^e  tombe  pas,  comme 
les  ai»ciles  du  temps  pàflTé,  pour  une  fabuleufe  fuper- 
ftition,  mais  pour  un  vrai  fecours;  voulez -vous 
voir  la  fplendeur  celefte  bien  mariée  avec  la  feurté  ; 
voyez  flamboyer  cette  grande  fournaife  ardente  de 
Nebucadnetfar,  &  le  grand  Ange  du  Ciel,  qui  la 
vient  rendre  plus  fplcndidc  qu'elle  n'eftoit,  y  porte 
le  bouclier  d'en  haut,  la  rend  feure  aux  condamnés, 
&  pernicicufe  à  leurs  bourreaux  :  il  vient  rendre  cou- 
ronnés &  couverts,  honorés  &  afTeurés  les  trois 
frères  qu'il  fait  de  fa  compagnie,  &  honteux  &  trem- 
blants les  ennemis  de  la  vérité.  Difcourez,  philo- 
fophes  vains,  comme  il  vous  plaira  fur  le  fouverain 
Bien;  prophanes  mondains  logés  dans  les  volupccz, 
aux  honneurs  &  aux  richefTes,  nous  avons  trouvé  à 
quoi  attacher  nos  defirs  :  c'eft  au  pavois  de  rEtcmcl, 
où  nous  trouvons  la  cachette  fans  honte  &  l'eflc- 
vation  fans  péril. 

C'eft  de  là,  o  Tout  Puiffant,  d'où  la  fplendeur 
de  ton  confeil  de  feu  m'a  vifité  en  mes  prifons  tene- 
breufes  ;  c'cft  de  là  qu'a  coulé  le  baufme  celefte  dans 
mes  playes.  C'eft  de  ton  faind  mont,  que  j'ay  ouï 
la  fentence  de  ma  gloire  &  de  ma  grâce,  quand  les 


15a     MEDITATIONS   SUR  LJtS   PSBAUICBS. 

mefchans  ont  prononcé  celle  d'opprobre  &  de  mort  : 
c'eft  là  où  je  vu.  ployer  met  voilet  ufees  de  tem- 
peftes,  je  ne  voi  point  ailleurs  de  port  ni  d'afyle 
pour  mon  exil.  Dieu  (èul  eft  ma  fortereffe,  ma  mah' 
fom  bien  munie  qui  mê  gardera  dg  dgftrejê^  nf^mni" 
romura  de  chants  de  triomphe  :  mon  amefe  tiendra 
coye  envers  lui,  fous  cette  haute  retraite  je  ne  ferai 
point  esbranlé  ;  là  où  eft  ma  délivrance,  ma  gloire, 
le  rocher  de  ma  force,  &  corne  de  ma  fameté.  Ce 
font  les  termes  du  Prophète,  &  pour  finir  comme 
lui  au  Pfeaume  prefent, 

Bref  Dieu  tris  fort,  heureux  fe  eroi 
L'homme  qui  i'appuyt  fur  toi. 


k 


OCC(rfS/a>C   ET   OfKGV^E^T. 


DK     LA     IISDITATIOK 
FAICTl    SVK    Ll    PIBAUME    73. 


VBi.Q,VMS  SeigneursdtCafcogne, 
après  de  grands  femices  faits  au 
Roy  Henri  IVj  Je  voyans  ap- 
pauvris ir  privés  des  honneurs 
qu'ils  efiimûyent  (non  à  tort  avoir 
ejié  mérités  par  les  vertus  ;  entre 
ceux-là  le  Vifcom(e  de  Gourdcn, 
qut  l'hijioire  nous  fait  cognoijlrej  ayant  pris  un  re- 
gret, qui  lui  dora  Jufques  à  la  morij  de  ne  pouvoir 
eftre  honoré  d'un  collier^  noftre  auiheur  fit  prefent  à 
fes  a/nu  de  celte  pieee^  qu'il  ejliraa  propre  à  leur 
eonfotation. 

PSEAUMB      d'aSAPH. 

I.  Quoi  que  ce  fait,  Dieu  efi  bon  à  Ifraëlj  afçavolr 
â  ceux  qui  font  nets  de  caur. 

».0r  quant  à  mai , mes  pieds  m'ont  prefquefaillifù-  ne 
j'en  a  comme  ritnfalu  que  mes  pas  i/ayent  gliffé. 

3.  Car  j'ai  porté  envie  aux  infenfeij  voyant  la 
profperité  des  mefchans. 


154      MEDITATIONS   SUR   LIS  "PSIAUMBI. 

4.  D'autant  qi^il  liy  a  point  éCefireintês  en  la 
mort  dUceux  :  ains  Uur  force  efl  en  fon  entier, 

5.  Us  n'ahannent' point  comme  les  autres  hommes, 
&  ne  font  point  battus  avec  les  autres  hommes. 

6.  Pour  cette  caufe,  orgueil  les  environne  comme 
un  carquan,  &  accoufirement  de  violence  les  couvre, 

7.  Les  yeux  leur  fortent  dehors  de  force  de  graiffe: 
ils  furpaffent  les  deffeins  de  leur  cœur. 

8.  Ils  font  pernicieux,  &  parlent  malicieufement 
d'opprimer,  &  parlent  comme  haut  montei. 

9.  Ils  mettent  leur  bouche  aux  Cieux,  &  leur 
langue  trotte  par  terre, 

10.  Et  pourtant  fon  peuple  en  revient  là,  quand  on 
leur  fait  fuccer  Veau  à  plein  verre. 

11.  Et  difent,  comment  le  Dieu  fort  auroit'-U  eo- 
gnoiffance,  &  y  auroit-d  cognoiffance  au  Souverain  f 

12.  Voila,  ceux-ci  font  mefchans,  &  ff^^W..  à  leur 
aife  en  ce  monde,  ils  acquièrent  de  plus  en  plus  des 
richejfes,  , 

13.  Quoi  que  ce  f  oit  y  c?efi  en  vain  que  j'ai  nettoyé 
mon  cœur,  &  que  j'ay  lavé  mes  mains  en  innocence, 

14.  Car  fai  efté  battu  journellement ,  &  mon 
chafliment  revenoit  tous  les  matins, 

I  ç.  Mais,  quand  j'ay  dit,  j'en  parlerai ainfi,  voila, 
j'ai  efté  defloyal  à  la  génération  de  tes  enfans» 

16.  Toutesfois  fai  tafché  à  cognoiftre  cela,  mais 
il  m'a  femblé  fort  fafcheux, 

17.  Jufques  à  ce  que  je  fois  entré  aux fanàluaires  du 
Dieu  fort,  &  que  j'aye  confderé  la  fin  de  telles  gens, 

18.  Quoi  que  ce  foit,  tu  les  as  mis  en  lieux  gUf" 
fans,  tu  les  fais  tomber  en  précipices, 

19.  Comment  ont^'ls  efté  deftruits  ainfi  en  un  mo^ 
ment,  font^ils  défaillis,  ont  ils  éfté  confumés  d^ef" 
pouvantements? 


^ 


MEDITATIONS    SUR    LES    PSSAUMBS.       155 

ao.  Ils  font  comme  un  fonge  quand  on  s^eft  ref^ 
têillé*  Seigneur^  tu  mettras  en  mefpris  leur  reffêm'- 
blance  quand  tu  te  refieûleras. 

ai.  Or,  quand  mon  cmur  s'en  aigriffbitj  &  que 
Je  me  tmtrmentois  en  mes  reins; 

aa.  Lorsfeftois  abruti^  &  nfavois  aucune  cognoif- 
fonce  :  fefiois'une  groffe  befte  en  ton  endroit. 

23.  Je  ferai  donc  tous  jours  avec  toi;  tu  rtCas  pris 
par  la  main  droite. 

24.  Tu  me  conduiras  par  ton  confeU^  &  puis  me 
recevras  en  gloire, 

25.  Quel  autre  af-y>  au  Ciel?  Or  n  ai-je  pris  plat" 
fr  en  la  terre  en  rien  autre  qv^en  toi, 

26.  Ma  chair  &  mon  cœur  efioyent  défaillis^  mais 
Dieu  ell  le  rocher  de  mon  caur^  (r  mon  partage  à 
tousjours, 

37.  Car  voiioj  ceux  qui  s'efloignent  de  toi  périront: 
tu  retrancheras  tous  ceux  quife  desbauchent  de  toi, 

98.  Mais  quant  à  moi,  d'approcher  de  Dieu  c'ejl 
mon  bien  :faiajis  ma  retraite  fur  le  Seigneur  Eter~ 
nelj  afin  que  Je  raconte  tous  tes  ouvrages. 


MEDITATION 

SUR     L£     PSEAUMB    73. 
Si  eft-ce  que  Dieu  eft,  Ire. 


UAND  nous  mefurons  à  rœil  de  la  pru- 
dence humaine  l'eftac  des  enfans  de  Dieu, 
&  à  Toppofice  celui  de  fes  ennemis,  ne 
voyans  rien  dans  les  conflernadons  &  mi- 
Icres   de   TEglife  de  quoi  efperer;  &   de  l'autre 


156      MEDITATION'!    SUR    LBS    PSBAUMBS. 

col^é  rien  à  craindre  dans  les  iriomphei  &  pro- 
fperitez,  l'ire  de  Dieu  paroifîant  comme  attachée 
fur  les  bons,  8c  fur  les  autres  l'apparence  faveur 
du  Ciel,  il  faut  un  grand  foudien  &  fecours  de 
l'efpric  de  Dieu  pour  pouvoir  dire  de  la  penfee, 
comme  de  la  bouche,  Quoi  que  et  foitj  Dieu  *fi  bon 

à  Ifrailj   â  ceux  qui  font   MU  (U  caur.  C'cfl   U   oà 

il  faut  dire  en  foi-mcGne,  &  i  bon  efcient,  J« 
prendrai  garde  à  mes  voyes,  que  je  nt  pecke  par 
ma  langue,  iT  garderai  ma  bouche  avec  une  mufe- 
liere,  tant  que  It  mef chant  fera  devant  moi.  J'ai  efii 
muet  fans  dire  moi,  je  me  fuis  teu  du  bien;  mais 
ma  douleur  s'ejl  rengregee;  mon  caur  ^efi  efeha^ff'i 
dedans  moi,  &*  le  feu  ^efl  embrafi  en  ma  meditit- 
tion  dont  j'ai  parlé  de  ma  langue.  Adjouftons  : 
Eltrnel,  m«ts  garde  à  ma  bouchf;  garde  le  guichet 


MEDITATIONS    SUR    LES    PSEAUM£S.       157 

encore  celui  qu'il  exerce  cous  les  jours)  nous  fommes 
infiniits  d'en  laiflèr  le  temps  ft  les  circonftances  en 
k  main  du  Tout  Puiflanc,  qui  en  ayant  refervé  la 
cognoiflance  à  lui  feul,  s'en  eft  aufli  gardé  la  dif- 
poficion. 

Ce  qui  rend  la  more  defirable  aux  affligez,  eft, 
qttil  iy  a  point  d^êftreintes  en  celle  des  mefchans, 
&  leur  force  demeure  en  fon  entier,  c'eft-à-dire, 
n  eftanc  point  cette  mort  defiree,  à  caufe  des  langueurs, 
au  lieu  que  nous  lifons  dans  le  miroir  de  la  patience 
ces  langages,  le  fepulchre  /en  va  efire  ma  maifon, 
foi  dreffé  mon  liée  es  ténèbres ,  J'ai  crié  à  la  foffe, 
tu  es  numpere,  &  aux  vers,  vous  efles  ma  mère  &  ma 
fmur  :  &  où  eft-^ce  que  fera  mon  attente  f  voire  qui 
efl^e  qui  verra  mes  attentes?  elles  def pendront  en  bas 
avec  les  barrières  du  fepulchre  :  Si  nous  y  fommes 
enfemble,  le  repos  fera  fur  lapouffiere. 

Au  contraire  voici  ce  que  die  le  Prophète  des 
mefchancs  ;  qu'ils  n'ahannent  point  avec  les  autres 
hommes,  &  ne  font  point  battus  avec  les  autres. 
Mais  encor  n'eft-il  point  eftrange  que  Dieu  fup- 
portc  la  profpericé  des  ennemis,  comme  Torgucil 
qui  vient  de  profperité,  &  les  blafphemes  qui  vien- 
nent de  l'orgueil  :  car  il  les  environne  d^un  carquan, 
&  accouftrement  de  violence  les  couvre.  Vous  diriez 
que  par  cet  accouftrement  l'Efprit  de  Dieu  veut 
defigner  les  carquans  que  plufieurs  ont  obtenus  à  la 
perîecution  de  l'Eglife,  la  plus  part  fans  mérites 
militaires,  mais  les  ayant  rcccus  pour  couronnes  de 
leur  graiffe  &  de  leur  orgueil  ;  carquants  que  les 
Payens  ont  donné  à  ceux  qui  ont  mis  les  villes  en 
villages,  à  ceux  qui  avoyent  fauve  les  citoyens, 
maintenant  ottroyez  à  leurs  dcilru^curs  :  mérités 
par  ceux  qui  ont  fauve  l'honneur  du  pays,  pofTedés 


158      MBDITATIOHS  SOft    LIS    MIAOMXI. 

par  ceux  qui  l'cnc  dahonoré;  deut  uu  lâaveun 
des  peuples,  &  ottroya  à  ceux  pir  qui  les  uns  &  Ict 
autres  «ne  efté  nùnés. 

C'en  cet  accoufiremeoc  de  'nolence  qtû  fîït  dire 
aux  fois  malins,  B  j^y  a  pemt  dm  Dimt  :  ou  bien. 
Nous  avons  le  dtffus  par  nos  laitgtut  :  &,  Qtd  tfi 
Seigneur  far  Menu?  Et  le  Seigneur  foulant  ces 
chofes,  permet  qu'ils  profpercDi,  m^Mu  qut  les 
yeux  leur  forleHt  dehors  A  fore»  Sm  gr^ff»,  &  q^Ut 
farpafent  les  àeffdiu  de  Uur  emw.  Vtdla  un  beau 
portratâ  de  ce  que  nous  to}WU  tous  les  }ours, 
que  les  plus  marauds,  le*  plus  i^ioranta,  ftuptdes, 
&  donnons  fur  le  chevet  de  leur  félicité  toat  portés 
aux  Eftais,  qu'ils  n'ont  peu  defîrer  fans  cc^ioïâknce, 
pourfuirre  ni  eTpercr  fans  defir.  Cela  nous  eft 
defpeini  en  quelque  difcours  tragique  par  l'inlblcDce 
aiTiJe  au  tribunal  des  Rois,  de  laquelle  !1  efl  dit  : 


MEDITATIONS   SUR    LES    PSEAUMES.       159 


nais  à  la  hauteur  où  ils  fe  trouvent,  fe  font  enfans 
de  Jupiter,  &  lors  ils  mettent  leurs  bouches  aux 
Cintx  &  leur  langue  par  toute  la  terre^  qu  elle  bat 
&  court  pour  di(pofer  de  tout  ;  ils  ne  cognoiflfent 
{dus  ni  parents  ni  amis,  mal,  heureux  Tinnocent 
devant  de  tels  juges,  &  le  fouffreteux  aux  pieds  de 
ces  infolens. 

Voila  le  breuvage  amer  que  Dieu  prefente.  Et 
pourtant  /on  peuple  en  revient  tàj  quand  on  leur 
fait  fucer  cette  liqueur  à  plein  verre.  Les  humains 
enyvrés  de  fi  fumeufe  &  amere  poifon,  abreuvés 
de  vîna^re,  &  faifans  de  fiente  leurs  repas  rafiafiés 
de  fiel,  veulent  entrer  en  conte  avec  Dieu,  &  dire 
avec  Job,  A  la  mienne  volonté  que  je  fçeujfe  oà  eft 
l'Eternel^  où  Je  le  treuverois;  f  entrerois  jufques  à 
fon  fiege;  là  déduirais  je  mon  droit  par  ordre  devant 
lui  &  remplirois  ma  bouche  d'arguments  :  &  ailleurs  : 
T'efl  il  bien  feant  que  tu  me  faces  tort^  que  tu  dej- 
daignes  le  labeur  de  tes  mains?  C'eft  cette  amertume 
qui  produit  tant  de  hardiefle  en  fes  ferviteurs  &  que 
Dieu  a  pardonné  en  fa  juftice;  mais  il  ne  par- 
donnera point  à  l'inique  triomphant,  qui  dit  en  fon 
infolence.  Comment  le  Dieu  Fort  auroit-il  cognoij- 
fance  de  ce  que  nous  faifons?  Où  prendroit-il  cette 
cognoiffance  ?  comme  ne  pouvant  comprendre  que 
de  fi  loin,  que  de  fi  haut^  Dieu  puifTe  juger  &  méfier 
fon  authorité  dans  les  hommes  de  terre.  U Eternel 
ne  le  verra  point ^  le  Dieu  de  Jacob  n'en  entendra  rien. 

Mais  Dieu  aura  pitié  des  affligés  pour  fon 
Nom,  il  excufera  chacun  fidèle  difant  avec  angoifle. 
Voila ^  ceux-ci  font  mefchans ^  à  leur  aife  en  ce 
monde^  ils  acquièrent  de  plus  en  plus  des  richejffeSj 
maintenus  &  augmentés  tous  les  jours  par  leur  Dieu 
Mammon  auquel  ils  fervent  &  facrifient;  il  exauce 


l6o      MSDITATIOHS    SOR   LI)    PtKAOHIS. 

leur  prière',  &  leur  fitic  îou}t  de  leuii  t(bux,  ft  ceux 
qui  fervent  le  Souvcrun  ont  fum  l  loi  pour  netiit. 
Ha  païïenE  outre  a'elcrUnc,  quoi  qu»  n  foitj 
t^efi  m  vaim  qam  fm  tutnyi  mou  cmnr  &  ^m*  fat 
lavé  mtj  nuuiu  tm  ùaioetnetj  &  puit  empliflënc 
leurs  bouches,  &  prennent  ces  paroleisu  tiblewi  de 
la  patience,  Dint  j^a-t-il  pdj  nu  mai  trmf  t^t^ 
i-il  pat  compté  UMtêi  mât  dâfmarehtif  jE  J'ai  eA«- 
miiié  em  faujité  &  Ji  mou  pttd  ^afi  ktfié  à  iromptr, 
qiioH  me  p*J*  t»  det  balaMems  jujUt^  tT  Dit» 
cûgnoifira  ma»  inngriréf  ji  mat  emur  a  fiâwi  mtt 
ytux,  fi  j'ai  fait  défaillir  Ut  ytux  A  la  v^/Wj  fi 
l'ûrpktlin  i^a  point  mangé  tntc  moij  fi  j'ai  9au  a* 
homme  ptrir  à  foKtt  ftfirt  vaflu,  fi  lot  rmu  tu 
n^ont  point  b*mt,  ir  /il  n'a  poùit  tfié  tfAai^é  d* 
1,1  lame  de  mes  aigneaux ,  Ji  ma   main  a  baifé 


MEDITATIONS   SUR    LSS    PSSAUMES.       l6l 

6*  Sots  ont  paffé  fur  moi.  Enfin  il  a  falu  efdaccer 
plus  avant  :  car  Satan,  qtd  ne  perd  aucune  occaflon 
de  nuire,  nous  diâe  de  plus  furieufes  leçons,  &  ap- 
prend ces  textes  à  l'affligé  :  Perifft  le  jour  auquel 
je  nafquis,  &  la  mdél  en  laquelle  fui  ditj  Un  mafle 
eft  né;  ce  Jour  là  ne  foii  que  ténèbres^  que  Dieu  ne 
le  recerche  point  d^en  haut  &  que  la  lumière  ne  Vef^ 
claire  point.  Ténèbres  &  ombre  de  mort  le  rendent 
poUu^  muées  demeurent  fur  lui;  qi^il  foit  rendu  ter* 
nhU  comme  le  jour  de  ceux  à  qui  la  vie  eft  amere. 
Obfcunté  faifffe  cette  nuiàl  lâj  qu^elle  ne  s'esjouife 
poimt  Sefire  entre  les  jours  de  Van^  &  qi^eOe  ne 
tiene  point  en  conte  parmi  les  mois.  Voila^  que  cette 
nuiâl  là  foit  folitaire^  qu^on  ne  iefgaye  point  en 
ellcj  que  ceux-là  qui  font  eflat  de  maudire  les  jours j 
la  maudijfentj  /appreflans  à  remettre  fus  leur  dueil. 
Les  eftoiles  de  fon  ferain  foyent  obfcurcies^  qu'elle 
attende  la  lumière^  mais  qu'Ur^y  en  ait  point ^  &  qu'elle 
ne  voye  point  les  rayons  de  Vaube  du  jour^  de  ce 
qu^elle  n'a  pas  clos  les  portes  du  ventre  qui  m'a  porté ^ 
&  n'a  point  caché  le  tourment  arrière  de  mes  yeux. 
Que  ne  fuis^je  mort  dés  la  matrice?  Que  ne  fuis~je 
expiré  fi  toft  que  je  fuis  forti  du  ventre  de  ma  mère? 
Pourquoi  m^ont  prévenu  les  genoux ^  pourquoi  aujji  les 
mamelles^  afin  que  je  les  fucçaffe?  car  maintenant  je 
feroye  glfant^  &  me  repoferoye^  je  dormiroye^  &  dés 
lors  y  euft  eu  repos  pour  moi. 

A  tel  excez  de  douleur,  il  eft  bien  befoin  que  Tef- 
prit  confervateur  s'oppofe  en  deftruifanc,  &  difte 
aux  efleus  nouvelles  pcnfees,  &  un  chant  de  repen- 
tance,  avec  une  palinodie  qui  prenne  le  contre-ongle 
du  paffé  comme  :  Ouy,  je  porte  des  peines  infuppor- 
tables;  mais  quand  j* ai  parlé  ainfi  (r  ainfiy  voila ^  j'ai 
efté  defioyal  à  la  génération  de  tes  enfansy  o  Dieu, 
n.  II 


i6i 


MEDITATIONS   SUR    LSï    PSEAUM 


-  j'ai  efté  eoiànt  baftard  de  la  promefle,  j'ai  degencré 
à  cette  race  légitime  &  fainfle,  qui  reçoit  les  verges 
de  mefme  main  &  doucement  comme  le  pain, 
&  baife  cette  main  affligeante  en  tefinoignage  d'amour. 
Cette  bonne  pen{ce  a  efté  coqibattue  par  la  chair, 
le  fang  &  le  fens  humain  ;  tomes  fois  J'ai  tafehé  à 
cogitoijire  cela,  maù  il  nia  jtmbîi  fort  fajehtax;  fi 
bien  que  n'y  ayant  rien  de  la  prudence  humaine, 
pour  accorder  ce  différent,  j'ai  invoqua  la  &gellè 
éternelle  au  fecours  de  mes  perplexités,  &  à  mon 
aide  au  bon  combat,  jufques  à  ce  qut  /«  fois  entré 
au  fanéluaire  du  Dieu  Fort,  oà  j'ai  eonfideri  la  fin  de 
telles  gens.  C'etï  cette  fin  qui  porte  jugement,  décide 
le  procès,  monftre  feurement  où  eft  l'heur,  où  le 
malheur,  où  le  faux,  où  le  véritable,  car  les  abomi- 
nables &  condamnés,  aufquels  je  porte  envie,  h'ont 


MEDITATIONS    SUR    LES    PSEAUMES.       163 


à  la  recognoifTance  de  leur  falut,  quand  ils  cerchenc 
rinftrudion  ou  confoladon  du  Confeiller  fidèle, 
quand  ils  demandent  les  paroles  de  xie^  &  comme  à 
Saint  Jean,  qui  eftoic  FAnge  envoyé  de  Dieu  : 
Maiftre,  que  ferons-nous  ^ 

Les  enfims  de  Dieu,  eftantsàFhuys  du  Sain£l  des 
Saînâs,  Yoyent  arriver  ime  femme,  bien  que  claire 
brune  de  fon  Soleil  qui  la  regarde  de  tous  codés, 
d'une  parfaite  beauté,  qui  avoit  fes  veftemens  def- 
cfairés,  fes  cheveux  brunis,  couverts  d^un  fac  &  par— 
ftimés  de  cendre;  fes  deux  yeux  noyoyênt  fon 
lôfage  de  larmes,  toute  en  fang  &  en  feu  de  dou- 
leurs :  quelque  defolee  qu'elle  fuft,  &  tormentee 
en  fon  courage,  elle  n'avoit  rien  diminué  de  fa  ma- 
jeftueufe  gravité,  le  refpeft  de  laquelle  empefche  la 
troupe  de  paflTer  le  foeil;  &  elle  feule  l'ayant 
franchi  prononça  la  harangue  qui  s'enfuit,  de  laquelle 
elle  fit  les  virgules  de  (oufpirs,  &  les  points  de 
fanglots  redoublés  : 

Eft-ce  le  douaire  d'un  mariage  fi  haut }  Sont-ce 
les  habits  fi  richement  brodés,  dcfqucls  je  devois 
eftre  fi  precieufemcnt  atournee  ?  Où  eft  cett'  union 
profpere,  pour  laquelle  je  devoye  laifler  de  fi  bon 
cœur  père  &  mcre?  Où  eft  l'or  d'Ophir,  &  les 
riches  prefens  de  Tyr?  Où  font  ces  beaux  &  nobles 
enfans  qui  devoyent  eftre  Rois  triomphans  fur  la 
terre? 

Mon  ame  a  tout  fon  faoul  de  maux,  &  ma  vie 
eft  parvenue  au  tombeau;  je  fuis  fequcftree  parmi 
les  morts  comme  les  navrés  gifants  au  fepulchre, 
&  defquels  il  ne  te  fouvient  plus,  ains  qui  font 
retranchés  de  ta  main  :  tu  m'as  mife  en  une  foftc  des 
plus  baftl!s,  es  lieux  plus  ténébreux  &  profonds. 
Les  nations  font  entrées  en  ton  héritage ^  ont  poilu 


■64      MEDITATIONS    SUS.    LES    PSBaUMIS. 

It  temple  de  ta  Saùiâefé.  Bt  ont  doniid  Ui  corpt 
mont  d*  tes  fervùeurs  pour  liande  aux  oyfeaux  du 
deux,  lu  chair  de  têt  bitH  ainUs  aux  btfitt  dé  la 
terre.  Ils  ont  efpandu  leur  fang  eomms  eau,  &  i^y 
avoit  perfonna  qui  les  enfeielifl.  Tu  u  rejette  l'ti- 
liance  de  ton  Ifnël,  rompu  toutes  fes  doifims;  lu 
as  mis  fes  forterefei  en  rmu  ;  tu  as  fwhauffi  la 
dexire  dtfes  adverfaires,  &  resjouy  tous  fes  eaiumit  : 
tu  as  rebouché  la  pointe  de  fôn  efpee,  &  ne  Fa  point 
redreffee  en  la  bataille  :  lu  as  litre  en  eapiiwité  fa 
force,  &  fon  peuple  à  la  merci  de  la  fanglanie  efpee  : 
le  feu  a  eonfumé  leurs  gens  tfefliie;  leurs  vierges 
n'ont  point  eu  de  dot  de  mariage;  les  Sacrificateurs 
font  tombés  par  Fefpee;  les  vefves  i^onrpas  eu  congé 
de  pleurer  :  celles  gui  allaittoyent  ait  efli  efvm 


MBOITATIOKS   SUR   LBS   PSBAUMB^.      165 

qui  reprefentoic  mon  chef  a  efté  troublé  par  refprit 
d'efiourdiflêmenc  :  mon  Confeil  a  failli,  mes  Lévites 
corrompus,  &  ceux  par  lefquels  j'interroguois  la 
bouche  du  Seigneur  devenus  frénétiques,  mes 
Hfllflamtt  fe  font  accueillis  à  maudire  Ilraël;  le  mal 
eft  venu  du  Prophète,  &  mes  autels  ont  porté  le 
facrîfice  des  Baalims. 
Tu  as  fût  fondre  mon  cœur,  quand  les  Princes 

2ui  reprefentoyent  cette  place  ont  baifé  la  pantoufle 
e  TAnte-Chrift,  &  fur  les  pieds  impurs  lefché  le 
par  {âng  de  leurs  frères,  &  puis  en  (ont  devenus 
les  bourreaux.  Mes  enfans,  qui  elloyent  en  mes 
bras,  ont  efté  affoiblis  :  &  ceux  qui  les  devoyent 
isenir  hauts  pour  la  gloire  dlfraël  les  ont  £ùt  choir 
en  bas  en  la  faveur  d'Amalec,  ou  bien  ont  tourné  la 
poignée  de  leur  efpee  vers  leurs  ennemis,  &  la  pointe 
k  leur  eftomac.  Les  enfans  d'Ephraïm  armés,  d'entre 
les  archers,  ont  tourné  le  dos  au  jour  de  la  bataille. 
Les  parties  baffes  aâbiblies  parce  quieftoit  dcifus 
elles,  &  comme  frappées  de  catarrhes  mortels,  ont 
refufé  de  me  porter,  &  m'ont  laiifé  choir  fur  l'op- 
probre du  fumier.  Ma  peau  entière  eft  devenue 
infenfible,  la  tendre  humeur  de  la  charité  eft  aife- 
chee,  toute  chaleur  de  zèle  efteinte  dedans  moi.  Ce 
qui  a  caufé  tant  de  rognes  qui  tombent  de  ma  peau, 
fe  donnent  à  Tapoftafie  en  quittant  mon  corps  affligé, 
&  ce  qui  angoiffe  mon  ame.  après  les  douleurs  du 
corps,  c'eft  que  je  fuis  environnée  de  froids  &  fols 
amis.  Ce  qui  dort  dans  mon  fein  me  tormence; 
les  plus  privés  de  moi  font  vis  à  vis  de  ma  playe 
fans  la  fentir  :  l'ami  de  ma  table  levé  fon  talon 
contre  moi;  ceux  qui  devoyent  eftre  compagnons  de 
mon  afflidion  en  font  les  juges,  &  par  une  pru- 
dence maudite  defchirent  ma  droiture,  lèvent  au  nez 


l66      MEDIT  AT  lOS'S    SUR    LES    P18AUHES. 

mon  efperance,  &par  leur  fagelTe  mondaine  rendent 
criminelle  mon  équité. 

Jafquet  à  quand  m^oublitrat-tu  coniiaudtemMtf 
Jufques  d  quand  cacheras-tu  la  face  de  nuit  Jufjutt 
à  quand  confulierai-je  mon  cttur  de  Jour  T  Jufques 
à  quand  s'efievera  mai  ennemi  conire  mai?  Etemel 
mon  DieUj  regarde^  exauce  moi,  illumine  nut  yeaXj 
de  peur  que  je  ne  dorme  le  fomme  de  la  mon,  de  peur 
que  mon  ennemi  ne  dû.  J'en  ay  eu  le  deffiu,  b-  qan 
mes  adverfaires  ne  ^efgayeni  fi  je  venais  à  tomber. 

Jufques  à  quandj  o  Dieu,  fouffriras-tu  qu4  tes 
adverfaires  te  blafmeniT  Ton  ennemi  defpiiera-û 
ton  nom  d  Jamais  impunemeniT  Pourquoi  retiens-tu 
ta  main  en  ion  fein  T  Aye  fow/enanee  que  l'ennemi 
a  diffamé  l'Eterntlj  6*  qi/un  peuple  infenfi  a  desfii 
ta  puiffance.  Ne  livre  point  ion  humble  tourierellt 


M«DtTATIOKS   SUR    LSS    VSEAUMSS.       167 

g^randeur,  la  fplendeur  &  la  durée  de  fes  grâces 
étemelles,  qui  doivent  rendre  toutes  douleurs  de 
corps  &  d'efprit douces,  &doux  le  fueil  de  la  mort; 
toutes  trifteffes  deviennent  joyes,  les  abaiflements 
ft  eflevations,  à  la  comparaifon  de  l'un  &de  l'autre; 
rombre  du  fepulchre  eft  Tentree  d'une  indicible 
darté,  la  terre  n'eft  qu'im  point  à  qui  peut  com- 
prendre l'eftenduë  du  firmament  :  ainfi  il  n'y  a  tien 
au  monde  qui  fe  puiflTe  juftement  appeler  malheur, 
qui  foit  à  craindre,  à  plaindre  &  qu'on  doive 
abhorrer,  à  qui  peut  avoir  les  fentiments  des  féli- 
cités à  venir,  que  ce  qui  peut  nous  priver  d'elles  ou 
nous  en  efloigner.  Au  contraire,  les  profperités  qu'où 
envie  aux  mefchants  font  les  entrées  de  leur  défaftre, 
fumées  feiches,  &  nuées  fans  eau;  de  fl  petit  mo- 
ment au  prix  de  l' Eternité,  que  ceux  qui  les  jugent 
de  bons  yeux,  s'esbayffem  comment  ils  ont  eflé  def- 
truits  ainfi  en  un  moment ^  comment  ils  font  défaillis 
isr  ont  efié  confumés  d'ef pouvant ement.  Certaine- 
ment Vhomme  fe  promeine  parmi  ce  qui  n'a  qu^ap- 
parencej  &  fe  tempefle  pour  néant  :  fes  jours  font 
cofnmefoin^  il  Jleurit  comme  un  champ.  Car  le  vent 
eftant  paffé  par  defTus  fa  beauté,  elle  n'eft  plus; 
&  fon  lieu  ne  la  cognoift  plus  ;  fes  ans  font  comme 
un  fonge  quand  on  s*eft  refveillé,  &  le  Seigneur 
mettra  en  mefpris  leur  refTemblance,  quand  il  fe 
refveillera  :  les  playes  des  ennemis  de  Dieu  font 
fans  guerifon,  &  celle  de  fes  enfans  à  falut;  le 
fang  de  ceux-là  affoiblit  cettui-ci,  purge  &  retran- 
che ce  qui  nuit.  Et  c'eft  pourquoi  quand  l'ordon- 
nance de  Dieu  ira  devant,  je  prendrai  moi  mefme 
&  de  bon  cœur  le  caillou  trenchant  pour  la  cir- 
concifion ,  comriie  fit  la  Sephora  de  Moyfe ,  mais  il 
ne  m' adviendra  point  comme  à  elle  de   me  pren- 


lOS      MEDITATIONS  SDK   LU  PIIADHII. 

drc  à  mon  Seignear,  ft  fappder  m«ri  à*  tmg- 
Je  Toi  parmi  toui  le  laboureur,  des  mûu  duqud 
on  arrache  le  pain  qu'il  avoii  tiré  de  la  terre  pour 
fe  nourrir,  &  pour  autrui  ;  &  l'homme  du  travail 
duquel  les  fueurt  erpuifees  degenereu  ea  iàng.  Je 
voi  le  marchant  rançonnéj  ^ipauvri,  &  te»  iMtr- 
laires  eurichîs  de  fit  Julie  fubfhnce  injuftfmciit.  Je 
voi  les  fidèles  pafteurt  elbe  bunei  aux  outn^es 
des  puiflants  infolents,  dïrai-je  auffi  de  loir*  tnnw 
peaux  efchappés  &  dû  bouges  blafphemanies  ?  Je 
voi  les  vaillants  d'Intel  &  vrais  Chevaliers  qui  ont 
&ic  cheoir  les  murs  de  Jerico,  deffeadu  ceu  de 
Jerufalem,  délivré  lesciioyens,  franchi  les  traticbees 
ennemies,  garanti  les  Royaumes  &  les  Rois,  Ikuvé  les 
couronnes  &  les  te&es  qui  les  devoyeot  porter,  r^arder 
de  coflées  glorieux  carquonts,  oncrâfoîi  couronnes 
diftinguees  de  telles  honorables  &  profitables  aflions. 


mOITATIOKS  SUR  LÉS    PSBAUIIIS.      169 

VOUS  ne  les  ayés  pas,  que  fi  on  demandoit  pourquoi 
on  TOUS  en  a  honorés.  Quittez  joyeux  ce  qui  lênc 
la  boue  &  la  terre;  quittez  {ans  regarder  à  regrec 
Sodome  bruflante,  car  il  vous  hut  alpirer,  &  bien 
toft  panrenir  à  la  couronne  cdefte  qui  fleurit  à 
1  Eternité. 

Voila  les  enfeignemens  de  la  fille  du  Ciel,  des 
orades  du  {aaé  lieu,  qu'il  vaut  mieux  recevoir  par 
les  mains  de  l'Eglife  que  par  les  contes  que  nous 
fiûlbos  de  nos  doigts.  Doârine  qui  eft  de  dure 
digeftîim,  &  pourtant  bien  heureux  les  petia  enfims, 
pour  qui  cette  douce  mère  convertit  en  laiâ  des 
viandes  fiicrees  recuites  dans  les  mammeUes  &  dans 
le  finn  qui  a  part  à  nos  douleurs. 

Nous  confefTons  donc,  o  Dieu,  que  nous  t'avons 
ofienfé  en  nos  penfees,  quand  nous  avons  mefuré 
tes  jugemens  à  noftre  aulne,  eftimé  tes  verges  à 
defiaveur,  &  la  profperité  mondaine  à  felidcé. 

Nous  avouons  avoir  efté  lors  abrutis^  r^ ayons  aucune 
cognoiffance  &  avons  efté  beftes  en  ion  endroit.  Car 
pour  néant  nous  as  tu  eflevé  le  vifage  en  haut  &  vers 
le  Cid,  fi  nous  prenons  les  reigles  de  nofire  juge- 
ment ailleurs  que  d'en  haut  ;  juilement  ployeras  tu 
la  £ice  vers  la  terre  (comme  aux  beftes  brutes)  à 
ceux  qui  prenenc  loi  des  chofes  bafies,  &  les  con- 
templent comme  bue  principal. 

Voici  donc  la  refolucîon  que  chacun  fidèle  prend, 
&  protefte  fuivre  après  les  leçons  de  la  Sapience, 
&  ce  qui  s'apprend  au  fanduaire  du  Fort.  Il  doit 
dire  à  fon  Dieu,  Je  ferai  donc  tousjours  avec  foij 
puifque  tu  m'as  pris  par  la  main  ébroiéle.  N'aban- 
donne point  cette  conduite,  o  Père  de  lumière, 
&  km  eftroitement  la  main  que  tu  as  prife,  afin 
que  je  ne  me  defvoye  en  me  fouftrayant. 


170 


MEDITATIONS   STJR    EBS    PSBAUMBS. 


Renforce  cette  main  droite  que  tu  as  prife  pour 
le  bon  combat  de  ton  parti,  ft  tu  l'alTeureras  de  la 
vidotre,  en  lui  difant  :  3t  fuis  U  délivrance;  inf- 
trui  mon  foible  efprit  que  les  fagefTes  des  hommes 
font  folies,  leur  force  foiblefTe,  leurs  richefles  pau- 
vretés, &  qu'en  foulant  aux  pieds  l'efperance  de  ces 
chofes,  lu  me  conduirtu  par  ton  confeilj  &  puis  me 
recevras  en  gloire.  Les  guides  du  monde  font  aveugles, 
les  propos  des  habîtans  de  la  terre  incertains  :  car 
toi  feul  difpofes,  m  c'abailTes  pour  regarder  es  Cieuic 
&  en  terre,  Se  n'y  a  que  toi  de  qui  on  puifTe  dire, 
l'Eierntl  gardera  Ion  iffui  tr  ton  entrée  dit  maim- 
lenant  &  à  tûusjeurs.  Pourquoi  itai-jt  cercker  m  et 
bas  monde  quelque  féconde  diviniléf  Et  qui  eft  tfgal 
es  nuis  à  l'Eieraelt  Qui  lui  efi  femblable  entre  Ut 
fils  des  forts?  Quel  autre  ai-je  au  Ciel?  or  je  ^ài 


MEDITATIONS    SUR    LES    PSEAUMES.       171 

tr  fuù  tu  te  trouves  en  perfonne  en  la  bande  qui 
ms  foujlient.  Doux  le  labeur,  doux  le  péril  que  Ton 
fubic  pour  &  avec  rEcemel,  le  Dieu  Très  fort,  qui 
retient  les  iffuis  de  la  mort  en  fa  puijfance. 

Je  ne  porterai  donc  point  d'envie  &  ne  me  def-- 
piterai  point  â  caufe  des  gens  mefchans.  Je  ne  ferai 
pmmt  jaloux  de  ceux  qui  s^adonnent  â  perverfité. 
Courent  les  condamnez  à  leurs  &ue  Dieux  &  à 
leurs  vaines  efperances;  Quant  à  moi,  é^ approcher 
mom  Dieu,  c^efl  mon  bien  :  fai  ma  retraite  fur  le 
Seigneur,  cjin  que  je  raconte  fes  ouvrages.  Il  mettra 
en  avant  ma  juftice  comme  la  clarté  de  Paube  &  ma 
preuifhomie  comme  le  midi  :  encor  un  peu  de 
temps,  &  le  mefchanc  ne  fera  plus.  Je  Vai  veu  ter- 
rible  (t  Jloriffant  comme  le  verd  laurier^  mais  il  eft 
pafféy  &  voila  il  n'eft  plus;  je  Vai  cerché,  &  ne  l'ai 
point  trouvé, 

Encores  avons  nous  une  remarque  notable.  C'eft 
qu'entre  les  angoifTes  les  plus  piquantes  des  bons 
affligés,  fe  fait  fentir  la  comparaifon  de  leurs  miferes 
aux  inifolentes  profperités  des  mefchans.  Et  n'eft 
pas  que  le  Lazare  eftant  fubjeft  aux  pallions  hu- 
maines, ne  trouvait  fes  haillons  encore  plus  vils,  à 
refgard  de  Tefcarlate  du  riche,  &  le  pain  moifi 
qu'on  lui  avoit  jette  plus  fec,  en  voyant  pafTer  les 
morceaux  délicieux  defquels  on  alloit  fervir  le  prof- 
perant.  Et  ainii  fe  peut  dire  de  toutes  les  autres 
partiel,  qui  font  différer  la  richefTe  d'avec  la  pau- 
vreté. Or  Dieu  feul  parfait  en  juftice  obferve  en 
elle  les  analogies  des  péchez  aux  punitions.  Et  les 
comparaifons  qui  ont  affligé  les  enfans  de  Dieu 
en  ce  (iede  en  chofes  pareilles,  s'obferveront  juri- 
diquement en  l'autre.  Car  le  riche  en  fes  deftreffes 
fait  comparaifon  de  fon  malheureux  eftat  à  la  félicité 


17s      MEDITATION!   ICB.  LU   PlIADIflS. 

de  {on  meTprift.  Nou*  lilbii*  en  quelque  efirit  de  ce 
tempi  une  peioCture  de  l'eftu  de>  daninex,  euquel 
eil  apponé  cette  con^inïlbn  en  ce*  tennes  : 

Orita  iar  tjbt  U  "foinS  pUu  tnfiaac, 

C'ejl  ff  avoir  aux  Btifin  et  fme  Fan  fait  tMX  Ciopc, 

Où  U  camp  triampluM  gomfk  Paifi  indU^t, 

CognûipaU  dix  mtfAaiu,  »  mm  fa*  aettffiik: 

Oh  l'aeeori  trit  forfait  àtt  iOMta  taàfota 

A  VUnivtri  tntitr  aecorie  fu  ehanfaiu  : 

Où  tant  i'efpritt  ravii  tfdattau  it  Itiaagttf 

La  voix  its  SaîntU  uùi  aiite  ttlU  dti  Angt*, 

Let  orhtt  dtt  ntuf  Citax,  itt  tromptita  U  hrmit, 

Ti4nruiu  tout  Uur  partie  â  Phymiu  fû  i?tnfiàt. 

Venez,  affllâîoni;  elles  me  font  douceun  pour 

Chrift,  qui  m'eft  gain  i  vivre  &  à  mourir  :  les  pertes 
deshiemmefontrichefTes.  quand  ils  fnn 


MBOITATIONS   SUR    LBS   PSSAlTMBS.      173 

&  tels  objeâs  ne  font  que  de  la  mefure  des  fens, 
puis  qu'ils  tombent  fous  eux. 

Mais  les  chofes  à  efperer,  font  celles  qu'oeil  n'a 
yeuës,  qu'oreille  n'a  ouyes,  qu'aucun  efprit  n'a  efté 
fuffiiknc  de  comprendre,  nul  n'a  peu  defirer. 

EmbrafTe  donc  les  afflidions  les  yeux  au  Ciel,  en 
difimc  :  Quand  tu  me  meurtrirois,  fi  te  benîroye  ; 
embrafle  la  mort,  defireux  de  dire  de  cœur  &  de 
bouche  en  fentant  ces  amertumes, 

Si  ejl  ce  que  Dieu  efi  très  doux. 


OCCcâSKXNi  ET  C*2^GXMM£Ï^Gr 

DE    lA  MEDITATION 
FAtCTB     SITR    LS   PSBAUKS    5 1. 


MiP^Ti^TIONS    SUR    LBS    PSSAUMXS.       175 

6.  J^ai  péché  contre  toi,  contre  toi  proprement  : 
&  ay  /où  ce  qui  eft  defplaifant  devant  tes  y  eux  y 
ajm  que  tu  fois  cognu  jufte  quand  tu  parles j  6*  trouvé 
pur  quand  tu  juges. 

7.  Voila,  y  ai  efté  formé  en  iniquité,  &  ma  mère 
nâa  ef chauffé  en  pejché, 

8.  Voâa,  tu  aimes  vérité  au  dedans,  &  tu  m^as 
emfeignéfapience  dedans  lefecret  de  mon  cœur, 

p.  Purge  moi  du  péché  avec  hyffope,  (t  je  ferai 
met  :  lave  moy,  &  je  ferai  plus  blanc  que  neige. 

10.  Foi  moi  entendre  joye  &  lieffe,  &  que  les  os 
que  tu  as  brifeife  resjouyffent. 

1 1 .  Deftourne  ta  face  arrière  de  mes  pejçhei  fr 
efface  toutes  mes  iniquitei* 

12.  O  Dieu  y  crée  en  moi  un  cœur  net,  &  renou" 
velle  au  dedans  de  moi  un  efprit  bien  remis. 

13.  JVif  me  rejette  point  de  devant  ta  face^  Cr  ne 
m'ofte  point  V efprit  de  ta  Sainéleté. 

14.  Ren  moi  la  lieffe  de  ton  falut,  &  que  l' ef- 
prit franc  me  foujiienne, 

15.  J'enfeignerai  tes  voyes  aux  tranfgreffeurs , 
&  les  pefcheursfe  convertiront  à  toi. 

16.  O  Dieu,  Dieu  de  mon  falut,  delivre-moi  de  tant 
de  fang  :  ma  langue  chantera  hautement  ta  juftice. 

17.  Seigneur,  ouvre  mes  lèvres.  &  ma  bouche 
annoncera  ta  louange. 

18.  Car  tu  ne  prens  point  plaifir  aux  facrifices, 
autrement  j^en  bailleroy  :  Vholocaufie  ne  tefl  point 
agréable. 

19.  Les  facrifices  de  Dieu  font  V efprit  froifft  : 
o  DieUy  tu  ne  mefprifes  point  le  caurfroiffé  &  brifé. 

20.  Foi  bien  félon  ta  bienveillance  à  Sion,  &  édifie 
les  murs  de  Jerufalem. 

2 1 .  Adonc  tu  prendras  plaifir  aux  facrifices  jujle* 


Ij6     HISITATIOKI  fUI.  Ll>   MlADMll. 

mattftttts,  àl'keloeùMfit  ^  fiaifleû  qui  f§  mtftUMU 
tniitremtnt  par  fm  :  «dnw  <0irthim  iiêi  bomMtMX 
fur  tojt  auitl. 

MEDITATION 

tUR    Ll    PflADXI    51. 


itiRicoRDi,  o  Dîen,  mi&riconle  à  moi 
qui  tremble  &u  nom  de  n  jullice.  J'ai 
befbin  à  ce  coup  que  tu  defplojres  toutes 
tes  graiules  conmùlèntiom  : 


:dic  fenible  devoir  efpuifer  l'immenfe  de  tapuïé. 


MSDITATION8    SUR.   LES   P8SAUMB8.      177 

me  vient  tu  ronge,  grondent  à  mes  oreilles,  la  nuiâ 
ûfBent  comme  ferpens ,  fe  prefentent  fans  ceflfe  à 
mes  yeux  comme  un  fpedrc  effiroyable,  &  avec  lui  la 
laide  image  de  la  mort  :  le  pis  efl  que  ce  font  pas 
vames  fumées  de  fonge,  mais  vifs  tableaux  des  adions. 

L'ingénieux  Daemon  (qui  fe  fait  tenir  poiu*  Dieu, 
&  fe  fait  peindre  en  enfant  chez  les  Payens) 
m'ayant  defguifé  le  nom  de  mon  forfait,  Tadultere 
en  amour,  l'homicide  en  hardi,  &  le  traiftre  en 
habile,  m'a  conduit  de  degré  en  degré  à  l'extrémité 
de  toutes  mefchancetés.  Il  m'a  enflammé  de  trop 
d'amour  d'autrui,  &  de  celui  de  moi  me(me,.me 
£ûlant  mériter  par  tel  moyen  la  haine  de  tous 
&  celle  de  moi  mefme. 

Le  fubtil  fait  le  meflier  de  peindre  quand  il  veut  : 
fon  pinceau  m'a  fait  voir  les  beautez,  douceur 
&  un  paradis  de  délices,  qui  demeurent  quand  il  a 
changé  de  région,  horreurs,  amertumes  &  un  enfer 
de  torments.  Le  meûne  qui  avoit  efpié  les  heures 
inquiètes  de  la  nuid  ou  les  oifeufes  du  jour,  pour 
me  meiner  aux  précipices,  m'affroncer  à  tous  mes 
refveils  de  la  nuid  &  toutes  mes  paufes  du  jour, 
un  portrait  effroyable,  un  vilain  bouc,  puant  de 
paillardife,  un  efpouvantable  crocodile,  qui  pleure 
pour  trahir,  un  loup  qui  a  les  dents  fanglantes  d'ur 
aigneau  domeftique  ou  du  petit  chien  fidèle  qui 
gardoit  la  maifon;  &  puis  fans  portraid  me  fait 
dans  fon  miroir  voir  ces  mefmes  chofes  en  m'y 
voyant;  lui  aufli  ne  fe  prefente  plus  comme  un 
enfant,  mais  comme  un  vieux  ferpent. 

Ainfi  les  yeux  qui  m'attirent  m'effrayent,  &  qui 
furent  organes  de  péché  font  devenus  inftruments 
de  punition  :  defloyal  peintre,  qui  a  nos  efprits  pour 
papier,  &  pour  tablettes  nos  cœurs. 

n.  la 


1/8      MEDITATIONS    SVR.    LSS     PSBAUMIS, 

Je  rericni  i  mon  crime,  qui  ne  t'elUnt  pu  con- 
tenté d'ofienfer  les  hommes,  adefployé  ma  témérité 
contre  Dieu.  Ouy,  je  me  Tuis  pris  à  toi,  o  Etemel: 
moi  qui  fuis  un  ver,  &  non  point  un  homme,  op- 
probre des  hommes  &  le  mefpris  du  peuple,  dè£~ 
guiferai-je  mon  forfait  devant  celui  qui  cognoit 
&  fonde,  voire  iuTques  au  dernier  point,  les  plus 
fins  cœurs  de  tout  le  mondePQue  ferai-je?  Cer^ 
cherai-je  des  objefts  contre  le  fidèle  teûnoin,  duqud 
feul  la  parole  eft  vérité?  Ou  bien  coiromprai-je  le 
feul  &  jufte  juge,  duquel  j'ai  prcfché  la  droiture, 
fans  qu'il  y  oit  en  lui  aucune  forfaiâure?  El  puis 
de  quoi  ferai~je  mes  prefens  i  celui  auquel  appaiw 
tiemienc  le  donneur  &  les  donsP  Lt  Dieu  Fort  ràm- 
vtrJttoit-U  lt  initj  &  h  Tout-Fusant  la  JuJHctf 
Vhomme   mortel  Je   juftijiera-t-il   envers    U    Dieu 


MSDITATIONS   SUR    LES    PSEAUMES.       179 

êjckappêrai^je,  o  Dieu?  Tu  me  tiens  ferré  devant 
&  derrière  f  tu  as  mis  fur  moi  ta  main  y  fi  je  vai  arrière 
de  tmt  êfprity  ou  hors  de  ta  face  :  fi  je  monte  aux 
CÙMXy  tu  y  es;  fi  je  me  trouve  dans  les  abyfmes,  t'y 
miU}  fi  je  f  rends  les  ailes  de  Paube  du  jour j  &  me 
hge  demere  la  mer,  là  aujfi  me  conduira  ta  main, 
&  iM  dextre  ni  y  empoignera.  Si  fay  dit:  Au  moins 
ke  teiêebres  me  couvriront,  voua  la  nuiû  qui  tefervira 
4e  lumière  autotv  de  moi,  les  ténèbres  ne  m'oferont 
cueher  arrière  de  toi. 

Mais  n'y  t-c-il  point  quelque  partie  en  moi  que 
je  œ  puifle  montrer  pour  nette  }  Helas  noni  Tu  dis 

rma  mère  m'a  conceu  en  péché,  &  que  le  germe 
na  rie  fut  e(chauffé  dans  la  bourbe  de  l'iniquité. 

Ai-je  point  quelques  bonnes  œuvres  pour  couvrir 
les  autres  en  traittant  de  reprefailles  avec  l'Eternel } 
Je  n'apporterois  que  péchez  fur  péchez,  car  les  meil- 
leures aétions  de  l'homme  font  ordes  &  puantes  comme 
le  flux  de  la  femme.  Que  te  monftrerai-je  ?  Que  t'ofiri- 
rai*je  ?  Tu  veux  la  pureté  au  dedans  &  l'innocence. 

Emprunterai-je  de  l'ignorance  fes  ailes  de  crefpe 
noir,  moi  que  tu  as  comme  ton  enfant  &  dés  le  ber- 
ceau inftruit  de  tes  volontez?  O  Dieu,  tu  m'as 
emfeigné  dés  ma  jeunejfe,  &  jufques  ici  j* ai  annoncé 
ma  condamnation. 

Et  ainfi  toutes  les  voyes  que  je  tiens  me  con- 
traignent à  venir  cercher  ta  droite,  &  recourir  à  ton 
fein  déboutonné  à  nos  requeftes,  auquel  feul  y  a 
propitiation.  Tu  es  feul  Souverain  Sacrificateur; 
pren  en  main  Thyfope  teinte  au  codé  de  ton  Fils  ; 
lave  comme  de  rofee  au  lieu  de  grefle  ;  employé  cet 
hyfope,  qui  rend  les  âmes  noircies  plus  blanches 
que  la  neige  :  neige  que  je  paiTerai  en  blancheur 
par  l'efficace  de  ton  afperfion. 


l8o     MEDITATIONS  SDB.   LBS  PSBAUHtS. 

Fai-moi  ouyr  k  nouvelle  de  nu  deUTnnce  par  le 
cefinoignage  intérieur  de  tonEfpric,  (jul  me  prononce 
ma  gnicCi  ^n  interinement  fur  U  felette  de  mon 
humUicé,  afin  que  ces  et  &  moiîllet  fenduëi  devant 
le  feu  de  ton  courroux  fofent  refticueet  en  la  ret- 
tauration  du  mourant  ft  reftabliflëment  du  perdu. 
Qu'ell-ce  que  tu  liena  Q  long  temps  les  yeux  fidiéa 
fur  mes  for&itsj  Cache  n  htx  d'eux,  mais  non  pu 
de  moi.  Quereux-tu  faire  de  cette  balance  à  peler? 
en  laquelle  fi  ni  me  mets  d'un,  collé,  &  un  rieo  de 
l'autre,  ce  rien  pefera  encores  plus  que  mol.  Que 
veus-tu  faire  de  ce  glaive  trenchant  de  deux  coQ», 
puiflant,  &  la  difllpation,  de  manier  des  barres  &  dea 
foudres?  Mets  ces  choies  à  part  pour  les  ennemis 
de  ta  gloire,  pour  les  loups  &  lions  qui  diflipent  ton 
"    "     "  .  &  frapi 


MEDITATIONS    SUR   LES    PSEAUMES.       l8l 

me  r^arder  ;  &  lors,  moi  miferable  (qui  par  mon 
exemple  ai  monilré  aux  autres  le  chemin  de  per- 
dition) &  de  voix  &  de  cœur  deviendrai  un  dodeur 
de  repentance,  un  miroir  de  ta  grâce,  un  efchan- 
âllon  de  ton  pouvoir,  en  me  donnant  un  efprit  nou- 
veau, &  non  content  de  me  Tavoir  donné,  le  main- 
tenant en  moi  renouvelle. 

Tu  t'en  ferviras  à  convertir  ce  que  j'aurai  perverti  ; 
de  la  meûne  main  qui  m^a  tiré  du  parc  au  palais, 
qui  de  berger  m'a  fait  Roi,  qui  m'a  eflevé  de  la  boue 
pour  me  coUoquer  aux  honneurs,  qui  de  la  conduite 
des  brebis  m'a  promeu  à  celle  des  peuples,  voire 
d'Uiraël,  de  cette  main  tu  me  fais  pefcheur  pref^ 
cheur  &  pefcheur  d'hommes.  Mutation  plus  mira- 
culeufe  que  la  première,  puis  que  tu  me  prends  aux 
cachots  des  criminels  de  mort,  &  comme  dans  la 
foffe  de  l'Enfer,  pour  m'employer  au  myftere  de  vie 
&  aux  threfors  du  Royaume  des  Cieux. 

Ce  font  les  effeéts  de  ta  puifTance  &  de  ta  bonté. 
Qui  euft  dit  que  ces  pieds  du  perfecuteur,  auquel 
les  lapideurs  du  premier  couronné  avoyent  baillé 
leurs  veftements  en  garde,  peuffent  jamais  devenir 
beaux  ?  Or  ils  ont  efté  beaux  &  bien  venus,  pourcc 
que  beaux  font  les  pieds  de  ceux  qui  annoncent  la 
paix  :  &  ils  ont  porté  celui  qui  a  annoncé  la  paix 
aux  Gentils. 

Où  fuis-je?  En  difant  ct%  chofes  je  penfe  voir 
encor  fur  mes  mains  &  fur  mes  habits  quelque  tache 
du  fang  innocent  que  j'ai  refpandu  :  cette  apprehen- 
fion  me  fait  rougir  comme  le  fang  mcfme  de  honte, 
couvre  ma  face  de  confufion,  ne  pouvant  penfer 
comment  ma  bouche,  qui  a  prononcé  blafphemes, 
pourroit  devenir  organe  de  tes  loiianges  &  mes 
fcandales  degré  d'édification.  Ode  de  moi  ce  fang 


iBi      MEDtTATIOHS   SUS.    LES    PSBA.0MBJ. 

qui  m'eiloiine,  &  me  rend  un  fpedre  i  moi  ffleûne. 
Ouvre  mei  lèvres  fermées  de  mon  fpafine,  def- 
ferre  mes  dent*  que  je  feos  grincer  d'effroi,  &  lors 
ma  bouche  efcUten  le  chant  de  ces  boncés,  &  lors 
je  dtclartrai  tofi  nom  à  nui  fnres,  ft  U  lotUrti  au 
milieu  de  la  congregaiioa,  &  dirai, 

Voui  qui  craigiuj  PEuroâl,  loùéi-lt  :  tout»  U  réea 
de  Jacob,  glorifiifU;  &  toula  la  raeédIfrail,rêiou- 
lej-le,  car  il  tia  point  mt^rifi  tu  étfdaigai  la  mi/en 
de  l'affigi,  tr  ri  a  poinl  caché  fa  faei  arriéra  di  lui, 
oins  quaad  il  a  erié  vert  lui,  il  Pa  exavci. 

Ma  louange  coauntueera  da  par  toi  :  M  la  granéa 
congregatioa  je  rendrai  mts  vaux  M  la  prefeaea  d$ 
ceux  qui  te  craignent  :  Je  parlerai  da  tas  lefmm^ 
gnagef  devoMi  les  Rois,  &  na   rougirai  foùu  da 


MSOITATIOHS   SUR.   LES    PSBAUMSS.       183 


ibpe  que  j'ai  demandé  les  a  emportées  bien  loin,  fi 
que  je  me  prefence  nettoyé  de  ta  main. 

Ceft  cette  main  qui  &it  tant  de  merveilles  fans 
peine,  qui  abbat  du  throfne  les  orgueilleux  &  tire 
de  la  boue  le  pauvre  gifant  fur  terre,  pour  le  col- 
loquer  aux  honneurs,  voire  aux  honneurs  du  peuple 
de  Dieu,  &  de  mefme  tire  im  Jofeph  de  la  prifon 
pour  lui  donner  en  main  les  refnes  d'un  Royaume, 
les  libériez  de  ceux  qui  le  tenoyent  captif,  &  let 
vies  de  ceux  qui  difpofoyent  de  la  fienne.  A  quoi 
nous  attacherons  les  exemples  de  Henri  quatrieûne 
en  France,  &  en  Angleterre  d'Elizabeth.  Et  de 
plus,  la  mefme  force  (comme  nous  avons  di^  qui 
opère  ainû  aux  opprefllons  &  exalutions,  le  fais 
auffi  aux  mutations  des  efprits  :  tefmoin  Paul  le 
prefcheur  excellent  &  confiant  martyr,  qui  lavé  du 
fang  efpandu  efl  fait  d'un  loup  raviitant  une  brebis 
de  buiffon.  Ceft  elle  encore  qui  reconcilie  pouces 
chofes  à  foi,  ayant  fait  la  paix  par  le  fang  de  la 
croix  :  &  ceux  qui  eftoyenc  eftrangers  de  Chrift 
&  eftoyent  fes  ennemis  en  leur  entendement,  prefts 
à  toute  mauvaife  œuvre,  ceux-là  reconciliés  au 
corps  de  fa  chair  ont  efté  rendus  faines,  fans  tache, 
&  irrreprehenfibles  devant  Dieu. 

Defploye,  Seigneur,  cette  main  à  me  relever  de 
mon  odieufe  boue  :  tu  vois  la  haine  que  je  me  porte 
à  caufe  de  mes  péchez  ;  c'eft  toi  feul  qui  tires  du 
fueil  derEnfermonefperanceprofternee.  Et  comme 
les  penfees  que  tu  me  donnes  font  arres  &  avant- 
coureurs  d'un  plus  grand  octroi,  meine  mon  efprit 
où  ma  foi  &  mes  regards  font  desjà  volés,  afçavoir 
au  fein  de  u  grâce,  &  au  giron  de  tes  douceurs. 
Desjà  je  fens  le  courage  d'un  exaucé,  pour  après 
t'avoir  invoqué  pour  moi  melme,  t*ofer  prier  pour 


184      MKDITATIOVS  SOR.    US    PSSaUKKS. 

ta  Sion.  Le  confeil  que  tu  m'avois  ordonné  m'avoîi 
tousjours  guidé  fidcUemem;  &  bien  que  quelques 
affautt  gut  J'aye  fiitij  J'ai  tousjoart  tenu  ton  parti, 
&  le  jele  de  ta  maijon  (quoi  que  tut  infirme)  m'a 
mangé.  J'ofe  donc,  linfi  bniflé  de  ce  zèle,  m'efcrier  : 
Vueillts  rebafitr  les  murs  de  ta  Jeru/alem.  Pour  nos 
démérites  m  les  demaatelles,  me&nes  par  les  bras 
qui  les  avoient  gardés.  Tu  nous  as  donné  de  quoi 
dire  avec  deux  de  tes  grands  Prophètes  :  Tu  at  rtjeité 
l'alliance  de  ton  Eglife,  tu  as  fouillé  fa  couromu, 
la  jet  tant  par  terrt .'  tu  at  rompu  touus  fes  cloifans, 
tu  as  mis  fas  fortereffes  en  ruiné;  tous  ceux  qui 
paffoyeni  par  U  chemin  l'ont  pillée  {  elle  a  iflé  mifa 
en  opprobre  à  fas  voijins.  Tu  as  furhaujfé  la  daxtre 
de  fes  adverfairasj  tu  as  rasjouy  tous  fes  ennemis, 
tu  as  ai{ffi  rebouché  la  pointe  de  l'efpee  de  fes  rail— 


MBDITATIOKS   SUR   LES    PSBAUMES.      185 

c€ffs  affamt{y  isr  ont  marché  tUflitués  de  forcé  devant 
la  pourfuivant. 

Tous  les  pajfants  ont  frappé  des  mains  fur  elle, 
ils  ont  fiJLé  &  hoché  leurs  teftes  contre  la  fille  de 
Jerufalem^  dijansy  Eft~ce  ici  la  ville  qtion  nommoit 
la  parfaite  en  beauté? 

Le  Seigneur  a  eflé  comme  un  ennemi  :  il  a  abyfmé 
If  rail f  il  a  diffipé  les  palais  &  toutes  fes  fortereffes. 

Et  a  pourpenfé  de  deflruire  la  muraille  qui  cou-^ 
wroit  la  fille  de  Sion^  il  a  eftendu  le  cordeau^  &  if  a 
point  retenu  fa  main  qu'il  ne  Fait  abyfmee^  &  a 
defolé  la  muraille  &  l'avant-mur.  Ses  portes  font 
ejrfbndrees  en  terre;  il  a  détruit  &  briféfes  barres. 
Muraille  de  la  fille  de  Sion^  Jette  larmes  jour  &  nuiél 
comme  un  torrent;  ne  te  donne  point  de  repos ^ 
que  la  prunelle  de  tes  yeux  ne  cejfe  point.  Le  jeune 
enfant  &  Vancien  ont  eflé  gifans  en  terre  par  mes 
rués  :  mes  pucelles  &  mes  gens  d^eflite  font  tombés 
par  l'efpecj  comme  s'ils  euffenc  efté  pareils;  O 
Dieu^  tu  as  tué  au  Jour  de  ta  choierez  tu  as  maf- 
facréy  tu  itas  point  efpargné,  Oeft  pour  les  pefchei 
de  nos  Prophètes^  les  iniquitej  de  nos  facrificateurs, 
qui  ont  efpandu  le  fang  des  Jufles  au  milieu  de 
Jerufalem.  Aufli  les  Prophètes  n'avoyent  prcveu  que 
chofes  vaines.  Adjouftez-encores,  lesferfs  ont  dominé 
fur  nousj  &  perfonne  ne  nous  a  receus  de  leurs 
mains. 

Les  principaux  ont  eflé  pendus  par  la  main  dUceuXy 
(t  v^a-on  porté  aucune  révérence  à  la  face  des 
Anciens. 

Nous  apprenons  de  David  à  dire  : 

Les  nations  font  entrées  en  ton  héritage;  ils  ont 
polu  le  temple  de  ta  Sainéleté^  ils  ont  mis  Jerufalem 
en  monceaux  de  pierres.  Us  ont  donné  les  corps 


l8lS      MEDITATIOKS   SVK    LIS    PSEAUMBS. 

morts  de  U-t  f§niutirt  pour  viande  aux  oyféomx 
dfs  CUux,  ir  la  chair  d*  tts  bien  aimit  aux  Infiet 
de  la  ferre  :  ûs  ont  efpaitdu  It  fojig  d'ictax  eonune 
eau  à  VentouT  dt  JêrufaUm,  fr  ^y  avw  perjomu 
pouf  les  en/eveiir. 

O  Dieu,  qui  as  uraché  mes  hayea  par  con  coup- 
roux,  redrefle  les  autour  de  la  troupe  funâe, 
&  rends  encore  Jerufalem  ceinte  de  monis  de  [outeé 
parcs  ainfi  que  de  rempars  :  ren  foa  mur  eflev£ 
plus  hauc  que  refchelle  &  que  refperan»  de  fcs 
ennemis,  quelques  haucaiot  qu'ill  fo^enc 

Ode  nous  la  confiance  que  nous  aviooi  aux  ^ait- 
deurs,  aux  forces  humaines,  &  en  la  fidelUté  des  viel- 
lards  qui  fe  font  endormis  ;  rempare  noiu  des  mon- 
tagnes de  Prophètes,  d'un  mur  de  pierres  rives,  qui 
font  celles  defquelles  m  fais  des  ensuis  i  Abraham. 
•  londemeni.  &  mets  a 


UBDITATIOHS   SUR    LBS    PSBAUMIS.      187 

fdgiieurie  par  tout,  qui  fe  fait  obeyr  (ans  peine  en 
«mt^  fin  Seigneuries,  ait  voulu  choifir  de  tanc  de 
Royaumes  un  Royaume,  de  cane  de  Provinces 
Cauian,  de  tant  de  moncaignes  Sion,  de  tant  de 
peufdes  un  peuple  acquis,  fainâ  9^  (eparé,  duquel 
il  eft  dit  :  Tous  peuphs  du  mandé  habituhh  n^imt 
foê  m  trtMtmmu  femblabU^  car  fis  ordomÊoitcas 
faerMS  il  m  Imtr  a  pas  déclarées  /  ft  puis  d^ffrailj 
^J^j  f4¥F  €xpr4s.  Peuple  qui  lui  ioucka  de  prés, 
que  ce  troupeau  bienheureux  ibit  feul  par  qui  U 
yeut  eftre  loiîé. 

If  aïs  voici  une  féconde  charité  qui  furpaflê  la 
première,  quç  U  nadon  efleuë  ayant  renoncé  ou 
crucifié  le  Sauveur  Sç  Dieu  de  Gloire,  il  a  mis  la 
main  fur  nous,  &  fans  occafion  de  choix,  en  ce  qui 
eftoit  du  noftre,  nous  a  cirés  d'encre  les  idolacres 
courans  après  les  bois  &  la  pierre,  pour  nous  adopcer 
en  la  place  &  au  rang  des  enfans  d'Abraham  :  Q 
bien  que  nous  puiflions  dire  de  nous,  que  c*efl  en 
(a  très  fainde  cicé  qu'il  a  choifi  fa  demeure,  &  que 
c'eft  de  nous  qu'il  veuc  fes  loiianges;  en  nous, 
di-je,  eft  accomplie  la  prophecie  de  David,  difant  : 
Dieu  pour  fonder  fon  tabernacle  aime  Us  portes  de 
Sion,  plufloft  que  tous  les  tabernacles  de  Jacob, 

Ce  qui  fe  dit  de  toi,  cité  de  Dieu,  ce  font  chofes 
hoMorables,  Selahl 

Je  ferai  mention  de  Rahab  6*  de  Babylon,  entre 
ceux  qui  me  cognoijfent  :  voici  PaUftine  &  Tyr,  avec 
Cus  :  Cettui'^i  eft  né  là. 

Et  de  Sionfera  dit  :  Cettuy-ci  &  cettuy-Jâ  eft  né 
en  icelle  :  &  le  Souverain  mefme  P eft ab lira. 

Quand  PEternel  enregiftrera  les  peuples,  il  les 
mettra  par  conte,  &  dira  :  Cettui~cy  eft  né  là, 
Selah  ! 


MEDITATION 


ES    PSBAUMSS. 


EAant  auihorifé  de  titre  lî  advantageiu,  rcfpoufe 
du  Ciel,  qui  pleure  fon  Fils  perdu  au  jour  de  fes 
nopccs,  ofe  plaider  fon  droiâ  contre  Ibn  Seigneur 
&  dire  :  Puis  que  tu  m'a>  appelée  à  un  0  haut  héri- 
tage, ne  me  lailTe  point  en  triche  &.  en  mafures.  Je 
dois  devenir  une  cité,  qu'elle  ne  demeure  point 
démolie,  ren  la  digne  de  ton  habitation.  Te  faut-il 
foliciter  de  baftir  ta  maifon?  Tu  as  jené  dans  les 
fondements  douze  pierres  Q  precieufes  :  mes  douze 
portes  doivent  eftre  de  perles.  Sois  mon  temple, 
mon  Soleil,  &  moi  ta  Lune;  qu'il  n'entre  point  en 
moi  d'abomination,  mais  y  conferve  l'arbre  de  vie, 
qui  porte  au  milieu  de  moi  fruiAs  délicieux.  O 
Eternel^  deftournt  ta  matediéiiott  aux  Royaumts  qui 
n'ont  ta  cognoiffanee,  &  defqueU  il  eft  dit,  Ltors 
cris/ont  inuiiUi  :  mefine  les  addreflant  i  toi,  fai 


MBI>ITATIONS   SUR    LES    PSEAUMBS.       189 

Tu  as  voulu  que  nous  te  facrifions  louanges, 
&  pour  holocaufles  les  vœux  it  nos  cœurs  ardents  ; 
c'eft  ce  que  nous  cflevons  vers  le  Ciel,  c'eft  ce  que 
nous  defployons  devant  ta  face. 

Et  quand  il  te  plaira  nous  faire  dignes  d'effaré 
nous  melmes  immolés,  pour  le  tefmoignage  de  ta 
vérité  &  de  ton  nom,  nettoye-nous ,  Seigneur, 
des  taches  qui  nous  rendent  impropres  à  tes  offertes. 
Ren-nous  par  cett'hyfope  nettoyante  viôimçs 
blanches.  Nous  ferons  bien  heureux,  quand  il  te 
plaira  prendre  nos  efprits  &  nos  vies,  pour  en  facri- 
fice  de  bon  odeur  faire  fumer  ton  temple  &  ton 
autel. 


OCCcÂSIOtXi   ET   oO-JtfiVmET^. 


DE     LA    MEDITATION 
FAICTE    SUR    LE    FSEAUME    I 


MEDITATIOKS    SUR    LSS    PSEAUMES.       I9I 

^.  On  nia  mis  au  rang  de  ceux  qui  defcendent  en 
la  foffe  :  je  fuis  devenu  comme  Vhomme  qui  ri  a  plus 
de  vigueur, 

6.  Sequeflré  parmi  les  morts ^  comme  les  navrés  à 
mort  gifiuis  au  fepulchre^  de/quels  il  ne  te  fouvient 
plus,  ains  qui  font  retranchés  de  ta  main, 

7.  Tu  m* as  mis  en  une  foffe  des  plus  baffes^  es 
lieux  ténébreux^  es  lieux  profonds, 

8.  Ta  fureur  s^efi  jettee  fur  moi,  (r  tu  nias  ààtû^ 
blé  de  tous  tes  Jlots  :  Selah. 

9.  Tu  as  efloigné  de  moi  ceux  defquels  ^efit^e 
cognu,  tu  nias  mis  en  extrême  abomination  envers 
eux.  Je  fuis  reclus  tellement  que  je  ne  puis  fortir. 

10.  Mon  ail  languit  tPaffiiàHon  :  Eternel^  je  te 
reclame  tout  le  jour^  j'ejien  mes  mains  vers  toi, 

11.  Feras~tu  miracle  envers  les  morts?  ou  fi.  les 
trefpaffés  fe  relèveront  pour  te  célébrer?  Selah. 

12.  Racontera-^n  ta  gratuité  au  fepulchre  &  ta 
fidélité  au  tombeau? 

13.  Cognoijîra-on  tes  merveilles  es  ténèbres  &  ta 
jufiice  au  pays  d'oubliance  ? 

14.  Or  quant  à  moi  y  0  Etemel ^  je  crie  à  toi  &  ma 
requefte  te  prévient  dés  le  matin. 

15.  Eternel^  pourquoi  rejettes-tu  mon  ame  &  ca- 
ches-tu  ta  face  de  moi? 

16.  Je  fuis  affligé  &  comme  rendant  Vefprit  dés 
ma  jeuneffe  :  j'ai  fouffert  tes  effrois  &  ne  fay  où 
j'en  fuis. 

17.  Les  ardeurs  de  ta  cholere  font  paffees  fur  moi, 
&  tes  eflonnemens  m'ont  retranché. 

18.  Ils  m'ont  tout  le  jour  environné  comme  eaux , 
Us  m'ont  entouré  tous  enfemble. 

19.  Tu  as  efloigné  de  moi  Vami,  voire  V intime 
ami  &  ceux  defquels  je  fuis  cognu  me  font  ténèbres. 


Ip2      MEDITATIONS    SUR    LES  fSBAUMES. 

MEDITATION 

SUR     LE    PSEAVHE    88. 

O  DIca  Eternel  mon  SuiTEnr,  bc. 

TBRNBL,  Dieu  de  ma  délivrance,  ou 
,  de   mes   délivrances,  qui  m'u 
tant  de  fois  tiré  du  bas  combeau  de  la 
more,  &  nocammenc  quand  j'ai  dit  à  pro- 
pos &  avec  fon  efficace  : 

Lorfqu'en  moi  de  douleur  efpris  s'enveloppent 
tous  mes  efprics,  Tu  fçais  l'endroit  par  où  je  dois 
forrir  du  lieu  où  je  me 


MEDITATIONS    SUR    LBS   PSIAUMBS.      IJ^ 

femee  pour  le  jufte,  &  la  lieflè  pour  ceux  qui  font 
droits  de  cœur? 

Le  Soleil  qui  fait  fa  carrière  comme  un  efpouz 
ibrtanc  de  fon  lid  nupdal,  veu  de  cous,  &  voyant 
coût,  peu&-il  defployer  à  mes  yeux  les  beautez  de 
nature  pour  m'en  deftituer.  Je  ne  fuis  plus  de  ceux 
à  qui  les  verdures  portent  quelque  efperance,  &  fi 
je  voi  des  fleurs,  je  fçai  que  les  fruits  en  font  pour 
les  hommes  de  terre.  Les  moiflbns  &  les  grappes 
font  pour  les  ennemis  de  Dieu,  dont  le  jour  ne 
m'apporte  que  le  defir  de  la  nuiâ  pour  me  cacher, 
et  die  m'eft  une  aimee  pour  m'enfuyr  &  me  fauver 
de  moi. 

Ceft  en  elle  que  tu  m'as  revifité.  Tu  as  fondé 
mon  cœur,  tu  l'as  examiné  :  tu  n'as  point  trouvé 
que  ma  penfee  ait  violé  ma  parole,  ni  que  ma 
bouche  ait  deûnenci  mon  cœur  ;  &  nonobftant  il  n'y 
a  point  d'accord  en  mes  membres.  Je  cerche  le 
repos  au  lid  fans  le  trouver.  Le  bœuf  quitte  le  joug 
à  la  feree,  le  cheval  la  felle  ou  le  collier  ;  mais 
l'ahan  &  les  fueurs  de  mon  ame  travaillée  me  fai- 
fiflent  dés  le  crepufcule  du  foir,  fans  me  quitter  à 
celui  du  matin. 

Les  Anciens  ont  inventé  que  leurs  Erynnes,  ou 
Furies,  elloyent  filles  du  Soleil  &  de  la  Nuid  :  vou- 
lant cette  dodrine  à  leur  mode  figurer,  que  les 
affaires  pefants  de  la  journée  tormencoyent  les 
affligés  dans  le  nid  des  penfees,  &  au  loifir  de  la 
nuiét.  C'eft  fous  elle  que  la  mémoire  me  géhenne, 
ma  couverture  eft  de  plomb  &  mon  chevet  d'efpines, 
pour  lefquelles  je  puis  dire  :  J'ai  ahanné  en  mon 
gemiffement,  je  baigne  ma  couche  toutes  les  nuiéts, 
je  trempe  mon  lid  en  mes  larmes. 

Voila   de  quoi  crier  jour  &  nuiét,  quand  Tun 
II.  13 


194-      MEDITATIONS  SOR    LIS    FStAVMBS. 

&  l'aucre  m'affligent  :  je  fuU  concraint  d'eftic  im- 
porcun  fans  intervalle,  puifquc  mon  mal  ne  m'en 
donne  pas.  Tu  c'es  lailTé  vaincre  4  l'imporcunité  de 
la  vefve,  fupporte  la  mienne  :  &  afin  qu'elle  n'em— 
pefche  point  que  ma  requelle  ne  vienne  en  u  pr^ 
fence,  encline  ton  oreille  à  mon  cri. 

Je  fçai  que  mes  péchés  ont  &tt  un  gn»  &  louche 
nuage  entre  coi  &  moi  :  perce  &  diflipe,  Seigneur, 
par  les  rayons  de  ton  foleil  de  gnce  cet  anus 
vicieux  :  abaifle  ton  oreille,  qui  eft  en  û  huit  lieu, 
pour  recevoir  ma  fupplication  venant  des  lieux  pro- 
fonds, &  du  fond  de  mes  ameres  penfees  :  abaiflb- 
toi,  ou  avance  ta  dextre;  car  mon  affliâion,  qui  eS 
fi  forte  pour  m'accabler,  eft  trop  foible  pour  (fuis 
ton  fecours)  monter  jufqu'au  throlite  de  ta  majefté. 

Ces  lirmes  nuift  &  jour  avalées  ont  empli  mon 


MBDITATIONS    SUR   L£S    PSBAUMBS.       lf$ 

Ainfi,  6  toi,  qui  es  le  Soleil  &  le  bouclier,  pour 
ion  œil  deltiflanc  d'allumer  ma  vie,  je  ne  fuis  qu^un 
ôlbn  fumant  fequeftré  de  ta  veuë,  je  fuis  parmi  les 
mores  comme  les  navrés  mortellement,  gifans  parmi 
le  meurtre,  defquels  il  ne  te  fouvient  plus,  &  qui 
font  retranchés  de  ta  main. 

David  £e  plaignoit  d'eftre  hors  de  la  fouvenance 
de  fes  amis,  d'eifare  mis  en  oubli  du  coeur  des 
hommes  comme  un  mort,  &  d'eftre  eftimé  autant 

Jtt'un  vaiflêau  de  nul  u£ige  :  mais  c'eft  bien  pis, 
'eftre  comme  mis  en  oubli  de  fon  Dieu,  &  retran- 
dié  d'entre  les  vaiflfeauz  à  honneur,  pour  eftre  jette 
hors  le  camp,  ou  bien  trainé  aux  immondices  de 
la  Cité. 

Tu  m*as  mis  en  une  fofle  des  plus  bafles  es  lieux 
ténébreux  &  profonds.  Les  prifonniers  pour  debtes 
ou  caufes  légères,  ont  les  bafTes-cours  des  concier- 
geries, &  les  préaux  pour  bornes  de  leur  liberté  : 
mais  combien  deviennent  tranfis  ceux  qu'on  dévale 
dans  les  bafles  fofTes,  pour  après  l'obfcurité,  la 
puanteur,  &  les  horreurs  des  cachots  longuement 
fupportés,  n'avoir  délivrance  que  la  fentence  de 
mort? 

Ainfi  fuis-je  accablé  de  tous  tes  flots  :  ta  fureur 
s'eft  jettee  fur  moi  :  un  abyfine  appelle  l'autre 
abyûne  ;  au  bruit  de  tes  canaux  toutes  tes  vagues 
&  flots  ont  repaffé  fur  ma  tefte,  empli  ma  nef  û 
baflTe  &  fi  fragile,  qu'elle  ne  peut  refifter  aux  plus 
pedtes  ondes  de  tes  tempelles  :  &  tout  fans  efpoir 
de  fecours. 

Pour  ce  que  tu  as  efloigné  de  moi  ceux  defquels 
j'eftois  cogneu,  tu  m'as  mis  en  extrême  abomination 
envers  eux  ;  tousjours  tellement  reclus,  que  je  ne  puis 
fortir  ni  avoir  communication  avec  les  humains. 


15)6       MBDITATIOKS  SUB.    LBS   PSSAUMSS. 

£(  puis  quand  je  [crois  environné  &  armé  d'une 
l^ion  d'amis,  pourroyenc-tls  forcer  le*  priions  du 
Touc-Puiflant,  qui  fonc  la  mort  meûne  &  les  portes 
d'£nfer>  Il  n'y  a  que  toi  lêul  qui  puillcs  ddivrer 
ce  que  m  as  renfermé,  ni  rendre  la  liberté  à  qui  tu 
l'as  ofice  :  il  n'y  a  que  toi,  de  qui  l'on  puiHe  dire,  // 
les  a  tirés  dês  tentbrts  &  de  Fombrt  dm  mort  tn  dtf~ 
rompant  leurs  îitns,  pour  et  qi^û  a  brifi  Ut  porttr 
d'airaifij  &  caffi  Ut  barreaux  deftr. 

Tes  Anges  ont  délivré  les  prifonniers  des  hommes, 
mais  les  hommes  n'ont  jamais  affranchi  les  tiens. 
Nos  confciences  font  nos  plus  eflroiies  prifom.  Le 
mefchant  une  fois  arrellé  en  cet  eftroit  cachot,  en- 
cor  qu'il  euft  à  fon  commandement  la  campaigoe, 
porce  11  geôle  avec  foi,  Se  les  ceps  de  fa  coulpable 
pcnfee  gàlopeat  avec  lui. 


IIKDITATIOKS    SUR    LES   PSBAUlfBf*      197 

lêul  lèin  de  qui  fe  trouve  propiciation,  repouflèras- 
m  les  mains  que  ce  tend  Tabbacu^  pourroic-il  en- 
trer en  ton  courage  de  m'achever  à  terre  de  fang 
froid,  toi  qui  es  pitoyable,  mifericordieux,  tardif 
à  colère,  &  abondant  en  grâce,  pourrois-tu  (kuter 
{bs  à  l'sÂigé,  ayant  maudit  tous  les  lafches  cœurs 
qui  le  font. 

Fay  voir  encores  que  toute  forte  de  mort  des 
bien  aimés  eft  precieuîe  devant  tes  yeux,  fois  donc 
libéral  de  la  vie,  toi  qui  en  es  le  foui  donneur, 
&  qui  en  &is  tes  prefons  par  l'univers  fans  en  dimi- 
nuer le  threfor  ;  car  fource  de  vie  en  toi  gift,  par  ta 
clarté  nous  voyons  clair. 

Feras-tu  miracle  envers  les  morts,  ou  fi  les  tref> 
pain^  fe  relèveront  pour  te  célébrer  è  Tu  as  tiré  du 
tombeau  le  Lazare  desja  puant  :  je  confefle  eftre 
tout  infeét,  &  que  l'odeur  de  mes  péchez  eft  infup- 
portable  à  moi-mefme.  Tu  me  vois  couché  dans  le 
fepulchre  ;  e(l-il  point  meilleur  que  celui  de  qui 
rôdeur  eft  tant  foliefve  ne  defcendc  point  en  ces 
unières  d'infeftions  ;  &  que  pluftoft  tu  détournes  la 
mort  des  teftes  qui  t'honorent,  que  de  la  pourfoivre 
dans  l'horreur  de  fes  cachettes  ;  &  que  pluftoft  tu 
faces  merveilles  entre  les  vivans,  que  les  defployer 
entre  les  morts,  veu  que  ceux-là  ne  fe  peuvent 
relever  ponr  recognoiftre  la  délivrance,  &  aufli  peu 
pour  la  célébrer  en  tes  faintes  aftemblees } 

Racontera-on  ta  grâce  au  fepulchre,  &  ta  fidélité 
au  tombeau?  Cette  grâce  fera-elle  gouftee  par  les 
condamnés  &  en  l'Enfer,  où  n'y  ayant  aucune  ré- 
demption, ton  Efprit  ne  peut  aimer  fa  demeurance, 
pour  exciter  les  cœurs  à  faire  refonner  tes  bien-faits  > 
car  l'efperance  eftant  bannie,  auffi  eft  toute  voix 
d'exultation. 


■p8      MBDITATIOHS    S0S    LIS    PSEAITHIS. 

Pourront  reluire  tes  merreillu  tux  ténèbres,  &  tt 
judice  en  la  terre  d'oubli&nce?  Si  tes  miracles  ton^ 
beni  dans  les  efpelTes  obfcurités  des  bat  lieux,  qui 
pourra  les  voir,  &  n'eftans  point  veus,  qui  les 
célébrerai  A  quoi  aller  cercher  des  deferts  perdus 
&  fans  voye  pour  etemifer  les  faits  de  ton  équité, 
qui  eft  haut  chantée  &  annoncée  en  la  terre  des 
vivans }  Qui  pourra  dans  la  foUë  Se  vi  profond 
pui[s  de  condamnation  eflcrcr  fa  voix  de  louanges 
dans  le  ciel?  ks  cxleAct  clartés  pourront-ellei 
dorer  les  Enfers,  &  y  contaminer  leurs  précieux 
rayons } 

N'e<l-ce  plus  au  ciel  &  aux  lieux  illummés  par 
lui  que  tes  hauts  &ids  triompheront?  ne  veux-tu 
autels  que  les  fepulchres  infefts?  l'Enfer  fera-il 
choifi  &  ouvert  pour  tm  temple  ?  &  les  feux  de  la 
;ehenne  vaincront-ils  ceux  des  holncaulles  ?  a 


MBDITATIONS   SUR   LBS   PSBAUMBS.      I99 

prononcer,  ft  les  maint,  que  )e  penfe  joindre,  n'tflêmr- 
Uenc  plus  que  des  os  ;  û  bien  qu^il  ne  faut  plus 
d'autres  ombres  que  la  mienne  pour  e£Erayer  par  fii 
Teuë,  &  par  l'efclat  de  mes  cris  faire  cranftr  les 
âmes  defolees  qui  m'approcheront.  Etemel,  pour- 
quoi rqettes-cu  mon  ame  }  Pourquoi  cacfaes-cu  ta 
fiice  de  moi^  M'as-tu  rendu  li  exécrable  que  ma 
Teuë  te  face  horreur?  Tu  m'as  plongé  ft  réduit 
dans  le  ventre  obfcur  des  malheurs,  deflitué  de  tout, 
ft  fur  tout  du  jour  de  u  face  ft  de  la  contempladon 
de  ton  Soleil  :  &  non  pas  feulement  de  ce  gracieux 
flambeau,  mais  aufii  de  l'aube,  qui  me  reprefenioit 
l'efperance  de  fon  retour  vers  moi. 

Je  fuis  affligé,  &  comme  rendant  Fefprit  de  ma 
jeunefle  :  j'ai  fouffert  tes  efforts,  &  ne  (çai  où  j'en 
fuis.  Tu  fçais,  Seigneur,  quels  orages  ont  paflTé  sur 
ma  tefte  dés  mon  enfance,  où  j'ai  efté  comme  mort 
parmi  les  vivans,  où  j'ai  vefcu  comme  tranfi  parmi 
les  morts,  ayant  apris  de  ton  Prophète  à  dire  :  Au 
fortir  du  berceau  les  laboureurs  ont  labouré  fur 
mon  dos,  ils  ont  tiré  tout  au  long  leurs  feillons  : 
mais,  o  Dieu,  tu  m'as  fait  durer  pour  tousjours  plus 
endurer.  Ma  vie  a  efté  condamnée  en  mes  tendres 
ans,  &  quand  j'ai  efté  fur  le  fueil  de  la  geôle  pour 
marcher  au  bufcher,  tu  as  reciré  mon  ame  du  feu 
des  hommes  pour  l'embrafer  du  tien.  Tu  l'as  for- 
tifiée contre  toute  forte  d'accidents,  tu  Tas  retirée 
des  naufrages,  du  précipice,  de  l'horreur  des  ba- 
cdlles,  &  quelquefois  d'entre  les  corps  eftendus, 
ft  puis  voici  ce  que  tu  lui  as  fiiit  fencir. 

Les  ardeurs  de  ta  cholere  qui  font  paifees  fur 
moi,  tes  eftonnements  m'ayans  retranché,  ouy  cette 
cholere,  quoi  que  jufte,  a  paifé  fur  ma  tefte  fans  la 
foudroyer  :  elle  y  a  laifTé  fes  efpouvantements,  &  les 


300      MSDITATIOKS    SOR    LIS    PSXAUltlt. 

cerreurs  qui  m'ont  fidt  dire  :  SuU-je  rejette  ft  am- 
chc  d'encre  les  bons?  Pardonne,  Seigneur,  puis  que 
la  mefme  cholere  attribuée  &  defployee  fur  l'agneau 
fans  péché,  quelque  pur,  juile  &  puîlTanï  qu'il  fiift, 
lui  a  fait  dire  :  Mon  Dieu,  mon  Dieu,  pourquoi  m'u- 
m  abandonna,  t'efloignanc  de  ma  délivrance  &  des 
paroles  de  mon  gemillement  ?  Mon  Dieu,  je  crie  de 
jour  &.  de  nuift,  &  n'ai  point  de  celTe.  Si  le  Fili  de 
ta  dileSion,  infeparablc  de  fa  divinité,  a  tremblé  ft 
jenë  grumeaux  de  fang;  0  le  Prince  de  vie  a  veu 
avec  effroi  le  vif^  ridé  de  la  mort,  à  quel 
poinft  pourra  demeurer  le  cour^  Se  l'e^terance 
d'un  miferable  pefcheur  comme  je  fuis,  qui  a  de 
quoi  s'efcrier  : 

Meijouri  pajent  e< 

Qui  l'tn  va  dbjeurt  tT  fombre. 


MBDITATIOVS   SUR   LBS   PSSAUMIS.      MOI 

Que  fi  encofes  toutes  ces  chofes  fe  prefencoyenc 
pour  me  deftruire  en  divers  temps,  &  Tun  après 
Paiitre,  il  y  auroit  moyen  de  prendre  haleine,  quel- 
que efpérance  de  ramaffer  mes  efprits  pour  eflayer 
à  me  guarantir,  non  par  acmes,  mais  larmes  &  par 
rinrocation  de  ton  fccours; 

Mais  tout  cela  èontjt  trenibU 
Totu  amour  éU  moi  t^afemhU. 

Il  faut  adjonfter  que  les  violences  qui  me  def- 
truifent  ne  font  feulement  autour  de  moi,  mais  au 
dedans  pour  la  guçrre  que  fe  font  mes  diverfès 
penfees,  &  mes  divers  defirs  s'entrechoquants  em- 
pliiTent  mon  fein  d'angoifTes  &  perplexités,  la  chair 
&  refpric  Q(lans  chefs  de  deux  partis  logés  en  moi. 

Et  ainfi  les  royaumes  &  cités  imprenables  à  un 
ennemi  feul  &  de  dehors,  ne  le  font  pas  à  plufieurs, 
moins  quand  les  fadions  les  defchirent  par  dedans  : 
ainft  le  corps,  qui  vigoureux  a  refifté  aux  maladies 
feules  réglées  &  extérieures  eft  abbatu  par  un 
concours  de  plufieurs  maladies  internes  &  impli- 
cites, quand  ce  qui  remédie  à  Tun  eil  à  Fautre  un 
venin  mortel. 

Enfin,  o  Eternel,  tu  m*avois  desja  feparé  de  mes 
amis  &  voifins,  &  rendu  exécrable  vers  eux.  Tu  as 
porté  mon  habitation  hors  le  doux  air  de  ma  naif- 
îance.  Tu  m'avois  ofté  des  lieux,  aux  commoditez 
&  plaifirs  defquels  le  labeur  de  ma  jeunefTe  s'eftoit 
employé;  tu  m'avois  fevré  du  laid  &  des  mamelles 
de  ma  chère  patrie,  tu  m'avois  fait  quitter  mes 
parens  &  cognoiffances  privées  pour  te  fuivre, 
&  porter  ma  croix  après  toi,  quand  tu  as  defcoché 


aoa      MEDITATIONS    SOR    LIS    FSlAtTMlt. 

fur  moi  de  les  punidoiu  la  plus  deflruifuite  &  irré- 
parable à  jamais. 

Tu  ne  m'u  point  bleiïé  aux  extrémités  ft  loein^ 
bres  qui  recrauchés  laifTent  te  refte  traioer  quel- 
que miferable  vie,  mais  ,tu  m'as  fcié  par  la  moitié 
de  moi-mefme;  tu  as  fendu  mon  coeur  en  deux , 
&  dilTipé  mes  entrailles  en  arrachant  de  mon  fein 
ma  (idele  trés-aimee  &.  très  chère  moitié,  laqoelle 
comme  génie  de  mou  ame,  me  tenoit  Ëdele  compa- 
gnie à  tes  louanges,  m'exhortoit  au  bien,  me  reii- 
roit  du  mal,  aircftoit  mes  violences,  confoloit  mes 
affligions,  tenoit  la  bride  à  mes  penfees  defreglees, 
&  donnoit  refperon  aux  deTirs  de  m'employer  k  la 
caufe  de  la  vérité. 

Nous  allions  unis  k  ta  maifon,  &  de  la  npllre, 
voire  de  la  chambre  Si  du  lia  faiÂons  un  temple  k 


MBDITATIOirt  SUR    LBS  PSBAUMXS.      20^ 

Je  n'ay  plus  de  paroles  puiflances,  ni  aflez  vio- 
lentes à  Fexpreflion  de  mes  miferes.  Seigneur,  tu 
les  cognois,  puis  qu'elles  font  de  ta  main.  Je  de- 
meure extatique  en  mes  angoifles,  les  genoux  k 
terre,  mes  foufpirs  en  Tair,  mes  yeux  au  Ciel,  mon 
cœur  à  toi  ;  releve*le,  Seigneur,  en  l'efperance  de 
ton  falut. 


OCCcéSIOP^  ET  O^GV&iEÎ?>(T. 


SE    LA    MSDITATION 
FAICTE     SUR     IB    PSBAUMI     l6. 


MBDITATIOKS    SUR    LES    PSBAUMBS.      90^ 

fiùtis  de  fang,  &  hur  nom  ne  paffera  point  par  ma 
bouché, 

5.  U Etemel  efl  la  part  de  mon  héritage  &  de 
mon  breuvage  :  tu  mamtiens  mon  ht, 

60  Les  cordeaux  me  font  efcheu  en  Ueux  plai- 
fonSj  voire  un  tris  bel  héritage  wlefi  advenu. 

7.  Je  bénirai  PEtemel,  lequel  me  donne  confeUj 
mefmement  es  nui^s,  efqueUes  nus  reins  n/enjeir' 
gnent. 

8.  Je  me  fuis  tousjours  propojé  l'Etemel  devanf 
moi}  puifqi^il  efl  à  ma  dextre.  Je  ne  ferai  point 
efbranlé, 

9.  Partant,  mon  cœur  /efl  esjouy,  &  ma  gloire 
/efl  efgayee  .*  auffi,  ma  chair  habitera  en  affeurance. 

10.  Car  tu  T^abartdonneras  point  mon  ame  au 
fepulchre^  &  ne  permettras  point  que  ton  bien-aùné 
fente  corruption, 

11.  Tu  me  feras  cognoiflre  le  chemin  de  vie  :  ta 
face  efl  un  rajfafiement  de  joye  :  il  y  a  plaifance  en 
ta  dextre  pour  Jamais, 


MEDITATION 

SUR   LE    PSEAUME     1 6. 

Sois  moi  Seigneur,  ftc. 

OU  S  les  accidents  aufquek  rhomme  eil 
fujeô,  lui  font  fentir  fa  foiblefle,  par 
elle  la  crainte,  qui  le  meine  à  la  recerche 

du  fecours  :  les  hommes  du  monde  y 

cmployent  les  hommes,  lefquels,  jufques  aux  Princes 
terriens,  ne  peuvent  rien  au  befoin  :  les  enfans  de 


ao6     MIDITATIONS  SOU  LBS  PSIAUMIS. 

Dieu  n'y  vont  poinc  à  faute,  oerchent  le  vouloir, 
le  pouvoir,  &  la  vra/e  af&flance,  dans  le  fein  de 
leur  père,  où  elle  eft.  Ils  ne  s'adreflTenc  poinc  à  ce 
refuge,  doutans  de  la  volcmcé  de  celui  qui  a  donné 
ion  fils  à  la  mort  pour  nous;  ni  du  pouvoir  de  celui 
qui  a  tout  fiût;  fe  fouvenans  que  ces  deiix  parties 
nous  ont  fidt  dire  plufieurs  fois  :  Je  n'ai  jamais  eu 
mal  ni  deftrefle  que  je  ne  t'aye  expérimenté  Dieu 
envers  moi  plein  de  bonté.  £t  la  bonté,  qui  fait 
cette  volonté ,  eft  telle  que  nous  prenons  plaifir  à 
faire  raifonner  nos  petits  en&nts  avec  nous.  Dieu 
ne  fouffre  pas  feulement,  mais  prend  plaifir  que 
nous  traittions  avec  lui  comme  de  noftre  droit,  &ne 
nous  renvoyé  pas  à  fon  auchorité  abfolué,  comme 
font  les  maiilres  leurs  mercenaires  &  les  Rois  leurs 
fujets. 

Nous  avons  un  familier  exemple  de  cela  au  rai- 
fonnement  de  David  avec  fon  Dieu,  qui  argumente 
ainfi  avec  lui  en  plufieurs  de  fes  Cantiques  :  J'ai  mis 
mon  efperance  en  toi,  garde  moi  donc,  Seigneur,  ou 
bien  :  Je  fuis  à  toi,  mecs  moi  à  fauvecé. 

Mais  fur  couc  le  Pfeaume  i6,  s'accache  à  cecce 
preuve  dés  le  commencemenc  jufques  à  la  fin,  am- 
plifianc  les  grâces  vrayemenc  gracuices,  que  Dieu  ne 
confère  poinc  aux  fiens,  fi  non  les  ayanc  crés  chers  ; 
&  ces  grâces  de  tanc  plus  parfaites,  qu'il  leur  donne 
avec  elles  l'efpric  de  les  fentir  bien  &  de  les  co- 
gnoiftre  :  qui  ne  fonc  poinc  apprenciffages  de  la  chair 
&  du  fang,  non  plus  que  l'efperance  que  nous 
logeons  en  lui.  Ec  quand  ces  grâces  fonc  accompa* 
gnees  d'efpoir  &  de  foi,  lors  elles  font  couronnées 
de  leur  accompliflemenc,  elles  s'encrefuivent  l'une 
Pautre  jufques  à  la  perfeétion  defcrite  par  noftre 
grand  Prophète  de  TÈfprit  de  Dieu. 


MEDITATIONS    SUR    LBS    PSBAVMBS.      207 


Voila  en  gênerai  &  en  gros  ce  qu^avec  plaifir  in- 
dicible les  enfants  de  Dieu  doivent  efplucher  en 
toutes  leurs  angoifles,  avec  cette  refolution  :  Tu  es 
mon  aide  &  mon  libérateur;  mon  Dieu,  ne  carde 
point.  Mais  on  vient  plus  exprefTement  à  cette  preuve 
au  poinâ  de  la  mort,  lors  que  le  lia  du  malade  efl  le 
champ  d'un  périlleux  combat  entre  le  fidde  &  l'en* 
nemi  de  noilre  falut,  plein  de  rufes  &  habile  à 
prendre  fes  heures  avantageufes,  pour  oppofer  aux 
grâces  que  Dieu  nous  confère  nos  péchez,  aux 
forces  qu'il  donne  nos  infirmités^  à  fes  mifericordes 
fa  juiUce,  &  enfin  les  calomnies  defquelles  il  efiBraye 
aux  vérités  de  TAnge  confolaceur. 

Qui  es-tu  (die  le  mefchant)  que  Dieu  foit  tenu  à 
ta  confervation ,  lui  qui  eil  fi  grand  &  fi  haut?  Et 
puis,  quelles  font  tes  œuvres  }  Et  c^eft  fur  ce  poind 
qu'il  les  met  devant  nos  yeux ,  au  plus  mauvais 
luftre  qu'il  peut,  pour  les  faire  voir  en  grand 
nombre,  indignes  de  pitié,  &  coulpables  d'éternelle 
mort.  En  ce  befoin  le  fidèle  levé  les  yeux ,  les 
mains,  le  cœur,  &  toutes  les  vigueurs  de  fon  ame 
vers  fon  Dieu  pour  foufpirer  ainfi:  Garde-moi,  o 
Dieu  Fort,  car  je  me  fuis  retiré  vers  toi.  C'eft  bien 
contre  les  difcours  humains  que  de  dire  :  Tu  m'as 
fait  du  bien,  il  eft  donc  raifonnable  que  tu  m'en 
faflTes  davantage.  Le  trafic  du  monde  conclud  bien 
autrement,  &  dit  :  Je  t'ai  fait  du  bien,  tu  ne  m'en  as 
point  rembourfé,  il  eft  donc  raifonnable  que  je  cefTe 
de  t'en  faire,  jufques  à  ce  que  j'aye  tiré  de  toi 
quelque  utilité;  mais  voici  une  autre  procédure, 
qui  dft  de  l'efcole  de  la  Foi. 

Un  chef  de  guerre  ayant  pouffé  fes  coureurs 
devant  lui,  doit  fçavoir  ce  qu'ils  deviennent,  &  leur 
dit  communément  :  Allez,  donnez,  je  vous  ferai  fuivre, 


ao8      HBDITATIOHt   SCK   L»    FflAOHII, 

&  rendrai  bon  cpnce  deTOoi.  Les  Plrincet  mefinet 
en  leurs  vanitei  umeu  ceux  qui  oot  receu  lenn 
bien-faits,  lelqueU  ili  ftmt  fubrre  ptr  d'autre*,  ft  let 
redoubleu  jufquet  à  Upir&ite  gnndour  de  aux 
qu'ils  ont  aimé.  Or  rdpennce  colloquee  en  Dieu 
n'eftinc  point  de  nc^re  nuure,  mais  du  teûwHgnege 
&  don  pur  de  fit  gnce,  fut  laquelle,  &  uni  let 
dons  de  l'eTprit,  nous  courion»  au  moyen  de  la 
chair,  &  cerchioni  aupréi  de  nom  en  la  terre  ce 
qui  fémble  fi  efloigoé  dani  le*  Cieuz;  c'eft  donc 
une  main  celeûe  qui  y  attire  nos  cTperancea  ft  les 
dcftouroe  de  s'attacher  à  la  terreflre  ranité. 

Voila  la  première  croiqw  det  pacet  du  Dieudet 
armées,  qui  màlleur  capitaine  que  tout  lea  autres, 
les  fera  fuivre  de  fia  ffoa  pour  ne  lea  perdre  point. 
Voila  les  premiers  arrêt  pour  ellever  bien  huit  &• 


MIDITATIOKS  SUR   LES    PSBAUMIS.      209 

quoi  payer  fes  debces,  le  trompeur,  en  riant,  leur 
prefte  des  fueilles  defquelles  il  a  couftume  de  payer 
fes  ouvriers  ;  &  ces  fueilles  font  les  bonnes  œuvres, 
ou  les  indulgences  achetées  bien  chèrement. 

Les  fidelles  voyent  bien  auiS  leurs  péchez,  qui  fe 
prefentent  inceifamment  noirs  &  hideux  devant  leur 
fiice;  &  de  tant  plus  laids  que  les  bons  les  hayflènt, 
&  qu'ils  ont  pour  champ  la  repentance  &  la  blanche 
fÂeté,  &  d'ailleurs  les  pefchez  font  diverfemenc 
regardés  par  ceux  qui  ne  les  hayffent  qu'à  caufe  de 
la  peine,  ou  par  ceux  qui  les  hayflènt  en  l'amour 
de  leur  Dieu.  Ces  derniers,  au  lieu  de  courir  au 
conte  des  mérites,  empoignent  les  grâces  (ans  mé- 
rite :  &  c'eft  lors  que  Dieu  fait  fuivre  fes  grâces, 
&  par  icelles  confirme  les  fiens  de  plus  en  plus  en 
l'afleurance  du  falut. 

Or  tout  ainii  que  le  recours  à  Dieu  n*e(l  pas  un 
prefent  de  nature,  en  voici  encor'un  autre  qui 
vient  de  meûne  lieu;  c*e(l  Famour  du  bien,  &  la 
haine  du  mal  :  nous  employons  nos  amitiés  &  af- 
fections, non  pour  ailUler  aux  pervers,  mais  aux 
fainds  qui  font  en  la  terre,  &  aux  gens  notables 
d'icelles,  aufquels  je  prens  tout  mon  plaifir. 

Les  penfees  terreftres  nous  inclineroyent  au  con- 
traire, &  la  prudence  des  enfants  du  fiecle,  plus 
fubtile  que  de  ceux  du  Royaume,  nous  feroit  diligens 
à  la  recerche  des  mefchans  &  des  profperans  :  mais 
les  inclinations  celeftes  nous  font  foldats  &  partifans 
du  Dieu  des  armées  qui  nous  fortifie  au  bon  combat, 
en  la  compagnie  des  bons  &  des  affligés.  Là  parmi 
nos  imperfedions  &  foiblefles  nous  ofons  dire  : 

Quelque  affaut  qu^ayefenti 
JTai  toujours  tenu  ton  parti. 


310     MBDITATIONS    tUM.  LIS    PStAOMtS. 

Et  puis, 

0  Stigaeur  qui  ^tf  contrairt 
Nt  l'M-ft  ptu  ftuf  aiytrfiùrtf 

Dieu  a'a  que  fiin  de  noua  pour  fit  milke^ 
Jefu£-Chrift  a  les  millions  d'Ange*  i  £}n  fecoura  s'il 
lui  plÙE.  Pourquoi  nous  dûçici*-il  donques  tx^ 
roHer,  &  remplir  fes  rangs  &  fi  fcnblet  nroot  ou 
bUbgnei  que  nous  fômmesî  Ceft  que  fim  pJiifir  cft 
de  [ûrfaire  fon  ttuvre  en  l'infirmUé^  qu'U  t  taat 
les  tabernacles  de  Jacob ,  &  veut  (Are  viâorieuz 
fur  les  Geana  &  G<^tlu  par  les  frondes  des  peda 
bergers. 

£t  pour  cela  il  ne  nous  donne  pas  feulement  les 
armes  parfaites  que  defcrit  S.  Paul,  mais  il  naos 
environne  de  force  &  de  hardielTe  :  &  de  plus  nous 


MtDITATIONS   SUk    LBS   PSBÀUlkfBS.      SU 

Nous  apprêtions  à  prononcer  avec  le  Prophète 
cette  fentence  de  condainnacion  :  Les  oHgoifès  ai 
ceux  qui  courent  après  un  autre  Dieu  feront  multt' 
pliees  :  je  ne  feray  point  leur  afperfiort  de  fang,  & 
leur  Èom  ne  paffera  point  par  ma  bouche. 

Apf  es  k  grâce  de  Dieu  qui  nous  a  dotmé  Paflëu- 
fismce,  &  nous  a  fait  dire^  Noftre  pefè  qui  es  es 
deux;  après  la  féconde  qui  nous  a  fidc  fuivre,  Tm 
nom  fait  JenStifié^  ton  règne  advienne,  ft  puis  Té 
votemté  fait  faite;  voici  la  troifiéme  grâce,  qui  éft 
du  pain  quotidien.  Elle  monfire  comment  notii 
feÉdHîes  enfans  de  la  maifon  :  &  quand  le  diaMé 
&  fei  filppots  nous  jettent  hors  des  noftres,  ntnis 
font  abandonner  nos  familles  &  nos  biens  pôùf 
futvre  la  croix  du  Chrift ,  nous  voyons  nos  terres 
pôflTedees  par  nos  ennemis,  on  nous  prive  des  efbats 
&  des  honneurs  pour  y  coUoquer  des  perfonnès 
indignes  ;  bannis  aux  païs  eftrangers,  où  nous  fommes 
quelques  fois  choqués,  au  lieu  d'eftrc  fecourus,  on 
nous  y  appelle  malfaiteurs,  rebelles  &  forbanis; 
certes,  il  femble  que  les  enfants  de  Dieu  foyent 
lors  très  mal  partagés,  &  toutefois  (qui  eft  un 
myftere  incomprehenfible  à  l'homme  animal)  c'eft 
là  où  nous  difons  :  L'Eternel  efl  la  part  de  mon 
héritage  &  de  mon  breuvage;  tu  maintiens  mort  lût. 

Que  les  profperans  du  fiecle  fe  lèvent  du  baiic 
des  moqueurs  pour  nous  demander  où  eft  le  pain 
de  nos  enfants  &  de  nous  }  où  trouverons-nous  des 
terres  &  des  maifons  comme  nous  en  laiflbns  ?  où 
font  les  benediétions  temporelles  de  Dieu^  En  fin  il 
le  fait  bon  fervir,  &  où  il  fe  plaid.  Certes  lors  nous 
nous  moquons  des  moqueurs,  &  mefprifons  les  mef- 
prifans,  qui  ne  fçauroyent  comprendre  comment 
l'homme  ne  vit  point  du  pain  feulement,  mais  de 


Xia     UIDITATtOKt  SOI.  LBt  niADHBt. 

toute  parole  proceduite  de  U  booche  de  Dieu. 
Nous  deiefbmt  rûniHvntt  det  hotunei  abnuii,  qui 
ne  peuvent  cognoinreftn'eateiidcBCrieo  à  ceci  :c^efi 
qu'il  n'y  a  point  de  meilleur  fonda,  que  quand 
Dieu  {ë  fait  nofbc  héritage,  que  quand  nàe  .fcniee 
font  aJEgneet  fur  liU,  quand  H  notii  p^  À  quand  il 
fe  rend  noftre  be^er,  foot  kqud  noue  n'avooi  &ttie 
de  rien  ;  loua  cette  houlette  nous  pcflèdons  la 
^ïilTe  &  les  plaïûn  de  la  terre  :  ue&ne  noua 
avons  par  &  gracé  à  te  remercier,  de  tpâ  Û  enri- 
chit de  nrres  neceflàires  nos  taUes  aux  yaa  de 
nos  ennemis,  jusqu'aux  parfiims  ft  délices  ^edfiéa 
par  Qoftre  poète  facré,  dans  le£]uelles,  comme  il 
dît  aiKeura,  nous  fommes  raiTafiés  de  mfffUrt  ft  de 
fmndifes.  Que  s'a  now  &u  paflér  k  de&rc,  là  fl 
nous  repiift  du  man  &  du  pain  des  Anges,  ft  en  toàt 


MEDITATIONS    SUR    LES   PSEAUMBS.      213 


la  pitié  d'autnii  leur  ait  donné  le  fuaire  pour  le 
dernier  prefènt;  verifians  par  leur  fuccez  ces  pa- 
roles de  rEfprit  de  Dieu  : 

Le  lÀon  affamé 
Bien  fouvent  ne  trouvera  riens  y 
Mais  ceux-là  font  remplis  de  biens ^ 

Qui  ont  Dieu  reclamé, 

C'eft  ce  qui  nous  ravit  en  exultation  vers  le 
Seigneur^  quand  fi  mal  partagés  au  monde,  nous  le 
fommes  heureufement  au  Ciel,  &  chantons  avec  le 
Prophète, 

Que  de  honte  fouveraine 

Sa  main  droite  efi  toute  pleine. 

Et  faifans  allufion  aux  cordeaux  des  arpenteurs 
qui  eftoyent  appelles  aux  partages,  nous  difons, 
Les  cordeaux  me  font  efcheus  en  lieu  plaifant,  çoire 
un  tris  bel  héritage  m'eft  advenu. 

L'enfant  desbauché  demanda  partage  à  fon  père 
en  chofes  mobilières,  légères  &  aifees  à  perdre 
&  diiïïper,  defireux  d'efloigner  la  maifon  &  la  face 
vénérable  de  laquelle  il  fuyoit  les  reprehenfions 
&  les  bons  confeils,  efchapper  la  main  à  craindre 
pour  les  chaftimens,  mais  à  baifer  pour  les  bien-faics  : 
ainfi  font  ceux  qui  fuyent  TEglife  de  Dieu  pour  le 
vain  &  menteur  vocable  de  la  liberté.  Mais  cepen- 
dant que  ces  Efaiis  courent  à  leur  plaifir,  les  Jacobs 
pofledent  avec  la  maifon  &  héritage  la  paternelle 
benedidion  avec  moins  d'efclat  que  les  prodigues, 
mais  en  douceur  &  en  feurté.  Dieu  nous  conduit 
par  fon  Efprit  &  grâce  à  Tamour  du  pain  de  fa 
maifon,  à  ce'  que  nos  infolences  ne  nous  ameinent 


314      MBDITATIOHS   SUR    LES   PSBAUIfSE. 

pas  à  l'cDYte  du  reftc  des  mcrceiuùret,  ni  k  l'uigc 
des  porceaus. . 

Or  voici  U  quacrieime  marque,  pour  renvoyer  les 
objeftions  de  Saon  par  un  teGnotgnage  bien  aÂeuré  : 
C'efl  que  ce  n'eft  point  par  no^  efpee  que  nous 
avons  cène  terre  occupée. 

Nous  confeflbnc  injuSemenc,  qu'il  ne  faut  pts 
facrifier  à  nos  filets,  ni  à  nos  adrefles  pour  avoir 
pris  un  fi  bon  lot,  &  partagé  avantageufemeni  : 
mais  nous  donnons  ainû  ^ire  à  l'Efprit  qui  nous 
a  conduits. 

Je  beniraTrEtemcl,  lequel  me  donne  confeil, 
mefmement  les  nuiâs  efquiElles  mes  reins  m'enfei- 
gnent. 

Les  jours  coulent  trop  toll,  &  les  nuiâs  nous 
doivent  élire  trop  courtes  pour  les  aftiona  de  grâce 


MEDITATIONS    SUR   LBS   PSSAUMBS.      215 

Les  mdflies  différences  paroiffent  en  la  percej^ôn 
qu^en  la  donation  :  car  les  Geans  &  robuftes  veneurs 
ucrifienc  à  leurs  bras  velus  pour  la  proye  qu'ils 
ont  conquife;  les  autres  à  leur  bien-faiteur  :  les  uns 
en  jouyflènt  fans  joayr,  gourmandent  cette  proye 
&  ne  la  favourent  pas;  les  autres  fuccent  les  dou- 
ceurs de  leurs  fttiiàs  en  perpemelle  recôgnoiffance 
au  donneur. 

TeUes  diflferences  paroiflènc  entre  les  bdies  ravit- 
fantes  qui  vivent  de  projre  &  de  fang,  &  les  dducis 
&  innocentes,  defquelles  la  vie  n'dleint  point  d*auire 
vie,  &  les  bojraux  n'avallent  point  les  entrailht 
d'aucun  gibier*  Les  premiers  animaux  dévorent  viUl- 
nement,  jettans  les  yeux  à  gauche  &  à  droite  au 
foupçon  des  tripailles,  menacent  &  grondent  pour 
eftre  e£Broyables,  tout  en  peur,  tout  en  fureur;  & 
mefmes  les  loups  mordent  leau  au  lieu  de  Tavaller 
doucement  :  d'autre  codé  les  petits  poulets,  les 
colombes  &  autres  oyfelets,  ayans  faucé  le  bec  en 
Feau,  lèvent  la  tefte  &  les  yeux  en  haut;  &  regar- 
dez leurs  paupières,  elles  font  contenance  d'adion 
de  grâces  vers  le  Ciel. 

C'eft  à  propos  de  dire  les  caufes  parfaites,  pour- 
quoi les  biens  que  nous  avons  receu  d^enhaut  ont 
efté  accompagnés  de  lieiTe  :  &  quand  les  mefchans 
grinçoyent  les  dencs  en  leurs  profperités,  ils  nous 
ont  veu  pleins  de  joye  en  nos  affliâions.  Dirai-je, 
qu'au  point  de  la  mort,  en  laquelle  ils  hurlent,  nous 
apprenons  à  pfalmodier  à  nofîre  Dieu,  &  jetcer  des 
cris  d'allegrefle  au  lieu  de  leur  grincement  de 
dents?  Car  les  tranfis,  aufquels  leur  loi  défend 
d'eflre  affeurés  de  leur  falut,  n'ont  que  difette 
parmi  leur  abondance,  que  vergôignes  en  leurs 
honneurs,  &  que  terreurs  en  ce  qui  leur  eft  plus 


2X6      MBDITATIOHS   SDK   LIS  FSSADMXI. 


afleuré  :  ils  a'ofbro/ent  dire  à  Dieu  en  foi  comme  Dont, 

VueiiU  fout  Pomirt  ix  tan  aile 
Me  garder  Uen  O*  fmrtm^Uf 
El  tour  aufft  thereme/a 
Qu'on  tient  ie  fon  ml  la  pranelle. 

OÙ  font  les  en&ns  du  flede  qui  olênt  dire  en  le 
croyant,  que  tes  Anges  ayenc  un  cunp  planté  alen- 
tour d'emt,  qu'ils  fervent  de  rideaux  à  leur  lia,  &. 
qu'ils  ayent  pour  chevet  le  gjron  de  Dieu?  Pren- 
dront-ils pour  eux  ces  propos  excellents  ?  Je  les  dois 
fecourir,  car  ils  adorenc  mon  Nom.  Et  void  en 
noltre  Pfeauine,  que  Dieu  ell  à  la  dextre  du  fidèle 
pour  fa  garde.  Il  y  a  bien  de  quoi  s'efcrier  :  Voy^ 
quelle  chanté  U  Ptrt  nous  a  àonaaéj  non  (êulement 
pour  eflre  fi  heureufement  &  precieufement  gardas  ; 


MIOITATIOHS  SVK   LIS    PSIAUMKS.      aij 

Ls  langue  plus  légère  s'e^aye,  &  dit  en  lé  mo- 
quant des  oigueilleuz, 

Le  Toia-puiffiau  ie  itar  façon  dt/pUt^ 
Se  moquera  :  tar  d'tux  il  nt  lai  thàia. 

Et  puis, 

DUu  ft  rit  du  mtf chant,  ^uani  de  fe*  ytux  ouveru 
H  voit  vtiùr  U  jour  de  fa  raint. 

Et  là  defliu, 


Ce  qui  nous  eft  permis  contre  les  faulTes  langues, 
defqueÛes  il  eft  die, 

De  tes  mal-keurt  Ui  fe  riront, 

Et  voila  qu'ils  diront  : 
C'efi  celai  qui  n'a  voulu  prendre 

L'Eternel  pour  fon  foujUtn, 

Et  ce  qui  s'enfuii. 

En  meûne  temps  le  Seigneur  fe  rira  de  leurs 
vanieries,  fe  moquera,  de  tous  ces  glorieux,  ayant 
auparavant  menacé,  Au  jour  de  vofire  angoiffe  je  mt 
rirai  de  vofire  calamité  ;  voila  les  termes  auxquels  il 
e(l  dit  que  la  langue  fe  rit.  Ainfi  du  contentement 
du  coeur,  &  des  exultations  de  la  langue  la  malTe 
prefenie  du  corps  apprend  à  s'afleurer;  cette  chair 
mefme  qui  trembloii  de  la  mort  en  mefprife  les 
menaces,  fur  tout  quand  les  affliftions  de  la  vie  la 
tenaillent,  lui  font  voir  avec  longue  &.  fafcheufe 
leçon  qu'un  mieux  l'attend  qu'elle  doit  ardemment 


3l8        MSDITATIOMS    SV%    LIS   PSKAHMIS. 

dcfirer  ;  &  ptdi  elle  fiit  fon  efpertnce  de  cet  defin . 
E[  c'e(i  ce  que  dit  le  Pfalmifte,  Pomrtmt  mm  cvbt 
j'^y?  es/ouy,  (t  ma  gloire  j^ajl  *SS'^y>  ^"'fi  "*" 
rAair  habitera  m  affeuraxce. 

Il  D'y  a  que  Dieu  très  bon  ft  tr£t  lige  qui  fkche 
envoyer  le  mal  pour  tourner  fon  ufage  en  bien,  & 
d'un  arfenal  d'afflîâions  faire  un  cabinet  de  délices  ; 
il  a  une  referve  d'infimùcét,  bleflures,  hainet,  qo^ 
relies,  maladies,  pauvreiez,  asgotllèt,  prifont,  g^ 
hennés  &  mutilations  de  membres  pour  deffdofer 
fur  nous,  defquelles  il  tire  fur  nous  toute  fermeté, 
guerifon,  amitiez,  concordes,  fanté,  abondance, 
joye,  liberté,  plailîr  &  endere  peifeâion  :  &  ces 
choies  fe  tournent  en  bien  quand  par  fes  eAranges 
moyens  le  corps  efl  apprivoifé  à  fuivre  fon  >me 
franchement;  tout  s'accorde  ;  Vame  féconde  en  pieté, 
,  les  cncraillcs  en  charité.  '" 


MIDITATIOMS   SUS.    LIS   rSKADMII.      atf 

quand  le  Prophète  nous  &  moo&ré  Cbrift  relevé  du 
tombeau,  ft  nous  a  fait  voir  qu'ayant  part  i  Su 
f^tcet  par  le  droit  d'adopdon,  fa  relurreâioQ  c&  le 
gage  de  la  noftre  :  aînlî  die  fajnf»uee  aux  Cieux,  oit 
ïï  a  pria  place  pour  fea  coheritiera.  AulE  eft^il  dit 
p»ur  noua,  fous  lut,  ft  avec  lui,  Car  tu  i^abandat^ 
Htrat  point  nuin  amt  au  ftpidchTe,  ir  mê  ptrmêttnt 
qut  ton  Santal  fente  corruption. 

La  pourriture  du  corps  eft  de  peu  de  moment, 
pource  que  nulle  partie,  tant  petite  foii-elle,  ne 
s'en  perdra,  puis  que  la  terre  &  la  mer  rendront 
conte  de  leurs  morts,  pour  les  reprefenter  :  ft 
cette  chair,  ayant  elle  confite  en  la  mort,  renaiftra 
purgée  de  toutes  fes  împerfeâions  ;  non  feulement 
fans  playes,    mais  aulli  fans   cicatrices  &  diflbr- 

Lcs  animaux  irraifonnables  font  de  toute  autre 
condition,  eflans  nés  pour  ne  renaiftre  point  :  ft 
nature  qni  le  pui^e  d'eux  par  leur  extinâion,  fe 
glorifie  en  la  confervation  des  corps  humains,  comme 
fes  précieux  inltrumens  de  la  gloire  celelle  :  &  le 
fecret  de  cela  eA,  que  ce  qui  ell  fainâ  ne  verra 
point  corruption. 

Les  philofophes  Ethniques  ont  bien  fçeu  dire, 
que  la  dernière  mutadon  ne  nous  change  qu'en 
nous  mefines,  ft  non  point  en  un  autre  :  &  ce  mou- 
vement tend  à  fou  information,  ou  à  fon  achève- 
ment &  perfeftion,  qui  n'eft  qu'au  fécond  &  der- 
nier repos,  fin  du  defir  ft  du  mouvement.  Quand 
la  mon  difibut  le  corps  de  Thomme,  le  feparant 
pour  le  purifier,  elle  ne  fait  point  périr  le  germe 
immortel  qui  refîinie  le  tout  ;  la  dilTolution  apporte 
non  la  dedniâion,  ni  l'extinâion,  mais  le  renou- 
vellement :  elle  n'a  pas  pour  office  de  réduire  i.  rien 


OM   SUK   I.BS    PSIAVKIS. 


ce  qui  eft,  mais  que  le  caduc  fe  relevé,  que  le  def- 
crepii  fe  rajeumJIe,  que  le  mortel  renaiflëpour  def- 
poulller  la  mortalité.  Si  cela  par  la  cognoiÂTance  des 
Payens  s'elt  peu  dire  de  tous  corps  humains,  i  caulë 
que  l'homme  eH  le  plu«  précieux  animant  de  ce  grand 
immortel  animant  du  monde.  Empereur  fur  les 
autres  animaux. 

L'homme  dt  qui  Vefprit  À  ptnftr  ejt  parti 
Deffus  Us  Ciaix  dtt  CUux  vtri  ta.  diviniU 
A  ffvir,  adorer f  refaruur,  O"  cognoiftrt. 
Juger  pour  le  pUa  haut  te  qai  ejt  au  hu  efire^ 
Efi  exempt  de  la  Loi  qui  fou*  ta  mort  le  readj 
Et  de  ce  privilège  a  le  Ciel  pour  garant. 


Si,  di-je,  on  a  jt^  la  durée  de  l'homme  fur  ces 

mArtjLics,  que  peui-on  dire  du  Chreftien,  duquel  1' 


MEDITATIONS    SUR   LES    PSBAUMBS.      2tl 

Dieu  des  armées,  le  grand  Roi  de  tous  les  Rois, 
daigne  bien  nous  prendre  par  la  main,  fe  faire  noftre 
guide  pour  nous  conduire  par  un  pedc  fender  droit, 
mais  efpineuz,  à  la  porte  eftroice,  &  de  là  à  la  cou- 
ronne de  gloire  &  en  fon  paradis.  Ce  fut  avec  grand 
murmure  que  le  peuple  d'Ifraël  entra  dans  ce  che- 
min. Les  murmures,  les  eaux  changées  en  fang, 
toutes  les  playes  d'Egypte  ne  les  pouvoyent  animer 
à  prendre  ce  deflein,  û  la  main  de  Dieu,  par  le  mi- 
niftere  de  Moyfe,  ne  les  euft  conduits,  tirés,  traî- 
nés :  le  labeur  des  pots,  les  tafches  rengregees,  le 
meurtre  des  enfants  mafles,  &  en  tout  le  dur  joug 
de  Pharaon  fervit  de  lieu  commun  aux  fuafions  die 
Moyfe,  comme  les  duretez  de  cette  vie  donnent 
commencement  à  Feftime  &  au  defir  de  l'autre.  Les 
deferts  de  quarante  ans  rendiient  doux  le  nom  de 
Canaan,  &  l'effiroyable  regard,  ou  fouvenir  de 
l'Egypte,  corrigeoit  le  regret  des  aulx  &  des  oignons  : 
car  c'eft  de  la  nature  humaine,  de  vouloir  toujours 
tourner  le  pied  arrière  :  quand  nous  fommes  dans 
ce  fender,  qui  nous  conduit  à  vie  plus  heureufe, 
peu  de  Calebs  &  de  Jofuez  continuent  fans  mur- 
mure la  haine  &  le  mcfpris  de  la  vie,  &  fervitude 
d'Egypte,  pour  aimer  dignement  &  eftimer  la  féli- 
cité de  Canaan. 

Que  s'il  a  pieu  à  Dieu  nous  faire  naiflre  de  fes 
débonnaires,  &  non  pas  de  ces  belles  qu'il  faille 
dompter  par  maux  fans  nombre  &  par  douleurs 
.  extrêmes;  &  qu'auffi  il  nous  traitte  en  fes  douceurs 
&  benedidions  de  cette  vie,  nous  faifant  la  grâce 
d'eilre  ravis  en  fon  amour  par  ce  traittement,  il  ne 
faut  pourtant  pas  changer  le  defTein  du  Ciel,  quel- 
ques ravis  que  nous  foyons  ici  aux  contempladons 
celefles  :  ou  bien  il  nous  fera  dit  comme  à  Pierre. 


333      MEDITATIONS    SUS    LIS   PtKAVHBS. 

qui  vouloit  en  k  cransfiguration  de  Cbrift  (qui  leur 
monftra  un  rayon  de  fa  gloire)  dreflcr  iroi»  nber- 
nacles  :  il  faut  monter  plus  haut,  &  qu'un  ruîflêau 
plaifant  du  deferi  ne  retarde  point  l'enftfeprife  de  It 
terre  fainâe  &  fon  achenûnement. 

Les  pauvres  Payeos  nous  om  mefrae  donné  quel- 
ques leçons  pour  monftrer  que  la  dernière  «Tpe- 
rance  doit  engloutir  toutes  les  autres  paffions;  ils 
nous  ont,  poètes  ou  hiftoriens,  dépeint  un  Eoee 
chaffé  de  fon  pays  naturel  par  une  outrageufé 
guerre,  les  deflinees  lui  ayant  promis  le  Ladum,  ft 
là  une  aife  parfaite  ;  fon  chemin  eft  trtverl*  de  deux 
fortes  d'accidens;  U  première,  d'un  pefant  fardeau 
de  père,  mère  &  enfant,  qu'il  lui  h\it  porter  &  me- 
nerj  de  lempedes  maritiitaes,  de  la  mort  de  fes  plus 
chers  compagnons,  tfu  péril  de  l'ifle  enchanierefle. 


lilDITATIOWS   SUR   LIS    PSBAUMSS.      22} 

comparés  avec  Us  dominations  efdaves  de  Satan;  ft 
oà  tant  s'en  faut  qu'il  y  ait  repos,  que  les  vafte^ 
grandeurs  les  font  efgarer,  les  richeifi^s  leur  donnent 
bguerre  ;  leurs  eflevations,  tant  plus  elles  font  hautes, 
nm  plus  trouvent  elles  d'envie  ft  de  vents,  &  plus 
dangereux  en  cft  le  précipice. 

Le  but  de  noftre  efperance  eft  au  vrai  ft  feul 
paradis,  &  la  couronne  de  gl(Hre  :  le  chemin  en  eft 
fude  &  noncueux,  comme  celui  qu'on  attribue  à  la 
verta.  11  y  %  plus,  la  fin  en  eft  tousjours  par  la 
cheote  de  la  vie.  Certes  les  uns  font  cette  cheute 
par  précipice,  les  autres  s's^enouiUent  &  coudient 
doucement  :  mais  en  elle  (pour  tirer  encore  qud-^ 
ques  fleurs  de  nos  Ediniques)  il  faut  contrefaire  ce 
glorieux  Empereur,  qui  tombant  à  Tentree  de  fa 
conquefte,  baifa  la  terre,  &  dit  (ce  que  nous  pou- 
vons mieux  dire  que  lui),  Je  prends  pojfeffion  de  toi, 
o  Canaan  celefte,  je  te  Jaluë,  héritage  que  le  Ciel 
me  devait» 

Tous  les  defirs  hiunains,  voire  les  plus  violens, 
(ont  trompeurs,  ou  par  le  manquement,  ou  par  la 
(atieté  :  les  defirs  du  Ciel  font  infaillibles,  ft  de 
}uftes  defirs  deviennent  véritables  plaiflrs  :  les  joyes 
de  ce  monde  eftoyent  feu  de  paille,  bien  toft  ch»-- 
grins  ;  autre  eft  la  joye  éternelle  :  les  amitiés  des 
homme^en  peu  de  temps  fe  trouvent  faufTes,  &  les 
amours  du  Ciel  font  éternels  extafes,  &  raviflemens 
par-defTus  noflre  imagination  :  nous  a£feâons  de 
gpufler  le  bon  &  contempler  le  beau;  Dieu  fetil  eft 
le  bon  &  le  beau,  nous  goufterons  d^iceluy  ft  cok 
gnoiilrons  fa  grande  douceur. 

Ce  paflâge  qui  a  un  nom  û  rude,  a  un  effeâ  fl 
doux  :  il  y  a  des  douleurs  pareilles  à  celles  des 
mères  qui  accouchent,  ft  des  en&nts  mefmes  qui 


234      MZDITAT10H8  SVR.    LKS    PSKAUlflS. 

ont  à  fortir  d'une  tenebreulê  prifbn  pour  venir 
jouyr  de  la  lumière  :  qui  refiiferoit  cette  mon  pour 
pafTer  à  la  vie,  tirés  &  conduits  par  la  main  de 
celui  qui  nous  a  aim^i  avant  que  nous  fiiflioni  pour 
nous  faire  elh'e }  &  quand  il  nous  tend  les  mains 
pour  nous  donner  l'efbe  de  perfcâion,  avancerons- 
nous  point  nos  mains  au  devant  des  Hennés,  ferons- 
nous  pas  la  moitié  du  chemin  vers  lui } 

Comme  ceux  qui  au  travers  de  la  fumée  &  des 
armes  ennemies  vont  au  devant  de  leurs  fecours, 
quand  nollre  batteau  brifé  des  tempeftes  arrive , 
faucons  à  terre  dans  le  pon,  &  ne  delcendons  point 
à  regret. 

Or  voici  le  comble  de  joye  &  de  lieflè  ;  c'eft  que 
cette  félicité  efUnt  départie  en  diverfes  maoûons, 

mplira  chacun  félon   fa  mefure,  afin  que  chacun 


MEDITATIONS   SUS.   LIS  RSSAVMIS.      MZ^ 

pour  finir,  c'eft  là  où  nous  attend  cette  béatitude, 
qui  n'a  peu  eilre  dépeinte  dignement,  ni  par  la  Ma- 
jefté  de  Sina,  ni  par  le  fplendide  palais  qu'Ezechiel 
nous  a  reprefenté,  ni  par  le  glorieux  eftat  de  la 
Transfiguration,  non  plus  par  le  portraiâ  de  celui 
qui  parut  à  Sainâ  Jean  entre  les  chandeliers,  ni  par 
Teftat  excellent  de  la  triomphante  Jeruiklem  :  c^eft 
ce  que  nul  œil  n'a  peu  voir,  nulle  oreille  n'a  peu 
ouyr,  nul  efprit  n'a  peu  comprendre,  &  que  nul 
cœur  n'a  peu  deûrer  dignement. 


II. 


LHEliCVLE   CH%ESTrE:r^. 


L  HBRCULB    CKRBSTIBK.  %2rj 

Ce  chemin  nouveau  que  je  vous  veux  donner 
&  ordonner,  c'eft  que  vou«  portiez  plus  de  pidé  que 
d'envie  à  ces  belles  refvcries,  defquelles  on  peut  drer 
plufieurs  dodrines  pour  la  Philoibphie  naturelle, 
ft  plus  encores  pour  TEthique  :  m*accommodanc  en 
cela  à  la  foie  curioûté  de  ceux  qui  aiment  mieux 
UgêTê  aurum  ex  Emni  ftêrcorej  q\it  de  prendre  For 
d'Ophir  tout  pur  de  la  parole  de  Dieu,  où  il  vous 
en  prefente  fans  efcume  &  fans  imperfeâion. 

Je  vai  donc  vous  donner  un  exemple  pour  tirer  des 
fabuleufes  feintes  les  véritables  enfeignements,  pre- 
nant pour  eflai  les  labeurs  d'Hercule,  choififTant  de 
trente  quatre  qui  lui  font  attribués  une  douzaine  de 
ceux  qui  plus  à  propos  fe  rencontreront. 

Les  meilleurs  des  Anciens  lui  en  attribuent  douze, 
&  Macrobe  (qui  fur  le  nom  d'Hçrcule  veut  qu'il 
n'ait  efté  autre  chofe  que  le  Soleil)  lui  donne  les 
douze  fignes  du  Zodiaque,  lefquels  il  paffe  tous  les 
jours  :  pour  ces  douze  labeurs  qu'on  allègue,  je 
le  prends  autrement,  &  veux  que  T  Hercule  Chref- 
den  obtienne  les  victoires  figurées  par  ces  monfires 
abbatus. 

I.  Commençant  dés  le  berceau,  comme  dés  lors 
fanâifié  à  Dieu  par  une  generofité  naturelle,  à 
efteindre  les  malices,  les  choleres,  defpits  &  mau- 
vaiûiez  de  la  première  jeunefFe,  figurées  par  ces 
deux  ferpens  qui  fe  couloyent  dans  le  maillot 
d'Hercules,  &  dés  lors  rendent  quelque  preuve 
que  les  enfans  de  Dieu  font  fandifiés  dés  le  ventre 
de  la  mère. 

a.  Eftant  advancé  à  la  première  jeunefle,  &  trou- 
vant les  péchez  qui  ne  s'avancent  plus  contre  nous 
un  à  un,  mais  fept,  &  fept  fois  fept  à  la  fois, 
noftre  jeunefle  d'Hercule  doit  apporter  feu  bruflant 


338  L'HBS.CVL>    CBKKSTIBN. 

&  lumineux,  &  le  trenchani  du  gliîve  de  la  parole 
à  U  deftniAioa  des  crimes  renaiflàns,  qui  attaquent 
(urieufement  &  par  venin  les  mœurs  de  la  jeuneiTe, 
comme  Hercule  fe  fervii  du  fer  &  du  feu  i  la  def- 
cruAion  des  tefles  renaiflantes  de  fan  Hydra. 

3,  Les  volupœz  légères,  foit  &  pourfuivre,  foit  à 
fuyr,  fbyent  reprefentees  par  la  biche  aux  cornes 
d'or,  auflï  plaifanie  i  voir  que  dangereufe  à  efprou- 
ver  ;  c'etl  là  où  la  viileflê  d'Hercule  eft  à  prati- 
quer, Toit  à  la  fuyr,  foit  à  la  pourfuirre  pour  l'at- 
teindre. 

4.  Mais  au  prix  que  nous  devenons  forts  fe 
prefentenc  aulTi  des  ennemis  plus  dangereux  ft  des 
vices  plus  furieux.  Cela  eft  defpeint  par  le  Lion 
Nemean,  figure  de  l'orgueil  qui  nous  fùfit  en  ado- 
iefcencc,  &  qui  nous  rend  beftes  furieufes,  qui  1 


l'rb&culb  ch&istiik.  laç 

vaincre  en  nous-meûnes  U  nature  porcine,  qui  nous 
fiûc  gafter  les  beaucez  que  nature  nous  concedoit, 
nous  rend  porceauz  en  pareflè,  en  gourmandife  &  en 
i^peds  fauvages,  &  nous  fait  tousjoiu^  retourner 
en  la  boue  &  au  fouil  de  nos  ordures.  Cet;e  là  eft 
la  viâoire  la  plus  necéflaire  à  l'Hercule  Chreftien. 

7.  De  meûne  nous  donner  garde  de  (ânâifier 
&  fâcrifier  à  Dieu  noftre  jeuneflie,  refervant  ce  qui 
eft  plus  fpecieuz  &  plus  beau  à  nos  plaifirs,  &  em- 
ployant cette  beauté  conlacree  aux  voluptez  :  car 
Dieu  punit  ce  mauvais  choix  par  la  fureur  de  Tef* 
prit,  à  laquelle  il  abandonne  noftre  jeuneiTe,  la  laifle 
abujèr  de  la  force  &  reflembler  un  uureau  efchappé 
en  fa  fureur.  Si  nous  en  venons  là,  il  faut  abbatre 
&  porter  par  terre,  dompter  à  bon  efcient  nos  vi- 
gueurs naturelles,  qui  rendent  forts  &  vigoureux 
nos  péchez. 

8.  Anthee  nous  fera  ce  grand  vice  pefant  de 
r amour  de  la  terre,  qui  nous  fepare  des  defîrs  ce- 
leftes,  nous  attache  à  foi,  bannit  nos  efprits,  par  la 
contagion  du  corps,  des  contemplations  fpirituelles 
&  celeftes  amours.  Tant  que  Hercule  le  combatit  fur 
le  champ  de  fa  naifTance,  il  n*en  peut  venir  au  bout, 
mais  Teflevant  hors  de  fon  élément,  il  le  fait  petit, 
preflfé  par  la  vertu.  Ainfi  eflevant  nos  defirs  de  la 
terre  vers  le  Ciel,  nous  nous  vainquons  nous  mefines 
&  eux  avec  nous,  &  nos  âmes  triomphantes  amei- 
nent  le  corps  à  leur  domination. 

9.  De  là  nous  venons  à  la  viâoire  obtenue  fur 
Cacus,  le  mefchant  larron  $  meurtrier,  fils  de  Vul- 
cain  vilain  &  contrefait  :  Vulcain,  qui  forge  par  le 
feu  les  foudres  puniiïeurs  de  nos  démérites  &  de 
meline  feu  efchaufie  en  nous  les  defirs  d'ambition 
&  d'avarice,  les  fouhaits  du  bien  d' autrui,  &  de  là 


330 


L  HBRCULI    < 


nous  fait  brigand»  &  ravilTeun  par  diTerfei  voye*. 
Ces  defirs  engendrent  &  jettent  le  fèu  dans  U 
tanière  de  nos  cccurs,  rare  vidoire  de  l'Hercule 
Chreftien,  &  pour  laquelle  il  faut  eftre  doiié  de 
celefte  vertu. 

10.  Par  ce  vice  nous  devenons  demi  hommes 
&  demi  beftes  ;  &  ce  font  les  Cenuures  enfants  des 
Nues,  à  la  nailTance  defquels  le  Soleil  eft  empefché 
de  contribuer  par  les  fumces  de  nos  vices.  Bienheu- 
reux ceux-là  qui  defpouilleront  les  beliialités  pour 
fe  rendre  hommes  païfaiis  &  régénérés  en  naiflance 
à  Dieu! 

11.  Tel  doit  eflre  celui  qui  travaillera  i  la 
délivrance  de  la  pauvre  Hefione,  &  la  fera  d'efdave 
triomphante,  &  de  captive  maidreite  de  fon  cœur, 
c'efl  à  dire,  qui  travaillera  à  la  libené  de  l'Eglife 


L  HBS.CULB    CHS.BSTIBN. 


231 


tinfi  noftre  Hercule  au  lieu  det  cheveux,  qui  mar- 
quent les  délices,  ft  qui  ne  font  qu'excréments  que 
nous  retranchons  tous  les  jours,  pone  dés  fon 
enfance  les  lauriers,  marques  de  fa  viâoire,  ft  les 
olires,  fymbdes  de  fa  paix. 


CONFESSION  CATHOLIQUE 


DU    SIBVR 


DE     SANCY. 


[Pabliée  pour  U  première  fois  d'après  le  mAnufcrit  de  U  CoUeAion 
Troschin.   Mu.  d'Anbignè,  T.  IV,  a*  partie,    •  i.] 


CONFESSION  CATHOLIQUE 

DU   SIEUR  DE   SANCY 

Et  Déclaration  des  caaret,  tant  d'Eftxt  que  de  Religion, 

qui  l'ont  meu  à  fe  remettre  au  ^ron  de 

l'Eglife  Romaine. 


LIV%E  V1{EfMIE1{, 


A  Monfieur  le  Beverendiflîme  EVESQUE  D'EVREUX 


deffence  de    leurs  tc\ 
d'autres  cho/es  à  défendre,  les 


YANT  délibéré  de  mettre  en 
lumière  ma  Coiifeffion  {nuvre  que 
je  pais  vanter  n'efire  pas  pa- 
blici  faporis)  Je  n'ay  pas  voulu 
faire  comme  ces  ignorant,  lefyuels 
ayant  quelque  auvre  doubteux  à 
mettre  au  vent,  cerckent  pour  la 
le  Roy,  qui  a  tant 
très  quelque  Prinet 


»l6      CONFESSION    DC    SIBCK.   SB    SAKCT. 

noa  mefdifaitt,  eomau  loi  âMt  traduSturs  du  Tasto, 
qui  a  chùifi  pour  fou  apologu»  U  Prinet  dt  Conty; 
les  autres  y  tmploytnt  let  CoiaenuarSf  plus  fa^ 
gneux  des  refcriptioiu  que  d»  rymas,  on  Us  Fimûx- 
eiers  occupe^  à  l'exercice  de  Uur  fidélité.  Ei^n  la 
folie  des  dedications  eji  venue  Jufquet  au  Capitaine 
d'Argoulets  &  couppejarets.  Le  fteours  de  telles 
gens  fer!  auffï  peu  à  la  deffenee  de  ces  mauvais  petits 
livres,  que  fi  on  peignait  des  baflions  aux  coings  des 
pages,  ou  fi  l'onfaifoit  la  couverture  à  la  preuve  du 
pijiolei.  Ces  cautions  ne  d^endeni  point  une  mau- 
vaife  caufe  des  cenfures;  mais  c'ejl  en  vofire  fein 
capable  de  toutes  chofes,  Monfieur  mon  Converti£'eur, 
que  yay  voulu  /etter  ce  petit  avorton^  vous  ayant 
oûy  (par  manière  de  paffetemps)  dépendre  VAlcoran 
de  Mahomet  (T  le  Talmud  des  Juifs j  avec  telle  dex~ 


A    MONSIBUR    l'BVBSQUB    d'BVRJIUX.     ZJ/  ' 

comftrvaiions  ayants  touché  les  anus  en  perplexité, 
vous  a  rendus  force  difciplesj  preparei  &  acquis  U 
nom  de  Grand  Converdfleur.  Pour  ces  raifonsje  vous 
ay  dédié  mon  livre ,  joint  qii ayant  refolu  de  quitter 
cette  voie  e/pineufe.  Je  fis  eleéfion  de  vous  pour  le 
Sacrement  de  ma  converfion.  Je  vous  dis  Sacrement, 
pour  ce  que  vous  m^ave^  promis  de  la  faire  conter 
dorefnavant  pour  le  hui&iefme  &  le  mettre  au 
devant  de  la  Confirmation.  Ces  fignes  feront  une 
charge  de  livres;  la  chofe  figniflee,  <^efl  Vefperance 
de  parvenir.  De  toutes  ces  chofes  Je  veux  faire  une 
ample  &  publique  déclaration  :  dequoy  Je  faifois 
une  grande  difficulté,  n'appartenant  qv?à  perfonnes 
publiques  de  mettre  au  vent  des  efcrits  manifeftes; 
mais  feu  Monfieur  de  Sponde  m'a  appris  à  vaincre 
cette  difficulté,  encore  qu'il  rteufl  rien  de  public  que 
fa  femme.  Or  pour  ce  que  ces  derniers  efcrits  ont 
fervy  de  prétextes  à  la  converfion  de  force  honneftes 
gens,  &  ont  donné  quelque  couverture  à  la  mienne, 
Je  reproche  (comme  enpaffant)^  à  ceux  quiluy  avoyent 
fait  de  fi  hautes  promeffes^  qitils  debvoient  pour  le 
moins  retenir  ce  fainél  perfonnage  par  une  honnefte 
prifon  en  l'Abbaye  de  Sainél  Martin,  comme  autres-^ 
fois  Poflel^  tr  maintenant  Cayer,  doéles  tr  fols,  ou 
pluftoft  au  Fort  VEvefque,  comme  Maiftre  Pierre, 
que  de  les  laiffer^  ayant  encore  Vefprit  troublé^  aller 
par  defpit  machiner  la  prife  de  Bayonne,  &  faire 
rompre  fur  la  roue  fes  compagnons,  Encor  le  mal 
eflant  fait^  y  avoit  il  bien  moyen  de  payer  la  grof'^ 
feffe  de  la  fille  de  M,  de  Guerres^  fon  hofte,  fans  le 
laiffer  courir  à  la  cruelle  refolution  qt£il  luyfalut 
prendre  de  Vefpoufer,  avec  difpenfe  de  fa  Sainéleté 
&  un  décret  du  Confeil  de  confcience,  que  Père 
Alexandre  eut  favorablement  defpefché;  il  pouvait 


3)8      CONFSSSION    DU  HBHR    DS    SAKCr. 

commoderrunt  eitipoifomur  fa  ftmmê  pour  fa  cadia- 
lique  <T  urttverftfU  Ivxurt  txtrett  tu  Brottag».  Mais 
encore,  pour  quoy  n»  pumt-on  pas  la  boittuft Roltttt 
de  la  Rochelle,  qui  fit  deux  grandes  mefehaiietiejf 
l'tme  de  s'offrir  au  paKvre  de  Spoiute,  pour  ea^i- 
foniur  fu  Maiftreffèj  de  laquelû  elle  lui  conta  Ut 
peckej  les  plus  defeomertSj  ftàtaiU  ta  eo*fpiraiio» 
faite  par  elles  deux  de  Brotagef  l'autre  malice  fut 
de  changer  de  potage  &  lui  domur  le  contretemps 
de  poijon.  Je  dis  ces  cko^  en  pafani  contra  Papi- 
nion  des  Huguenots,  qui  le  eroytnt  enoir  efié  empoi- 
sonné par  Monfeur  Raimondj  pour  avoir  efii  rtconu 
en  ce  nouveau  convert  quelque  trouble  de  eonfcienee, 
tr  fa  volonté  d'aller  faire  fa  repentanet  à  la  RoelulU, 
Voila  pour  l'apologie  de  fa  mort  &  de  la  lurdiafe 
r  Je  preni  en  faifajU   ma  déclaration  puhliqm») 


Chapitk.1  pR.tMiia. 
Dé  FaultiarM  dm  PEgUfê  &défim  ek^. 


K  n'a  que  trop  «lebtnu  en  ce 
lempt  C  l'Eflat  dl  en  l'Edifê, 
ou  û  l'EgUft  ell  en  l'Edu.Cciu 
qui  veulent  que  l'Elfe  foii  en 
elle,  les  uns  difent  qu'elle  ne 
feroic  pu  univerfelle,  fi  elle 
eftoit  circumfcriie  de  i'Eftat, 
qui  n'eil  pas  univcrfet;  In  autres  prenant  mclinet 
chofci  pour  exemple  :  Voyez-voui  pas,  difénc-îls, 
comme  l'Eftat  fe  foubfmei  k  l'Eglife,  que  ce  brave 
Roy,  après  tant  d'armées  desfaites,  tant  de  ûcges 
heureux,  tant  de  grandi  Princes,  fes  ennemis,  abba- 
tus  i  fes  pieds,  il  a  fallu  que  lui,  fe  profiernant  aux 
pieds  du  Pape,  ait  receu  les  gaulades  en  la  per- 
fonne  de  MonTieur  le  ConveroCeur  &  du  Cardinal 
d'Oflat ,  lefquels  deux  furent  couchez  de  ventre  4 
bechencx,  conune  une  paire  de  maquereaux  fur  la 
grille,  depuis  Miftrtre  jufqu'à  viiidos,  Encor  dit  on 
qu'il  a  falu  depuis  joiier  i  meûne  jeu  entre  la  per- 
Ibtine  de  &  Majefté  &  Monfieur  le  I^gat,  toutes 
fois  c'a  cfté  doucement  &  foubs  la  cuftode.  Ceux 
qui  veulent  aoichiler  l'authorïté  du  Sainâ  Siège, 
all^juau  la  hardiefle  de  la  Cour,  laquelle  fugi- 


340      CONFB5SION    OU    tIBVR    DE    SANCT. 

live  à  Tours,  ofa  faire  brufler  les  Bulles  de  Sa 
Sainteté  par  un  bourreau.  Ils  allouent  aorés  cela 
une  féconde  hardielTe  de  la  Cour  unie  enlemble  au 
banniffemenc  des  Jefuilles  de  France,  qui  eft  un 
grand  mefpris  du  Sainft  Siège.  Mais  je  refpons 
contre  cela  qu'on  n'eft  pas  il  s'en  rependr  :  celmoin 
la  bonne  Cacholique  de  Tournon,  &  i  fon  initadon 
les  Parlements  de  Thoulouze  &  de  Bouidcaux,  qui 
replantent,  maugré  tout  le  monde,  ïous  cei  grand* 
deffenfeurs  de  l'Eglife  Catholique.  Voila  des  preuves 
d'une  part,  Se.  d'autre  parles  effeâs .'Maintenant  j'en 
veux  cercher  par  les  caufes  ;  &  que  nul  ne  treuve 
etlrangc  cène  façon  de  procéder.  Il  y  a  des)à  long- 
temps que  nous  conlîderoiu  en  France  les  affaire* 
par  la  confequence,  &  non  pas  par  les  ralfbnt.  Ei 
i  i'advefcis  le  Lefteuf  que  j'iurois  plus  (oft  fait 


CHAPITRE    1.  241 


pour  abréger,  j'ay  leu  la  diflindion  &  Canon  pro^ 
pofmtj  (de  Con,  prœ.  19.  Cap.)  Si  Romanorum^  où  il 
eft  notamment  dit  du  Pape  que  fecundum  phnitu^ 
din&m  poteflatis  potêjl  de  jure  fupra  jus  dijpenfarê. 
Et  5  (Tranflfubft.  cap.  5  in  gloff.)  il  eft  dit  en  expli- 
quant, qu'il  peut  ex  injujiitia  juftitiam  facere.  Mon- 
fieur  le  C>nyertii{èur,  ne  vous  eftonnez  pas  de  ces 
derniers  paiTages,  les  renforçant  d'un  troifjefme,  où 
U  eft  dit  que  le  Pape  peut  facere  infeéia  fa&a 
irfa&a  iirfeéla.  Par  une  feule  hiftoire,  dit  il,  je  vous 
prouvera/  que  le  Pape  peut  difpofer  du  droi£t 
contre  tout  droiét,  faire  de  injuflice  juftice,  &  que 
les  chofes  faiétes  ne  le  foyent  point.  Ce  grand  Pon« 
tife  Sixte  Cinquieûne  qui  fit  trancher  en  fa  vie 
quatre  mille  tcftes,  &  portoit  envie  à  la  Reine  d'An- 
gleterfe,  d'avoir  goufté  le  plaifir  [de  faire] /û/wr*  una 
tefla  Coronata^  celui  mefmes  qui  ofla  les  bourdeaux 
des  femmes  &  des  garçons  faute  d'avoir  veu  le  livre 
de  Monfieur  Cayer,  (car  ceux-ci  les  remettent, 
&  par  confequent  odante  mille  ducats  de  rente  à 
l'Eglife)  celui  qui  difoit,  no  fi  chiava  in  quefla  reli" 
gione,  no  durera,  &  que  le  Roy  appcloit  Maiftre 
Sixte,  qui  fut  fait  Pape  pour  avoir  perdu  un  pour- 
ceau, ce  grand  perfonnage  eftant  donc  par  mal- 
heur entré  en  paft  avec  le  Diable,  &  ayant  leu 
comment  Alexandre  fixiefme  qu'ils  appelloyent  en 
fon  temps  Alex,  papa  (pour  ce  qu'il  avoit  pris  la 
chaire  par  force)  fut  trompé  fur  les  douze  ans  &  fix  ; 
ceftui  ci  fit  fon  marché  à  régner  fept  ans,  &  fon 
contrad  fut  fort  fimple,  pour  fe  garder  de  l'^*  car- 
iera d'un  tel  Notaire.  Après  qu'il  eut  régné  cinq  ans 
fort  redouté,  il  tombe  malade  le  dernier  jour  du 
cinquiefme  an,  &  à  la  veuë  de  fon  Camerier  Mag- 
giore^  vint  à  fon  lid  un  Romipete,  avec  lequel  le 
n.  16 


243       CONFESSION    DU    StlDI.   Dl    SAHCT. 

Pape  entra  ea  des  grandes  alnradoni.  Lu  aflif- 
tam  entendireor  cooune  le  Pap«  ippelloÎE  l'autre 
perfide,  l'inEern^uaot  s'il  n'avott  pas  pranis  fept 
ans  abibliu,  &  l'il  y  en  avait  ^a«  de  cinq  p«lï«. 
L' AmbalTadeur  d'Enfer  refpond  à  dure  voix  :  Il  4I 
vrai  qu9  je  ^ay  pnmù  ftpt  auSj  &  i^tm  *t  r^mi 
qut  cinq,  &  Ji  pour  etU  jt  m  fiât  pomi  ptrfiiÊ. 
Souvitn  lor  fM  Pmî  ptfi  rmlâÊÊt  fai'n  mourir  i* 

fih  dt pour  mmr  la  /i^fitM  r#  rmoif 

Iront  qu'tlU  Mt  /*  ptaveù  foin  mourir  pv  Ut  Icit 
avant  fei^e  ans,  tf  qi^H  r^tn  avoir  quo  qaalorjo,  in 
/(  fil  poiatfuu  iHourù,  (>  rtjpondis  qu€  tu  lui  om 
dannois  d*ux  d*t  tiotts.  Or  cinq  &  deux  font  fept,  il 
s'en  faut  venir,  &  s'en  alla  avec  une  façon  eftnnge, 
comme  je  l'ay  Iceu  par  MtOoTieur  de  Vîc,  qui  lors 
du  fiege  de  Paris  Gouverneur  de  Sainâ  Daus,  me 


CHAFITaS  t. 


«43 


Meflè,  où  le  Roy  fut  facré,  avec  ceux  qui  y  aflif- 
coyenc,  n'avoic  pas  trop  de  tort  de  dire  qu'une 
Aflèmblee,  qui  fe  fit  d'Ecdefiaftiques,  eftoic  pour 
eflire  im  Dieu.  Le  Chancelier  le  reprenant  :  Par  U 
corps  Dûuj  Monfieur,  dit  U  rufire,  vous  nfaàvù&s^ 
r9\  quê  Dùu  êftoù  à  cêfié  Mêfft  là.  Le  Œancelier 
ne  Tofant  nier,  l'autre  demande  s'il  y  avoit  là  quel- 
que hérétique  qui  vouluft  borner  la  puiflànce  de  ùl 
Sainâeté  ;  chacun  haulTa  les  efpaules,  aimant  mieux 
concéder  l'excommunication  du  Dieu  du  Ciel  que 
de  borner  la  puillance  du  Dieu  en  terre. 


Chapit&b  II. 

Dêt  traiitioiu.     . 


N  faia  bien  fafcliÈf  les  Hugue- 

nois,  quand  on  leur  r 
l'authorité  de  l'EgUfe  &  les  tra- 


CHAPITRB    II.  245 


temps  nous  avons  veu  à  la  Cour,  &  avons  encor 

Siuelques  Doâeurs,  qui  pour  contrefaire  les  con- 
denneux  font  les  demi  Huguenots  &  les  appoin- 
teurs  de  Religion.  Ce  debvroit  eftre  imbel  exemple 
à  Monfieur  Benoift  &  fes  compagnons;  Berenger 
ft  Chauveau  en  font  morts  de  mdancholie  ou  de 
poison.  Ces  galands  vouloyent  perfuader  la  fup- 
preffion  d'un  livre  nommé  Indêx  êxpurgatorius. 
Ceft  un  refultat  du  Concile  de  Trente,  félon  lequel 
efioit  commandé  à  tous  Imprimeurs  de  corriger  les 
plus  rudes  palTages,  par  lefquels  les  Sainâs  Pères 
ont  barbouillé  la  croyance  de  PEglife,  avec  un  cata- 
logue des  Sentences  qu'il  eft  bon  d'eftoufier  ou 
reftituer,  afin  que  les  Hérétiques  ne  s'en  fervent. 
Ces  fages  mondains,  fe  penfans  plus  fages  que  le 
Saind  Concile,  ont  voulu  fupprimer  cet  Indice 
êxpurgatoi're j  pour  cacher  (comme  ils  difoyent) 
la  honte  de  PEglife  qui  ne  debvoit  plaidoyer  fur 
des  titres  falfifiez.  Mais  ils  en  ont  defcouvert  la 
honte  en  la  penfant  cacher;  car  ce  livre  tomba,  il 
y  a  dix  huid  ou  vingt  ans,  (je  dis  une  copie  fignee 
du  Concile)  entre  les  mains  de  la  Maifon  de  Ville 
d'Anvers,  &  eft  aujourd'hui  gardé  foigneufement 
aux  Archives  de  l'Eledeur  Palatin.  Qui  pis  eft, 
quelques  Do£teurs,  entr' autres  Baronius,  qui  furent 
dioifis  pour  cette  reformation,  fe  font  reformés 
eux  melmes,  &  ont  confeflë  par  efcrics  imprimez 
que  l'un  d'eux  en  avoit  changé  pour  fa  part  fix 
cents  &  tant  de  pafTages.  Ainfy  le  deflein  du  Con- 
cile eftant  defcouvert,  en  voulant  fupprimer  ce  livre 
on  fupprimeroit  Tauthorité  de  l'Eglife,  &  on  feroit 
doubter  s*il  eft  permis  de  changer  les  glozes  des 
Doâeurs  &  quelque  peu  de  texte  des  Anciens.  Il 
faut  maintenir  que  ouy,  &  que  l'Eglife  doit  chan- 


34$       CONPISSIOH   DU   SIIUB.  08    SANCT. 

ger  le  vieil  &  nouveau  Teftament,  fuit  s'uauièr 
non  plut  i  la  craduâîon  du  Septuice  qu'à  celle  det 
Quinze  vingu,  fi  on  veiu  que  les  priocipet  foyeot 
tous  de  no&re  codé.  Let  Primaci  de  Boui^et  &  de 
Lyon  ont  aufll  voulu  ofler  du  rang  det  tradidont 
les  Coafor/m'iej  de  Sùnâ  Françott,  le  Doétrùial  d» 
Sapienctj  le  Jardin  dtt  ÀmêideJoUts,  le  Mariai,  let 
Sermons  de  Menoc^  le  Manipidus  Curaiorum,  Stella 
CUrîcoram,  Lavaerwn  eonJeUiuiaf  Suauita  pteeato~ 
rum,  dédié  ji  la  Vierge  Marie,  la  Ltgtndê  dort, 
le  Livre  des  m«j,&  la  Vita  Ckrifii.  Un  Prêcheur, 
nommé  Chrifii,  prefchoit  à  Nantes  ce  ces  lemet 
aux  Dames  :  i  lAtJdanus  Us  offeutSj^jt  nous  noutt 
entre  Us  ittaitu  un*  BibU  ou  tut  »om»au  Têfia- 
mentj  je  vous  bailleriti  d*  mon  fouet  :  mais  ajtj 
u  poingt  le  bon  \ica  Chnfti  qui  Jii    Vefpa- 


CHAVITRB   II.  247 


ft  pour  celle  qui  paroic  en  fa  pofterité.  Qaând  il 
ptefche  ûux  Poijfonsj  c^eft  que  quand  fa  pofterité 
prefche,  elle  aurait  befoin  d^auditeurs  muets.  Quand 
il  leur  conte  pour  miracle  que  Dieu  les  empelcha 
d'eftre  noyés  au  déluge,  c'eft  que  les  miracles  de 
r^lile  Romaine,  félon  Richeome,  doivent  eftre  des 
chc^  naturelles.  Quand  il  appelle  Us  loypi  fês 
frêru  &  les  fait  toucher  à  la  main,  c'eft  en  pre- 
difant  que  les  Cordeliers  feroient  pattes  peluës, 
ft  tafchans  de  furprendre  les  innocentes  brebis.  Il 
appelle  Us  hiramUlUs  fu  fmurs,  parce  que  leurs 
frères,  comme  elles,  fe  nichent  en  temps  des  mef- 
tives  chez  les  villageois.  Quand  en  priant,  l'Ange 
dit  à  Saind  François,  que  de  fon  orân  dewiit 
naiftre  VAmechrift^  c'eiloit  afin  qu'on  ne  desdaignaft 
point  de  faire  des  Cordeliers  Papes.  Et  quand  il  mit 
fa  chemife  à  part  pour  s'arborer  devant  les  Dames 
tout  nud  en  la  place  du  Crucifix,  c'eiloit  pour  monf- 
trer  les  beautez  de  nature,  comme  n'ayant  point 
mangé  du  fruiét  de  Parbre  de  Science,  &  reprendre, 
fi  non  la  fcience,  à  tout  le  moins  la  nudité  du  Père 
Adam.  Quand  Saind  Germain  reflufcite  un  afne, 
pourquoy  par  charité  fraternelle  &  onopan'e  ne  peut 
il,  eilant  en  vie,  donner  la  vie  aux  afnes  qui  la  re- 
cevoyent  de  lui  mort  en  tant  de  lieux,  comme  à 
Sainét  Germain  des  Prez  &  de  l'Auxerrois?  Blaize 
d'Anjou,  qui  menaçoic  fon  fils  d'excommunication^ 
s'il  fçavoit  qu'il  leufl  une  ligne  de  la  Sainde  Efcri- 
ture,  notamment  des  Commandemens  :  enfin  par  l'in- 
terceflion  de  l'Aubraye,  bon  Catholique,  il  lui  fut 
permis  de  lire  les  Machabees.  Frère  Jacopon  porta 
deux  ans  un  bail  d'afne,  la  croupière  à  la  bouche, 
ne  pouvant  chevaucher  fans  croupière  &  en  afne 
debailé.  Quand  j'ellois  Huguenot,  je  ne  trouvois  rien 


348       CONPBSSIOK   DU    SISCK.    D£   SANCT. 

qui  me  fift  tuit  rire  que  U  legeode  de  ce  bon  Sainâ. 
Il  y  en  a  encore  un  livre  chez  noiu,  où  j'ay  fût  de 
belles  annotations.  G)mine  fur  ce  qu'il  faifoit  coo- 
felTer  à  un  fien  irere  fes  péchez  par  lignes,  Madame 
de  Villeroy  s'enqueroit  comment  il  confelToii  (t. 
paillardife  :  de  mefme  curiofit^  elle  t'enqueroit 
comment  s'appelleroit  en  Grec  cette  huile  légère, 
que  Sainft  Dominique'  fema  entre  les  cuiflea  d'une 
Nonnain,  l'appelant  huyie  d'amour.  Ces  chofes  fera> 
bleni  abfurdes,  mais  elles  font  ce  bien  au  peuple, 
qu'après  elles  il  ne  CTOuve  abfurde  aucune  abfiir- 
di[é.  Et  c'eft  pourquoi  Sainâ  Paul  appelle  la  prédi- 
cation de  telles  chofes  la  folie  de  la  prédication  :  de 
quoi  Monfieur  Cayier  trouve  ce  brave  Syllogiûne. 
//  a  pieu  à  Dieu  /amer  let  eroyans  par  la  folie 
de  lii  predicution  :  la  prédication  de  la  légende  efi 
foliC  du  /j  predicution  :   ~  ~  ■ 


cHAPiTRi   II.  a49 


en  fon  ame  defolee  qu'elle  ne  iè  puifle  pafler  d'une 
grande,  catholique  &  univerfelle  luxure,  n'a  elle  ((as 
pour  fe  conibler  comme  Sainéte  Marie  fgypdenœ, 
qui  depuis  douze  ans  jufques  à  Taage^  du  mefprit, 
ne  refufa  homme  ^  Et  n'avons  nous  pas  l'exemple  de 
Sainâe  Tha)r8,  tant  célébrée  par  les  Comicques  an* 
ciens  }  Les  Poètes  de  la  légende  nous  ont  depiûs 
enfeigné  comment  elle  fit  par  allechements  que  force 
gens  de  bonne  maifon  vendirent  leur  bien  pour  ellie, 
plufieurs  courageux  fe  coupperent  la  gorge  pour 
les  jaloufies  de  fon  amour,  &  puis  elle  ne  fut  pas 
fi  toft  lafle  que  la  voila  canonizce.  Si  quelque  pauvre 
Preftre  ne  le  peut  garder  en  chafteté,  &  ne  fe  peut 
fervir  du  Canon,  Ji  quis  prtsbyter  concubinam  nom 
hûbuerit,  qu'il  foit  auifi  honteux  que  l'Abbé  Efifrem, 
qui  vouloit  (aufli  Diogene)  planter  un  homme  en 
plein  marché,  s'authorifa  du  chapitre  inter  opéra  cha^ 
ritatis^  où  il  eil  dit  que  qui  fe  couple  avec  une 
Magdelaine,  muhum  profuit  in  remiffionem  pecca^ 
torum.  Si  quelque  Evefque  ou  Cardinal  devient 
amoureux  de  fon  page,  qu'il  fe  confole  à  l'imitation 
deSainâ  François,  qui  appelle  fes  amours  avec 
F  rater  Maceus  facrees.  Et  de  fait  ils  tefinoignent 
leur  fureur  jufques  l'autel.  Quand  ce  dit  le  livre, 
qufe  Saint  François  demeuroit  tout  en  feu  regar- 
dant Frère  Macé,  &  s*efcrioit  fouvcnt;  mefme 
un  jour  comme  il  tenoit  le  calice  &  l'autre  les 
canettes,  il  s'efcria  tranfporté  de  fureur  :  t  Prœbê 
mihi  teipfum,  i  Je  dirois  en  paffant  que  ce  fut  là  où 
fe  fonda  Monfieur  le  ConvertifTeur,  quand  il  nomma 
les  amours  de  Caylus  &  de  fon  Maiftre  facrees  & 
depuis  ce  tiltre  a  demeuré.  Un  jour  que  je  le  enquis, 
il  me  monflra  ce  pafTage  dans  THiftoire  Ethiopique 
rrst  irav^x|itov  'Àçpo^ttikv  irpoçirrtxbv  àn|MJiC<(  V^^C  lequel 


350       CONFESSION  DO   SIKOK   DB    SAHCT. 

ceux  defquels  j'ty  wiisoft  ptrlé  ont  fbn  «min  ei- 
ttrper  :  maii!  le  S&iaâ  Siège  ne  le  permetiroit  juotii. 
De  Spoode  fut  le  premier  qui  le  demandft,  habemifam 
Roma  pudorem,  tjufmoiU  morês  toîi  mviÀo  projh- 
tuere  dtfiaai.  C'eft  le  Livra  d»sjax9S,  où  un  bon 
Catholique  voit  les  pechet  i  bon  marché,  ft  fçtït  en 
un  mot,  pour  combien  il  en  doit  eftre  quitte.  Celui 
qui  aura  défloré  une  vierge  doitfix  gro».  Quiconque 
aura  connu  charnellement,  ftiontesfois  de  gré  àgré, 
fa  propre  mère,  fa  lîcur,  fa  couTme  germaine  ou 
fa  commère  de  baptefme,  il  en  eft  quitte  pour  cinq 
gros.  Toutesfbiij  fî  cela  eft  commis  en  l'Egltfe,  il  en 
faut  fix.  Pour  avoir  tué  fon  père  ou  fa  mère  il  faut 
im  ducat  &.  cinq  carlins.  Je  vous  en  defcrirois  bien 
d'avantage,  mats  j'aime  mieux  vous  dire  que  ces 
cliofes  font  efcrîtes  au  chapitre  des  difpertfes  perpe- 


CHAPITRE    II. 


351 


geoi  encaches  de  œ  pêcctdigUo,  lefquek  encttret 
qu'ils  ne  fbyent  bien  afleures  qu'il  y  aie  un  Ptradie 
&  un  Enfer,  ils  en  ont  pourtant  peur,  .&  voudrofcac 
bien,  comme  difent  les  Decretaliftes,  uii  abfoliidùm 
adeautdam.  S'ils  vont  demander  à  un  MinHbre,  ptf 
quels  moyens  un  pécheur  exécrable  peut  eftre  fauTé^ 
le  Mimftre  refpond  qu'il  faut  embrafler  la  mort  de 
Chrift  avec  la  fby,  prier  d'un  cœur  contrit  &  d'une 
ame  pénitente,  s'afleurer  en  la  miferîcorde  de  Dieu, 
ft  puis,  avec  le  regret  du  paiTé,  avoir  defir  &  refbla- 
tion  de  vivre  mieux.  Voila  pour  tout  potage  ce  que 
vous  dira  un  Miniftre,  &  le  malheur  eft  que  les 
bonneftes  gens  de  ce  fiede  ne  fburniffent  pas  aifi^- 
mentni  de  cette  fby,  ni  de  cette  pénitence.  LeSainft 
Siège  compofé  de  gens  de  bonne  maifon,  qui  ont 
intereft  à  Taffaire,  ayant  jugé  que  tels  remèdes  n'ef- 
toyent  pas  viande  à  gallands  hommes,  &  ne  voulans 
pas  qu'un  beliftre  aille  braver  un  Prince  ou  autres 
Grands  en  l'autre  monde,  avec  fes  vertus  Théolo- 
gales, comme  ce  pauvre  Lazare,  qui  morgoit  un 
homme  de  bonne  maifon  :  les  Pères,  dis-je,  y  ont 
remédié  bravement,  car  un  Jefuifte,  interrogé  fur 
la  perplexité  d'un  Sodomite,  vous  accommodera 
bien  mieux  que  le  Miniftre.  Il  vous  cnvoyera  au 
Cardinal  de  Sourdls,  qui  par  fa  Bulle  feule  pourroit 
remettre  la  fodomie  &  Tincefte.  Il  vous  mettra 
dans  le  col  un  chappelet  des  derniers  impetrez  par 
Meilire  Jacques  David,  Evefque  d'Evreux.  Si  vous 
eftes  François,  il  vous  baillera  des  grains  qui  font 
cottes  au  dix  neufviefme  article,  &  vous  fera  dire 
les  paroles  qui  font  portées  par  le  feptiefme,  comme 
Domine  Jêfu  fufcipe^  &  autres  telles  paroles,  qui 

font  imprimées  à  Paris  par Et  cette 

application,  comme  il  eft  porté  par  là,  vous  donne 


2^2     COKFBSSIOH    DO    StlCR    DE    SAHCT. 

indulgence  pleniere  ft  remiiSon  de  tous  rot  pécher, 
lanc  de  la  coulpe  que  de  la  peine  :  ce  qui  t  cotté 
exprez  par  M.  le  CouvemlTeur  pour  chofe  nou- 
velle. En  quoy  il  faut  advouiÉr  que  l'Antiquité  ne 
fut  pas  afTez  hardie.  Trouvez  vous  donc  eftrange 
fi  la  religion  des  Huguenots,  de  laquelle  par  &ute 
de  telles  drogues,  je  veux  dire  ce  que  difoit  du 
Chrillianiûne  ce  fçavant  Empereur  Juïian,  afçavolr 
que  c'e(t  la  religion  des  gueux  &  des  beliftres  : 
trouvez  vous,  dis-je,  eftrange  fi  les  Princes,  les 
Grands,  les  Financiers,  qui  aiment  leurs  voluptez, 
haïfTeni  de  bon  cœur  la  HuguenotKrie  &  les  Hu- 
guenots, &  embraflent  une  religion  favorable,  par 
les  préceptes  de  laquelle  ils  ont  la  graine  de  Para- 
dis à  leur  bourfe;  une  religion,  dis-je,  où  ils  trou- 
vent remèdes  à  leur  maladies  naturelles  &  defna- 


Cbapitki  III. 

Dt  tinUre^tm  4ft  Sàin&t  &  SainSts. 


V  AU  TB  d'orgumeiu,  nos  Doâeun 
prouvenc  la  plut  parc  des  poinâs 
qui  font  ea  concroverfe  par  gail- 
lardes rimiltnides  &  comparât- 
fous,  &  voici  comment  nous  prou- 
vons l'intercelTion  des  Sainâs 
&  des  Sainâes  :  Toutes  per- 
fonnes  ne  vonc  pas  indifféremment  prefenter  leurs 
requeftes  au  Ro)',  mais  par  médiateurs,  comme 
Princes,  PrincefTes,  Confeillers  d'Eflat  &  Mailtres 
des  Requeflcs  :  Ergo  il  faut  que  les  Saînâs  & 
Sainftes  faifent  leurs  affaires  du  Ciel,  comme 
nous  faifons  cem  de  la  Cour.  J'entreprendrois  bien 
de  prouver  par  mefme  comparaifon  que  Dieu  se  fe 
méfie  gueres  des  affaires  du  Monde,  pour  ce  que 
nous  faifons  paffer  au  Ro/  toutes  les  affaires  comme 
il  nous  plaiA  :  la  plus  parc  il  n'en  feiit  que  le  veut. 
Il  efl  vray  que  cet  hérétique  de  Rofny  lui  veut 
faire  prendre  un  autre  chemin,  &  veut  faire  du 
Financier  &  de  l'homme  de  bien  enfemble,  contre  les 
préceptes  que  deux  chofes  contraires  ne  peuvent 
fubfiller  en  un  mefme  fubjeâ.  J'efpere  que  l'un  d'eux 
fuccombera  par  l'aide  de  ma  converfion  &  de  l'in- 


X54      COMMISSION    DU   SIIOI.   PI    SaNCT. 

cercelllon  des  Sùnds,  Qui  doutera  de  la  vertu  de 
leur  intercelTion  >  Confiderés  que  nuls  crimes  B'ont 
elle  fi  grands  defpuis  quinze  ans,  que  la  coulpe 
&  la  peine  n'ayenc  efté  abolis  par  leurs  prières.  Nids 
fervices  n'onc  eflé  fi  recommandables,  que  ceux  qui 
ont  cuidé  les  faire  recompenfer  fans  l'iacerceflion 
de  ces  perfonnes  facrees.  C'eft  ce  qu'a  écrit  Horto- 
man  en  fon  livre  Dt  rtgao  vulvarum.  Je  n'aura/  guère 
des  peine  à  perfuader  ce  poiciâ  i  ceox  qui  ont  eu 
affaire  en  Cour  defpuis  mon  règne.  Le  General  de 
la  Ligue  n'ayant  plus  que  deux  places  de  fon  parti 
efchappé,  ne  fc  pouvoit  reconcilier  avec  ce  Prince, 
comme  il  fit  avec  l'autre  pour  fe  le  faire  îrnuncr. 
On  gagne  plus  jt  ceftui  ct  qu'à  fe  faire  enrhumer 
aux  trenchees.  La  Sainâe  qui  règne  lui  a  donné  k 
pardon  gênera!  &  !'a  mis  au  plus  haut  du  Paradis 


CMAPITaS    III. 


«55 


ni  Hebrieu,  mais  qu'ils  apprennent  les  Sciences  de 
MeiTeigneurs  de  Lignerac,  la  Varenne,  Cachât  &  la 
Baftide,.  qu'ils  apprennent  à  dire  de  bonne  grâce 
leur  Ora  pro  nobis;  qu'ils  fçachent  bien  leurs  heures 
à  Tufage  de  Chartres  :  dire  ouy,  &  puis  demander 
que  c'eft,  &  pour  feindre  la  befte^  Peilre  à  bon 
efcient.  S'ils  voyent  des  ordures  à  la  Cour,  je  veux 
qu'ils  foyent  pimis  pour  ne  les  fentir  point.  Qu'ils 
apprennent  comme  Monfieur  d'Efpernon  à  porter  au 
col  les  petits  images  de  la  Cour,  &  aider  à  leur 
torcher  le  derrière,  trefTaillir  de  joye  quand  ils  fe 
&nt  ùH»  de  bonne  matière,  offrir  en  un  befoing  fa 
langue,  quand  le  linge  demeure  trop  à  venir.  Par 
ttUe  voye  ila  gagneront  une  înterceflion,  cette  inter- 
ccffion  fert  de  fuffi&nce.  Lignerac  ne  fçait  rien  que 
rire,  celui  qui  eft  F  Amalgame  des  maifons  d'Eftree 
&  de  Lortaine.  Cachât  ne  fçait  pas  feulement  parler 
François  :  c'eft  lui  qui  a  fait  la  paix  de  Provence. 
La  Varenne  n'a  commancé  que  cet  hyver  à  apprendre 
à  lire,  &  à  mefme  temps  a  fait  la  paix  d'Efpagne. 
Par  ainû  les  intercédons  donnent  le  mériter  auffi 
bien  que  la  recompenfe.  Et  c'eft  pourquoy  il  y  a 
dans  nos  Heures  :  da  nobis  ut  mergamur  Jtgri  partie 
cipmsj  &c.  Et  les  Huguenots,  qui  fe  font  mocquez 
de  cette  façon  de  parler,  ne  l'entendent  pas. 


m&1^€Wrf^*^0É'J£: 


Chapitkb  IV. 
Da  Purgatoire. 


VU  que  nous  avons  conflitué  le 
Paradis  des  gaknds  hommes  à  la 
Cour,  fi  faut  il  trouver  quelque 
lieu  où  nous  confcflîons  que  foit 
le  Purgatoire,  fans  l'aller  cercher 


CHAPITRE    lY.  257 


toute  la  Sorbonne  où  il  eil  :  )e  demande  aufC  où 
eft  le  Tiers  Parti  duquel  on  a  tant  parlé  en  France, 
&  la  crainte  duquel  a  frappé  un  plus  grand  coup  à 
la  converfion  du  Roy  que  celle  du  Purgatoire  ?  Or 
je  maintiens  que  j'ay  trouvé  le  Tiers  Parti  &  le  Tiers 
Lieu  logez  eniemble  à  Nojan.  Quelques  uns  Pavoient 
voulu  mettre  en  Auvergne,  &  y  confiner  le  Comte 
d'Auvergne  :  mais  il  eil  defpetré  de  fon  Purgatoire 
déambulatoire,  en  cette  heureufe  faifon  où  les  beaux 
iieges  de  Paradis  de  la  Cour  font  tapiflez  pour  les 
fils  de  putains.  Il  n'a  fait  que  rire  de  fon  Chartier 
verfé,  &  eft  après  à  reftablir  en  ce  facré  lieu  les 
amours,  dont  il  fut  inftruit  dés  fon  enfance.  Il  y  a 
en  France  quelques  autres  petits  Purgatoires,  mais 
ils  ne  font  pas  grand  fumée,  parce  que  les  pardons  y 
font  à  trop  bon  marché.  Le  grand  Purgatoire  eft  donc 
à  Nojan,  où  le  Comte  de  SoilTons  fe  purge  au  feu 
de  fa  Veftalle  avec  fon  train,  qui  eft  le  Tiers  Party, 
là  où  il  oit  parler  des  joyes  du  Paradis  de  la  Cour, 
&  en  rid  à  la  mode  de  Sainft  Medard.  Quelques 
Anges,  conune  La  Varenne,  le  vont  vifiter  en  palTant, 
&  dit  on  qu'il  ira  dire  adieu  à  Madame,  pour  s'en 
retourner  parachever  fes  peines  ;  les  complices  ima- 
ginaires du  Tiers  Parti  errent  par  là,  comme  eftant 
âmes  vagabondes,  par  faute  de  terre  &  de  baftions 
pour  s'enterrer.  On  dit  pourtant  que  Nojan  eft  fort 
propre  à  joiier  des  couteaux,  &  que  ce  Tiers  Parti, 
qui  contraignit  le  Roy  à  fa  converfion,  le  contrain- 
dra ces  jours  à  la  perfecution  des  Huguenots,  ou  à 
faire  fon  eftat  alternatif.  Le  Comte  du  Lude  m'ayant 
lolié^il  y  a  quelque  temps  fon  chef,  me  demanda 
fi  je  ne  trOuvois  pas  fa  fortune  bonne.  Quand  vous 
courei  la  pofte^  lui  dis-je,  prenei-vous  plaijir  à 
vous  embarquer  fur   un  cheval   qui  a   les   genoux 

n.  17 


258       CONFBSSION    DU    SIB0R   DB    SAKCT. 

efcorche^f  II  merefpond  que  non.  Je  réplique:  Con- 
fiderei  donc  que  quand  ce  grand  Capitaine  quitta  le 
feu  Roy,  pour  aller  faire  le  Huguenot,  Us  Hugue- 
nots parce  qu'ils  lui  avaient  veu  tourner  le  cul  d  la 
mangeoire  â  Coidras,  quand  il  r'eft  muliné  d  toutes 
les  apparences  de  bataille,  d  toutes  Us  venues  du 
Duc  de  Parme,  quand  il  ravit  Madame  invijible- 
ment,  d  tous  ces  accidents  il  y  a  remédié  pour  avoir 
mis  fept  fois  les  genoux  à  terre.  JUonfeur  le  Comte 
mon  ami,  voudriej-vous  mettre  vofire  couffinet  fur 
an  hère  qi/on'  a  chevauché  à  dos  &  qui  a  les  ge- 
noiif/ouje/aircAej?Par  tels  propos  j'aydesbauch^le 
Conneftable  du  Tiers  Parci  du  Purgacolre  de  Noîan. 
Lavirdin  y  voulut  mettre  le  nez,  mais  on  lui  de- 
manda  la  palTade;  il  me  dit  à  fon  retour  qu'il  tvoil 
s  telle  police  à  la  première  armée  du  Tiers  Parti, 


CHAPITRE    IV.  3JP 

dit  à  Bellozane  (celui  pour  lequel  on  difoic  que 
dift  femme  efloit  Mie  aux  afnes)  c^eft  à  dire  que 
moti  frère  n'a  aucune  place  qui  tienne  pour  nous. 
Muftre  Guillaume  s'y  oppofe,  &  dit  qu'ils  avoyent 
^ucre  places  pour  le  Tiers  Parti,  places  fortes,  def- 
fenduës  d'un  grand  Mars  &  du  feu  du  Ciel^  Sodome, 
Gomorrhe,  Adma  &  Seboïm.  L'autheur  des  Vifions 
dndit  Maiflre  Guillaume  craitte  cette  matière  fort 
amplement.  Je  conclura/  ce  chapitre  par  une  re^ 
montrance  aux  autheurs  du  Tiers  Parti  &  habitans 
du  Tiers  Lieu  :  t  Sçachez,  zelez  Catholiques,  que  ce 
parti  n'a  efté  condamné  ni  abfous,  pour  n'avoir  fait 
ni  bien  ni  mal,  &  pourtant  réduit  feulement  au  Pur- 
gatoire ;  voftre  malheur  eft  de  n'eftre  pas  authorifez 
de  gens  de  guerre,  mais  de  ceux  qui  appelloyent  la 
poltronnerie  patience.  Le  Pape  n'a  pas  eftabli  le 
Purgatoire  par  paroles.  Voftre  party  n'avoit  que 
faire  tant  de  difcours  fur  le  àroidt  des  Princes  du 
fuig.  Le  Pape  a  mis  le  Purgatoire  par  fulminacions  : 
il  faloit  à  voftre  deffein  une  armée  fulminante  :  l'un 
fait  montre  des  clefs  de  Saint  Pierre;  il  falloit  à 
l'autre  Tefpee  de  Sainft  Paul.  Les  canons  des  Decre- 
tales  ont  eftabli  le  Tiers  Lieu  :  il  falloit  à  coups  de 
canons  eftablir  le  Tiers  Parti,  &  quand  les  Luthériens 
ont  voulu  difputer,  on  a  prouvé  le  feu  du  Purgatoire 
en  bruflant  ceux  qui  le  mefcroyoyent.  Quand  les 
Huguenots  ont  attaqué  les  canons  fpirituels,  on  s'eft 
fervi  des  temporels  :  ainfi  par  occafion  j'ay  comparé 
le  Tiers  Parti  au  Purgatoire,  lequel  a  efté  feulement 
in  potentia.  L'autre  ne  fut  jamais  in  aéiu^  &  de  fai£t 
la  question  n'eft  pas  de  petite  importance,  tefmoing 

qui  à  l'âge  de  foixante  ans 

efpoufa  une  fille  de  vingt,  dont   il  devint  jaloux 
comme  un  tygre  ou  deux,  &  de  jaloux  catholique- 


l6o      CONFESSION    DV    SIKCR    DE    SANCT. 

mène  cocu,  à  quoy  il  apporta  touces  les  recepies  de 
Hans  Carvel.  Ses  amis  im  jour  lui  demandoiew 
comment  il  avoit  fait  cette  folie  :  après  s'd\re  frotté 
les  oreilles,  eiïuyé  le  front,  foufpiré  profondément, 
il  dit  en  fe  grattant  l'occiput,  &  frottant  les  couilles: 
Ce  font  par  la  vertu  bieu  les  Huguenots  qui  JoMi 
caujes  de  et  malheur.  Car  au  temps  paffï,  mu  pères 
avoyent  une  repeuê  de  quelque  Jèjour  pour  aller  en 
Paradis  ;  mamtenant  que  ces  paillards  ont  dg/moMelé 
le  Purgatoire,  il  faut  y  aller  d'une  irai&t  :  irefi 
pourquoy  J'avois  pris  cette  haquenee. 


Dt  la  JufiificatioH  des  auvres  <>•  auvres 
de  fupererogatioti . 


uiVANT  cette  sainfle  méthode 
de  craiccer  les  poinâs  Theologaujt 
par  fimilitudes,  il  n'eft  pas  befoin 
que  tous  les  Chreftîens  le  fient 
aux  intercelïïons  des  Sainéts  & 
Sainfles  :  il  y  a  des  gens  de  bien 
&  des  honncftes  gens  qui  ont 
gagné  place  au  Paradis  de  la  France  par  braves  & 
bonnes  osuvres,  comme  par  la  prinfe  d'un  Roan, 
pour  s'eftre  faits  chefs  de  Thoulouîe,  de  Narbonne 
&  de  CarcalTonne  &  pais  adjacens;  un  autre,  d'Or- 
léans, de  Bourges,  &  des  dépendances  :  un  autre,  de 
Poiâiers  &  quelques  menus  fuffrages;  un  autre  de 
trois  frontières  de  Bretagne  ;  ce  font  œuvres  de 
par  Dieu,  lefquelles  ont  efté  juftifiees  ;  &  fans  dire 
Da  aobù  ut  mereamur,  elles  Ont  mérité,  ou  pour  le 
moins  acquis  grâce  &  pardon  gênerai.  Les  opera- 
teurs ont  chailré  les  finances  du  Roy,  &  ont  efté 
juftifiez  par  icclles.  Que  les  Hérétiques  avec  leur 
Sainft  Pau!  prefchent  la  grâce,  la  foy  &  la  fidélité 


z6a       CONFESSION    DU    IIBUK   DE    SAHCT. 

tant  qu'ils  voudront,  ceux  ci  arec  leurSainft  Jacques, 
full  ce  Sainfl  Jacques  d'Efpagne,  ont  prouvé  la  foy 
par  leurs  ceuvres.  C'eft  ici,  Huguenots,  qu'il  faut 
advoiicr  nulle  juftification  d'oeuvre  eftrc  difficile  après 
telles  œuvres  eftre  juftifiees.  Ceux  ci  ont  obtenu  une 
loy,  &  cette  loy  leur  a  elle  loy  de  grâce,  &  quand 
ce  fera  à  vous  k  obtenir  une  loy,  vous  l'aurei  fi 
pauvre  &  avec  tant  de  peines,  que  vous  m'advouërez 
qu'il  la  faloli  împetrer  par  ceuvres,  non  par  foy  & 
fidélité.  \'ous  ne  croyez  pas  aux  indulgences  du 
Pape  :  voyez  quelles  font  les  indulgences  du  Roy 
qui  n'cft  pas  Pape;  nous  trouverons  bien  plus,  que 
ces  bonnes  œuvres  que  vous  tenez  difSciles  à  jufti- 
ficr  font  devenues  méritoires,  &  ont  mérité  ou  pour 
le  moins  gagné  au  pauvre  VÎUars  une  Adroirauté  & 
beau  Gouvernement,  aux  aucret  MarefchauiTeet  de 


CHAPITRE    V.  263 


fa  foy.  Ceux  là  ont  fait  œuvres  dignes  de  repentance, 
&  non  pas  bonnes  œuvres,  &  ont  fort  bien  fenti  que 
la  fby  fans  les  œuvres  eft  morte  ;  aufli  meurent  ils 
de  faim,  &  font  par  la  baffe  cour  du  Louvre  Capi- 
taines defchirez,  Maiilres  de  Camp  morfondus, 
Chevaux  légers  eftropiez,  Canonniers  jambes  de  bois, 
Petardiers  defvifagez,  Efpions  pieds  nus,  tout  cela 
eft  à  menées  par  les  degrez  en  la  falle  des  Suiflfes, 
après  avoir  difcouru,  in  génère  petùono  &fuaforwj 
à  déclamer  contre  Madame  l'Ingratitude,  les  Capi- 
taines portans  la  hotte,  &  les  pauvres  foldats  l'oifeau, 
exalter  leur  fidélité,  montrer  leurs  playes,  conter 
leurs  combats,  leurs  eftats  perdus,  faire  de  mauvais 
pafquins,  crier  contre  moy  &  les  autres  Financiers, 
difcourir  fur  un  ordre  nouveau,  menacer  de  fe  faire 
Croquans,  &  s'enquérir  qui  n'a  pas  encore  difné. 
Mais  quelqu'un  dira  :  Tous  ces  pauvres  diables  que 
vous  nommez,  n'ont>ils  pas  tant  travaillé  ?  Pour- 
quoy  ne  contez-vous  pas  leurs  œuvres  pour  œuvres  ? 
Je  refponds  que  c'eftoyent  œuvres  d'iniquité,  pour 
ce  qu  il  eft  inique  de  fervir  les  ingrats,  &  de  plus  La 
Limaille  un  jour  reprochant  au  Roy  la  longueur  de 
fes  fervices,  fa  patience,  &  qu'il  s'eftoit  rendu  irré- 
conciliable à  fes  voifins,  pour  avoir  exécuté  fidelle- 
ment  les  conunandements  de  Sa  Majeflé,  la  cheute 
du  difcours  fut,  qu'il  n'avoit  pas  dequoy  difner. 
Ventre  Sainél  Gris^  dit  le  Roy,  qui  lors  ne  juroit 
pas  en  Catholique,  il  y  a  tant  abonnées  que  mon 
Royaume  eft  en  pillage^  pourquoy  n'avei-vous  rien 
fait?  Ce  rien  monftre  que  les  œuvres  de  telle  nature 
ne  font  pas  œuvres,  par  confequent  indignes  de 
juftification.  Le  pauvre  homme  continua  jufqu'à  la 
mort,  emporta  pour  fa  condition  la  plufpan  de 
l'honneur  du  fiege  d'Amyens,  &  mourut  dans  les 


264      CONFESSION  dO  sieur  de  savcv. 

mines  dufofrc,  &  cela  s'appelle  en  rienfci/ani.  Qui 
veut  voir  difpurcr  cette  matière  dofteraent,  qu'il  life 
X Apologie  du  Roy,  compofee  par  M.  Cahyer,  eftani 
lors  Winiftre  de  Madame.  Le  Roy  me  la  montra 
comme  llyle  de  Madame  de  Rohan  ;  c'eft  une  Apo- 
logie en  prévarication,  laqueUe  Rocquelaure  oyant 
lire  s'cfcria  :  O  mon  bien  !  que  ceux  qui  ont  ejcril 
cela  fçavi-ni  de  vos  nouvelles.  Quelques  uns  en 
acculent  La  RufEe,  pource  qu'après  avoir  difcouru 
de  l'humeur  du  Roy_,  qui  eft  de  punir  les  fervices 
&  recompenfcr  les  offenfes,  il  dit  à  ceux  qui  le  plai- 
gnent de  Ta  Majefté  :  Vous  devej  vous  plaindre  de 
vous,  non  de  luy;  car  ayant  connea  fou  naturel,  Ji 
vnus  voulic'i  des  recompenfes ,  il  les  fallait  mériter 
par  auvrcs  dignes,  comme  il  a  efié  dit  ci  dejfus.  De 
là  il  pirle  à  ceux  qui  ont  cet  honneur  d'eftre  parents 


CHAPITRE     y.  365 


bien  qn'il  fut  fort  Catholique,  fervit  le  Roy  dés  fa 
fuitte  de  Paris  jufques  au  fiege,  vendit  de  fuitte  fept 
chevaux  qu'il  avoic  de  fon  train,  remontrant  tous 
les  jours  au  Roy  fa  diminution.  Enfin  la  honte  le 
chafla  de  la  G)ur  du  Roy  ;  mais  le  defir  de  mourir 
à  fon  fervice  le  retint  dans  Tarmee  &  il  en  vint  donc 
là  quUl  fe  rendit  foldat  d'une  compagnie  des  gardes, 
commandée  par  fon  jeune  frère.  Il  advint  que  quand 
on  eut  ruiné  à  coups  de  canons  les  boutiques  qui 
Ibnt  fous  la  porte  S.  Honnoré,  ceftui-ci  avoit  demandé 
d*eftre  mis  en  fentineile  perdue  dedans  fes  ruines. 
Le  Roy  vifitant  la  nuiét  fes  gardes  &  fes  approches, 
le  Capitaine  lui  montra  du  coin  d^une  maiîbn  avan- 
cée fon  frère  aifné,  en  lieu  duquel  on  avoit  desjà 
retiré  deux  fentinelles  par  les  pieds  ;  le  Roy  voyant 
fes  reproches,  fans  parler  s  ofte  de  là.  Le  Gentilhomme 
après  quelques  jours,  &  ayant  de  nouveau  tafté  le 
cœur  de  fon  Prince  par  le  moyen  de  fes  amis,  enfin 
vaincu  de  paflion  d'efprit  &  de  fatigue  du  corps, 
mourut,  &  en  mourant,  quoy  qu  il  fiift  homme  fans 
lettres,  voulut  dider  fon  teftament,  par  lequel  il 
demandoit  premièrement  pardon  à  Dieu,  &  puis  au 
Roy  fon  Maiftre,  d'avoir  fervy  aux  infâmes  amours 
de  ce  Prince  avec  Catherine  du  Luc  d'Agen,  qui 
depuis  mourut  de  faim,  elle  &  Tenfant  qu'elle  avoit 
eu  du  Roy  ;  de  la  Damoifelle  de  Montagu,  que  le 
Chevalier  Montluc  avoit  livré  entre  les  mains  de  ce 
Prince  par  les  menées  du  dit  Salbœuf,  à  quoy  il  eut 
beaucoup  de  peines  :  Tune,  qu'elle  aimoit  le  Cheva- 
lier jufques  à  ce  point  qu'elle  avoit  couru  à  Rome 
après  lui,  &  auflî  pour  le  mefpris  qu'elle  avait  conceu 
de  ce  Prince,  pour  lors  plein  de  morpions,  gaignez 
à  coucher  avec  Arnaudine,  garce  du  Veneur  la 
Brofle.    Ces  poux   Efpagnols,  las  de  poifeder  les 


366      CONPBSSIOK    DV    tlIVR    DE    SAVCT. 

par[ies  baflcs,  ouellanu  crop  prdTes  de  logis,  avouent 
pris  un  domicile  évident  dans  les  ufles  &  le  rond 
des  cheveux,  fiegc  de  k  G>uronne.  Il  alleguoit  en- 
core» pour  preuve  une  chaudepilTe  qu'il  lui  fit  pren- 
dre dans  l'c^able  de  Tignouville  à  Agen,  lui  udanc 
à  furprendre  la  putain  du  Pslfrenier.  Il  avoit  auJG 
aidé  aux  amours  de  la  petite  Tignouville,  qui  fiit 
imprenable  avant  eflre  mariée.  Il  l'avoic  accompa- 
gné à  aller  voir  de  nuift  la  garce  de  Goliath, 
&  mefme  lui  avoit  fauve  un  coup  de  volant,  que  le 
goujat  lui  lira  du  lift,  en  fortant  du  lift  avec  elle. 
Puis  fc  fit  l'entreprife  fur  Rebours,  ^  laquelle  il  ne 
fit  rien  que  de  perdre  pour  ferviteur  l'Admirai  d'An- 
ville,  qui  l'aimoit  plus  honnefteraent.  Il  avoit  encor 
affilié  aux  amours  de  Dayel,  FauSeufe,  Fleurette, 
fille  du  Jardinier  de  Nerac,  de  Martine,  femme  d'un 


CHAPITRE    y.  367 


paye  mal  &  qu'on  fe  moque  mefme  des  maquereaux. 
Après  ces  contes  le  ceftaceur  eflevoic  (on  fiyle,  laif- 
fant  pour  dernier  prefenc  une  remonftrance  pour 
faire  leur  profit  de  fa  pêne,  les  faifanc  fouveiûi'  des 
mores  miferables,  pareilles  à  lui,  comme  du  Sieur 
de  Gerdreft,  Gentilhomme  de  Beam^  fore  vaillant 
homme  ,  qui  fe  confomme  tout  de  mefme  que  lui  ; 
du  Capitaine  Belle  Hache,  va'dlant  &  doâe,  pour 
lequel  les  Chirurgiens  lui  remontrèrent  qu'ils  le 
traiteroyent  de  deux  arquebuzades  (qu'il  avoit  eu  en 
un  aflaut)  pour  Thonneur  de  Dieu  :  mais  qu'ils  ne 
le  pouvoyent  plus  nourrir.  Ceftui  là  guérit  des  ar- 
quebusades,  mais  il  mourut  de  fàùm  dans  le  lid  du 
Capitaine  Laporce,  exempt  des  gardes,  qui  ayant 
fauve  la  vie  &  rhonneur  à  fon  Maiilre,  &  à   la 
trouppe  de  recraitte,  par  un  coup  valeureux  qui  eil 
defcrit  en  YHiftoire  au  livre  4  du  a*  tome,  chapi- 
tre 8®,  fut  depuis  pris  en  haine,  cafTé,  mort  de  mi- 
fere  à  Paris.  Il  eft  vray  qu'on  le  pouvoir  excufer  fur 
ce  qu'il  s'eftoit  fait  Huguenot.  Après  tels  exemples, 
il  contoit  les  resjouiffances  qu'il  avoit  veuës  à  ce 
Prince,  quand  il  voyoit  mourir  quelqu'un  des  fiens 
qui  avoit  bon  équipage  :  combien  il  eiloit  habile  à 
fucceder  pour  en  payer,  comme  il  difoit,  fes  debtes  : 
les    brufques    refponfes    qu'il  faifoit    aux    vefves 
&  orphelins,  qui  demandoyent  les  manteaux  de  leurs 
maris  &  pères  ;  le  teftaceur  n'oublioit  les  noms  des 
paniculiers,  comme  de  Arbilly,  Saind  Gilles,  &  au- 
tres morts  à   la  Rochelle.  Mon  frère  m'a  dit  que 
là  il  fit  tenir  un  confeil,  pour  fe  délivrer  de  telles 
importunitez,  &  fit  débattre  fi  les  Capitaines  n'ef- 
toyent  pas  héritiers  de  l'equippage  de  leurs  foldats. 
Ces  Huguenots  rudes  &  fafcheux  déclarèrent  cène  loy 
inique,  &  n'avoir  jamais  eilé   pratiquée  que  par  les 


268      CONFESSION    DV    SIEUR    DE    SANCT. 

Albanois,  qui  etlo^nt  fans  fucccfTeurs.  Mais  pour 
revenir  au  teftament,  ce  pauvre  le  finiffoit  par  inju- 
res, qui  ne  feroyent  pas  belles  i  dire,  envoya  fês 
recommandations  particulièrement  à  un  de  fes  com- 
pagnons, lequel  trouvant  un  jour  par  les  rues  un 
vieux  chien,  nommé  Citron,  qui  avoit  accouftumé  de 
coucher  fur  le  lift  du  Roy,  il  fàifoii  fouvenir  ce  lien 
compagnon  d'un  fonnet  qui  fut  trouvé  attaché  fur 
le  col  de  cette  pauve  befte,  au  poinâ  que  le  Roy 
arrivoit  à  Agen  ;  fi  bien  qu'il  fe  prefenia  lui  &  fon 
fonnet  que  vous  verrez  ailleurs.  Il  fit  fouvenir  l'au- 
theur,  qu'après  avoir  commandé  long  temps  un  régi- 
ment de  dix  huit  compagnies,  gagné  un  Gouverne- 
ment avec  grands  &  hazardeux  combats,  il  lui  arriva 
d'eftre  porté  par  terre,  &  prins  en  une  ambulcade, 
dlanl  cnirL'  Ic-s  mains  de    les  ennemis.   U  Ro^ 


CHAPIT&B    y. 


26c 


ftyle  plas  eflevé  &  de  mefine  argument  que  celui  de 
Salbœuf  :  mais  les  valets  du  teftateur  violèrent  fa 
do-niere  volonté,  &  rendirent  Toriginal,  lequel  (à  ce 
qu'on  dit)  juftifioit  mon  opinion  fur  la  jufiification 
deâ  œuvres. 


V 


ChaVIT&S    SiXlESMB. 

Des  Miracles  &  Voyages. 

EU  Monfieur  k  Cardinal,  de 
bonne  mémoire  ""t' ilnjj!'  par  ex- 
cellence, c'ell  à  dire  de  Lorraine, 
ayant  fçeii  que  Fervacque 
bonne  mémoire  aufli,  avoïc  def- 


CHAPIT&B    VI.  271 


ferme  les  yeux  à  leurs  Bibles  pour  les  ouvrir  à  celles 
inventions.  Vray  eft  que  je  voudrois  admonefter  les 
bons  Pères,  qui  conduifenc  ces  chofes,  de  couvrir  un 
peu  mieux  le  jeu/  Celui  qui  inftruifoit  le  Démoniaque 
de  Laon,  fie  bien  le  foc  de  lui  apprendre  à  dire  qu'il 
fidloic  excirper  les  Huguenots  ;  car  comme  remarque 
Poftel,  cela  fonneroit  que  le  Diable  fut  foigneux  de 
noftre  bien.  Quand  donc  les  Prelacs  voyent  de  telles 
inventions,  qui  ne  font  pas  aifez  bien  compofees  & 
colorées,  ils  les  doivent  racoutrer,  polir,  &  faire 
valoir,  non  pas  s^  oppofer,  comme  fie  TEvefque 
d'Angers,  quand  deux  jeunes  Religieux  pleins  de  xele 
&  d^invention,  lui  amenerenc  une  Damoiièlle  ins« 
trvàête  en  Demonologie,  &  qui  joiioic  (ce  dit  on) 
auffi  bien  que  maiftre  François  Villon  à  la  Diablerie 
de  Saint  Maixanc.  L'£vefque  fe  fit  amener  la  Dé- 
moniaque, fur  laquelle  il  fit  une  trop  curieufe  inqui- 
fition;  il  demande  à  quels  fignes  plus  violens  on 
avoit  conje^uré  quelle  fut  farcie  de  Diables.  Un  des 
Protecoles  lui  refpond  qu'à  deux  chofes  on  conoif- 
foit  la  véhémence  de  fes  tourmens  :  Tune  quand  on 
lui  touchoit  la  peau  de  quelque  croix,  où  il  y  eut 
du  bois  de  la  vraye  croix  :  l'autre  preuve  fe  voyoit 
clairement  à  fes  treffauts  &  mugiflemens  qu'elle  ren- 
doit,  quand  on  lui  lifoit  quelque  texte  de  l'Evangile. 
L'Evefque  avoit  dans  le  col  une  de  ces  croix  dont 
nous  parlons  au  chapitre  des  reliques  ;  car  fon  perc, 
duquel  j^ay  fçeu  les  plus  fecrets  articles  de  la  vie  du 
feu  Roy,  avoit  reçeu  mefmes  joyaux  que  les  autres, 
&  les  guerifToit  habilement  de  leurs  chancres,  cela 
foit  dit  en  palfant.  Le  conducteur  de  la  Damoyfelle 
qui  voyoit  cette  croix  au  col  de  TEvefque,  trouffa  la 
gallande,  (qui  eiloit  couchée  à  terre)  jufques  au  jar- 
ret, &  fit  figne  au  Prélat  qu'il  la  touchait  de  la  croix 


Ija      CONFESSION    DU    SIEOK     DI    SANCT. 

Tabcilement  :  maïs  ce  maurus  homme  arracha  bien 
h  croix  de  fou  col,  maïs  avec  l'autre  main  il  tira 
bien  I  ubcilemenc  une  clef  de  fa  pochene,  &  la  bonne 
Dame  ne  fencii  pas  plulloft  la  froidure  de  la  clef  à 
h  cuilTe,  qu'elle  effraya  l'aiUflance  de  fes  gambades. 
U  filluc  pour  féconde  preuve  lire  l'Evangile  devant 
cUe.  L'Evefque  rire  de  fa  poche  un  Petronius  Arbi~ 
ter,  qu'il  portoît  au  lieu  de  bréviaire,  &  commença 
à  lire  :  Matrona  quadam  Epkefi  tant  nota  &c.  &  la 
Damoifelle  d'efcumer,  &  faire  miracles,  &  quand  ce 
fut  à:  Placitoneenampugaabùamoriflorscàctoaib^ 
cfvanoiiie.  Ce  Prélat  (à  demi  Luthérien)  dit  qu'il  ne 
peu[  fomenter  fes  fouiïetez  :  mais  il  n'a  pas  bien  leu 
un  Doâeur  ancien,  qui  di[  qu'il  vaut  mieux  laillèr 
les  fuperllidons  pour  n'oHer  les  dévotions.  On  lui 
en  a  fait  de  bonnes  reprimendes  :  fi  bien  qu'il  ne 
s'ed  pas  roonftré  tant  contraire  à  la  féconde  Démo- 


CHAPITRl    VI. 


•73 


cholere  qui  die,  que  s'il  vouloit,  il  refpondroit  auffi 
bien  au  Grec  comme  au  Latin.  Le  Capuchin,  pour  lui 
fournir  d'excufes  lui  die  :  Beliebuth  mon  and^  il  y  a 
ici  des  Hérétiques^  cUfl  pour  quoy  vous  ne  voule^  pas 
parler.  On  fe  mie  à  laciner  avec  Aftarot,  qui  8*ex- 
cufa  fur  fa  jeuneiTe  :  Belzebuch  8*excufa,  qu^il 
eftoic  pauvre  Diable.  Là  il  y  eut  grande  difpute 
entre  ceux  de  la  Juilice,  fi  les  Diables  eftoient  tenus 
d'aller  à  Tefcole  ;  les  Jurifconfultes  maintendrent 
que  c'eftoit  le  proprium  quarto  modo  des  Démonia- 
ques de  parler  toutes  langues,  comipe  celui  de  Cani- 
gny  en  Savoye,  qui  fut  éprouvée  en  feize  langues  : 
aux  enfeignes  que  les  miniftresde  Genève  n'oferent 
eflayer  de  Texorcifer  ;  ceux  d'Angers  furent  plus 
hardis,  entr'autres  qui  commença  en  cette  façon  : 
Commando  tibi  ut  exeas^  Beliebuth  &  Aftarot^  aut 
ego  augmentabo  veftras  panas ^  tr  vobis  dabo  acriores, 
A  la  féconde  fois  il  redoubla  :  Jubeo  exeatis  fuper 
pœnam  excommunicationis  majoris  &  minoris.  Enfin 
tout  en  colère,  il  adjouftariVi^  vos  exeatis^  vos  relego 
&  conjino  in  Infernum  centum  annos  magis  quam 
Deus  ordinavit.  Les  Confeillers  en  voulurent  rire 
&  defcouvrir  la  mefche  ;  mais  le  peuple  fe  mutina, 
ftTEvefque  pour  faire  fa  paix  allégua  qu'il  avoit  em- 
pefché  un  imprimeur  Catholique  par  excommunica- 
tion, qui  vouloit  imprimer  un  livre  de  Pleffis,  &  que 
s'ilvouloit,  ilexcommunieroitHautindela  Rochelle. 
Ce  qui  me  fafcheleplus  de  ces  diableries  mal  joiiees, 
c'eft  que  l'affront  en  eft  àNotre  Dame  des  Ardilliers, 
car  il  falloit  que  fon  Curé  jettaft  hors  les  Démons, 
par  la  puiffance  &  au  nom  de  la  bonne  Dame,  ayans 
refufé  de  fortir  au  nom  de  Dieu  :  cela  euft  fon 
accreu  la  dévotion  &  le  nombre  des  Pèlerins;  quel- 
ques uns  difoyent  que  ce  miracle  fe  gardoit  à  frère 

II.  i8 


274     COKFESStOK    DV    SIfiCR    DS    SAKcr. 

Ange  par  prcference.  Lugoly,  Lieutenant  du  grand 
Prevoft,  eftoic  fort  contraire  k  ces  inventions,  &  me 
dit  il  un  jour,  Par  la  mort,  tes  faifrars  de  fables 
nous  feront  tout  davenir  hérétiques ,  (T  f  yt^ott 
creu,  on  en  peadroii  ;  &  comme  je  !ui  dis  qu'il  ne 
falloic  pa.s  parler  ainCi,  il  rcpli()ua.  qu'il  y  avoit  Afax 
mille  âmes  *u  Ciel,  &  autant  en  la  terre  qui  rcfpon- 
droyent  pour  lui  qu'il  n'eftoit  point  Huguenot,  & 
que  U  Saind  Barthelcmi  en  pourroit  parler.  On  fe 
mocqua  de  lui,  &  n'a  on  pas  laitTé  de  faire  enrager 
)csHiiguenot§,voyaiis  arriver  aux  Ardilliers  de  toutes 
les  parts  de  la  France  boiteux,  aveugles,  fourds, 
ladres  d'efprits  &  de  corps,  voir  cette  levée,  pleine 
d'allans  &  retoumans  de  mefmes,  lefqueU  s'ils  ne 
guerilTcnt,  c'efl  pour  certain  faute  de  foy,  conune 
difoii  le  Preftre  de  Beloiiet  à  fes  Pèlerins.  H  ne  fe 


CHAPITRE    VI.  275 


bonne  Dame,  qui  s'eft  efprouvee  jufques  à  la  refur- 
redion  par  rhiftoire  notable  qui  s'enfuie.  Madame 
de  la  Chaftre  eftant  devenue  fort  jaloufc  de  fon  mari 
&  de  Tune  de  fes  filles,  fe  racommoda  avec  le  Sei- 
gneur de  Montigny,  contre  lequel  elle  avoit  exercé 
de  grandes  inimitiez  devant  ces  guerres  :  il  ne  fallut 
pas  de  grand  femonce  pour  rappeller  cet  homme, 
par  ce  qu'il  eiloit  fort  amoureux  de  la  MarcoufTy.  Le 
premier  office  de  reconciliation  fut  de  tuer  la  Bar- 
thelemie,  meflagere  des  amours  du  père  &  de  la 
fille.  Ce  meurtre  eut  de  l'apparence,  pource  qu^en 
ce  faifant  elle  s'eftoit  bandée  contre  Montigny.  Après, 
le  cœur  content  de  cède  exécution,  vint  à  elle  fur  un 
cheval  de  pofte,  jambe  deçà,  jambe  delà,  Madame 
Avoye  de  Saind  Laurent  des  eaux,  laquelle  com- 
mança  par  un  figne  de  croix  la  harangue  de  Nathan 
à  David.  Ces  deux  belles  Dames,  après  s'eftre  con- 
feflees,  refolurent  d'aller  faire  pénitence  aux  Ardil- 
liers.  Madame  Avoye  fit  préparer  [un]  habillement, 
un  batteau,  prend  les  habillemens  de  Madame  de  la 
Chaftre,  elle  ceux  de  Madame  Avoye.  La  Maiftrefle 
fe  nomma  Mademoifelle  de  Sainét  Laurens,  la  Sous- 
dame  prit  le  nom  de  Celelline.  Arrivées  aux  Ardil- 
liers,  le  Curé  du  lieu  oiiit  fa  confelTion  du  meurtre 
avec  fanglots  &  foupirs  ;  premièrement  de  la  part 
du  Curé,  &  puis  de  Celeftine;  fi  fut  d'avis  le  Père 
Confeffeur  que  noftre  Dame  prift  pluftoft  la  peine  de 
réparer  ce  malheur  par  une  refurredion,  que  par 
une  intercefïion  :  dont  avint  que  la  pauvre  alchaiiete, 
qu'on  penfoit  avoir  non  enterrée,  mais  emmerdée 
dans  un  retrait,  fe  trouva  refufcitee  par  le  mérite 
du  Curé.  Ce  fut  une  belle  vifion,  quand  après  la 
neufvaine.  Madame  Celeftine  eftant  profternee  en 
terre  devant  F  autel,  fa  Maillreffe  la  Damoyfelle  de 


iy6      CONFESSION     DU    StBUR    DB    iJANCY. 

Sa'mft  Laurenï  tenant  la  queue  du  Curé,  pour  mon- 
ftrcr  i'hoUie  (car  il  n'y  vouloit  pas  plus  de  tcûnmaK) 
forrit  la  grofle  Barthelemic  derricre  l'iucel,  laquelle 
ayant  jette  fon  fuaire  par  terre,  vint  pardonner  de 
fa  part  k  fa  Maiftreffe,  lors  habillée  en  Sous-darac, 
laquelle  s'agenoiîilla  proraptement  devant  cette  ame 
nue.  (qu'elle  prenoît  au  commineement  pour  un  fan- 
tofme);  mais  elle  leur  monftra  toutes  les  pièces  qu'il 
faut  au  corps  d'une  femme.  Madame  Avoye  la  court 
embralTer,  Madcmoifelle  la  Chartre  va  la  baifer,  elles 
s'entrebaifent  l'une  à  l'autre,  &  le  Curé  tes  baife 
tomes  trois,  La  peine  fut  de  couvrir  la  nudité  de  la 
refufcitee;  car  desjk  i!  yavoit  des  Pèlerins  laffez  de 
voir  fi  long-temps  la  chapelle  fermée.  Madame  de  la 
Challre  &  Madame  Avoye  lai  partagèrent  leurs 
veftements  :    Madcmoifelle    de  Sainft  Laurenx  lui 


CHAPITRE   VI. 


vrj 


lefCuré  des  Ardilliers  fut  payé  en  chair,  que  la  Barche- 
lemie  avoic  fait  la  neufVaine  avec  lui,  qu'il  trouva 
Mademoyfelle  de  Sainft  Laurent  &Celeftine  fi  vieilles 
&  fi  maigres,  qu  il  n^en  voulut  qu^une  fois.  Je  vous 
conterois  tout  cela,  les  prifons  rompues,  les  batailles 
entre  les  gardes  du  Marefchal  de  la  Chailre,  les 
valets  &  Damoifelles  de  la  Dame,  les  préparatifs  de 
MarcouiTy  pour  empoizonner  fa  femme  ;  mais  le 
Secrétaire  du  Melier  de  Poitou  en  fait  un  Traiéïé, 
pour  célébrer  le  miracle,  &  puis  je  me  fuis  advifé 
que  cela  paffoit  un  peu  les  bornes  de  Théologie.  Si 
ne  me  fçauroy  je  empefcher  de  finir  ce  chapitre  paf 
le  tombeau  de  la  pauvre  Sainde  Bartheleoi^,  ^!^* 
pofé  aux  Ardillieres  par  Madame  Avoye  en  ftyle  de 
Saind  Innocent  : 

Cy  gift  &  ne  gifi  pas  icy^ 
(Un  mouton  y  fut  mis  pour  elU)j 
Lu  BurtheUmi  maqucrelU 
De  la  femme  de  MiZrcouJfy  : 
Montigni  ne  le  tua  pas^ 
Et  le  Cur^  des  Ardillieres 
La  refufcitd  fans  prières^ 
Quinze  mois  avant  f on  trefpas. 

Si  vous  trouvez  ce  tombeau  ailleurs,  le  Traiéîé  des 
miracles  le  demande  ici. 


Chapitre  Septiësme, 
Des  Rdiques  &  dévotion  du  feu  Roy. 


NE  des  chofcs  qui  m'efmeut  le 
plus  à  deWaigncr  TEglife,  fut  la 
leftiire  de  quelques  livres,  qui 
font,  Dieu  mcrri,  comme  abolie 
aujourd'hui,  à  Içivoir  le  Livre 


CHAPITRE    VII. 


^9 


fen  trouvay  à  mon  voyage,  &  la  ledure  de  tels 
cfcrits,  m'apprindrent  à  mefpnfer  les  reliques  des 
Sainéts,  voyant  quinze  ou  feize  telles  à  Sainà  Pierre, 
dix  huit  à  Saind  Paul,  fept  ou  huid  corps  à  chacun^ 
dix  mille  martyrs  enterrez  en  la  grandeur  d'uncoffire, 
les  traces  des  pieds  de  noftre  Seigneur  &  des  Anges, 
la  marque  des  feffes  de  Saind  Fiacre  en  Brie  fur  une 
pierre,  à  JoiTe  en  Auvergne,  dans  le  Catalogne  & 
aux  reliques  trouvées,  du  linge  ialle  de  la  Vierge 
ayant  fes  fleurs,  des  plumes  de  FAnge  Gabriel,  les 
pierres  de  la  feneftre  par  où  il  entra,  du  laiét  de  la 
Vierge,  à  Maillezais,  in  unaparva  bwrfa  fatini  rubii^ 
les  rongneures  de  fes  ongles  &  un  eftemuëmenc 
du  Saind  Efprit.  Comme  hérétique  je  me  mocquois 
de  telles  chofes,  &  trouvois  eftrange  cette  diflîpacion 
des  membres  des  martyrs,  veu  que  nous  reprochons 
aux  Huguenots  qu'ils  les  ont  ofté  de  leur  repos. 
J'ay  encor  à  demander  pardon  à  Monfieur  le  Con- 
vertifTeur,  (car  je  me  veux  confelTer  à  bon  efcient 
en  ce  chapitre)  de  m'eftre  mocqué  de  fes  Grains  bénits , 
qu  il  fit  imprimer  l'an  paffé  à  Paris  pour  les  raifons 
que  le  lefteur  amaffera  de  ce  qui  s'enfuit.  J'ay  des 
contes  un  peu  eftranges  à  faire,  pour  preuver  la 
vertu  des  reliques.  Je  protefte  que  j'aymerois  mieux 
voir  les  Huguenots  fe  mocquer  de  la  vertu  des 
Sainéls  Joyaux ,  que  de  mettre  telles  hiftoires  au 
vent,  fi  elles  n'elloyent  communes  aux  pages  & 
laquais  ;  car  nous  devons  cacher  les  vices  de  nos 
Princes,  mais  puis  qu'ils  font  defcouverts,  il  en  faut 
authorifer  les  ftatuts  du  Sainft  Siège.  Sain£^  Luc  fut 
le  premier  qui  defcouvrit  le  pot  aux  rozes  ;  car  il 
s'enfuit  en  Broûage  quand  la  Sarbatane  &  l'Ange, 
qu'il  avoit  contrefait,  pour  donner  frayeur  à  fon 
maiftre  &  trefve  à  fa  perfonne,  furent  defcouverts 


a8o      COMFBSSIOW    DV    sieur    de    i.ASC 


par  fon  compagnon  le  Duc  de  Joyeufe.  RochepM 
eui  cort  de  faire  l'anagranime  de  Saind  Luc,  Cait 
in  cal.  Ce  pauvre  garçon  avoit  en  horreur  cecte  vile- 
nie, &  Tut  forcé  k  première  fois,  le  Roy  lui  faiTant 
prendre  un  livre  dans  un  coffre,  duquel  le  grand 
Prieur  8c  Camille  lui  refferent  \t  couvercle  fur  les 
reins,  &  cela  s'appelbit  parmy  eux,  prendre  le  lievrt 
au  collet.  Tant  y  a  que  cet  honnefte  homme  fut  mis 
par  force  au  meftier,  &  donna  11  grande  frayeur  i 
fon  Maiftre,  qu'il  fe  fuft  repenti  ou  mort  fans  le 
Duc  de  Joyeufc,  qui  dcfcouvric  rcntreprife  pour  n^ 
ruiner  pas  fa  fortune.  Je  ne  fuis  point  coa\ 
de  defcouvrir  le  conte  du  tipifiier  ;  car  le  Roy 
voyant  au  haut  de  ces  deus  efchelles,  pour 
les  chandeliers  de  h  falle,  en  devint  fi  amoi 
qu'il  fe  mit  à  pleurer  avant  qu'en  fortir, 
au'onleluiamen^  MoDlîciirLêGrajid  i luirai 


CHAPITRE    VU.  a8l 


qu'il  ne  s'expliqua  pas  bien,  )e  n'en  dirai  pas  d'avan- 
tage :  mais  Loignac  s'en  alla  criant  &  pleurant  juf- 
qoes  à  Poiâiers,  où  eftant  viûté  par  les  principaux 
de  la  ville,  qui  le  croyoyent  encores  en  Êiveur,  il 
leur  fit  fes  plaintes  de  fon  honneur  perdu,  d'eftre 
abandonné  &  non  payé,  prefque  en  meûnes  temps. 
On  vit  depuis  ceUes  de  la  femme  de  Salette,  en  ime 
lettre  prife  au  bagage  de  Monfieur  de  Joyeufe  à 
Oiutras.  Sainâ  Severin  depuis,  pour  cet  aâe  nommé 
k  poulain  farouche,  s'eftant  fauve  du  cabinet  du  Roy 
par  le  renverfement  de  Duhalde  &  de  Soupitre,  qui 
^gftfdoyent  les  portes  des  deux  hautes  chambres,  s'en^ 
fait  parmi  les  gardes  c59nter  auMarefchald'Auraont, 
que  le  Roy  Tavoit  envoyé  quérir  par  Montigny,  que 
lui  bien  glorieux  d'eftre  admis  au  cabinet,  après  que 
le  Roy  lui  eut  demandé,  qui  efloit  cette  Maiflreffc 
pour  l'amour  de  laquelle  on  ne  pou  voie  jouir  de  lui  : 
lequel  ayant  refpondu  en  demi  françois  per  Diou, 
Sire  y  you  non  avejfe  ny  goût  de  patrona^  ny  voy  fervir 
ëltro  ché  voflra  Majefta,  Le  Roy  lui  répliqua  :  Je  voy 
bien  que  vous  eftes  trop  galant  homme^  eflant  du 
pais  d'où,  vous  efles^  pour  faire  compte  des  femmes ^  je 
voy  que  vous  rrefles  pas  ignorant  de  V amour  philo^ 
fopfuque  &  facree,  —  ^oy^  dit  Sainét  Severino,  aggo 
fou  foldat  &  non  migou  Phiîofophe,  Ce  fut  affez 
difputé,  car  en  mefme  temps  le  Maiftre  lui  porte  la 
main  à  la  braguette,  Montigni  au  collet  &  Nlonfieur 
d'O  aux  efguilletces  :  or,  ils  coururent  après  rire 
dans  la  falle  pour  appaifer  les  gardes  fcandalifés  du 
chappeau  &  du  manteau.  Le  pis  fut  que  ce  vieux 
François,  Marefchal  d'Aumont,  faillit  à  tuer  ce  pauvre 
homme,  quand  il  lui  conta  ces  chofes  ;  Mee  Dieu^ 
dit  il,7«  voudrois  eftre  mort  fi  cela  efloit  vray;  il  vous 
faut  faire  mettre  en  prifon.  Cette  prifon  fervit  pour 


232      CONFESSION    DU    SISUR    DS    SANCT. 

achever  la  tragédie,  il  fiit  lui  moia  enfermé,  &,  dit  on, 
pis  :  la  vérité  eft  qu'il  fe  rendit  après  eftre  entre  lea 
mains  du  Duc  de  Mayenne.  Les  Seize  de  Paria  ne 
pouvans  croire  cette  htlloire  le  prindrent  pour  un 
Zopire,  &  pourtant  lui  baillèrent  à  garder  SainA 
Germain  des  Prex,  &  fut  tué  avec  deux  ou  trois 
cens  hommes,  quelques  trois  mois  après,  voulant 
regagner  la  ville .  Telles  chofes  &  autres  comme  le 
courrier  du  Duc  de  LongueviUe,  à  qui  le  Roy  de- 
manda l'autre  paquet  auparavant  voir  celui  du 
papier,  fut  forcé  lui  &  fon  poftillon,  &  puis  s'en 
recourut  rapporter  en  polie  en  Picardie  leurs  aâions. 
Le  courrier  du  Conneftable  fit  les  mefmes  plaintes 
i  ufques  au  Languedoc,  fe  plaignant  fur  tout  du  Comte 
de  Maulevrier  qui  l'avoit  produit  :  maïs  fon  Maiflre 
jyantTeproché  qu'il  s'cftonnoit  de  peu,  le  ren- 


CHAPITRE     TH.  aS} 


les  r^les  de  Tamour  facree.  Cela  le  fit  chaflèr  à 
coups  de  pied,  comme  le  Duc  de  Longueville,  pour 
t¥oir  demandé  au  Roy  fes  couleurs  en  une  lettre  de 
papier  enluminé.  8i  je  contois  les  efpou£ûlles  de 
Giylus,  l'autre  contrat  figné  du  fang  du  Roy,  &  du 
fimg  de  d'O  pour  tefînoin,  par  lequel  il  efpoufoit 
Monfieur  Le  Grand;  de  plus  fi  je  redifois  les  paroles 
de  ce  Prince,  adveillé  fur  Maugiron  mort,  ayant  la 
bouche  collée  entre  les  deus  parties  honteufes,  je  ferois 
defplaifir  au  Comte  de  Camavas,  qui  leur  ayant  prefté 
fa  chambre,  les  efpia  par  un  trou  du  cabinet.  Si  je 
defcouvrois  encores  la  porte  que  le  Conheftable  fit 
fidre  à  Folambray  pour  aller  coucher  avec  Le  Grand, 
en  contant  ces  chofes  qui  font  encore  quelque  peu 
fecrettes,  on  blafmeroit  mon  humeur  fatyrique  ;  îi 
je  defcouvrois  ce  que  m'a  conté  Le  Pont,  comment 
il  fut  pris  au  collet,  par  impatience  d'attendre  Mon- 
fieur Le  Grand,  lequel  n  ofoit  paffer,  pour  ce  que  le 
Duc  d'Efpernon  fe  pourmenoit  dans  le  chemin,  le 
chappeau  enfoncé  &  Tefpee  hors  des  pendants. 
Les  jeunes  Députez  des  Etats  de  Bois,  comme  Mire- 
poix,  le  Baron  de  Cofes,  Monac  &  le  jeune  Miron, 
ne  fe  font  pas  plaints  aux  Provinces  qui  les  avoyent 
envoyez,  de  ce  que  l'on  rompit  leur  chafleté  &  leur 
corps,  pour  corrompre  leur  fidélité  &  leurs  voix. 
Mais  pour  tirer  profit  de  ces  chofes  divulguées,  je 
dis,  &  le  fçay,  car  mes  fervices  me  donnoyent  accez 
à  ces  chofes,  que  le  Roy  ayant  pris  une  merveil- 
leufe  frayeur  de  fes  péchez  dez  le  temps  de  fa  far- 
batane,  devint  enfin  û  paoureux,  qu'il  trembloit 
&  pleuroit  à  la  veuë  du  moindre  efclair,  &  à  l'oiiir 
du  moindre  tonnerre.  Monfieur  Roze  lui  ofta  la  plus 
part  de  cette  frayeur  par  un  Àgnus  Dei,  bénit  de  la 
main  de  fa  Sain^teté  :  mais  depuis,  lorfque  il  chan- 


MFBSSION    DU    StEUK.    DE    SANCT. 


gca  fa  faniazîe  d'agent  en  celle  de  patient,  U  devise 
(]  timide  qu'il  craîgnoii  inerroe  les  vents,  &  lors  le 
bon  Prince  eut  befoin  de  remèdes  plus  violens,  &  par 
le  confeil  de  frère  Ange,  qui  fe  repentii  &  lui  re- 
munira  qu'il  avoit  commis  incefte  maTculiue,  parce 
qu'il  ciloit  frère  du  Duc  de  Joyeufe,  ils  firent  par 
gr^indu  dévotion  les  fondations  des  Capuchins,  Jero- 
rolimiics  &  Feiiillans,  où  vous  avez  veu  le  Duc  de 
Jo)'cufe  d'aujourd'huy  eu  fon  lullre,  &  li  où  l'on 
dit  qu'il  retournera  quelque  jour,  quand  il  fera 
faoul  du  plaifir  de  ce  monde.  Pour  toutes  ces  cliofet 
ce  devotieux  Prince  n'ayant  perdu  la  peur,  fureni 
dreffecs  les  Confrairies  des  Peoltens,  &  autres  qu'on 
j  vcu  par  la  France.  La  frayeur  croiSbii  avec  les 
artifices  exquis  des  voluptez,  quand  MonTieur  le  Con- 
vtTiilït.'ur    y  mil  la  main  avec  des  amuktLes    plus 


CHAPITRE     VII.  285 


ment  le  feu  du  Ciel  embraza,  il  y  a  environ  vingt 
ans,  les  Cordeliers  de  Paris  ;  mais  on  n'a  pas  .def- 
coiiven,  que  le  Roy  oyanc  conter  qu'ils  fe  méfloyent 
de  cet  amour  facree,  fut  averti  que  les  reliques  de 
Stind  François  &  de  frère  Maffé  leur  fervoient  de 
Itorier  contre  les  foudres.  Le  Roy  fit  le  gardien  fon 
Prédicateur,  à  la  charge  de  deiirober  ces  reliques, 
lelquelles  ne  furent  pas  longtemps  au  Cabinet  du  Roy 
que  le  feu  du  Ciel  fe  mit  aux  Cordeliers,  juxta  illud 
(lib.  j  Cerem.  Pontifie,  titulo  j)^  fulgura  de  fur'" 
fian  depellit^  &c.  Le  mefme  gardien  lui  apprit  aufli 
que  ce  péché  n'eftoit  point  péché  fous  Thabit  d'un 
Cordelier,  &  en  bonne  intention  de  fe  rendre  con- 
forme à  Sain£t  François  &  à  frère  MafTé,  fon  mi- 
gnon ;  &  c'eft  pourquoy  ceux  qui  ont  hérité  des 
Heures  du  feu  Roi,  ont  montré  à  leurs  familiers 
tous  ceux  qui  font  nommés  en  ce  chapitre,  peints 
&  enluminez  en  Cordeliers,  aux  cnfeignes  qu'à  la 
fin  defdites  Heures,  font  auflTi  peints  ceux  fur  lefquels 
il  n'a  pu  exécuter  fon  entreprinfe,  comme  Chaftillon 
&  Chambaret  :  le  premier  avec  fes  manches  trouf- 
fees  pour  montrer  ces  bras  gras  &  blancs,  &  un 
efcriteau  nonper  amor,  maper  vendeta.  Celaeft  encor 
un  peu  fecret,  mais  qui  n'a  point  fçeu  le  coup  de 
tonnerre  (qui  en  temps  très  ferain),  parmi  cinq  cens 
Gentilshommes  &  autant  de  SuifTes,  à  une  heure 
après  midi  donna,  fans  redoubler,  en  la  chambre 
bafle  du  Comte  de  Soiffons,  où  lui  &  Monfieur  Le 
Grand  prenoyent  leurs  exercices  accouftumez  fur  un 
lift,  deux  autres  fur  un  lift,  le  cinquiefme  eftoit  à 
la  feneftre  ?  Le  foudre  les  partagea,  car  il  en  tua 
deux  &  lai  (Ta  le  troifiefme  à  demi  mort  ;  à  tous  trois 
le  coup  entroit  par  le  trou  de  la  verge  &  fortoit 
par  celui  du  derrière.  Or  voici  de  quoy  faire  dref- 


1er  les  cheveux  à  la  lelle  li'uii  Reformé,  car  les  deux 
qui  n'eurent  poLnc  de  mil  avoyeni  chicun  un  chap- 
pdec;  il  n'en  fut  point  trouvé  fur  les  morts.  Je 
prefuppofe  que  I,a  Pafle  (qui  ne  fut  que  demi  mon 
deux  mois),  avoit  perdu  la  moitié  du  fien.  Voila 
pour  auiliorifer  les  reliques,  &  y  prenez  garde,  vous 
verrez  agnus,  croix,  ou  ehappeleis  aux  bras  de  tous 
les  frères  de  la  Sacrée  Société.  A  propos  de  reliques, 
ce  mefclianc  Comce  de  La  Rochefoucaut  dilhoic  un 
jour  avec  les  filles  de  la  Roine,  qui  le  piccotoieni, 
&  lui  demandoyent  de  fes  belles  reliques  qu'il  avoit 
pillées  i  Tours  aux  premières  guerres;  il  leur 
accorda,  à  la  cliarge  qu'elles  le  viendroyent  toutes 
baifer,  &  qu'il  leur  donncroit  des  braflieres  de 
Sainfle  Catherine,  qui  leur  feroit  à  toutes  venir  les 
tetins  aufli  durs  que  quand  elles  eftoient  pucelles. 
C'ell  pour  achever  ces  horreurs  en  riant  (car  on  fait 
ainfi  à  la  Cour},  Pour  moy  fi  je  ne  fay  pas  tel  cas 
des  reliques,  &  feulement  je  fais  femblant  de  les 
adorer,  excufez  moy  ;  car  citant  allé  un  foir  à  Bo- 
gny,  à  deux  lieues  d'Orléans,  qui  eft  le  fiege  des 
Grands  Mailhcs  de  Sainfl  Lazare,  je  fus  tout  ebabi, 
en  me  levant  au  matin,  d'oiiir  force  clochettes  à 
l'entour  de  U  maifon,  voir  entrer  la  bannière  &  la 
;  &  force  Chanoines  de  Sainft  Aignan  d'Or- 


CHAPITRA      VU. 


287 


qui  print  le  R.  avec  le  poinft  pour  le  père  de 
Sainôe  Catherine  :  là  deiïus  fuft  defiendu  d'y  cou- 
cher, &  fon  Maiftre  &  lui  allèrent  trouver  TEvef- 
que  d'Orléans.  Les  Doreurs,  &  entr' autres  Picard, 
appeliez  en  confultation,  refolurent  que  cette  boite 
fe  devoit  ouvrir  par  les  mains  facrees  de  TEvefque, 
affilié  des  proceifions  voifines.  Le  voila  donc  arrivé 
au  matin,  &  après  une  meflfe  du  Saint  Efpric,  on 
lui  lava  les  doigts  d'eau  bénite  :  il  fait  trois  pas  à 
genoux  vers  le  coffre,  ouvre  la  boite,  qui  fe  trouva 
une  boite  de  bon  Cotignac  d'Orléans,  &  ainfi  conune 
les  Prophéties  ne  fe  cognoiflent  qu'après  leur  effeâ, 
fe  trouva  que  le  R.  fignifioit  Refte,  &  de  Coty  de 
G)cignac. 


MTRE    IIUICTIESMB. 


AisTRS  Pierre  Ponfet.  GeitdK  « 

hcmme  Prelcheur,  celui  &  qiû 
Monfieur  d'Efpernon  rcproriioic 
i^u'il  fjîlbit  rife  \c&  gens,  &  qui 
rcfpondic  au  dit  Duc  que  lui  le* 
liifoii    allez    pleurer  :  ce    bcB  - 


CKAPtTRB      TItl,  ■  389 

difant  que  ces  auAericez  de  vceux  &.  de  vies  eHoîenc 
plulloft  marques  d'une  fauffe  Religion  que  d'une 
vraye  :  tefmoin,  diloit  il,  que  les  facri&ces  des 
humains  eftoient  défendus  aux  Ifraiélices,  oblervez 
parmi  los  Gendis,  comme  leur  ell  reproché  au 
Pfeaume  105,  [efmoin  qu'il  n'y  en  a  aucime  infliiu- 
lîon  par  les  Apoftres^  &  puis  U  alla  coiicer  qu'il 
avoic  veu  en  Turquie  leurs  enragez  de  Caloyers, 
n'a/ans  toute  l'année  pour  couverture  qu'un  reth, 
mais  ea  la  main  droite  un  grand  rafbir  duquel  il  fe 
font  faire  une  playe  nouvelle  quand  la  précédente 
■cheve  de  guérir  ;  &.  quand  à  leurs  jeunes  &  abfli- 
iteaces,  celle  du  vin  qui  ell  eajointe  à  toutes  per- 
foaDes  eil  plus  dure  que  toute  autre.  Quand  ils 
jeufnent,  ils  ne  boivent  ni  mangent.  Quand  aux  pèle- 
rinages, où  trouvez-vous  une  fi  violente  dévotion 
que  celte  des  Pèlerins  de  Ii  Meque,  defquels  plu- 
fleurs,  après  les  incommodiiez  du  voyage  &  la  veuè 
du  fepulchre  de  Mahomet,  fe  font  crever  les  yeux, 
pour  après  chofe  tant  facrec^  n'en  voir  jamais  une 
profane?  Après  il  allégua  l'ellrange  zfele  des  Calî- 
gnois,  &  comment  on  trouva  au  grand  temple  de 
Hechico  les  parois  frottées  du  fang  des  enfans  im- 
molez au  Diable  par  leurs  percs,  &  ce  fang  par 
tout  de  l'efpaillcur  de  deux  doigts;  à  la  vérité  j'ay 
ouy  confirmer  cela  par  le  gardien  des  Cordelierg  de 
Mechico,  &  par  deux  autres,  fes  compagnons.  Renar- 
dière concluoic  par  là  que  telles  inventions  eftoient 
de  fanatiques,  ou  des  Diables  mefmes  qui  fe  font 
communément  fervir  ainfi.  Là  delTus  ce  maiUre  fol 
fe  mit  fur  les  antiquitez,  &  je  ne  fçay  où  Diable  il 
en  avoit  tant  appris  :  ■  Sçavez-vous  pas,  difoit  il,  que 
les  Chombes  blefmes,  les  Druydes  françois,  les 
Anglois  aSfli,  facrlfiolenci  certains  jours,  &  cenoieni 


290 


N'FESSION    DU    SIEUK.    1 


les  facrifices  les  plus  fainfts,  quand  ils  falfoyeni 
mourir  les  hommes  le  plus  cruellement?  Ceux  de 
Canhage  prenoyent  les  enfans  des  meilleures  mai- 
funs,  les  habilloient  k  ta  Royale,  &  n'eftoit  permis 
aux  parens  d'en  arracher  un;  fi  bien  qu'eflans  vain- 
cus par  Agatocles,  fur  l'opinion  qu'ils  eurent  que 
leurs  Dieux  eftoyent  courroucez  par  la  difcontinua- 
[ion  de  tels  facrifices,  ils  aflbmmerent  tout  d'un  coup 
fur  leurs  autels  deux  cents  jeunes  Gentilshommes. 
Ceux  de  Rhodes  &  de  Crêtes  faifoyent  enyvrer  leurs 
hoftics  avant  les  offrir  à  Saturne.  En  Chio  &  Sata- 
mine  ils  defchiroieni  les  hommes  pour  les  immoler 
à  Diomedes.  Les  Arcadiens  au  temple  de  Denis/ 
foucHoyent  les  pucelles  jufques  à  ce  qu'elles  fuflënt 
mortes.  Ceux  de  Sparte  en  faifoient  autant  des  en- 
■       k  l'amel  de  Mercure  &  de  Diane  On. 


CHAPITRE     VIII.  291 

que  nous  paiflioas  faire  eil  à  Saind  Mathurin,  car  je 
▼ous  alTeure  que  le  plus  fage  d'encre  nous  eft  tenu 
pour  un  fol.  £t  pour  ce  que  tout  le  monde  n'a  pas 
conneu  Renardière,  c'eftoic  un  difeur  de  veritez  au 
feu  Roy,  qui  defiranc  eflre  desfrayé  parmi  Tes  Ma- 
reichaux  de  camp,  leur  dit  un  jour,  qu'il  faifoic  plus 
que  Dieu  qui  dit.  Du  labeur  que  fçais  faire  tu 
whras  commodément  :  &  lui  faifoit  fes  Marefchaux 
de  camp  vivre  très  commodément  du  labeur  où  ils 
n'entendoient  rien.  A  la  fin  Ponfet  fe  mit  en  colère, 
ft  lui  répliqua  que  c'eftoit  des  difcours  d'un  Hugue- 
noc  :  l'autre  pourfuit  en  foufriant,  &  commença  à 
caufer  fur  les  Pythagoriciens  des  Chartreux  &  Bons 
Hommes,  entre  lefquels  on  ne  laifle  pas  de  voir  bien 
fouvent  vifcere  vifcera  candi.  Il  nous  conta  comment 
Monfieur  du  Bouchage  eftant  las  d'eftre  ït^é  par  le 
Roy,  &  mis  en  prifon  entre  quatre  efcrans,  fe  con- 
fcffa  à  un  des  compagnons  de  Picquepuce,  lequel 
ayant  ouy  les  vilenies  du  Cabinet,  lui  enjoignit  de 
(brtir  du  monde,  &  lui  révéla  que  s*il  vouloit  faire 
quelque  temps  la  vie  des  Capucins,  il  le  verroit  un 
jour  Pape  :  ce  que  l'enchanteur  Raoul  lui  a  con- 
firmé, &  vous  verrez  (dit  Renardière),  que  d'icy  à 
quelque  temps  il  y  retournera,  &  difoitque  les  fols 
prophetifoient.  Nous  nous  mocquafines  de  lui,  Ponfet 
ft  moy,  &  le  bonhomme  en  colère  commença  à  dire  : 
Vous  eftes  quafi  aulli  mefchans  que  le  Marefchal  de 
Biron,  qui  fe  mocqua  du  pauvre  frère  Ange,  quand 
il  alla  joiier  la  paflion  devant  le  Roy  à  Chartres,  fe 
faifant  foiiettcr,  &  portoit  une  croix  qui  pefoit 
comme  tous  les  Diables.  Là  eftoit  Monfieur  de  Mont- 
penfier,  s'enquerant  quel  eftoit  le  myftere  de  la  mo- 
ralité. Ce  n'eftoit  pas  celui  qui  fit  coupper  le  douzil 
de  fon  vin  de  Gafcongne,  ayant  ouy  de  Babelot 


25)2 


qu'il  eftoic  digne  tic  faire  le  fariR  de  ChriiL  Cellnii 
celui  qui  pour  faire  une  bonne  boucatlc  vouloic  oijir 
vefpres  aux  Auguftina,  Ce  Msfclchil  donc  tinni  i 
pan  le  Duc  lui  dit  ;  Par  le  corpt  Dieu,  Aionlleuf, 
ccfai  en  a  bùn  d.ir,s  h-  eul,fi  d'atcmure  iVVya 
pnini  de  Paradis,  Le  Duc  lui  refpcjnd  :  Par  SaioU 
Picatit,  raon  Maifire^  voici  qui  »ji  cneor  a£ij  bïta 
Jolie  j  hormis  que  la  mufique  en  tfi  un  pru  at'grg, 
C'cdoic  un  cornet  de  terre  qu'ils  avuient  pris  lu  four 
de  Polezcaux  en  pafTant,  fans  oublier  le  fournief 
pour  en  fonner.  Telles  gens  que  \oiis  furent  ca 
beaux  Evefques  de  Lionnois,  qui  alTcmblcrent  un  Sy- 
Ncidc  pour  reformer  la  couftumc  de  Samâ  Andioine 
de  ce  pais  là  :  les  Religieux  du  lieu  s'appellent  Pour- 
ceaux de  Siiiné}  Anloinc  par  humQïté  ;  par  elle  cncor 
ils  fout  obligei  k   faire  huifl  repas,  comme  mon- 


CHAPITRE    VIII.  ap3 

femme  du  Sire le  marché  fait  par  le  Comte  de 

Mauleçrier  açec  la  galande  ^  il  ne  reftoit  que  de 
pratiquer  Vabfence  du  mary^fi  jaloux  qu'il  refufa  un 
M  ambaffade  honnorable^  une  commiffion  fur  le  fel 
de  Pecays  profitable.  Le  Comte  macquereau  ne  fa-^ 
dkmt  plus  quelle  pièce  y  coudre^  pratiqua  un  Cor-- 
délier,  Confeffeur  du  jaloux^  lui  remontrant  que  les 
phu  apparens  de  Lyon  avoyent  l'œil  fur  ce  pauvre 
homme  ^  (r  le  foupçonnoient  d'herefie,  par  ce  qi/il 
déficit  pas  confrère  des  Penitens.  Le  CordelLer 
refpoad  :  A  d' autres ^  Monfieur  ;  je  fuis  trop  map- 
tais  pour  vous  foupçonner  de  dévotion,  Parlei  moy 
Smnâ  François^  &  vous  trouvère^  que  les  Cordeliers 
fams  bons  compagnons,  —  Par  la  vertu  Dieu,  dit  le 
Comte,  c*ejl  que  nous  voulons  chevaucher  fa  femme, 
&  il  y  a  trente  efcus  pour  toy.  Le  Cordelier  réplique, 
Àllei  vous  en,  Monfieur,  &  m'en  laijfei  f^^^^-  ^^  1^ 
4  fix  jours  (qui  fut  un  jeudi),  voila  le  pauvre  fire  au 
rcveftiaire,  qui  fe  prépare  à  porter  la  croix,  comme 
dernier  novice.  Le  Roy,  le  Comte  &  Clermont 
d'Antragues  vont  joiier  leur  jeu,  &  peu  de  temps 
après  virent  par  les  vitres  de  la  chambre  venir  la 
procefTion  &  le  Porte  croix,  lequel  dentro  del  facro 
fè  mit  à  refver  &  à  fantailiquer  en  fon  cerveau  ce 
qui  en  eftoit,  fi  bien  qu'à  la  porte  de  fon  logis  il  lui 
prit  une  pafmoifon.  La  procelïîon  ^y  arrefte  pour 
changer  de  Porte  croix.  Il  falloit  ouvrir  la  porte, 
cacher  les  trois  compagnons  dans  un  comptoir,  où 
ils  efloyent  en  grand  danger,  fans  le  Cordelier  &  un 
confrère,  qui  vinrent  perfuader  au  fire,  que  c' eftoit 
fon  debvoir  de  rapporter  Thabit  lui  mefme  au  re- 
veftiaire.  Qui  a  plus  crié  que  moy  contre  le  feu 
Roy,  qui  portoit  fes  Mignons  en  fes  heures,  enlumi- 
(comme  il  eft  dit  ailleurs),  en  Cordeliers?  N'ay- 


39-!-      COtiTT.S^lOV    DV    SIEVR    DE    SAVcr.  ■ 

je  pïs  fait  coooilire  à  Sainft  Euftaclte  lu  Duchcfle 
de  Guyfe  &  celle  de  Ne  vers,  qui  porioii-m  Rocque- 
raaurct  &  le  Baron  de  Fiimel  peints  en  crucifix  en 
leurs  hejres  &  cabinccs,  &.  eux  leurs  msillrclics  tout 
de  mefmes  en  Noilres  Damcs^  Mais  vous  autres 
Hérétiques,  vous  avez  lort  de  bialiner  rEglife  pour 
ce!*.  Je  rompis  ie  propos  de  Moniteur  Poncet, 
difjnt  ;  L'invention  des  habits  &  des  heures  n'cfl  pu 
cuulpable  du  mauvais  ufa^.  Maii;  pour  vous  rcm- 
bourfer  tous  deux  de  vos  vieux  contes,  je  vous  ea 
veux  donner  un  tout  nouveau.  Qui  penfer-vous  qui 
ait  féiit  quitter  le  monde  au  Comte  de  la  Chappclle  f 
C'cft.  dit  Renardière,  le  Carditial  de  Florence,  qui 
lui  lie  je  ne  fçai  quoy,  &  lui  promit  qu'il  devien- 
droit  Pape,  Je  me  pris  à  fccoticr  la  iclle.  Pour- 
quoy  non  (dicPonfei),  aulTÎ  bien  que  le  Pape.,.,  qui 


CHAPITRE     VIII. 


ap5 


fcffa  des  péchez  que  j*ai  honte  dédire,  pour  lefquels 
M  fit  croire  qu'il  n'y  avoit  aucune  digne  expiation 
que  de  quitter  le  monde  &  fe  voUer  à  TEglife.  Je  fçai 
Wcn  (dit  Renardière),  ce  que  vous  n'avez  ofé  dire. 
Poiiis  à  la  feneftre  de  Tefcurie  à  Sainâ  Denis,  un 
page  qui  importunoit  fon  compagnon  de  lui  dire  il 
le  0)mte  de  la  Chappelle  devoit  venir;  la  refponfe 
fut  :  Je  ne  fçaurois  non  plus  dire  ceîa^  que  deviner 
qui  a  eu  fon  pucelage ^  le  pere^  la  mère  y  Voncle  ou 
la  faur.  Mais  à  ce  propos,  ce  vœu  eitoit  aufli  rude 
pour  expiation  de  fes  forfaits,  comme  celui  que 
delcrit  TAretin  en  la  perfonne  de  Mejfer  Marca 
Santffe.  Sa  pauvre  mère  penfant  mourir  en  douleur 
d'enfantement,  le  voiia  à  eftre  Cardinal  par  humi- 
lité. C'eft  de  lui  que  le  Pafquin  prononça  :  Cha 
fatto  il  Cardinale,  ha  lajjiato  il  fuo  Eleemofinario 
all'hofpitallef  Enfin  M.  Ponfet  fe  fafcha  de  ce  dif- 
cours,  &  nous  dit  :  Si  vous  autres  Huguenots  ne 
fuilîez  venus  à  la  traverfe,  on  euft  bien  appris  au  feu 
Roy  des  veftemens,  des  tonfures  &  des  vœux  fecrets. 
Car  on  Teuft  mis  à  la  grande  CharcroufTe,  bien  for- 
dfiée  de  baftions  au  lieu  de  raifons.  On  Teut  habillé 
comme  Teftoient  fes  bardaches  en  fes  heures.  On  eut 
changé  fa  Couronne  en  couronne  de  poil,  &  pour 
vous  dire  adieu,  &  finir  vos  difcours,  on  eut  payé 
fa  devife,  manet  ultima  cala,  de  ce  diftique  qui  fut 
trouvé  affiché  fur  l'orologe  du  Palais  : 

Qui  dédit  ante  duos,  unam  ahftulity  altéra  nu  tut  : 
Tertia  tonforis  nunc  facienda  manu. 

Celui  qui  devant  en  a  donné  deux,  en  ofte  Tune, 
l'autre  branfle,  la  troifiefme  fe  fera  maintenant  par 
la  main  d'un  barbier.  Et  adieu,  Meffieurs,  je  fuis 


iç6     COVPRSSIOM    DU    SIBVR    OS    SaKCT. 

marri  de  voir  fi  mal  ufer  des  œuvres  pici.  Renar- 
dière luï'voulm  fiirc  un  diicLiurs  fur  ce  mot  d'œu™ 
vres  pies,  mais  Ponlci  pafTi  U  porte,  &  Renardière 
m'acheva  fon  conte.  C'cll,  dit  il,  tjue  l'Evelque  de 
Xainftes  cil  un  des  meilleurs  compagnons  cjui  fe 
pïiilTe  trouver.  Il  y  a  auflï  une  AbbelFe  aux  faux- 
bourgs,  de  laquelle  le  convenc  e(l  plutoft  une  Cour 
qu'un  Monafterc;  car  n'en  deCplaifc  à  MaubuifTou, 
où  durant  le  (iege  de  Pontoife  il  y  demeura  huifl 
Rcligicufes,  que  la  verolle  retenoil,  n'en  defpUife  ï 
Lonchamp  m  a  Montmartre,  qu'on  appeloit  les  nii- 
gazins  des  engins  de  l'armée  j  n'en  defplaife  aulfi  ï 
la  Trinité  de  Poidiers,  à  Vielmur  d'Albigeois,  lU 
Lis,  vray  ferainaire  des  Enfants  rouges,  au  Saincc 
Efprit,  à...  où  Surefnc  mena  ces  jours  Fervacque*, 
dit  à  l'Abeflë  qui  eft  fj  fille,  qu'elle  fît  l'honneur  de 


CHAPITRE     V114% 


^7 


ttn  jour  defcouverts,  efcrivit  à  M.  de  Potonville  ce 
que  c'eftoic  en  ces  termes  : 

VEvefque  CT  VAbbeffe  de  XainÛes', 
Pour  faire  œuvres  pies  O*  fainSles^ 
Vont  au  filence  fort  fouvent, 
La  plus  finette  du  Convent 
Y  fait  un  trou^  CT  les  efpie^ 
Puis  voyant  prejferjlanc  à  flanc  y 
Le  roquet  noir  y  le  furcot  hUnc^ 
Vit  bien  que  c'eftoit  œuvre  pie. 

Il  conclud  par  la  refponfe  de  Venrille  fur  cane  de 
baftimens,  pour  la  réception  des  Cordeliert,  Capu- 
chiens  &  tels,  à  fçavoir  pour  empefcher  que  les 
fols  ne  nous  crèvent  les  yeux,  ou  bien  par  ce  petit 
Epigramme  : 

Huguenots  fafcheux  &  aufieres. 
Qui  hlafme^  tant  les  monafieres^ 
A  la  pareille  dites  nous 
Oit  l'on  pour r oit  loger  les  fous? 


TRE    NeUFVIESMK. 


De  diverjes  manières  de  pefcker  Ut  hommet. 


A  NafTelle  de  Sainfl  Pierre  &:fcs 

ruccefTeurs  ont  main  tenant  changé 
de  manière  de  pefcher.  Car  tant 
tjue  les  tcncbrcs  ont  duré,  l'Eglife 
romaine  a  pcfché  au  feu  &  n'y  i 
rien  qui  deftruilc  tant  les  rivières. 
Le  bois  n'y  a  pas  elle  efpargné, 
par  lequel  un  a  confommé  les  corps  de  ceux  qui 
appreliendoyeni  par  trop  le  feu  des  âmes.  LesCon- 
vercifTeurs  de  ce  temps  là  ne  fiilloient  point  ou  de 
convenir  l'ame  parla  terreur  du  feu,  ou  faire  eon- 
verfion  du  corps  en  cendres.  La  lumière  eftant  venue, 
&  le  feu  n'ayant  plus  de  vogue,  il  falut  pefcher  en 
"  I  fe  Ht  durant  les  troubles,  i 


CHAPITRE     IX.  2^9 


dernier  plus  vigoureux  fe  fencanc  pris,  rompit  les 
mailles  &  (e  fauva.  Quelques  poifTons  fe  perdent 
en  la  fuitte  des  Dauphins,  comme  font  les  chiens, 
les  barbarins,  les  maquereaux,  &  tout  le  menu  des 
fuivans  de  la  Cour,  qui  entrent  à  la  fuitte  de  leurs 
maiftres  dans  cette  grande  &  profonde  balaine  de 
TEglife  Romaine.  Le  menu  peuple  eft  deceu  au 
travail,  où  on  le  fait  fortir  de  fes  cachettes  à  force 
de  fouler.  Pour  cela  il  n'y  a  petite  paroifle  aujour- 
d'huy  en  France,  où  par  bonne  &  fainde  intelli- 
gence, les  Huguenots,  plus  foulez  que  les  autres,  ne 
foyent  contraints  d'entrer  aux  filets  de  S.  Pierre, 
de  mefme  que  les  gelées  font  courir  le  poiflbn  mor- 
fondu aux  fontaines.  Les  hyvers  d^afflidions  en 
font  courir  plufieurs  aux  grandes  fources  d'honneurs 
&  de  biens,  comme  eft  la  Cour  de  Rome,  celle  de 
TEmpereur,  celle  des  Rois  de  France  &  d'Efpagne. 
Ceft  à  ce  jeu  que  nous  avons  pris  en  ces  dernières 
faifons  plufieurs  efprits  relevez,  impatiens  de  petî- 
tcffe  &  de  pauvreté,  &  entre  ceux  là  Morlas,  qui 
ne  pouvant  mettre  d'accord  la  bafTeffe  de  fa  naif- 
fance  &  l'élévation  de  fon  cfprit,  s'accourut  aux 
fources  alléguées,  lors  que  les  Huguenots  edoient 
plus  bas.  Et  mefme  pour  tirer  chaleur  des  autres, 
il  voulut  amener  une  mouee,  ce  qu'il  fit  par  un  arti- 
fice nouveau  :  tenant  en  cela  quelque  chofe  du  Dau- 
phin, horfmis  rifTuë,  Il  amenoit  fon  gibier  de  dif- 
pute  contre  M.  le  Convertiiïeur ,  les  advertiffoit 
premièrement  de  fe  donner  garde  de  lui,  comme 
d'un  impofleur  dangereux,  les  exhortoit  à  tenir  bon, 
&  puis  fe  laifFoit  prendre  avec  eux.  Je  lui  vids  un 
jour  amener  au  bord  de  la  naffe  le  petit  Baron  de 
Courtomcr,  auquel  il  donnoit  de  la  main  par  le  codé, 
au  milieu  de  la  difpute,  lui  difant  :  Courage^  mon 


JOO 


petit  Baron;  tr  louiesfm'j  ilfaiil  conjïdertr  ce qut du 
M.  du  Perron.  Là  ilefTus  avec  une  artificicufc  & 
facree  prévarication  il  Pc  hifTuU  vaincre  d'une  vio- 
lence bien  fimulee.  Ce  petit  Baron  fe  fauvj  :  auHÏ 
eft  tl  du  pays  de  l'apience.  -le  me  fuis  deffieftré  plu- 
iîeiirs  fois  de  melmc  filet.  M. 'de  Chaftillon  fin 
adverti  par  les  vieux  l'ervîccurs  de  fon  père,  que 
l'entreprinfc  eftoit  pouf  l'amener  au  Cabinet,  &  au- 
tant fur  fon  corps  que  lur  fa  confcience;  mais  il  en 
eft  p.irlé  aillciirs,  M.  le  Convertiffeur,  undes  grandi 
peltheurs  qui  ait  eftif  en  TEglifc,  a  plus  heureuf»*; 
ment  que  les  autres  efpté  en  ces  faifons  les  manii 
res  de  pefcher  à  la  ligne,  foit  fage  en  cela  par 
roefrae,  qui  fiift  appift^  d'une  bonne  Evefchî;  mafit 
il  eft  de  l'humeur  de  ceux  qui  tirent  l'eichcllc  apria 
eux  ;  car  il  a  trouvé  învcncion  de  mettre  les  appafis 


arnla 


CH~AFITR]Q    IX. 


301 


de  Guerres  ;  c'ell  qu'il  efpie  ceux  de  qui  la  maifon 
s'en  ell  allée  par  les  fencdrcs,  comme  quand  Teftang 
fort  par  la  bonde,  &  Ibnc  demeurez  à  fec,  comme 
eftoic  le  Baron  de  Salîgnac,  quand  fa  femme  le  con- 
vertit. Les  autres  font  prins  par  la  prévoyance  de 
tels  accidents,  comme  moy.  Pour  pefcher  encor  fur 
les  eaux  dormantes,  Monfieurle  Convertifleur  a  pris 
la  peine  de  venir  prefcher  &  pefcher  à  St  Merry,  à 
la  bourbe  du  peuple,  là  où  il  prend  les  grenoUilles  en 
dormant.  Là  il  prefche  à  Diacre  &  Soufdiacre  ;  fon 
firere  &  quelques  autres  de  fes  apoftres  ont  une  ban- 
que devant  la  chaire  chargée  de  beaux  livres.  Ils  les 
ouvrent  à  la  citation  des  pafFages,  ils  les  ferment  le 
plus  fort  qu'ils  peuvent,  pour  refveiller  rafliftance  : 
mais  tant  eil  douce  la  polulogie  de  ce  perfonnage, 
que  la  plus  part  y  dorment  trois  heures,  &  comme 
à  la  pefcherie,  y  gaigncnt  force  rheumes  ;  en  quoy 
la  Faculté  de  Theoli)gic  apporte  des  commoditez 
nouvelles  à  la  Faculté  de  Mcdccine. 


D«  !„  Tranfubfi. 


ous  ne  pouvons  pss  ilirc  beau- 
coup fur  le  poinfl  de  la  Tran- 
fublianiiatioa;  car  elle  cil  plus 
maliifee  à  prouver  qui  pronon- 
cer. Mais,  comme  dit  Monlîeur  le 


1 


CHAPITRE     X.  jOJ 

rable  laboureur  le  cranfTubfbniie  en  la  grailTe  d'un 
profperant  threforier;  la  mouëlle  des  doigts  d'un 
▼igneron  de  Gafcogne  resjduic  les  boyaux  &  le  ven- 
tre de  Parifiere  ;  les  pleurs  d'une  vefve  ruïnee  en 
Bretagne  font  avoir  du  6rd  à  la  femme  de  Santeny; 
le  fàng  d'un  foldat  perdu  ^  chafTer  Efpernon  de  Pro- 
vence, fe  change  en  hypocras  pour  l'hotle  de  la 
Roze  de  Blois,  aujourd'huy  cranfubllantié  à  Mon- 
ficur  de  BufTy  Guibert.  Les  impofts  de  la  France  ont 
iranfubllantié  aujourd'huy  les  champs  de  labeur 
en  pafturages,  les  vignes  en  friche,  les  laboureurs 
en  mendians,  les  foldats  en  voleurs,  les  vilains  en 
Gendlhommes,  les  valccs  en  maillres,  les  maillres 
_en  valets,  les  Sieurs  en  Haubereaux,  &  les  Princes 
en  Carrabins.  Quelle  altération  a  foufFert  le 
domaine  du  Roy?  Qui  eft  ce  qui  nes'efcrieenpaf- 
fant,  0  domui  antiqua,  quant  difpari  domino  donti- 
itan's  f  Les  puiiins  des  Princes  font  tranlTubllan- 
dees  en  femmes  &  les  femmes  en  putains.  Les 
maquerauxs'en  vont  Princes. La  Varennc  a  iranlTub- 
Ibtniié  fes  pocages  de  cuifinc  en  potages  d'Ellat,fcs 
poulets  de  chairs  en  poulets  de  papier.  Pardonnez 
à  Morlas  s'il  a  fait  femblant  de  croire  la  traniïubs- 
tanciation,  lui  qui  s'cll  veu,  dés  le  berceau,  changé 
de  ballard  de  Sallettes  en  fils  d'un  couturier  ;  de  là 
nourri  par  les  aumofncs  des  Eglifes  de  Pau,  puis 
efcoUer  aux  defpcns  de  la  Roine,  d'efcolier  devenu 
Mioiftre,  de  Miniilre  cfpion  des  Huguenots  à  Paris, 
d'cfpion  gendarme,  de  gendarme  difciple  de  du  Per- 
ron; de  là  Courtizan;  de  Courtizin  traiflre,  &  enfin 
General  des  vivres.  Qui  pourroit.dire  les  changemens 
notables  de  Lanfac,  de  Lavardin,  du  Marquis  de  Belle- 
Ifle  adeProtafius?  Le  feu Evefque de  Valence,  qui 
nç  croyoU  point  la  Tranfubftantiation,  qu'euft-il  dit 


Î04 


FBSSIOK   au  ; 


de  voir  fon  Gis  de  Ch&mpis  Capitaine;  de  Capitaïae 
Prince  fouveraîn  ;  de  Prince  poltron  j  de  polcri>n 
baun)';  de  banni  Marcfchal,  de  Marefchal  cocu,  & 
Marefchal  aufli  cocu  que  le  Marefchal  Vulcao  ?  Mais 
ce  q\il  m'a  confirmé  davanrage  en  la  créance  de  la 
Tranfubftantiation,  c'a  elle  le  pûli  oiau;*.,  connoi  loi 
mejme.  en  voyant  combien  j'ay  changé  &  augmenté 
nés  fubllances.  Je  me  fuis  veu  d'efcolierConfeiller; 
lie  Confdller  Ambaffadeur  ;  d'Ambaffadeur  faSirj- 
nier;  de  faSVanier  mactois;  de  mactols  financier  ;  de 
financier  Colonel,  Capitaine  &  Chaflclain  du  petit 
Chilon,  C'cnft  eilÉ  eocore  un  bel  argument  de» 
eliranges  tranfliibftantiations,  fi  le  Comte  Maurice 
euft  eftii  auffi  prompl  à  contribuer  les  quatre  ceni 
mille  cfcus  que  furent  ceux  de  Berne,  &  Genève  les' 
cents  mille  efcus,  fur  les  ga^es  de  ma  [roifiefme  cun- 
verfion.  A  proiios  te  ne  cquic  ooint  mes  Quatre  cam> 


CHAPITRE    X. 


305 


proverbe  des  Efpagaols,  le  mefpris  de  la  France,  la 
honce  de  Lorraine,  le  defdain  de  la  Bretagne.  Il  n'eft 
ni  Duc,  ny  Tyran,  ni  Gouverneur,  &  lui  qui  avoit 
gagné  des  batailles,  a  laiilé  ruiner  cette  belle  grande 
fortune,  fans  tirer  pas  un  coup,  horûnis  (après  la  paix 
£ûte),  im  pauvre  pet  qu^il  fit  l'autre  jour  de  fang 
firoid,  en  la  prefence  du  Roy. 


II. 


20 


LIV<R^E    SECOCfQ'D. 


APITRB    PHEMIER. 


Dialogue  <U  Mathuriae  &  du  jeune  du  Perron. 


N  m'a  donné  une  pièce  nouvelle 
de  Théologie  moderne,  digne,  à 
mon  advis,  de  tenir  place  en  cette 
marqueterie.  C'eft  une  honnefte 
conférence  entre  les  conférences 
que  cefiecleaconferees:&  vous 
verrez  par  là  combien  la  bonne 
mefnagere  Sainîte  Eglife  Romaine  employé  de  gens 
à  ramener  le  mondcjà  la  grand  voye.  "(Ma di urine  for- 
coti  de  faire  une  leçon  à  Vignolles,  chez  Madame 
ds  Moncluc  :  du  Perron  alloit  ^ire  k  Tienne,  qui 
changea  de  couleur  à  la  veuë  de  Madiurine,  palTa 
la  main  fur  foit  front  chauve,  puis  commença.  Per- 
rm.  Et  à  vous,  belle  Dame  :  on  m'a  dit  que  vous 


OH    DU    SIEUR 


VOUS  vancei  pir  rout  que  vous  avex  converti  S^dig 

Marie  du  Mont.  Maihur.  El  qui  feroic  ce  donc,  mon 
bel  amy  ?  Perron.  Pir  ma  foy  i]  y  auroit  bien    de 
l'apparence,  vous  elles  une  belle  Théologienne.  vU>i- 
thur.  Oiiy,  comme  s'il falloic  convertir  les  gea! 
Troufogie.  C'eftoit  du  vieux  temps,    qiwnd  on   fii- 
Ibit  à  U  pareille.  Hé  !  pauvre  Job,  lelouvîen-iu  pas   < 
qu'il  me  le  promît  la  nuiâ  &  que  j'en  allai  dozmef 
la  bonne  nouvelle  à  ion  frère,  fi  malin  que  je  trou- 
vai li  de  La  Coun,  qui  fortoit  de  fa  chunbre  ?  Perron. 
Tout  beau,  Madame  la  galande,  paricz-vous  atoC 
d'un  tel  Prélat  ?  Miithar.  O  mon  ami,  cela    n'em- 
pefche  point  la  converfion,    lefmoin  Chefniye,  qui 
pour  cllre  venu  trop  matin,  vit  un  chapperon  dans  les 
lacrees  befongoesdc  ton  frère.  Perron,  Ce  qui  faillit    , 
le  rebuter  au  chapperon.  Laifibns  ces  fottifcs  ;  car  je  , 
me  fafcherois,  &  continuant  propos  ;  Je  ne  dis  pat 


CHAPITRE    I.  309 


iîuiûlieres  de  Ciceron,  pour  ce  rendre  familier,  foie 
quelque  chofc  de  bien  ferial>  )^ay  ouy  dire  à  la 
Brofle,  que  quand  il  eftoic  Regenc  de  la  Troifiefme 
en  Bourgongne,  il  euft  foiietcé  fes  grîmaux,  s'ils 
n'euflent  mieux  fait.  Perron.  Penfes-tu  que  je  ne 
lui  aye  rien  appris  que  cela  }  Il  edoic  coût  brutal  & 
barbare,  je  lui  ay  appris  à  parler  des  Pères,  fans  les 
aroir  leus;  des  Conciles  de  mefmes,  &  lui  ai  fait 
parc,  non  feulement  de  la  Matheologie^  mais  à  par- 
ler de  FEdat,  à  admirer  ce  grand  corps  d'Efpagne, 
à  reiglef  tout  au  Confeil  de  Rome,  &  m'a  falu  lui 
montrer  jufques  aux  termes  :  au  lieu  de  dire  le  Pape, 
je  lui  ai  appris  à  dire  Sa  Sainteté  ;  au  lieu  du  Roy, 
fa  Majefté  ;  il  difoit  le  petit  La  Roche,  Zamet,  La 
Varenne,  comme  s'ils  eftoient  encore  nains,  valets 
de  garderobe  &cuifinicrs;  je  lui  appris  à  dire^  Mon- 
fieur  de  La  Varenne^  Vr  bien  fonnee;  ainfides  autres. 
Il  fe  prit  à  rire,  quand  je  lui  dis  que  parler  autre- 
ment eftoit  une  efpece  de  leze  Majefté.  Mais  je  lui 
fis  voir  que  ce  crime  avoit  bien  plus  de  poids  au  temps 
paffé,  &  que  honorer  à  demi  les  créatures  de  Sa  Ma- 
jefté eftoit  manque  de  refpeft  au  créateur.  Je  lui  ap- 
pris encores  à  dire  fouvent,  maxime  dFEftat^  maladie 
^Eflatjperiode£ affaires^  intereffer^ prendre  la  garan- 
tie ^  faire  for  tune  j  courir  rifque^  fymbolifer^  jalouier^ 
ambitionner^  un  efprit  poli,  &  mille  termes  en  cette 
façon,  à  quoy   on    conoift  aujourd'huy  une   belle 
ame.  Afathur.  Bel  afne,  mon  ami,  je  ne  lui  ai  point 
appris  toutes  ces  pédanteries,  mais  bien  fes  conte- 
nances :  il  marchait  droiét   comme  Gaillart,  faifoit 
les  révérences    pardevant,  il  ne  rioit  point  s'il  n'y 
avoit  de  quoy  rire.  Je  lui  donnay  de  la  tablature  de 
M.  Le  Grand.  Je  lui  appris  à  tourner  les  talons  en 
dedans,  à  cheminer  en  oye,  &  de  pareille  gravité,  à 


3' 


elcrimcr  diis  deux  bras,  à  s'i^mmunecltr  le  Vi;n[rc, 
à  reculer  la  celle,  à  1>  dodetiner  de  bonne  grâce,  i 
faire  les  reverencea  en  quarts  &  en  reven,  &  rire 
du  coing  des  dents  ou  comme  un  chien  i  qui  an 
prefente  de  l'ail,  à  parler  de  h  gorge,  à  peigner  fes 
cheveux,  au  moins  aux  paufes  des  difcours,  à  dire 
ma  foay,  au  lieu  de  dire  ma  foy.  Il  a  bien  appris  à 
dire  toutes  les  admirations  comme,  Jefus,  le  plut 
du  monde,  oh,  oh,  oh,  il  y  a  de  fexce';,  c'eji  pour 
en  mourir.  Quand  il  rencontre  un  des  fardes  de  la 
Cour  :  Oh!  que  roui  elles  bien  aujpurtfhuy  tjpo- 
twUy  comme  une  foje,  &  là  dclTus  parler  des  cou- 
leurs félon  la  nouveauté,  &  comme  elles  font  dé- 
duites dans  ce  mefchani  Fanejle.  Je  lui  appris  à 
mettre  des  rozes  par  tous  leî  coings,  où  le  AÎarquis 
de  Quatre  Sols  les  porte,  à  relever  fa  ceinture  à  la 
folTe  de  l'eftomach,  comme  le  petit  Auger,  barbier  de 
Paris,  à  fjire  accrouppîr  le  chappeau  &  les  perru- 
ques. Quoi  !  il  portoit  fon  rabbat  fans  cmpoiï, 
comme  du  temps  des  haulTecoU,  je  lui  en  ay  donrni 
fix,  qui  viennent  à  la  moitié  de  S'efchine,  &  des  man- 
chettes jufques  aux  coudes.  Perron,  \'raycment,  il 
t'ell  bien  obligi*.  11  eftoic  allé  difner  ehei  le  Marquis 
de  Beuvr<3n  ;  comme  ils  lavoient,  le  Marquis  d'Arcy, 
qui  tournoit  la  tefte  à  fes  vîfiona,  prit  une  de  fes 


CHAPITRE    I.  711 


Commardn,  doôesen  jurifpnidence  moderne,  &qul 
fçayenc  bien  faire  un  procez  à  la  mode,  fe  treuver  à 
leur  difner,  &  fe  faire  carefler  chez  M.  le  Chance- 
lier pour  fa  reduâion.  Mathur.  Et  n'appelles-tu 
rien  le  branlement  de  la  main,  à  faire  enfler  les  plis 
de  fon  collet,  à  la  mode  de  Graciane,  &  enfin  tout  le 
pedt  didiônaire  de  la  mode,  favoir  contrefaire 
toutes  les  douces  mines  de  Fecan,  fi  bien  que  le  Ma- 
relchal  d'Ancre  l'a  nommé  le  bel  égyptien,  &  le 
conte  entre  les  beaux,  quelque  noir  qu'il  foit.  Enfin 
je  lui  donnay  une  entrée,  de  laquelle  il  fe  fent 
tant  mon  obligé,  que  c'eft  pour  l'amour  de  moy 
qu'il  porte  cette  corne  de  cheveux.  Perron.  Allez, 
morbieu,  vous  efles  une  maquerelle  pour  tout  po- 
tage, &  qu'on  die  à  Rome  que  c'eft  vous  qui  avez 
converti  les  Huguenots.  Ils  diroyent  bien  que  pour 
amener  les  paillards  à  la  grand  putain  de  Rome, 
que  les  maquerelles  feroyent  nos  Dofteurs.  Ma- 
thur, Et  depuis  quand,  frère,  dis-tu  mal  du  meftier^ 
A  quoy  as- tu  gagné  chauflès  &  pourpoinft,  avant 

2ue  ton  frère  fut  Evefque,  qu'à  produire  à  TUniver- 
té  la  Controlcufe,  la  LibrairefTe,  la  femme  du  Chan- 
delier? Je  t'en  nommeray  vingt  qui  t'ont  contenté 
du  miferable  quart  d'efcu.  Mais  quand  ton  frère 
t'cuft  donné  ce  manteau  doublé  de  mizane,  tu  pris 
crédit  aux  Confcillercs,  &  depuis  aux  Prefidentes, 
&  tu  fus  lors  le  macquereau  de  la  Cour  de  Parle- 
ment, &  puis  de  la  Cour.  Tu  ne  devoir  point  venir 
ofter  les  pratiques  à  la  pauvre  Mademoifelle  du 
Tillet,  &  à  moy.  Elle  ne  produit  que  pour  avoir 
crédit  &  moy,  qui  fuis  pauvre  fille,  j'ay  befoin  de 
toutes  mes  pièces.  Efcoutte;  fi  la  du  Tillet  te  peut 
faire  bailler  fur  les  jarrets,  il  y  paroiftra.  Et  puis 
la  Roine  a  desjà  dit  à  la  Marquife  de  Guercheville  : 


}I2      COÎIFBESIOM    du    SIRUS.    SB    SAH'CT. 

lo  mie/o  che  quejlo  Perro  fi  diUtta  de  la  n{ffia~ 

neria.  Perron.  Par  Dieu,  tu  es  une  mefchance  lan- 
gue. Je  ne  crains  ni  la  du  Tillet,  ni  l'effroyable 
TignonviUe,  &  pour  loy,  comment  ofes-cu  parler, 
qui  couches  avec  les  pages,  laquais  &  Suiffës  ?  Tu 
as  donné  un  chancre  au  Pont  de  Courlay,  &  à  En- 
goulevent, &  la  veroie  enfin  au  Baron  de  Vignolle*, 
en  traictanc  lie  vos  converfions.  Le  pis  cil  que  m 
es  bougreffe,  car  tu  as  gagné  le  cheval  blanc  &  u 
rubbe  de  velours  verd  figuré,  en  payement  du  pucft- 
lage  de  ton  petit  ....  à  Moniteur  Le  Grand,  fans 
rien  nommer.  Tu  es  laide  comme  un  diable  :  la 
telle  molle  comme  feu  Sybllloi,  tondue,  puante  par 
les  aiflelles  &  par  les  pieds.  Va  au  Diable,  tu  me 
feras  rendre  ma  gorge.  /î/j Mur.  Telle  pelée,  refte  de 
Sainft  innocent,  bougre  agent,  bougre  patient  an 
temps  paffé,  me  feras-tu  dire  que  ton  frère  te  vcn— 


CHAPIT&B    I. 


313 


Efpric.  Ec  quant  à  la  fucceiEon  perfonnelle,  il  dit 
que  nous  ferions  tous  fils  de  putains,  puis  que  les. 
Preftres  ne  font  pas  mariez.  Mais  je  Tellonnai,  moi 
qui  avois  couché  deux  ou  trois  nuids  à  Saind  Mar- 
dn,  pour  apprendre  les  argumens  de  Cahier  :  je  lui 
appris  comment  Caïn  avoit  chanté  la  Meflè,  &  com- 
mis le  {âcrifice  de  l'autel,  en  la  perfonne  de  fon  frère 
Abd.  Perron.  Voila  un  fot  argument.  Cahier  ne 
ptye-il  point  (on  hofteffe  de  meilleure  marchandife> 
Avez-vous  point  fait  le  petit  homme  }  Mathur.  Ha  ! 
ma  foy  nenny,  il  faut  qu'il  fuë  encore  une  fois. 
Pmrron.  O I  pour  cettui  là,  pour  des  poix  tu  ren- 
drois  des  febves  :  ce  n^eft  pas  ce  que  je  veux  dire. 
As-tu  point  aidé  à  fouffler  le  feu  lent  fous  la  coque 
d^œuf  où  ell  le  germe,  la  foye  cramoyfie,  &  cela 
dequoi  les  Maniciens  faifoient  leurs  Pafques  avec  la 
pedte  mandragore,  &c.  Mathur,  Il  m'a 'bien  montré 
dans  un  cabinet  ce  qu'ils  appellent  Toeuvre  de  créa- 
tion ;  mais  de  veroUe,  attends  que  les  cheveux  te 
foient  revenus,  &  puis  nous  en  parlerons.  Perron,  On 
m'avificé,  efprouvé  chez  la  Princeffe,  tu  ne  me  fçau- 
rois  nuire  par  ta  mefdifance.  Pour  ton  argument, 
s'il  eftoit  ainfi.  Judas,  les  Juifs  &  les  bourreaux 
feroient  les  precurfeurs  de  nos  Preftres  :  mais  je 
l'arreftai  tout  court,  par  un  fophifme  bien  mieux 
trouflé.  Croyez-vous,  lui  dis-je,  que  le  Pape  eft 
TAntechrift?  Oiiy,  di^  il,  il  n'ell  pas  Chreftien  qui 
ne  le  croit.  Je  réplique  :  ores  cet  Antechrift  doit 
s'aflèoir  au  temple  de  Dieu,  qui  eft  à  dire  TEglife  ; 
le  lieu  donc  où  eft  le  Pape  eft  TEglife  fans  faillir. 
Mathur.  Je  fçai  bien  que  tu  lui  dis  cela,  &  qu'il  ne 
refpondit  rien  :  mais  il  me  die  au  foir,  que  cela  lui 
avoit  fait  peur,  qu'il  n'y  eut  point  moyen  de  prou- 
ver TEglife  de  Chrift  que  par  le  régime  de  TAnte- 


ÎH 


chrill.  Là  liclUis  je  k  relevai  d'un  autre  irgumcn; 
de  l'invention  de  Bonniere,  ou  du  moins  de  Gue- 
dron,  &  du  Conroy,  tjui  l'onr  converiy.  Perron.  Ha  ! 
de  ceituy  là  je  l'advoue,  car  il  a  mieus  aimtf  chm- 
[er  la  palinodie,  que  de  prendre  la  furinrendancc 
des  chanteurs.  JHaihur.  LaifTe  moy  achever.  Vous 
dites,  Melfieurs  les  Huguenots,  que  ceus  qui  au- 
jourdhuy  tiennent  les  grands  rangs  en  l'Eglife  de 
Rome  font  brigands  &  voleurs,  qui  pillent  le  bien 
des  pauvres;  or  i!  eft  dit  :  Ma  moijhn  efl  maifan 
iForaifon^  mais  iU  en  ont  fait  une  caverne  de  bri- 
gands ;  ores  donc  puis  que  nos  gens  d'Eglife  font 
brigands,  nortre  Eglife,  qui  lui  ferc  de  caverne,  eft 
par  necefllié  maifoti  d'oraifon.  Perron.  Par  le  corps 
bieu!  Il  faut  que  j'advoiie  que  tu  es  une  bonne 
vilaine.  Ce  tr.aic  eft  bon  &  délicat.  Et  tout  de  tnefrocs 
fur  ce.^  mots  :  El  federunt  Scrihn  &  Pharijai  fuper 
Cathedram  Jllojis,  Nous  maintiendrons  que  tenons 
la  chaire  de  Moyfe,  qu'il  faut  faire  tout  ce  que  nos 
Evefques  difetit  ;  car  il  ne  faut  pas  fuivre  leurs 
œuvres,  lefqiielles,  auffi  bien  que  leur  doftrine,  les 
monftreni  en  tout  &  par  tour  Scribes  &  Pharifiens. 
Mais  pour  te  rembourcer,  je  l'en  apprends  u 
que  je  garde  pour  Vignoles  ;  quand  il  faut  prouver 


CHAPITRE    I.  315 


uns  des  apoftres  de  ton  frère,  comme  j'ay  fait  de 
{et  trompettes  la  BrofTe  &  Beaulieu.  Je  leur  chan- 
gera de  tant  de  viandes,  qu'ils  parleront  de  mescon- 
Terfions,  comme  ils  ont  commancé  chez  la  Connef- 
taUe  à  un  difner,  où  ils  dirent  que  j'avois  plus 
porté  à  la  converfion  de  Sainde  Marie  que  ton  frère 
le  Convertiffcur.  Vois  tu,  ils  font  las  d'attendre. 
Ton  frère  parvint  par  les  loUanges  de  TAbbé  de 
Tyron;  perfonne  ne  s'advance  par  celles  de  ton 
frère.  Ils  m'ont  fort  bien  dit  qu'ils  ne  loUeroient 
plus.  Pourquoy  ne  les  a  il  contentez,  puis  qu'ils 
eftoient  louez  pour  loiier  ?  Perron.  Quant  à  Duret, 
on  conoit  fa  langue.  Il  fut  bien  fi  impudent  à  TAr- 
fenac,  de  dire  devant  moy  qu'il  ne  venoit  point 
difiier,  quand  mon  frère  &  l'Abbé  de  Tyron  y 
feroyent,  fi  on  ne  marquoit  leurs  verres,  &  que  l'un 
cftoit  pourri  de  vérole,  &  Tautre  de  lèpre.  Si  ces 
emifTatres  cherche-difnez  fc  veulent  efgaler  à  mon 
firere,  on  leur  refpondra  ce  que  fit  le  Comte  de  Ton- 
nerre à  Beaulieu,  lequel  parlant  d'une  mafquarade, 
difoit  à  tout  propos,  les  Comtes  de  Soiffonsy  d'Au^ 
vergnes  &  moy.  Tonner  rCL  lui  fit  fou  venir  de  la 
fable  des  eftrons,  etiam  nos  poma  natamus.  Mon 
firere  n'eft  plus  de  leurs  amis,  &  ne  leur  aidera  pas 
à  defmefler  cette  fufee.  Ores  ils  ne  nageront  plus 
enfemble,  pour  ce  que  Monfieur  le  Comte  a  com- 
mandé au  Capitaine  de  fes  gardes  de  lui  coupper  les 
mains,  &  le  jetter  en  la  rivière,  &  là  defTus  alla 
demander  grâce  au  Roy  à  genoux  pour  ce  meur- 
tre, qui  devoit  eftre  datte  du  jour  du  commande- 
ment. Eft-ce  pas  une  grande  impudence,  d'avoir 
ofé  dire  &  efcrire  en  afTez  mauvaifes  rimes,  que 
le  Roy  &  M .  de  Rhofny,  pour  Tefpargne  (à  laquelle 
ils  eftoient  fi  attachez)  dévoient  congédier  les  Come- 


j 


316      COMFESSION    DU   SIBlfK.    DB    SAXCT. 


diens  ;  encor  que  le  Roy,  par  une  prudence  à  hlî 
particulière,  ayanc  defpendu  l' autre  h  y  ver  fept 
[ellons  &  demi  (il  eft  vrai  qu'ils  eftoient  roîgnez, 
car  il  les  ayoit  cirez  au  jeu.)  &  encore  trois  lelloM 
&  demi  i  oiiir  les  cometlîes,  a  trouvé  une  belle 
invention  :  c'eft  qu'il  a  menacé  les  Comédiens  de  le* 
interdire,  s'ils  ne  vouloicnc  recevoir  fa  perlonne, 
fans  payer,  &  depuis  encore  a  eu  le  mefmc  privi- 
lège pour  Madame  la  Martjuizc,  &  fi  on  dit  qu'il 
avcjit  tous  les  mois  quelque  comédie  au  foir,  qui  ne 
lui  couftoit  rien.  Tout  cela  n'a  point  empelché  que 
ce  Duret,  (je  ne  fçay  s'il  penfc  devenir  ihreforier  de 
l'Efpargne)  ne  lui  ait  confcillé  de  clwfler  les  Comé- 
diens, alléguant  qu'il  avoii  en  fa  Cour  la  comedk 
toute  complette,  qu'il  avoic  pour  Capitaine  Efpeai 
Viiry,  qui  eft  devenu  SbiiTe,  le  Comte  de  Soiffbi 
oui  ioiJe  le  Dodetir  en  la  Cour,  auaod  avecf^ 


CHAPITRE    I. 


317 


plus  jeune  &  le  plus  nouveau  ait  appris  du  plus 
vieil,  &  foie  Ton  imitateur,  par  tout  dxoid  de  na- 
ture, Mathur.  Garde  toy  bien  d'eftablir  cette  maxime^ 
&  en  donne  advis  à  ton  frère  :  car  les  Huguenots 
en  feroyent  trop  leur  profit.  Sçais-tu  pas  bien  que 
nmtes  les  cérémonies  des  Catholiques  de  Calicut^ 
defquels  TEglife  adore  le  Diable  vifiblement^  font 
toutes  femblables  aux  cérémonies  de  TEglife  Ro- 
lùaine^  en  diverfitez  de  Moynes  &  Moineffes,  de 
jeofnes^  confelfions  auriculaires,  &  tout  (comme  il 
eft  dit  plus  au  long  ailleurs),  jufques  au  nom  de  leur 
fottverain  Pontife,  qui  s*appelle  Pape,  &  a  la  tiarre 
du  Pape,  qui  n'a  pas  un  clou  moins  que  celle  du 
Sainâ  Père  }  Les  Jefulftes  difent  là  delfus  que  c'eft 
le  Diable^  qui  eft  finge  du  bon  Dieu  en  terre^ 
&  les  Huguenots  au  contraire  maintiennent  que  ce 
font  les  Papes^  qui  ont  elle  en  tout  &  par  tout  les 
finges  du  Diable^  par  la  mefme  raifon  que  tu  as 
dite,  c*eft  que  le  Diable  eft  le  plus  vieux.  Ores  re- 
garde par  où  tu  te  lairras  empafter  par  Tambicion 
que  tu  as  contre  moy.  Perron,  Parle  bas,  le  Diable 
la  folle;  Voila  le  Baron  de  Salignac  qui  paffe. 
Mathur.  C'eft  tout  un  :  c'eft  un  de  mes  porcs  d'eflite. 
Perron,  Tu  veux  dire  Profelites,  faufle  vefle  que  tu 
es  !  Attend,  le  voila  pafTé.  Voy  tu  !  il  a  des  heures 
qu'il  maugrée  de  s'eftre  converti,  des  autres  qu*il 
n'y  penfe  pas.  Je  ne  voudrois  pas  pour  beaucoup 
qu'il  nous  euft  efcouté,  ou  quelque  autre,  qui  ne 
fiift  bien  refolu.  Tu  m'as  appelé  maquereau,  je  t'ay 
appelé  paillarde,  qui  t*eft  encor  plus  honorable.  Qui 
croiroit  que  tels  gens  font  propres  à  retirer  de  l'he- 
refie,  &  à  fauver  les  âmes  qui  font  en  danger? 
Mathur,  Pour  toy,  maquereau  major,  cela  eft  fans 
exemple,  mais  non  pas  pour  moy,  qui  fuis  pauvte 


Jl8      COKFESSION    DU    SIXUR    DE    S&NCT. 

patlhrde,  comme  eftoii  Rahab.  Sçais-tu  pas  bien 
(juc  Knhab  paillarde  redra  &  fauva  les  efpies  d'If- 
raci,  &  ainfi  moy,  &  force  autres  paillardes  k  U 
Cour  avons  reciré  Sainâe  Marie,  qui  n'elloic  pu 
el'pic  pour  Ifraêl,  mais  il  fervoicd'efpie  au  Roi  parmi 
les  Ifraëlices  Huguenou.  Perron,  Touche  \k.  Je  Aùi 
lun  fcTviceur,  8c  H  j'oy  plus  dire  que  tu  ayes  donné 
Il  vcrole  à  Sainfte  Marie,  je  dirai  bien  que  noiij 
&  que  tu  l'as  encores  par  devers  coy.  JUathur.  Dis  que 
lo  as  trouvé  ta  maitrelTe.  Bon  jour.  Je  m'en  v(ms 
conœr  noilre  difpute  à  Guedron. 


Chafitks  Second. 


Dt  la  reuMoa  dtt  religionj. 


STANT  chofe  très  malftifee  de 
(kdruire  l'opinion  des  Hugue- 
nocs  par  difputes,  ni  par  perfe- 
eudona ,  nous  avions  très  bien 
defleigné  d'y  procéder  par  réu- 
nion des  Religions,  par  les  ouver- 
tures &  intelligences  de  nos  Mi- 
niflres  gagnez  :  mais  de  fix  qu'ils  eftoicnc,  il  y  en  a 
cinq  morts  &  l'autre  chafTé.  Pour  certain  il  n'y 
■voit  point  de  danger  de  leur  quitter  force  peinas 
Théologaux,  pourveu  que  l'auihoriié  de  l'Eglife 
&  du  Pape  demeuraflenc  entiers.  La  raifon  en  ell 
prompte,  que  eux  s'eftant  fouCmis  à  l'auihoricé, 
cuITent  après  facilement  perdu  les  raifons  par  elle. 
£t  quand  nos  Jefuiftes  fe  font  oppofez  i.  plufieurs 
articles,  qu'on  leur  vo.uloit  concéder,  ils  ignoroyent 
le  deflëin,  &  quelques  uns  avoyent  pour  bue  la 
guerre  civile,  plus  loll  que  la'  paix  de  confcience. 
Or  voici  ce  que  nous  autres  honneftes  gens  voulions 
que  l'Eglife  Romaine  laiiïaft  aller  ;  premièrement 
que  le  fervice  fuft  en  François,  pourveu  qu'on  oftaft 
quelques  drolleries,  qui  euiïent  fait  rire  les  gens, 
comme  de  commencer  la  mcfle  par  un  Et,  &.  autres 


abfurdiiez,  qui  font  proprement  &  fubtilemalt 
efcrites  par  Bernardo  Ochino,  au  Traiflé  délia  Suji- 
t'iia  delta  Mifa.  Quant  aux  ornemena,  en  ofter  le 
pluii  ridicule,  &  pour  le  reftc,  rel'poudre  ce  qje  dii 
ledit  Ochino;  c'eft  U  Cene  defgaifee,  &  ijui  s'eft 
faite  religieule ,  fer  parer  pion  Saitéia.  Qu'il  fut 
permis  aux  preflres  de  fe  marier,  &  quîlicr  Icure 
femmes,  quand  elles  feroyent  fafcbeufes  :  en  tout 
cas,  ufer  du  SainiS  Dccrec,  &  de  fes  libertez,  tomme 
ilell  porté  au  Canon, qui  commance,  ii  qui  non  babtt 
[uxorem],  loco  illiui,  fltc.  U  eft  dit  notamment  rà 
rubrica  decteti^  qaod  tjui  non  babei  uxortntj  loco  il- 
lius  débet  concubinam  habtre.  lia  n^at  Epijcopum 
crejrij  niji  Jaliem  unius  concubintr  doininum.  Dit» 
tina.  î4.  hyper,  de  Var.  Stud.  Theolog.  vol.  IJbr 
cap.  5,  Villavincent,  ibid.  cap.  4,  Si  ces  privil^es 
loient  bien  efiablis ,  iih  de  putain  qui  ne  feroit  d' 


] 


CHAPITRE    II.  jai 

celles  de  l'iucre.  Noua  leur  eufEons  baillé  par  le 
marché  le  vendredi  &  famedî,  le  Carefme  &  les 
Vigiles,  fi  non  que  la  police  en  eu(l  auitremenc  or- 
dooné,  comme  en  Angleterre,  &  par  ce  moyen  nous 
enflïoiu  Fait  pais  avec  SainS  Paul,  au  4  de  la  pre- 
mière i  Timochee.  C'eft  encor  une  oubltance  à  l'in- 
dice. Il  fidloic  ofter  ces  marques  des  révoltez  de  la 
toy,  des  abufeurs,  des  DoAeurs  de  menfonge,  d'hy- 
pocrifie  &  de  dodrine  des  Diables.  Calvin  n'euft  pas 
£^  dire  pis.  Que  nul  Catholique  llfe  Sainâ  Paul 
jufqu'aprés  l'accord  fait.  En  mefmc  temps  l'autre 
EgUlè  devoit  reprendre  les  pompes,  la  mulique,  les 
dances,  force  kttes,  les  beaux  &  grands  revenus 
d'Eglife.  Les  Miniftres  euffenc  efté  en  charoffe,  force 
chiens  &  oyfeaux  à  leur  Tuiite.  Nous  euiTions  eftabli 
le  franc  arbitre  :  fur  tout  ehaffé  cette  fafcheufe  dif- 
cipline,  qui  leur  a  fait  perdre  tant  d'honneftes  gens. 
Nous  n'eufTions  point  tenu  entre  les  péchez  la  fimple 
fornication^  ni  l'adultère  par  amour,  fuivani  le  ca- 
hier de  Cahyer  en  fon  dofte  livre  Du  rgtabliffement 
du  bourdeaux,  &,  fa  doâe  difputc  fur  le  fepiiefme 
Commandement.  Je  di  le  feptiefmc,  parce  que 
nous  avons  remis  le  fécond,  que  le  Concile  de  Trente 
a  voulu  oller  :  mais  il  n'y  a  pas  moyen  de  couvrir 
^cene  honte.  Ce  feptiefme  Commandement,  qui  eft, 

'  Non  macbaberù,  tu  ne  paillarderas  pas,  défend  feule- 
ment le  péché  des  enfans  d'Onan,  car  pisixiM»  dérive 
félon  cette  Théologie  moderne  àiti  tcS  (uix™  *  x''"i 
quod  efi  humidum  fundere,  C'euft  cflé  une  brave  reli- 
gion, qui  euft  rejette  les  incommoditez  des  deux,  & 
euft  eflabU  ce  qui  eft  plaufible  en  l'une  &  l'autre.  Cha- 
cun y  euft  efté  receu  &  content,  nul  dechaffé.  Je  fçay 

■que  des  Ariftarches  controlleront  mon  bon  defir, 
mais  je  dis  contr'eux  :  Premièrement  que  la  Sainâe 


î" 


r    SIEUR    SE 


Eglife  doit  avoir  les  bras  c 


propos   nous    les    renvoyons 
prouve  bien  cecK  matière, 
vera  en  fon  lieu,  & 


.. i  toute  force  de 

gens.  Or  ce  n'cft  pas  les  recevoir,  que  de  chaCTer 
leurs  vices  ou  incommodiiez.  Ce  font  les  Huguenot!, 
qui  difeni  que  l'EgUrc  n'ell  que  des  elleus.  Et  à  ce 

i„    j^i  ^  y^    ibnaet,  qui'J 

me  Icrablc.  Il  fe  troo^l 


Huguenot!, 


royti  iju,iu  douxji'in de PEgU/tf  S 


Secondement,  je  demande  à  ces  (ourciUeux ,  s'ilt 
veulent  eflre  plu.s  fages  que  les  Apoftres,  qui  votH 
lurent  enterrer  le  Judailme  avec  honneur.  Vout 
voyez  en  l'Epiflre  aux  Galates,  comment  Monlieur 
Saind  Pierre  s'accoro.modoi[  en  galand  homme  aiu 
humeurs  &  n\ix  iiUàrmicez  des  Juifs.    Sainâ  Paul 

IVn  rpnr-'rv!   ■  oiiiï    ivurim^  Hil^r   fwo>  i;iU*i    il  t 


CHAPITRE    II.  323 


|k]  retenons  en  nos  proceffions,  notamment  à  Poic- 
ders,  où  on  fait  proceffion,  pour  demander  de  l'eau 
aux  Naïades.  If  ous  avons  encor  de  la  gentille  Anti- 
qmoé  l'eau  luftrale,  &  le  pain  &  le  vin  qu'on  apporte 
anjourd'huy  fur  la  fofTe  des  morts,  dequoy  il  ef- 
chappa  un  jour  au  bon  homme  Benoift  de  dire,  ifta 
pagamjmum  fapiunt,  Mefmement  les  inftituteurs  de 
nos  cérémonies  n'ont  pas  eu  honte  des  plus  an- 
ctennes  pièces  de  l'Antiquité,  puis  que  l'on  adore  le 
Dieu  des  jardins  en  tant  d'endroits  de  la  France  : 
fefinoin  Saind  Foutin  de  Varailles  en  Provence,  au* 
qodondefdie  des  parties  honceufes  de  l'un  &  l'autre 
lèse  formées  en  cire.  Le  plancher  de  la  chappelle  en 
cft  fort  garni,  &  quand  le  vent  les  fait  entrebattre, 
cela  desbauche  un  peu  les  dévotions  en  l'honneur  de 
ce  Saind.  Quand  j'y  paflay,  je  fus  fort  fcandalifé 
d'oiiir  force  hommes  qui  avoyent  nom  Foucin  ;  la 
fille  de  mon  hofteffe  avoit  pour    fa  marraine  une 
Damoifelle  nommée  Mademoifelle  Foutine.  Quand 
les   Huguenots   prindrent  Ambrun,   ils  trouvèrent 
entre  les  reliques  de  la  principale  Eglife  un  Priapc 
de  bois  à  l'antique,  qui  avoit  le  bout  rougi  à  force 
d'eilre  lavé  de  vin.  Les  femmes  en  faif oient  le  Sainft 
Vinaigre,  pour  appliquer  à  un  eftî'ange  ufage.  Quand 
ceux  d'Orange  ruinèrent   le  temple  de  Saint  Eu- 
tropy^  on  trouva  une  mefme  pièce,  mais  plus  groffe, 
enrichie  de  peau  &  de  bourre.  Il  fut  bruflé  publi- 
quement en  la  place  par  les  Hérétiques,  qui  cuyderent 
tous  crever  de  la  puanteur.  Il  y  a  un  autre  Saind 
Foutin  à  la  ville  d'Auxerre  &  un  autre  en  un  bourg 
nommé  Vuedre,  aux  marches  de  Bourbonnois.  Il  y 
a  un  autre  Saind  Foutin  au  bas  Languedoc,  diocefe 
de  Viviers,  appelle  Sainét  Foutin  de  Cruas.  Voila 
comme  nos  Doi^teurs  ont  appointé  le  Paganifme  avec 


NFESSIOt:    DO    StKUR    CE    S 


5 


î^+ 


nous.  Il  iàlloii  de  par  Dieu  ou  de  par  l'auu'c,  dcT- 
coudre,  &  ne  defchirer  pas,  comme  ont  lait  c« 
Minillres  fafcheux,  qui  ont  voulu  l'efrir  Dieti  avec 
trop  de  pureté.  Je  trouve  la  Rivière,  premier  méde- 
cin, de  meilleur'  humeur  que  ces  gens  là.  H  ell  bon 
Galenille,  &  très  bon  Paracellïfte.  Il  dit  que  U 
dortrine  de  Gallien  efl  honorable,  &  non  mepri- 
lable  pour  la  Pathologie,  profitable  pour  les  bott^ 
tiques.  L'autre,  pourveu  que  ce  Ibit  des  vrais  pi 
cepies  de  Paracellê,  eft  bonne  k  fuivre  pour 
vérité,  pour  la  fubtiliré,  pour  l'efpargne,  en  fomnc' 
pour  la  Thérapeutique.  Partant  il  fait  de  fon  anie 
comme  de  (on  corps  :  il  eft  Papifte  pour  la  repun- 
lion,  il  ei\  Huguenot  pour  la  gucrifon  de  fou  ante, 
Maiftre  Gervais,  Philofophe  de  Magné,  le  prend 
plus  haut,  car  l'ans  paradoxe  il  maintient  que  toutci 


pn- 


Ï25 


bûUer  pliu,  qu'ils  n'euflent  dévalé  par  utte  fenellre 
leur  accord  bien  écrit  &  figné.  Le  Curé  des  Ef- 
chniez  difoit  pourtant  que  ce  feroit  Tupercherie, 
pource  que  les  MmîUrcs  ont  accoudumé  de  vivre 
peneement.  Quant  à  lui,  pour  ne  tomber  point  en 
CCS  peines,  il  mit  les  Religions  d'accord  en  fi  Pa- 
roifle,  &  quand  on  lui  apportoit  un  enfant  à  bapti- 
ser, il  demandoit  de  quelle  religion  elloient  les  père 
&  mère.  S'ils  difoienc  :  Nouf  fommes  de  la  rtli- 
gùm  de  nos  ftres,  lors  il  couroit  à  l'aube  &  à 
l'eftole  ,  &  detni  vellu  commençoit ,  Adjutorium 
nofirum  in  nomine  Domini.  S'ils  difoient  qu'ils 
avoient  la  cognoiffance  de  Dieu  par  fa  grâce,  il 
toumoii  une  chaire  devant  derrière,  &.  mettant  les 
mains  fur  le  haut,  il  commançoit  après  l'interroga- 
don  :  Noftre  Seigneur  nous  monflre  en  quelle  pau-  . 
vreti  nous  naiffons  tous  en  nous  difant,  ire.  Si  c'eftoit 
un  mariage,  après  pareilles  queltions,  il  fe  menoil 
fur  Adjutorium^  ou  Noflre  aide  foii,  &c.  Puis,  DUu  ■ 
jtofiTt  Père  apris  avoir  formé,  ire.  Voila  un  habile 
homme  cettui  là,  &  non  pas  ce  pallîonné /r«r«  3an 
Bonhomme,  qui  peta  fcnfiblemeni  de  colère  en  la 
chaire,  en  criant  fur  la  converfion  du  Roy  :  Coa- 
ragi,  mes  Paroijfiens,  courage,  Ut  Hérétiques  font 
bien  tfionnei;  ils  n'ojem  plus  nous  appeler  Papiftes, 
ni  manger  chair  en  Carejme  devant  les  gens,  ils 
chomment  les  fejies,  quelques  Miniftres  s'y  accor- 
dent, ils  font  devenus  mois  comme  couilles  de  Lor- 
raine, ir  les  Catholiques  fe  roidiffent  comme  beaux 
vits  tPa-^es  de  Myrebalais,  Or  voila  en  difcourant 
de  l'accord  des  Religions  une  defcription  de   la 


Chapitre   Troisiesme. 


aufei  qui  me  pouffèrent  à  maftcondt  refor- 
naiion,  qui  fui  la  troijiefmc  convtrfion. 


ANiSL,  comme  dit  fon  livre, 
prefchoit  à  feneftres  ouvert», 
ayant  la  face  tournée  vers  l'O- 
0  que  je  vis  un  jour- 
JI  ^^^  M  triompher  M.  le  Conveniflcur 
vJ  ^^>tA  fur  ce  texte.  C'eft  un  merveil- 
leux homme,  quand  il  trouve  un 
poinS  de  Atûtkeoiogie  propre  pour  fcs  allégories. 
C'eft,  difoit  il,  que  comme  Diniel,  pour  faire  fcs 
prières,  tournoît  fa  face  vers  le  Soleil  levant,  il  fiut 
g  adrelTe  cousioars  fca 


CHAPITRE    III.  3J7 


lie,  où  j'avois  appris  qu'à  Rome  les  difpuces  publi* 
ques  avoienc  pour  chefes  ordinaires  la  comparaifon 
du  Roi  d'Efpagne  &  de  lui.  Les  devineurs  de  là 
trouvoyent  par  figure  de  Geomance,  par  oracles, 
par  le  nom  fatal  de  Bourbon,  que  ce  prince  doit 
oonverdr  les  hiérarchies  à  FEmpire,  la  chaire  en 
throlhe,  &  les  clefs  en  efpees,  qu'il  doit  mourir  Em- 
pereur des  Chreftiens.  Les  Vénitiens  adoroient  ce 
Soleil  levant  avec  telle  dévotion,  que  quand  il  paf- 
Ibic  par  leur  ville  un  Gentilhomme  François,  ils 
couroient  à  lui  de  même  ferveur  que  les  Papimanes 
de  Rabelais,  crians  :  L'avej  vous  veuf  fur  l'adveu  du 
Gentilhomme,  les  magnifiées  de  leurs  peintres  con- 
crefaifoient  fon  portraict,  &  fi  toft  qu'il  fe  treu- 
voit  un  tableau  reconneu  pour  femblable  au  Roy, 
le  paflant  eftoit  traitté  publiquement.  Et  après  que 
les  Pantalons  avoient  demeuré  demie  heure  bouche 
béante  de  quatre  doigts  (comme  ravis  en  admira- 
don,)  le  peintre,  outre  le  prix  ordinaire,  en  rece- 
voit  un  prefent  &  honneur  public,  &  le  tableau 
eftoit  logé  en  lieu  facré.  A  la  Cour  de  l'Empereur 
&  en  Pologne,  on  oyait  vœux  publics,  pour  mettre 
l'Empire  en  fes  hcureufes  mains,  avec  difputes 
pour  la  reunion  des  Religions,  ou  la  tolérance  de 
toutes,  force  difcours  d'amener  l'Italie  à  cette 
raifon,  &  de  rendre  les  tiltres  d'Empereur  de  Rome 
e£Bcatieux,  &  non  point  tiltres  vains,  pour  la 
réduction  du  Pape  à  fon  Evefché.  Le  Duc  de  Saxe 
faifoit  faire  en  fa  prefence  des  homélies  fur  les  fimi- 
litudes  de  David  &  de  ce  Prince,  honoroit  &  guer- 
donnoit  ceux  qui  trouvoient  plus  de  grâces  au  der- 
nier qu'au  premier ,  envoya  jufques  Zurich  une 
chaîne  d'or  de  recompenfe  à  l'autheur  du  livre, 
intitulé  Carolus  Magnus  redivivus.  Ce  grand  luftre 


jaS       COMPESSION    DIT   SIÏUR   DB    SAVtï. 

de  réputation,  fccondé  de  tant  d'exploits  de  giicrr*»"" 
que  prometioU-il  de  ce  Prince,  fe  fervsnt  des  dîvï- 
vifions  desjà  créées  encre  les  Mofcovîtes,  Polonoi» 
&  Suédois,  le  Traofilvain  &  l'Empereur,  &  aucrcs 
allaires  de  Septentrion,  cottoilTaot  le»  infîrmicez  da 
Roy  d'EcoITe,  les  ddTdns  divers  fur  la  vicillclTc  de 
la  Roine  Eliiibeth,  les  révoltes  de  ilrlapde,  U 
vieilklTe  &  mort  certaine  du  Roy  d'Efpagne,  l'aïa- 
bition  &  fubtîlité  de  fa  fille,  h  pauvre  repuutioa 
pour  lors  de  foa  fils,  les  machinations  des  Princes 
d'Italie,  pour  parvenir  à  leur  liberté  fur  la  déca- 
dence des  ans  &  affaires  de  leur  Tyran,  la  bovirlê 
du  Grand  Duc  ouverte  au  Roy,  Don  Cefarc  de 
Ferrare  cerchant  appuy  en  France  pour  la  lucccf- 
fion  qu'il  voyoic  branler,  le  Duc  de  Savoye  co 
difpute  pour  l'accompliflemenc  des  poinds  de  Ton 
raariiKe,  la  BrelTe  perdue,  le  reftc  bien  enfoncd  par 


CHAPITRE    III. 


3^ 


Jugez,  Meffieurs,  fi  cette  mutation  n'eftoit  pas  fous- 
tenaUe.  A  la  vérité  je  ne  connoiflfois  pas  aflez  la 
caballe  du  monde,  les  infirmicez  des  Princes,  &  en- 
cores  moins  }es  grands  interefts  des  Confeillers  de 
l'Eftac  à  maintenir  la  Diane  des  Ephefens, 


Chapitre    Quatriesme, 

Apologétique  pour  ma  longue  demeure 
entre  Us  hereiiquet. 

!Z  amples  font  les  conTider 
lions,  par  lefquellcs  je  fus  m" 
ché  à  une  religion  desjà  autrei 
fois  gouftee  &  fiiivîe,  de  laqw" 


CHAPITRE    IV.  331 


gions,  qu'il  fallut  rendre  moindre,  pour  puis  après 
Tannuller.  Nous  couchafmes  à  la  première  de  ces  dif- 
ferences,  lors  que  les  Huguenots  fe  virent  le  cœur  en 
)oye,  lors  que  mal  à  propos  ils  concluoient,  qu'ayans 
un  Roy  &  un  Prote^eur  en  une  perfonne,  ces  deux 
qualités  eiloyent  infeparables,  fans  perte  de  la  chofe, 
abfque  rei  interitu.  Sur  ce  point,  nous  defpefchames 
ce  maifire  Aliborum  du  Fay,  inftrument  trompeur 
&  trompé,  comme  il  a  paru  par  fon  teftament,  auquel 
il  a  confeiTé  avoir  trahi  le  pard  de  Dieu,  pour  &ire 
fa  fortune  ;  mais  il  y  a  deffence  de  parler  de  ce  tefta* 
ment.  Ceftuici  ayant  quelque  caquet  à  la  bouche, 
ft  au  front  afleS  d'impudence,  mit  en  un  mois  la 
Meflê  où  il  voulut,  caflTa  toutes  leurs  Qiambres  de 
juftice,  leur  fit  quitter  toutes  leurs  finances,  apprit 
à  leurs  gens  de  guerre  à  parler  d'Eftat,  ne  con- 
noiftre  que  le  Roy,  lequel  ayant  gaigné  ce  poinft,  mit 
toft  après  le  Protefteur  derrière  :  &  puis  quand  ce 
nom  de  Proceôcur  lui  peza  fur  les  efpaules,  il  l'enfe- 
velit  auprès  des  Rois  à  la  porte  du  temple  Saind 
Denis.  Pour  faire  toutes  ces  belles  préparations,  à 
tous  ceux  qui  dcmandoient  au  Fay  fa  commiflion 
particulière,  le  Fay  leur  montroic  la  clef  des  poulets 
de  Madame  Martine,  qu'il  difoit  eflre  la  clef  des 
féaux  de  Navarre.  Quelques  Huguenots  malitieux 
voulurent  s'oppofer  à  cette  menée  :  les  autres  Hu- 
guenots, ou  fimples  ou  gaignez,  les  appellent  Conje- 
guerres,  les  accufent  vers  le  Roy  ;  fi  bien  que  voila 
tout  au  pouvoir  d'un  feul  :  omnia  pênes  unum. 
Leurs  juAices  &  leurs  finances  tombent  entre  les 
mains  de  Madame  Formalité,  par  laquelle  nous  leur 
fouArayons  en  peu  de  temps  les  places  de  Clermont, 
Joinville,  Chafteaudun,  &  en  Lorraine  Stenay,  Ville- 
Franche,  Dun   &  Beaumont,  Chavigny,  Aubenas 


333       CONFESSION-    DU    SIBUtt    DE    SANCT. 

&  plufieurs  autres.  Voila  la  Huguenotaille  i  gron- 
der chacun  à  part,  fans  pouvoir  dire  Nous.  Or  je 
me  puis  vanter  d'avoir  frappé  les  plus  grands  coups 
à  fapper  le  rampari  de  cette  différence.  Pour  U 
féconde,  Dieu  ait  l'ame  de  feu  Morlas,  mais  fi  lui 
&  re.<:  compagnons  euffent  aufli  bien  joué  pour  le 
faift  de  la  Religion,  comme  fie  pour  l'Eftac  du  Fay, 
il  n'y  auroit  aujourd'hui  d'Huguenots  en  France 
que  ks  Confiftoriaux  &  bruflables  :  les  Huguenots 
d'Eftac  ou  d'efpee  (comme  je  les  appelle),  culTeDtfaii 
leur  paquet.  Encor  avons  nous  entrepris,  pour 
eftonner  les  plus  faints,  d'avoir  gaigaé  les  fut  plus 
huppez  de  leurs  Minières ,  lefquels  avoyent  juré, 
que  edans  choifis  pour  la  dîfpute,  après  avoir  faic 
les  mauvais,  ils  uferoicnt  d'une  facrec  prévarication , 
Qu'ainft  ne  foit,  mon  Roian  allant  à  la  difpuie  de 


CHAPITRE     IV.  333 

dehors.  Si  j'euflè  efté  impadenc  comme  Cahier,  ou 
Iblliciceur  d'af&gnadons,  comme  Serres,  je  n'eufTe 
pas  £iic  au  nom  des  Huguenots  Teledion  de  la 
Chambre,  je  n'euffë  pas  eu  le  credic  de  renvoyer 
Chouppes^  fans  recufer  les  Parlements  ;  car  ce  vieil- 
lard dloit  invincible,  s'il  ne  m'euA  penfé  zélé.  Je  ne 
içay  qui  en  ce  temps  là  alla  barboUiller  le  dialogue 
die  Roihi  &  de  Revol  :  je  mourois  de  peur  en  le 
lilîuic,  d'y  voir  mon  nom,  car  fi  j'euflè  efté  décou- 
vert par  ce  devin  aufli  bien  que  Morlas,  j'euflè 
perdu  mon  crédit.  Ce  fut  de  mon  invendon,  durant 
kt  affemblees  des  Huguenots,'  d'en  dépêcher  dix  en 
leurs  dix  Provinces,  pour  faire  femer  la  zizanie 
qui  a  ainfi  muldpliee.  Ils  furent  defpefchez  de  ma 
main,  &  prefque  tous  furent  poufTés  en  cette  entre- 
prife,  en  me  croyant  de  mefme  Religion  qu'eux  : 
notamment  Source,  ancien  de  Cour,  qui  fit  faire  de 
fi  beaux  fermons  à  Mermet  de  Nerac.  Ceftui  ci , 
encor  que  nous  reuflions  mortifié  par  une  longue 
famine,  me  protefta  qu'il  n'euft  pris  ni  mon  argent, 
ni  mes  inftrudions,  fans  Tafleurance  de  ma  pieté.  £n 
ce  temps  là,  j'ay  appris  aux  plus  fringants  Hugue- 
nots cette  fentence  :  Ce  qu'on  demande  pour  le 
public  vient  tard,  gaigne  les  bonnes  grâce  aufli  toft. 
Fais  tes  affaires  particulières,  &  laifTe  les  publiques. 
Tarda  Junt  quœ  in  publicum  expoflulantur  ;  privatam 
gratiam  cito  mereare,  cito  accipias.  Je  ne  vous  conte 
point  les  aphorifmes  d'Eftat,  defquels  j'ay  inftruit  le 
petit  VifTouze,  fon  pedt  lacquais,  Lomenie,  Maine- 
ville  &  M.  de  Roy  an.  Tant  y  a  que  j'ay  fait  du  pis 
que  j'ay  peu,  comme  ceux  qui  ont  peur  dans  un 
fiege  de  ville  :  avant  fauter  la  muraille  ils  efpau- 
vantent  le  plus  qu'ils  peuvent  leurs  compagnons, 
&  quand  ils  Tont  fautee,  menez  devant  le  General 


334      COMFESSION    DU    SIEVS.    DB    SAMCY. 

(]ui  alHege,  ils  difenc  &  font  le  pis  qu'ils  peuvent, 
pour  n'eltre  pas  feuls  deslioaorez.  £t  de  plus  il  n'y 
a  point  de  Catholiques  plus  renforcez,  ni  qui  facent 
plu.^  de  mal  aux  Huguenots  que  les  nouveaux  con- 
vertis. Pour  preuve  de  quoy  je  me  vay  rendre  fol- 
Uctieiir  des  Jefuilles  ;  pour  lefquels  je  veux  faire 
une  Apologie  contre  ce  qu'on  les  accufe  de  faire 
jouer  le  couteau  partout.  Par  cela  meûne  je  monftre 
qu'ils  font  iraitaceurs de  Jelus-Chrift,  venus,  comme 
lui,  mettre  la  guerre  entre  le  père  &  le  fils,  non 
por[eurs  de  la  paix,  mais  du  glaive  :  &  ce  font  ces 
petits  glaives  qui  forteni  de  la  manche  de  leun 
Apollrcs.  Il  faut  que  les  profelyies  fignentleur  zèle 
par  le  fang  de  leurs  anciens  compagnons,  &  Foi^ 
g.iife.  Gouverneur  du  Prince  de  Condé,  m'a  promii 


Cha?itrb   Cinquiesmb. 


Dis    miferes    dtt    Hugutnc 


or  AMT  que  j'ay  ouvert  ud  beau 
champ  aux  frères,  pour  difcou- 
rir  de  ma  converfion,  je  délibère 
en  ce  chapitre  coniencer  mieux 
les  efprits  curieux,  que  je  n'ay 
faîc  les  confcienccs  ferieufes.- 
Chacun  s'enquiert  qui  a  induîc 
Sancy  à  fa  révolte  :  Je  demande,  qui  a  contraint  le 
Roi  à  cela  raefme?  S'ils  refpondent,  pour  fauver 
un  Edai,  <T  moy  U  mien,  dîray  je.  Oûy,  mais  cela 
efi  honteux;  la  pauvreté  l'tfl  davantage^ 

Nihil  hjhti  in/tlix  paupertat  dur'uiSj  tyc. 

La  miferable  pauvreté  n'a  rien  de  plus  dur,  que  ce 

qu'elle  rend  les  hommes  ridicules 

Hais  philorophons  un  peu  fur  cecce  queUion.  Ce 
n'cft  pas  changer  que  de  fuivre  tousjours  mefme 
but.  J'ay  eu  pour  but,  fans  changer,  le  profit, 
l'honneur,  l'aife  &  la  feurté.  Tant  que  le  deffein 
d'eflre  Huguenot  a  efté  conforme  à  ces  quatre  fins, 
je  I'm  fuivi  fans  changer.  Quant  au  contraire  j'ay 
veu  dommage,  honte,  peine  &  danger,  c'eull  elle 


JJÔ       CONFESSION     DU     SIEUR     DE     SAKCT. 

inconftanct  di;  changer  des  defTeins  oppofei  dia- 
meiralement,  J'ay  donc  fuivi  mon  but,  je  n'ay 
changé  que  de  moyens.  Ad  confiituium  portum  len- 
deni  eadein  prorfus  navigatione^  fed  veHficatione 
muinta.  Or  pour  reprendre  le  premier  de  nos  quatre 
poinfts,  qui  eft  l'uiilicé,  quel  moyen  a  de  s'a- 
vancer un  pauvre  Huguenot  en  temps  de  paix  ? 
S'il  eft  roturier,  nous  avons  commandé  qu'on  fift 
les  AfToycurs  ou  Receveurs  Caiholiques,  &  les  Col- 
lefteurs  Huguenots.  S'il  a  des  procès  civils,  nos 
Juges  les  changeront  ea  criminels.  S'il  elt  Gentil- 
homme, &  qu'il  efpere  quelque  chofe  du  Roy,  nous 
n'avons  lailTé  en  fa  puilTance  de  difpofer  d'aucun 
bien  faift.  Si  Monlîeur  le  Huguenoc  prétend  quel- 
ques bénéfices,  nous  avons  fait  prefter  ferment  à 
tous  les  Ecclefiaftiques  de  retirer  leurs  noms, 
&.  leur  rompre  la  foi,  fuivant  l'arricle  du  Concile 
de  Confiance.  Leurs  tthres  leur  fervîront  autant  que 
firent  ceux  de  Cheredame.  C'ertoit  un  Huguenot  de 
la  {Implicite  ancienne.  Je  lui  demandois  un  jour  sll 
jouiffbit  paifiblemeni  du  bénéfice  de  Bandouille,  que 
le  Roy  lui  avoit  donné.  Ouy,  Monfiear,  dît  il,  car 
ce  foni  les  beneficet  dont  lu  Jerns  joUiffanl,  6"c. 
Item,  mais  hs  bénins  pofederonl  la  terre.  Je  ré- 
plique :    Oui,  mais  qatl  lUlre   avrj-vaus  pour  mon/- 


CHAPITRE      V. 


337 


les  raifons  que  les  Huguenots  allégueront  ferviront 
autant  devant  nos  juges,  que  celles  de  Cheradame. 
Quant  à  Fhonneur,  ceux  qui  auront  à  fe  faire  rece- 
▼oir  en  la  Cour,  après  TEdid  receu,  m'en  diront 
des  nouvelles.  Et  cela  foit  fecret  entre  nous.  Quelle 
aifè  peut-il  avoir  entre  gens,  qui  n'oferoient  s'eftre 
resiouys,  ni  avoir  raillé  avec  une  de  leurs  voifines, 
qu'ils  n'ayent  aufli  toil  un  furveillant  au  codé , 
comme  une  efcarcelle }  Quelle  feurté  à  gens  à  qui 
on  fait  le  procez  après  edre  pendus  ?  Si  c'eft  en 
temps  de  guerre  (ce  que  la  paix  d'Efpagne  &  le 
Jubilé  prochain  m'ont  fait  appréhender)  que  peut 
efperer  un  homme  de  mon  eflat  en  leurs  affaires  } 
£c  comment  pourrait-on  grignotter  en  leurs  fidelles 
&  bizarres  formalitez?  On  me  conta  un  jour  que 
durant  ces  dernières  guerres,  il  y  avoit  en  Poidou 
deux  financiers,  qui  feuls  exerçoient  tous  les  Eilats 
des  Prefidens  &  des  Efleus  de  cinq  Eledions,  des 
Receveurs  généraux  &  particuliers,  &  de  leurs  Com- 
mis Controlleurs,  mais  Payeurs  à  bon  efcient  :  car 
c'eiloit  à  la  banque  un  à  un.  Ceux  là  affiiloient 
aux  jugements  criminels  &  civils,  &  avoient  la  moi- 
tié du  temps  à  fe  jolier.  Les  Capitaines  ne  les  pou- 
voient  tromper  d'un  paffe -volant.  Il  paffa  deux 
milions  d'argent  par  les  mains  de  ces  deux.  Quand 
il  falut  fuivre  le  Roy  de  ça  Loyre,  il  fallut  aufli 
qu'un  deux  empruntait  cent  efcus.  Oyant  ce  conte, 
je  me  fouviens  aufli  d'un  Efpagnol,  qui  ayant  fervi 
dix  huift  ans  feu  M.  le  Connellable,  &  lui  voyant 
renoUer  une  efguillette,  le  galand  la  prit  &  la 
baifa,  &  ne  Teuft  pas  fitoil  remife  en  la  place  par 
le  commandement  de  fon  maiftre,  qu'il  lui  dit  pour 
adieu,  bejo  las  manos,  Aufli  j'en  dis  autant  à  Mef- 
fieurs  les  Huguenots,  entre  lefquels  il  fe  void  des 
II.  ai 


ÎJ» 


tinaiiciers  pauvres.  Quant  ù  l'honneur,  en  temps  de 
guerre  il  ne  fe  gagne  avec  eux  qu'à  coups  d'efpee  -. 
chofe  que  je  defdaigne  fort,  encor  que  l'on  m'ait 
fait  Colonnel  des  SuilTes.  Mais  quel  aife  pcuveiii 
fentir  les  Huguenots  eoufus  en  leurs  eu  ira  (Tes,  comme 
lormës  en  leurs  coquilles  ?  Pour  leur  feurté  ils  n'ont 
que  Dieu  pour  tout  potage,  où  un  homme  de  mon 
humeur  ne  fe  fie  qu'à  raifon.  Mais  pour  traiftcr 
cette  matière  un  peu  plus  généralement,  je  vids 
que  la  melme  violence  qui  avoit  elbranlé  le  Roy, 
devoil  cfbranler  les  telles  plus  eflevees.  Je  vidg  la 
fiance  qu'ils  avoient  en  une  ame  agitée  au  gré  de 
fes  ennemis,  qu'ils  cerchoient  leurs  feurrés  ailleur); 
qu'en  eux  mefmes  ;  prenoient  leurs  relblutions  chez 
leurs  ennemis,  &  non  pas  chez  eux,  comme  font  les 
Suillês  ;  lenoyent  la  paix  pour  faifle,  avant  qu'elle 
fut  bien  commencée  à  traifler,  &  fe  defpoiiiÙoieni 
de  leurs  advantages  &  dillinaions  premier  qu'elle  fut 
exécutée.  Qui  pis  eft,  nous  avions  gagné  trois  ou 
quatre  de  leurs  principaux,  qui  les  failbient  traifler 
comme  desjà  coufus  dans  le  parti  du  Roy,  non  en 
guerre,  car  ils  porcoyent  les  armes  pour  lui,  non  en 
paix,  puis  qu'il  falloît  traifler,  non  en  trefve,  car 
ils  avoient  abandonné  leurs  dillinflions,  4  fçavoir, 
finances,  i 


CHAPITRE    V. 


339 


fbibleffe,  fans  confiderer  les  diilindions  des  affaires 
de  l'Eftat  :  de  là  ils  commancerenc  à  craider  avec 
refpeél,  pour  conclure  fans  feurcé.  Ils  en  faifoienc 
aflfez  pour  offence,  non  pour  deffence.  Voyant  ces 
ptuvres  gens  en  leur  fîmple  fidélité,  condamnez  à 
cAre  le  joilet  des  plus  Grands,  advifez  aux  affaires 
du  Roy,  divifez  aux  leurs,  avoir  pitié  de  la  France 
quand  la  France  n'en  avoit  point  d'eux,  la  vouloir 
garder,  &  n'y  avoir  rien,  la  fortifier  quand  on  les 
en  chailè,  je  dis  Beiomanos  de  l'Efpagnol,  jugeant 
bien  que  celui  qui  a  les  mains  liées  de  la  crainte 
de  Dieu,  &  le  front  bas  du  refpeft  de  fon  Prince, 
fa  paix  ne  fera  jamais  paix,  fed  paéHo  fervitutis, 
mais  accord  de  fervitude. 


Examen  de  quelques  liv, 


I 


VASo  Monfieur  le  Converti  fleur 
vint  k  mon  logis  &  y  fit  apporter 
trois  charge*  de  livres  pour  faire 
la  ccrctnonic  de  ma  converfion, 
quelques  cenfeurs  de  ce  temps 


CHAPIT&B    VI. 


341 


ft  aparc ,  ferc  en  gros  :  quœ  non  profunt  finguta^ 
Mulia  juwani,  il  a  fallu  ufer  de  mefme  dextérité 
contre  cet  orthodoxe,  &  effleurer  les.  matières,  fans 
deûnefler  à  bon  efcient  fes  argumentations  ferrées, 
qui  prouveroient  toute  l'orthodoxie.   Quant  à  Ri- 
cheome,  les  Hérétiques  font  contraints  d'advoiier, 
que  c'eft  le  ilyle  le  plus  courtifan  qui  foit  forti  en 
lumière  de  ce  temps,  pour  le  moins  la  préface  :  fi 
on  dit  qu'elle  n'eft  pas  de  lui,  fi  elle  eft  tienne  ou 
par  don  ou  par  achapt.  Si  le  corps  de  Pœuvre  eft 
groflier,  ne  voit-on  pas  la  jeuneiTe  de  ce  temps  por- 
ter  du  linon  empezé  au  collet  &  aux   poingnea, 
bien  que  le  corps  de  la  chemife  foit  de  grofTe  toile 
&  pourrie,  &  aufli  peu  coufuë  aux  extrémités, 
comme  ce  livre  à  fes  prolégomènes  ^  Ne  fait-il  bon 
voir  ces  trois  bataillons,  qu'on  ameine  devant  le 
Roy,  pour  lui  faire  recepvoir  les  Jefuiftes?  Car  à  la 
veriti  trois  bataillons,  de  huid  mille  hommes  cha- 
cun,   accompagnez   de  cinquante    Canons  &   leur 
fuitce,  feroient  bien  autant  perfuafifs  pour  le  moins, 
&  feroyenc  mieux   taire  TAdrocat  Arnault  que  le 
livre  de  la   Vérité  défendue.  Or  pour  fuivre  mon 
propos,  je  prins  mes  lunettes,  comme  quand  je  joue 
aux  dez,  &  voyant  de  prés  ces  bataillons,  dés  le 
premier  rang,  je  ne  vids  que  des  croquans,  qui  por- 
toient  morions  dorez  d'or  de  feuille,  mais  tout  fert 
aux  guerres  civiles.  A  la  telle  je  vids  un  bel  argu- 
ment, pour  prouver  les  miracles  :  La  Nature  peut  cecy 
ou  cela  :  Contre  fon  ordre  font  advenues  autresfois 
telles  ou  telles  chofes  :  Ergo  les  miracles  des  Ardil" 
lieres  ne  font  point  faux.  Les  enfeignes  eftoient  de 
beau  taffeus,  &  bien  neufves.  Celui  qui  portoit  la 
Colomnelle,  en  voulut  faire  des  tordions  à  la  mode 
de  Paris,  &  la  pafler  fous  la  jambe,  mais  il  l'em- 


342 


tCPESSlON    DV    IIECR    DE    SaVCT. 


brena  route  :  car  \ï  fe  trouva  une  pierre,  qui  le  fit  i 
broncher.  C'cft  la  confefilon  de  defuna  Beze,  &  h 
telhmenc  qu'il  fit  en  mourant  par  lequel  il  donné 
tout  à  fa  femme,  &  le  reilc  aux  Cordeliers,  menï^ 
bon  Catholique  Romain  &  ce  qui  s'enfuît.  On  m^ 
dit  qu'un  vieux  Herefiarche  a  leu  ce  rraiatf  av6Ë 
beaucoup  de  plailir,  &  y  veut  faire  refpondre  Pafie's 
vent;  mais  peut  eftre  il  crèvera  d'en  rire,  &  Vt 
feroit  un  bel  argument,  pour  prouver  les  miracles^ 
qui  eft  le  fujeft  de  ce  livre.  Je  fçai  que  force  Cadttf^ 
liques  ont  trouvé  monftrueufe  la  fuppofidon  de  cetn 
mort;  mais  à  un  livre  qui  tnide  des  mervcilte^l 
fam-il  paB  un  difcours  merveilleux?  Moy  je  xietf 
&  maintiens  aulfi  vrai  que  les  autres  miracles  qnS  il 
Beïe  eft  mort.  Premièrement  par  l'argument  par 
lequel  nous  prouvons  la  TranfubUantiaiion.  Dùu 

r^..,    f^ir*  »>/./  *a    m»r,      Pr«o    .'/    .d   m»..     D..'- 


CHAPITRB    Vf.  343 


tkn  trouva  en  Crecce,  n'aie  pas  fait  grand  bien  à 
refiabliilemenc  des  MefTes  privées  ?  car  tout  le  inonde 
n'a  pas  refpric,  en  voyant  la  lettre  par  laquelle  ledit 
Saind  Clément  advertit  Saind  Jaques  de  la  mort 
de  S*  Pierre,  de  fçavoir  que  S*  Jaques  eftoit  mort 
fepc  ans  devant  l'autre,  &  auili  le  mefme  conte 
9  Pierre  de  la  mort  de  S'  Jaques.  C'eft  bien  à  un 
honnefie  homme  de  fçavoir  lequel  a  dit  vray,  ou 
Anadet,  qui  fe  dit  fuccefTeur  de  S^  Clément,  ou 
Irenee  &  Eufebe,  qui  difênt  que  Clément  fut  fuccef- 
fêur  d'Anaclet,  lequel  efcrivic  pourtant  une  belle 
lettre  audit  Clément  après  qu'il  fut  mort.  Il  parle 
du  temps  de  S*-Pierre,  trois  cens  ans  avant  que  les 
Chreftiens  eufTent  aucun  Temple.  J'allègue  ces  chofes, 
comme  auffi  ce  bon  Père,  qui  efcrit  trois  cens  ans  avant 
Conftantin,  &  ne  laifTe  pas  d'appeller  Bizance  Conf- 
tantînople  ;  pour  faire  que  Ton  ne  fe  mocque  pas  de 

la  lettre  que efcrit  à  la  Vierge  Marie,  lui  des- 

diant  fon  livre,  de  celle  que  Jeius-Chrifl  a  efcrit  à 
trois  bons  Catholiques,  trouvée  foubs  la  croix  d'Azé 
en  Poiétou  par  un  Marefchal,  profnee  par  les  Curez 
des  ParoifTes.  Mais  pour  ne  faire  point  tort  au 
chapitre  des  miracles,  &  pour  vous  montrer  que  je 
ne  fuis  pas  converti  fans  fcience ,  j'ay  leu  prefque 
tout  BeUarmin,  &  me  fuis  bien  engardé,  (eftant 
refolu  à  me  convertir),  de  lire  Wytaker,  Lubert,  ni 
Raynoldus.  J'ay  les  belles  déclamations  &  fictions 
de  Campianus,  où  j'ay  veu  tant  de  Martyrs  de  la 
nouvelle  Eglife  Catholique.  Il  fait  bon  lire  ce  livre 
fans  l'examiner.  J'ay  plus  fait  ;  car  j'ay  bouché  mes 
oreilles,  comme  l'afpic  contre  les  enchanteurs,  oyant 
un  Hérétique,  qui  me  vouloit  montrer  tous  ces  Mar- 
tirs  eftre  faux,  &  m'alleguant  qu'il  falloit  deux 
marques  aux  Martyrs  :  l'une  la  pure  querelle  de  la 


Ï44 


o^^FES5IOK 


I    atBfK    DK    SAKCT, 


Religion,  l'aucTË  qu'il  Toît  abroliunent  i  fgn  duKxdtia  * 
vivre  ou  de  mourir;  que  penei  eum  fit  Uherum  futt 
viltr  necififug  urbiiriitm  jtifques  à  11  mort.  Je  mc  mU 
à  jurer  que  h  Roine  d'ElcolTe  eftoit  vrayc  Mar- 
tyrt:  :  ^A,  dit  IHeretique,  laiftrable  Heligioit.  qui  nu 
point  de  Martyre  ni  pluf  pu/e  qu'un*  hointciiit.  m 
plus  chajlt  qu'une  puuiin.  Je  faillis  le  iVippcr,  mais 
c'ertoic  un  homme  d'cl'pce.  J'ay  Icu  Ici  lerinons 
amuureux  de  Moolieur  S'  Panigarole,  &  ne  croy 
pciinc  ce  que  les  Hérétiques  dilcni  de  fon  bardachr. 
QuAiu  à  in  maillreire,  pour  Uquellc  il  commaDça 
fon  i'errooti  ainlî  :  C'tj!  pour  vout,  belle,  qu4  je 
meurs,  je  ne  reprouve  point  cette  gaianieric;  car  il 
adjoulU  quelque  paufe  après,  difoit  Jefus-CkriS  à 
Jon  Eglîfe.  C'a  eftd  un  hirdi  Prefcheur,  &  toutes 
fois  il  n^a  pas  elle  lî  hardi,  que  je  n'aye  leu  en  fes 
leçons  faice8àThurin,queeacorquelcsSaintsfoyeni 


CHA?ITRB     VI.  345 


toujours  refolu  comme  les  chefs  du  Saind  Parti, 
que  im  magiu's  voluiffe  fat  efl^  qu'es  grands  affaires 
c*eft  aflfez  d'avoir  bonne  volonté.  Si  ne  me  fuis  je 
peu  tenir  de  rire  en  lifant  le  lambonicum  de  Michau 
contre  lui.  On  fçait  que  la  Sorbonne  lui  a  deffendu 
d'eicrire  fur  une  lettre  de  Monfieur  le  Conver- 
tifleur,  mais  par  tout  il  y  a  de  l'envie;  mais  je 
Uafme  en  la  réplique  de  Michau  ce  qu'il  dit,  que 
les  boulangers  font  de  Troye  en  Champagne.  Mi- 
chau ne  fçavoit  pas  quils  eftoient  venus  de  Lyon, 
où  ils  n'avoient  peu  demeurer  pour  eftre  trop  prés 
de  la  Provence,  d'où  à  toute  heure  venoient  qui 
tvoient  veu  Maiftre  Augufte  fur  Tefcbaffaut  ou  à 
Teichelle.  J'ay  leu  Pentree  de  Doremet,  mais  il 
m'ennuya  dés  le  commancement.  J'ai  prins  plaifir 
aux  façons  d'argumenter  du  jeune  Sponde,  car 
nous  avons  Sponde  le  jeune,  comme  Noftradamus 
le  jeune.  On  dit  aufli  que  la  vefve  efcric.  Il  y  en 
aura  bien  d'eftonnez,  car  on  penfoit  qu'elle  euft 
desjà  mis  tout  en  public.  Je  n'ay  point  parlé  des 
Traiélés  de  fon  mari,  pour  ce  que  les  premiers  gaf- 
tent  les  derniers,  lefquels  ne  femblent  point  faits  de 
fi  bonne  humeur,  ni  de  fi  bon  cœur  que  les  autres. 
Ceux  ci  font  pleins  de  difcours  agencés  feulement 
pour  l'apparence ,  oratione  in  fpeciem  compcfita  : 
les  autres,  ad  fidemfaciendam.  Mais  le  jeune,  pour 
perfuader,  traidant  des  cymetieres  facrez,  tire 
de  l'eftenduë  de  fon  livre  cet  argument  confequen- 
tieux  :  Les  Juifs,  dit  il,  ont  elle  curieux  des  fepul- 
chres,  comme  il  paroill  par  beaucoup  d'hiftoires 
alléguées  à  ce  propos.  Les  Turcs  tiennent  les  cime- 
tières facrez,  &  vont  en  voyage  au  tombeau  de 
Mahomet.  Les  Payens  ont  fait  de  fi  belles  pyra- 
mides,  ont   canonizé    leurs    morts,   &    leur    ont 


34^      COKFBSSIOK    DU    SIBVR    OB    «ANC 

ordonné  des  fupplicttions  ;  Ergo  les  Chrefiiens  A 
vent  faire  de  melme,  pour  reflTembler  aux  Juifs,  i 
Turcs  &  aux  Payens.  Hais  pour  n'ofter  à  pcrfoonj 
riïonneur   qui  lui  ell  dcu,    nous  avons  bien 
que  ce  labeur  efl  de  M.  Rcymond,  ou  pour  r 
dire  de  fon  hoile,  auquel  on  attribue  auflî  rFpifti 
liminaire  de  Richcome.  Quoy  que  ce  lbii,tousden 
enfemble  m'ont  appris  de  belles  chofes,    comme  le 
premier,  qu'il  faut  porter  le  Pape  fur  les  efpaules. 
Les  Romains,  dît  il,  eflevoienc  leurs  Empereurs  fur 
le  bouclier,  &  le  portoîcnt  fur  leurs  efpaules;  lef.  ■ 
Payens  le  fatfoient  aux  Druytlcs,  aux  Vellales.  Loita 
Romains  faifoîenc  porcer  leurs  litières  par  deseJclapfl 
vcs.  Ceux  de  Tangoa  à  la  Chine  portent  ainfi  lemM 
Religieux,  &  les  payfans  de  Xainflonge  fe  font  poi^V 
ter  le  jour  de  leurs  nopces,   comme  aufli  foni  cenH 
de  Lorraine  à  leurs  efuoufees  :  Erao  un  dnir  aidB 


CHA?ITR£    VI. 


347 


meurtre  qu'un  bon  Catholique  avoit  commis  :  //  ne 
faut  pas^  dit  il,  faire  difficulté  de  faire  perdre  les 
biens  à  ceux  defquels  la  vie  efl  condamnée^  ni  de 
condamner  à  mon  les  particuliers^  defquels  le  corps 
gênerai  efl  condamné  entre  nous.  Il  n'a  pas  mis  cela 
en  fon  livre,  pour  ce  que  TEdift  n'eftoit  pas  encor 
modifié.  J'ay  leu  de  plus  un  livre  de  fa  façon,  pour 
effacer  la  mémoire  de  la  PapefTe  Jane.  Et  pour  vous 
montrer  que  j'ay  bien  eftudié,  &  de  plus  ay  intel- 
ligence avec  les  dodes,  je  lui  ay  envoyé  une  epi- 
gramme  fur  ce  fubjed.  Il  commence  :  Fœmina  quod 
mentita  virum.  Vous  le  trouverez  en  fon  lieu  au  livre 
des  Epigrammes,  Il  eft  bien  de  ma  façon,  &  attends 
la  refponfe. 


Chapitre  Septiesmb. 
De    l'impudence    des    Hagaenots. 


■  Prince  4111  voudra  tegaer 

{  fans    qu'on    le     barbouille    par 

l'eqaiié  &  fans  élire  controllé  de 

"i  parole  de  Dieu,  it  faut  qu'il 

^xierminc   les    Huguenots.    Car 

gloire 


CHAPITRE     VII.  349 


imprimez,   deux    mois  après  les  grandes  batailles 
ft  îuftiœs  de  la  S*-Barthelemy  ;  en  mefme  temps 
furent  fi  impudents   de  demander  à  Millau,    &  fe 
faire  ordonner  une  paix,    lorfqu'ils  n^avoîenc  que 
quatre  ou  cinq  places,  plus  advantageufe  pour  eux 
que  la  dernière  paix,  que  leur  a  concédée  la  Cour 
de  Parlement.   On  ne  fçauroit  croire  combien  peu 
de  refpeft  ils  portoient  à  la  Reine,  &  aux  Confeil- 
1ers  d'Eftat  qui  Paccompagnoient.  M.  de  Pybrac 
avoic  ufé  deux  paires  de  topicques,  pour  confhruire 
une  oraifon,    laquelle  il  adrefTa  aux  Députez  des 
Huguenots  en   la    prefence  de    la  Roine.   Toute 
l'afliftance  fut  rangée  :   la   Roine  fe   frottoit  d'un 
mouchoir,  le  Duc  de  Montpenfier  pleuroit,  Riche- 
lieu foufpiroit,  l'Abbé   de  Gadaigne    ne  montroit 
que    le    blanc   des   yeux.    Quand  ce  fut  au  dixi, 
la  Roine  demanda  :  Eh  bien^  mes  amis^  que  pouve^^ 
vous  dire  à  cela?  Au  lieu  de  refpondre  une  autre 
harangue  bien  faite,  voici  la   refponfe  du  boiteux 
la  MeaufTe  :  Madame^  fi  Monfieur  que  voila  a  bien 
efludiéy  eft'ce  à  dire  que  nous  mourions  pourtant? 
Le  mefme  boiteux  paflant  par  la  chambre  des  filles, 
oiiyt  Atrye   qui   difoit,    Faut-il   que    nous  foyons 
confinei  en  cette  maudite  Gafcongne^  pour  trois  ou 
quatre  efpees  roûillees  des  Deputej?  —  Afademoifelle 
(ce  refpond  le  boiteux,)  elles  ne  font  pas  fi  fouvent 
fourbies  que  vos  engins.    La  pauvre  Atrye  fe  plai- 
gnit de  TefFronterie  des  Huguenots,  y  adjouftant  la 
refponfe    du  Comte  de   La  Rochefoucaut,  à  qui, 
comme  elle  demanda  de  fes   reliques,    qu'il  avoit 
defrobees  à  St-Martin  de  Tours,  le  Comte  ref pon- 
dit, Ouy  m'amie^  Je  t^en  donnerai  qui  feront  miracle^ 
fi  elles  te  font  revenir  les  tetins  durs^  comme  à  pU" 
celle.  Or  je  dis  &  maintiens  que  ces  gens  efloyent 


350      CONFETSIOK    I 


I    SIEUR     DB    IaKCT. 


muins  hùiiKiw  que  putains,  puifqu'ils  faifoient  r 
gir  ces  Dames.    C'cft  un  grand  cas  de  leurs    hu<ft4 
dielTes  eJîroniees,  de  leurs   rel'ponles   hardies,    tlm 
n'cft  pas  croyable  comment  ils   ont  lemi  telle 
plus  grands  Princes  par  répliques  brufques 
celle  du  Prince  de  Condé  à  la  Roîne  Merc,  iaqut 
voyant  pafler  une  irouppe  de  cafaques  blanches,  ] 
reprocha  que  ces  gens  elloient  meufniera.  Ouy^  Ht  ' 
le    Prince,    Madame,   pour    loucher   vos    ajnes.    he 
conte  eft  vieux,    comme  aufly  l'imerp relation  que  le 
Comte    fufdit    donnoit    du     moi    de    Catholiqu» 
Romain     en    bougre    univerfel.     Le  mefme    RilU 
l'enqueranc   puurquoy    il    ne    rccognoîll^iii  pas  ifl 
Vierge  Marie  pour  Roiae  du  Ciel,    Pour  ce.  dît  lu 
Comte,  qu'un  Ji  beau  Royaume  que  ctttui  là  nr  rfsJM 
pas  lomber  en  quenouille.  Pour  marques  plus  frail«fl 
elles   de  leurs    audaces,   le  Roy,  pour  lors  Roy  àg^ 


CHAPITRE    VU.  351 


Bernard  à  qui  le  mefme  Roy  parla  un  jour  en 
cette  forte  }  Mon  bon  homme ^  û  y  a  quarante  ù- 
cinq  ans  que  vous  eftes  au  fervice  de  la  Roine^  ma 
merej  &  de  moi  ;  nous  avons  enduré  que  vous  ayei 
vefcu  en  voftre  Religion^  parmi  les  feux  &  les  maf~ 
faeres;  maintenant  je  fuis  tellement  preffé  par  ceux 
de  Guife  &  mon  peuple ^  qu'il  m'a  fallu  maugré 
moy^  mettre  en  prifon  ces  deux  pauvres  femmes  & 
vous  :  elles  feront  demain  brujlees  &  vous  auffi^  fi 
vous  ne  vous  convertiffei.  —  Sire^  refpond  Bernard^  le 
Comte  de  Mauleuvrier  vint  hier  de  voftre  part  pour 
promettre  la  vie  à  ces  deux  faurs,  fi  elles  vouloient 
vous  donner  chacune  une  nuiél.  Elles  ont  refpondu 
qt^encores  elles  feroyent  Martyres  de  leur  honneur 
comme  de  celuy  de  Dieu,  Vous  m'avei  dit  plufieurs 
foiSf  Sire^  que  vous  aviei  pitié  de  moy^  mais  moy 
fay  pitié  de  vousj  qui  ave^  prononcé  ces  mots  :  je 
fuis  contraint  :  ce  rteft  pas  parler  en  Roy,  Ces  filles 
&  moyy  qui  avoiu  part  au  Royaume  des  Cieux^ 
nous  vous  apprendrons  ce  langage  royaly  que  les 
Guyfards^  voftre  peuple^  ni  vous  ne  fçauriej  con^ 
traindre  un  potier.  Voyez  F  impudence  de  ce  beliftre. 
Vous  diriez  qu'il  avoit  leu  ces  vers  de  Senecque, 
Qui  mori  fcity  cogi  nefcit^  on  ne  peut  contraindre 
celui  qui  fçait  mourir.  Or  il  a  paru  encore  plus 
d'effronterie  à  ces  gens  au  dernier  traidé  de  paix,  & 
aux  AiTemblees  qui  ont  duré  quatre  ans,  où  ces 
opiniaftres  ont  impudemment  refifté,  non  feulement 
aux  plus  honneftes  Députez  que  le  Roy  put  choifir 
en  fon  Confeil  d'Eflat,  mais  auili  aux  plus  grands 
Seigneurs  de  leur  parti,  lorsque  que  confiderans  les 
affaires  du  Royaume,  ils  les  vouloyent  ployer  à 
quelques  honneftetez.  Vous  voyez  paroiftre  d'entre 
eux  un  front  d'airain  qui  refpondoit  franchement  : 


^52       COK'FESStON    DU    S1£UR    DE    SANCT. 

Ces  propojinont  lu  rtfpondent  pas  à  la  bonae  opi- 
nion qi/oni  pris  de  nous  ceux  qui  nous  ont  envoyej. 
On  demanda  l'explicacion  de  cela,  La  Vallierc 
s'avance,  &  dit  en  explicant  :  Cela  s'appellt.  Mef- 
fieurs,  trahir  les  Eglijts  d£  Dieu.  J'oiiys  C«  joun 
Monficur  de  ViUeroy,  qui  contolc  commeni  lui  avec 
MciTieurs  de  Rhofny,  de  Thou,  &.  autres,  s'eftant 
abbouchez  avec  quatre  de  ces  mal  honnelles  gens, 
cependant  que  Calignon  de  la  part  du  Roy  voulmi 
adoucir  ces  efprits  par  fou  bien  dire  :  le  gros  Cha- 
rnier, ayant  mis  fon  manteau  fous  fes  felTes^  aroti  le 
CDudc  gauche  avancé  prefqu'au  [milieu  de  la  table, 
de  l'autre  main  faifoit  fes  ongles  avec  des  cyfeaux, 
le^  coupcaux  defquels  voli 
bùuche  de  l'orateur  :  ui 
Rhofny,   &  en 

pouvoir  dire  tit 


à  la  mouilache  de  U 
donna   dans  l'ceil   de 


CHAPITRE    vir.  353 

Courtifans  s'eftans  dits  plufieurs  fois  Tun  à  Taucre  : 
Frere^  je  te  tiendrois  pour  brave ^  fi  tu  voulais  aller 
demander  le  nom  de  ce  vieux  Herefiarque^  D'O,  qui 
fe  voulut  montrer  plus  impudent  que  les  impudents, 
s'en  va  dire  de  caprice  au  plus  vieux  :  Mon  Gentil" 
homme f  ces  honnefles  gens  ir  moy  fommes  en  peine 
de  fçavoir  vôftre  nom,  —  Si  je  fçavois^  dit  le  vieillard, 
comment  vous  appeler^  je  vous  rejpondrois  :  Je  fuis 
bien  Gentilhomme^  mais  non  pas  voflre,  D'O  répli- 
que :  On  m^ appelle  O.  — £>o;ic^ditle  Député,/ voiw 
aviei  efté  aux  batailles^  vous  me  connoitriei.  Pour  O 
il  efl  mieux  cogneu  à  la  chambre  des  Comptes  que 
là  ou  je  vous  dits.  Je  le  connois  pour  un  lero  qui 
fait  compte  avec  tous  les  autres,  &  qui  tout  feul  ne 
vaut  rien.  Voila  les  compagnons  du  Cabinet,  qui 
s'efclattcnt  de  rire,  &  le  meffager  fort  eftonné, 
auquel  le  vieux  Député  adjoufta  :  Allei^  mon  ami^ 
allei  tuer  quelqu'un^  afin  que  le  Roy  vous  donne 
une  grâce ^  autrement  vous  n'en  ave^  point.  Le  Sieur 
de  Believre,  defpcfché  par  le  Roy  vers  le  Roy  de 
Navarre  au  Mont-de-Marfan,  voyoit  tous  les  matins 
par  la  feneftre  de  fon  logis  la  Comtefle  de  la  Gui- 
che,  lors  garce  en  quartier,  qui  alloit  à  la  Mciïe, 
accompagnée  d'Efprit,  de  la  petite  Lambert,  d'un 
More,  d'une  Bafque  avec  une  robbe  verte,  du  magot 
Bertrand,  &  un  page  Anglois,  un  barbet  &  un  lac- 
quais.  Ce  Sénateur  remontroit  à  un  Huguenot  leur 
défaut  en  ces  termes  :  J'ay  veu  plufieurs  fois  de  mon 
temps  quelques  amies  de  nos  Rois^  mais  les  plus 
grands^  voire  les  Princes^  eftoyent  bien  heureux  de 
guetter  P heure  qu'elles  for toyent  de  leur  logis ^  pour 
leur  faire  honneur;  je  voy  cette  femme ^  qui  efl  de 
bonne  maifon^  qui  tourne  ir  remue  le  Prince  comme 
elle  veutj  la  voila  qui  ça  à  la  Méfie  un  Jour  de  fefle^ 
n.  a}* 


ÎÏ4 


N'PESSIOK    DU    SIB0K    DE   SA 


mcompagnee  pour  tout  pollagt  d'un  fingtj  d'un  àm*- 
bsi,  ù-  d'un  bouffon.  —  lAonfieur,  répliqua  le  Hu- 
guenot, c'e/J  qiien  louu  eettt  Cour  il  n'y  a  fingt, 
ny  barbet,  ni  bouffon  que  ce  que  vous  voyej.  Le  bon 
li(»nmo  fut  eftonné,  mais  il  le  fut  bien  davantage, 
qiiijid  il  fçeiit  la  frizarde  de  Sainâ  MefTani  fur  la 
joui:  de  Madame  de  Duras. 


Chapitre  Huictiesmi. 


Det    Martyrs    à    la    Romaiiu. 


B  tout  les  livres  qui  peuvent 
&ire  un  Hereâque,  ou  au  moine 
duquel  un  bon  Catholique  Ro- 
(i  I.  main  fe  doit  garder,  je  n'en 
y  j\  trouve  pas  un  fi  dangeteux,  après 
_^y^A  la  Bible,  que  ce  gros  livre  des 
'^'^1  Martyrs.  Car  c'eft  grand  cas  de 
voir  fij  ou  fcpt  mille  morts,  qui  ont  toutes  les  mar- 
ques du  vrai  martyre,  à  fçavoir  la  probité  de  la  vie, 
la  pureté  de  la  caule  de  la  Religion,  non  mellee  d'au- 
tres forfaits,  les  difputes,  les  follici talions,  &  pour 
dernière  marque,  c'eft  d'avoir  eu  le  choix  de  la  vie 
ou  de  la  more  jufqucs  à  l'extrémité.  Cela  nous  a 
olté  beaucoup  de  gens,  qui  ont  veu  autrefois  ces 
Prefchcurs,  ayant  pour  chaire  l'efchaffaui,  refchelle, 
ou  le  bûcher.  Ce  font  ces  fuggeEles,  oh  l'on  dit  que 
les  vaincs  efperances  font  place  i  la  vertu.  On  fe 
conduit  bien  plus  prudemment  aujourd'hui  en  Efpa- 
gne&  en  Italie.  Il  ne  palTe  année,  qu'il  n'en  meure 
lousjours  quelque  cetitaine  \  mais  leur  conftance  n'a 
de  celinoins  que  les  geôliers  &  les  bourreaux,  qui 
ne  difcouvrironi  pas  le  fecrei,  comme  les  grues 
d'Ibicus.  Il  y  a  trente  ans  qu'on  lailToic  defrober  des 


];6    coNfBfSioM  ot;  iiiua   di  ianct. 

grcIFes  des  Cours  de  Pulemencs  tous  les  procës 
criminels  defquels  ce  dangereux  livre  etl  plain,  8c, 
vérifié.  Mais  auSî  bien  n'y  a  il  pas  moyen  d'en 
L'ibiuffer  la  mémoire,  &  faire  conter  telles  chofa 
pour  fables  tant  que  les  tefmoins  occulaires  vivront? 
Que  faut-il  donc  faire?  je  fuis  d'advis  que  l'on 
chiiirifTc  quelque  ftyle  bien  fleury,  comme  celui  du 
Comte  de  Permi^on,  que  nous  lui  faJIions  faire  un 
livre,  duquel  le  tiltre  foit  :  Les  Martyrs  à  la  Ro- 
maine, où  nous  ne  coucherons  point  les  Martyrs  de 
l'Eglilb  primitive,  parce  qu'ils  font  en  débat  entre 
les  autres  &  nous  ;  &  puis  ces  beaux  Reformez 
difent  que  l'Ëglife  a  elle  reformée  aulli  longtemps 
que  perfecutec,  fuivant  ce  que  dit  le  Pape  ^vellrê, 
quand  on  l'arracha  des  rochers  de  Soraâe  :  AtUtM, 
■il,  la  pauvretéj  adieu  la  pureté.    Il  leur    faudra 


CHAPITRE    TIII.  '^fj 

eux,ftlesTOuloir  convertir:  ces  habiles  hommes  y 
ont  pourveu,  ayant  drefTé  à  Rome  &  à  Rheims  deux 
Collèges  de  jeunes  gens  Anglois,  qu'ils  ont  choifis 
d%umeur  melancholique,  la  plus  part  bannis,  &  en 
cokre  affamez,  &  quand  on  les  met  dans  ce  Collège 
^omme  efcrit  Martinus  Navarrus  au  troifiefme  livre 
dés  Conciles),  cela,  dit  il,  eft  eftabli  par  une  Con- 
fticution  Papale,  que  qui  veut  entrer  dans  ce  Col- 
lège, eft  tenu  de  jurer  qu'après  certaines  années  il 
ira  en  Angleterre,  pour  y  publier  ce  qu'on  lui  dira. 
Et  comme  on  a  veu  qu'il  en  eftoit  forti  quelques 
efdats,  teûnoin  le  Card'mal  Alain  en  fon  Apologie 
pour  les  Séminaires,  le  Pape  a  redoublé  la  peniion. 
Maïs  il  ne  failloit  pas  que  Baronius  en  fon  Mar- 
tyrologue   romain  mit  ces  mots  :  Sanéfos^  fanûos 
fanâïijfimosque   Sacerdotes  a  fanéïa  focietate  Jefu 
Sanéiis    conditionibus    ad   martyrium    acceptiffimas 
Deo  hoftias  in  facris  collegiis  Romano  &  Remenji 
velut  agnos  innoxios  in  facris  Jeptis  faginatos  & 
quod  fanéîœ    Romanœ    Ecclefiœ  fidem    tenerent  ac 
ft^dicaretit  in  Anglia   occifos    effe;   Que   les   très 
fainéls  Preftres,  comme  agneaux  innocents,  engrail- 
fés  dans  les  facrees  cloifons  par  la  fainte  Société  de 
Jefus  par  faintes  inftruétions  au  martyre,  facrifices 
agréables  à  Dieu,  &  facrez  Collèges  de  Rome  &  de 
Rheims,  ont  efté  mis  à  mort,  parce  qu'ils  tenojrcnt 
&  prefchoyent  en  Angleterre  la  doôrine  de  fainte 
Eglife  Romaine.  Je  voudrois  qu'il  n'y  eut  point  là, 
comment  ils  font  envoyez  de  la  Société  des  Jefuiftes, 
pour  ce  qu'on  les  accufe  affez  d'eftre  libéraux  du 
fang  d'autruy ,  &  que  fe  convier  au  Martyre  eft  loiia- 
ble,  mais  non  pas  d'y  envoyer  les  autres  ;  &  puis  les 
nourrir   comme  hofties  à  Dieu,   il  fcmblefoh  que 
nous   les   facrifiafTions  ;   cela   fentiroit  un    peu    le 


OtJFESSION    DP    SlïUR'l 


a 


Îî8 


Baalpeor  apris,  ce  mot  fepiif  (dnifons)  fentirott 
fa  prifon  pour  leur  faire  tenir  leur  ferment.  &  là 
deffus  les  Hérétiques  diroîeni  que  ce  Dieu  à  qui 
nous  les  ficrifions,  que  ce  feroit  au  Dieu  de  ce 
ficcle,  ou  au  Dieu  en  Terre,  car  celui  du  Ciel  ne 
veuc  plus  de  facriâces  fangUns,  &  n'a  jamais  voulu 
des  humains.  Mais  ce  qui  gafte  toui,  c'eft  cc/agiiKf 
rot,  engraifTés.  Je  demandai  à  rArchevefque  Vall^- 
grand, que  c'eftoit  à  dire  :  il  m' alla  quérir  les  Satur- 
nales de  Lipfius,  au  chap.  14  du  premier  livre. 
Là.  j'appris  que  ce  terme  eftoit  particulier  pour  Ict 
gladiateurs,  qu'on  amaflbic  à  Rome  d  entre  les  coi»- 
damneï  OU  efdaves  miferables,  &  puis  on  les  nour- 
rifToit  dans  des  Collèges  facrés,  pour  le  moin*  exé- 
crables. &  les  nouriifoic  on  avec  cecce  fagine,  CW 
engratflement,  afin  qu'ils  achecalTenc  leur  graiffle  par 
Ipiir  mr.rr    dnnt  À\i  PnwMV»  - 


CHAPITRE     YIIU  359 


defcouvrant  les  aSaires.  Il  fe  faut  contenter  de  ce 
gros  latin  de  Vicaire,  duquel  ufe  Monfieur  le  Con- 
vertifTeur  en  difputant.  Et  pour  fuivre  noftre  pro- 
pos, Q  faudroit  gaigner  en  Angleterre  quelques 
Jufticiers,  ou  quelques  Miniftres,  lefquels  quand  on 
pend  nos  gens,  leur  parlaflent  tout  haut  de  quelques 
poinds  de  Religion;  &  non  pas  d'entreprife  de 
guerre,  fedition,  de  pétards,  de  faulcUTes,  de  mines 
à  faire  fauter  tant  de  gens,  &  de  ces  fubtiles  poi- 
foQS,  que  leur  fournit  l'apothicaire  du  Pape.  Après 
il  faudroit  qu^on  leur  baiîlaft  à  Tefchelle  le  choix 
de  fauver  leurs  vies  en  fe  révoltant;  car  ces  Héréti- 
ques ne  content  pour  Martyrs  que  ceux  qui  ont  eu 
un  tel  choix,  &  defquels  le  procez  monftre,  qu'il 
n'y  a  que  le  feul  poinét  de  la  créance  qui  les  face 
mourir.  Suivant  cette  reigle,  ils  n  ont  pas  voulu  dans 
le  gros  livre  de  leurs  Martyrs  ceux  qui  font  morts 
pour  leur  Religion,  ayant  le  fang  efchauffé  à  la 
deffenfe,  mais  feulement  ceux  qui  n'avoient  armes 
que  la  prière,  comme  les  dix  fept  mille  Albigeois 
efgorgez  en  un  jour,  &  trente  ou  quarente  mille 
âmes  defpefchees  à  la  fefte  &  aux  feries  de  Saind 
Barthélémy.  Pour  nous,  qui  avons  meilleure  veuë, 
je  ne  fuis  pas  d'advis  que  nous  y  regardions  de  fi 
prez,  mais  que  nous  enrollions,  par  faute  d'autres, 
en  noftre  Martyrologue  tous  ceux  qui  font  morts 
aux  batailles,  aux  fieges,  aux  efcarmouches,  &  aux 
duels,  fi  ç*a  eflé  contre  les  Hérétiques,  &  puis  tous 
ces  Hyrlandois,  leurs  femmes  &  enfans,  qui  meu- 
rent de  faim  par  les  rues  de  nos  villes.  Et  ceux  là 
font  vidimes  du  grand  Sacrificateur  Sanderus,  & 
autres  Dodeurs,  qui  après  &  nonobflant  plufieurs 
pardons,  leur  ont  fait  pratiquer  la  bulle  du  S'  Pcre 
Pie  Quinte,  comme  la  recite  Bellarmin,  &  félon  cela 


u 


n'ont  pas   fait  difficulté  de   rompre    la  foy  à  leof' 
Roine.  El  quant  à  ceux  Ik  qui  fe  liigeoycnt  d»n*  Irt 
niches  du  Pont  Neuf,  lors  non  achevé,  &  (jiii  au  foir 
&  la  nuiil  prenoient  pu-  un  pied  ceux  qui  palfoient 
fur  le  pant,  &  le;  ayant  prccipiiez  &  durpouillci  ~ 
ieccoyent  dans  l'cju,  k  ceux  là  il  on  fait  quelque  di 
culcé  de  les    fanaiiicr,    U  faut   avoir    efgard  t 
preluppofoicnt  ne  fjirc  mal  qui  des  Hérétiques,  it 
y  en  a  qui  crient  que  Icî  Evcfques  les  debvroient 
nourrir;  mais  je  croy  que  U  plus  parc  ne  leur  bait- 
icni  rien  en  bonne  intention,  pour  en  faire  des  facri- 
lices  de  bonne  odeur,    ï  remplir  le  livre  ^  &  de  ce 
rang  pourroyeni  bien  élire  tant  de  pauvres,  que  Ht 
bruller  l'Evefque  lie  Mayence,    à    bonne    inieniiuii 
auill,  pour  efpargner  les  bleds.  Que  li  les   Hugw 
nois  refufent  ceux  ci  à  la  montre,    Il   ferons   noi 
oalTer  Marivrs.  mau^ré  eux.  ûatix  aae  am 


CHAPITRE     TIII.  361 


achever,  &  eux  difent  qu'il  en  mourut  blafphemant 
de  rage.  C'eft  une  genciUe  phrafe  que  nos  Doreurs 
pratiquent  aujourd'hui  pour  le  Pont  aux  Meufniers 
envers  quelques  uns,  je  dis  mefmes  Catholiques 
bigots,  qui  croyent  que  Dieu  ait  abyfmé  ce  pont, 
commançant  par  les  deux  maifons  qui  touchent  à  la 
Vallée  de  Mifere,  lefquelles  efloyent  Tefchaffaut  de 
la  tuerie,  le  jour  propre  que  les  enfans  des  deux 
maifons  fe  marioient  enfemble,  &  que  cela  a  efté 
une  notable  vengeance  du  Ciel.  Nous  difons  au  con^ 
traire,  que  ce  n'eft  pas  pour  les  cruautez  exercées, 
mais  pource  qu'on  n'y  en  exerce  plus,  ft  là  nous 
nous  renforçons  huift  ou  neuf  cens  Martyrs  d'eau 
douce.  Mais  faut-il  cercher  de  ceux  qui  font  morts 
de  fang  froid  }  Taflre  le  plus  luifant  de  nos  Martyrs 
c'eft  la  Royne  d'Efcoffe,  qui  a  voit  fait  fauter  fon 
mari,  condamment  refoluë  à  cela,  contre  toutes  les 
mignardifes&  humilitez  d'amour  qu'il  lui  montroic. 
Je  ne  puis  ici  paflêr  fous  filence  ce  que  me  refpon- 
dit  un  Hérétique,  à  qui  j'alleguois  cette  Sainde  : 
Malheur eufe  Religion ^  dit- il,  qui  r^a  point  de  Mar- 
tyre ni  plus  chafle  que  celle  là^  ni  plus  pure  qu^une 
parricide,  C'eft  tout  un  :  à  la  vérité  elle  s'entendoit 
un  peu  aux  artifices  de  feu.  Mais  elle  eft  canonifee, 
&  fera  dans  l'Almanach,  à  la  barbe  des  Hérétiques, 
logée  auprès  de  Sainétc  Marie  égyptienne,  &  pour 
la  diftinguer,  elle  s'appellera  Sainde  Marie  de  la 
Sauciffe.  Nous  mettons  à  fes  pieds  Père  Edmond 
&  Hard...  avec  leur  compagnie  de  cent  &dix,  félon 
le  conte  de  Baronius.  La  plus  part  de  ceux  ci 
eftoyent  braves  foldats,  bons  petardiers  du  Sémi- 
naire de  Maurevel  &  du  vieillard  de  la  Montagne, 
qui  pour  une  fort  légère  fomme  vous  defaifoyent 
d'un   homme   qui  vous    fafchoit,   ayans  tousjours 


,6. 


NFESSION    DU    SIEUR    DE    SANCT, 


1  contre  l'Herclie.  De  ceux  li  il  faut  croire 
que  leurs  âmes  font  faurees,  car  ils  les  ont  voulu 
perdre,  &  vous  fçavez  ce  qui  eft  dit  de  ceux  qui 
veulent  perdre  leurs  amcs,  que  qui  voudra  ptrdrt 
fnn  ame,  la  perde.  Maurevel  fut  Catholique  fi  zélé, 
que  en  haine  des  Mefcreans,  avec  un  peu  d'ar- 
gent que  la  Royne  lui  avoit  promis,  ayant  failli 
à  Miincconcour  de  tuer  l'Admirai,  il  fit  pourtant  un 
facrificc  fanglani  &  de  bonne  odeur  à  la  dite  Royne, 
en  tuant  à  fes  affaires  Mouy,  qui  de  long-temps  le 
nourrilToit,  le  monioit  &  lui  donnoît  des  chauffes. 
Il  fut  martyrizé  par  Moiiy  le  fils,  qui  y  mourut 
aulTi.  Quant  au  vieillard  de  la  Montagne,  c'elloit  un 
habille  homme,  &  foie  dit  en  pafTam,  qu'il  fut  le 
Patriarche  des  Jefuifles:  car  en  enfermant  dans  fon 
Paradis  contrefait  fes  alTaflins  zelex,  il  les  envoyoit 
"       chefs  des 


CHAPITRE    VIII.  363 

les  fœurs  prenoyenc  la  peine  d'enferger,  &  quelque- 
fois gehenner  les  prifonniers  Huguenots.  Nous  avons 
des  plus  nouveaux,  ChefTé  &  Maillé  Benharc  de 
Vendofme,  &  cette  autre  belle  lifte  de  Pleffis  de 
Corne,  Fontenelle.  Si  ne  faut  il  pas  oublier  nos 
Martyrs  de  Blois,  de  qui  le  père  fut  auffî  Martyr, 
aufli  canonizé  à  Rome,  foubs  le  nom  de  Sainâ 
François  le  piftolier.  Leur  pofterité  fera  canonizee 
demefme,  fçavoir  Saind  Henry  des  barricades,  & 
S^  Denis  Capitaine  &  Cardinal.  D^une  autre  bande 
nous  mettrons  Moniieur  S^  Clément,  &  Moniieur 
S*  Sponde,  l'un  martyrizé  par  le  Procureur  General^ 
l'autre  par  fa  femme.  Ces  deux  zelez  perfonnages, 
que  je  mets  enfemble  par  defpit  des  Huguenots,  lef- 
quels  jaloux  dequoy  Tun  fut  canonizé,  &  l'autre 
prés  de  là,  les  ont  mariez  en  Tepigramme  fui- 
vante  : 

Qui  modo  Clementem  voluifii  jungere  Divisj 
Et  Spondam  Divis  annumerart  potes. 

In  vitas  Regum  fuit  infidiator  uterque  : 

Ille  animam  Régis  fufiuUt,  hic  animum. 

Toi  qui  as  voulu  canonifer  Clément,  tu  peus  bien 
aufli  canonizer  Sponde;  Tun  &  l'autre  a  drefl*é  des 
embufches  à  la  vie  des  Rois.:  l'un  a  ofté  la  vie  au 
Roi,  r autre  lui  a  ofté  Tame  &  le  cœur.  Que  de- 
viendront S'  Pierre  Chaftcl,  S»  Bourgoin,  S'  Gui- 
nard,  S'  Barrière,  S»  Joanille,  S'  Garnet?  Encor 
y  aura-t-il  place  pour  le  Prefident  Briflbn,  pour  les 
cinq  Martyrs  qu'ils  pendirent  &  le  Sainft  Boureau, 
qu'ils  pendirent  avec  eux?  Et  à  ce  propos  le  feu 
Admirai,  faifant  pendre  aux  fécondes  guerres  douze 
fainds  Cordeliers  de  Chafteau  Vilain,  qui  n'avoient 
pas  aflbmmé  des  fains,  mais  des  malades  de  Tarmee, 


î*4 


N-FBSSION    DU  ftCVK    DI    SANCT. 


les  pauvres  Martyrs  eurent  ce  defpUfir,  que  dexdP' 

Ae  leurs  frasres  briguèrent  la  commiifion  de  fjîre 
l'office.  Sur  !e  débat  a  m  bilieux,  leur  fut  baille  i 
chacun  un  cordeau,  pour  voir  lequel  des  deus  feroii 
le  plus  habile  à  fucceder.  Jamais  Retlaires  & 
Laqueaires  ne  firent  pliiî  de  tordions  contre  Seci^ 
teurs  &  Myrmillons,  que  Srem  ces  deux  paillards, 
defquels  enfin  l'un  fut  empoigné,  comme  il  vonloït 
faire  un  pafle  deiToubs.  Le  viftorieux  ayini  tort  bien 
eftranglé  fon  compétiteur,  pendit  tout  le  rcfte.  Et 
eftoic  le  pendeur&les  pendus  tout  d'une  livrée.  C*' 
rejetion  de  S'  François,  tant  que  la  guerre  dura 
chargea  ni  d'office  ni  d'habit,  &  fçachancenquelqi 
lieu  un  grand  jeune  novice,  qui  s'eftoït  fauve,  " 
voya  quérir  pour  eilre  fon  vaiet  :  qui  faifoîent  api 
la  belongne  fort  joyeufemcnt,  &  fervoyent  moult 


e.  Et 


CHAFITES  YlII. 


3<5 


gongne  il  en  baifa  une  entre  deux  cftrons.  Ce  fut 
une  grande  perte  pour  TEglife,  car  il  avoit  renié 
Dieu  de  bon  cœur,  qu'il  mettroit  la  guerre  tu  France 
contre  les  Huguenots.  Ce  fut  une  belle  fin  d'homme, 
&  en  bons  termes.  Croyez  qu'il  ne  juroit  point  en 
Huguenot,  non  plus  que  Cotton,  quand  il  receut 
un  coup  d'efpee  à  la  fefïè  gauche.  Vous  avez  un 
notable  Martyr  en  M.  S.  Baumier,  duquel  ce  mef- 
chant  Fœneile  nous  a  defrobé  Thiftoire  ;  mais  il  a 
oublié,  ou  n'a  pas  fçeu  en  la  defcrivant,  la  diffé- 
rence qu'il  y  eut  entre  la  femme  &  la  Comtefle  de 
Norton,  fur  la  robbe  &  les  cotillons  que  gagna  la 
médecine,  en  faifant  &  ne  faifant  point  :  &  la  Com- 
ceflTe  ayant  déclaré  à  fon  mary,  qu'elle  avoit  faiâ  un 
vœu  de  chafleté  quatre  jours  la  fepmaine,  fon  mary 
en  fit  un  pour  les  autres  trois.  Elle  en  mourut  de 
dcfplaifir,  &  c'eft  un  Martyr  à  la  mode. 


Chapitre    Neupvissme. 


il 


N  jour  qu'il  tonnoit,  Monfieur  le  1 
Cùnvcrcî fleur   me  vint  voir,    & 
me  irouva  tout  eftoimé,   peu  de  j 
Ktaps  apriîs  ma  cunvufioa. 


CHAPITRE     IX.  3(^7 


difputoit  publiquement  que  l'Eglifé  Romaine  eftoit 
l'Eglife  de  Chrift  :  Barriliere  comme  il  commançoic 
à  propofer  fes  chefes  :  Salectes  entrant  en  mefme 
train,  &  ayant  appris  de  fa  femme,  que  quiconque 
craignoit  beaucoup  Dieu  craignoit  auffi  les  hom- 
mes, elle  qui  ne  craignoit  &  refufoit  homme  du 
monde  eftoit  hardie  contre  Dieu.  Toutes  ces  morts 
me  vindrent  en  la  penfee  avec  plufieurs  autres  de 
mefme  farine.  Comme  j^eftois  en  cette  agonie,  j'ap- 
perçois  M.  Cahyer  fe  pourmenant  en  la  baflTe  cour. 
Je  lui  cours  demander  qu'eftoit  devenu  le  Miniftre 
de  Vaux.  Monfieur^  dit-il,  ce  malheureux^  après  les 
belles  promejfes  qu^il  avoit  fait  à  Aîonjteur  (TEvreuXj 
&  argent  receu  pour  les  exécuter^  il  lui  print  une 
fiebvre  poltronne ,  &  s'en  alla  dici  en  fon  pais^ 
riant  &  braillant  que  la  caufe  de  Dieu  eftoit  trahie 
par  lui^  &  cinq  de  fes  compagnons^  le f quel  s  il  deji~ 
gnoit  fans  nommer.  Il  adjouftoic  à  cela  que  Dieu  lui 
feroit  pardon,  qu'il  alloit  à  fa  maifon,  vendre  fon 
ame  entre  fes  mains,  aulli  toft  qu'il  feroit  à  Millau. 
Il  s'offrit  cependant  à  efcrire  des  lettres  à  Monfieur 
d'Evreux,  Icfquelles  lettres  portoyent  créance  par 
quelque  habille  homme,  &  fur  lesquelles  Monfieur 
d'Evreux  defcouvriroit  la  prévarication  de  la  dif- 
pute  de  Nantes,  &  les  autres  préparatifs  de  Rotan 
&  de  Serres,  que  vous  fçavez.  De  bon  heur,  les 
Huguenots  ont  éfté  fi  fimples  que  de  refufer  fon 
offre,  difant  que  le  règne  de  Chrift  ne  s'eftablit 
point  par  rufes.  Je  romps  le  propos  de  Cahier,  & 
lui  demande.  Mais  qu*eft  devenu  de  Vaulx?  —  Peu 
de  temps ^  dit-il,  après  qu'il  fut  arrivé  à  Milhau^  il 
continua  fes  regrets  &  fes  cris^  '&  notamment  le  Jour 
de  fa  mort  y  lequel  jour  il  fe  pourmena  hors  de  la 
ville  avec  fes  amis^  fouppa  bien^  &  fe  toft  qu'il  fut 


tSSIOV    DU    SIE0K    DE    ! 


au  hâ  appelle  fa- fernmf,  lui  dit  qu'il/atlloù  mourir, 
prononça  ce  couplet  du  PJalmifi*  : 

Je  fffty  aujji  J«^  tu  aimti  dt  fait 
Vrayr  t^iiit^  ittiLuit  la  cùnfcienee, 
Ce  que  rt'ay  tu  raoy,  à  qui  tu  m  fiât 
Voir  Utfecreti  ât  U  grand  fa^ience. 

El  à  ce  mot  il  expira.  Après  y  avoir  refvff,  je 
repris  la  parole  fit  demandai  comme  fe  peuvent  aujour- 
d'hui couvrir  parmi  eux  Rotan  &  Serres  &  les  au- 
tres. Ces  deux  là,  refpond  Cahyer,  n'cnt  que  faire 
dt  couveriurei;  car  tti  font  couverts  de  terre.  Jt 
vous  dirai  comment.  Si  lojl  qu'ils  eurent  f^eu  la 
confeffion  de  Vaux,  ils  s'encouragent  l'un  Cautrt 
par  lettres,  fe  font  eflire  pour  U  Synode  tialional 
de  Montpellier,  avec  refolution  de  paffer  le  Rubico/t, 


CHAPITRE     IX.  369 


quelque  choie  auffî  en  voftre  poulx  ;  mais  je  vous 
prie  gouiler  mes  paroles,  comme  remèdes  lenicifs 
&  palliatifs  pour  voftre  playe  extérieure.  Nulle  vio- 
lence [de]  dehors,  nulle  promeffe,  efperance  ni  crainte 
ne  peuvent  changer  l'intérieur  des  opinions.  La 
raifon  feule  qui  les  efmeut  eft  celle  qui  les  arrache. 
Aufli  fa  puiflTance  eft  la  faculté  des  efperances  &  des 
craintes,  &  eft  &  fe  preuve  à  régir  les  aâions  de 
dehors.  Quand  je  parle  des  craintes  &  defefpoirs, 
je  Tentends  des  affaires  de  ce  fiecle  :  car  à  la  vérité 
quand  il  y  va  du  fiecle  à  venir,  lors  Tefperance  du 
bien  &  la  crainte  du  mal  exerce  tyrannie  fur  Tune 
&  fur  les  retraittes  du  cœur.  Vos  penfees  vous 
affligent  :  n'eftes-vous  pas  bien  heureux  de  ne  fentir 
que  le  doux  règne  &  la  puifTance  naturelle  de  vos 
penfees,  &  non  pas  la  violence  des  neceflltcz } 
Sçachcz  que  prefque  tous  les  hommes  en  font  réduits 
à  ce  poind,  ou  d'eftre  en  mauvais  mefnage  avec  fa 
confcience,  ou  avec  les  affaires  du  fiecle  :  mais  pour 
ce  qu'il  n'y  a  point  de  félicité  parfaite,  les  fages 
voyans  perfecutcr  la  liberté  de  leurs  penfees,  s'en- 
fuyent  aux  cachettes  du  cœur,  &  quand  voftre  con- 
fcience ne  fe  peut  unir  aux  condition  du  temps,  fuyez 
à  ces  cachettes  des  fages,  afiervifTant  à  vous  mefmes 
les  chofes  defquelles  vous  eftes  le  juge,  &  aux 
autres  celles  qui  tombent  fous  leur  jugement.  Vos 
aftions  extérieures  peuvent  eftre  jugées  par  ceux  qui 
dominent,  &  pource  qu'ils  en  ont  la  cognoiffance, 
vous  ne  pouvez  empefcher  que  cette  partie  ne  foit 
de  leur  gibier,  qu'ils  n'exercent  fur  elles  la  recom- 
penfe  &  la  punition,  mais  ils  ne  peuvent  exécuter 
fur  vos  penfees,  aufquelles  ils  ne  peuvent  faire  le 
procez.  Je  di  ces  chofes  pour  vous  Se  pour  moy, 
Monficur,  pour  vous  prier  que  les  combats  de  nos 
II.  34 


37° 


COKIKSStO»   DU   StlOK   DE    Sa: 


conrciciices  ne  fortcnt  point  lichors,  &  li  k  con- 
fcicncc  picquc  pour  cfclaiEcr,  tic  h  pouvant  rendre 
raortc,  il  !a  faut  pour  )c  moins  «rndormif.  Cahycr 
m'a  dit  que  vous  vous  cftonnica  pour  dix  ou  douze 
mores  prompics  de  nos  nouveaux  eonveicis.  Le 
Baron  de Salignac&tnoyfommcscncorcs  en  vie.  Les 
femmes  de  lui,  de  Salcttc,  de  Sponde,  &  MorUs,  & 
autres  ne  fonc  pas  mortes  non  plus.  La  raifon  en  dl 
facile  :  ceuit  qui  font  morts  ont  voulu  laiiTer  vivre 
leur  confcience,  8t  elle  les  a  niez.  Il  la  hat  donc 
tuer  à  bon  efcient,  (comme  je  me  vante  d'avoir  fait), 
ou  l'endormir  par  ftupidité,  comme  le  Baron  ou 
coitiine  fa  femme  &  les  autres  par  mille  petits  paffe- 
temps  d'amour.  Tenez,  je  voua  donne  un  pedt 
centonet  que  je  defrobaî  à  Lucaia.hicr  au  foir  en 
me  couchant  : 


CHAPITRE     IX.  37 


Principibus  pLuuiffe  viris  non  ultima  lauêéft. 
Infoelix  prohitas  f imper  laitdatur  Cr  algct. 
NU  hahet  infoelix  paupenas  durius  m  fe 
Quam  quoi  ridiculos  homines  facit  improha  vin  us 
Quos  nuda  immitis  patitur  ludihria  vidgi. 

J'en  faifois  davantage,  tous  de&obez  en  divers 
autheurS)  mais  on  m'eft  venu  appeller  pour  reconci- 
lier un  mariage  defbauché.  Enfin,  Monfieur,  voila 
à  quoi  î'ay  pailé  le  temps  à  voftre  contemplation, 
m'affeurant  que  vous  en  ferez  voftre  profit,  comme 
eftant  cède  médecine  propre  à  vofire  naturel.  Car 
au  lieu  d'eflire  des  amis  miferables,  miferos  amicos, 
tu  aJUiétis  infultabis  [vous  infulterez]  aux  affligez, 
comme  vous  fifles  bravement  à  Compigni,  lequel 
cftant  matté  de  trois  ans  de  prifon,  ayant  veu  tant 
de  fois  les  voix  mi-parties,  la  moitié  à  fa  mort, 
Tautre  moitié  à  une  vie  pire  que  la  mort,  quand 
vous  vifies  que  la  longueur  eut  adouci  le  procez 
(comme  il  advient  aux  criminels),  vous  priniles  le 
temps  de  fa  frayeur  pour  avoir  de  lui  dix  mille 
francs,  defquels  vous  vous  rendlftes  difpenfateur  à 
vos  collègues  :  mais  vous  corrompiftes  tous  les 
autres  de  paroles,  &  vous  de  la  fomme.  Bien  filles 
vous  une  faute  de  bailler  un  mémoire  du  partage 
efcrit  de  voftre  main,  qui  fut  difficile  à  recou- 
vrer. Je  remercie  Monfieur  le  Convertiffeur,  &  pre- 
nant fon  propos  lui  dis  :  Je  vous  ai  dit  ct%  chofes 
connue  en  confeffion;  je  vous  recommande  mon 
honneur.  Mais  pour  vous  monftrer  que  vos  enfci- 
gnemens  font  femez  en  bonne  terre,  tant  s'en  faut 
que  je  me  vueille  embrencr  de  Tamitié  àts  affligez  : 

j'ay  appris  de  M qu'il  faut  manger  les  viandes 

lors  qu'elles  font  mortifiées,  &   profiter   fur    les 


i?^ 


hommes  quand  ils  fonc  aiicndris  par  leurs  milercs. 
Et  à  ce  propos  je  vous  conterai  uh  brave  trai<l  que 
je  fi  à  ma  féconde  converfion.  Nous  cflionsàOrloinG, 
l'AbbÉ  du...  &  moy,  quand  le  maffacre  fe  fit.  L'Ahbtf 
me  confciilc  de  fortir  en  rue  l'efpce  à  la  main,  & 
faire  le  maflacrcur,  poLir  fauver  ma  vie.  Voyant 
que  ce  confeil  avoit  fuccedé,  &  que  pour  avoir  mi» 
mon  efpce  dans  le  Corps  d'un  pauvre  chappcUcr 
mort,  i'eftois  le  bien  venu  parmi  les  tueurs,  il  me  va 
iouvenir  du  Sire...  (à  qui  je  dcvois  cncor  ma  nour- 
riture de  quatre  mois).  Je  m'envay  à  fa  porte  avec... 
&  autres  compagnohs.  Ce  bon  homme  clloii  à  genoux 
en  fa  cliambre,  fc  préparant  à  la  mort.  Quand  il 
oiiii  ma  voix  à  la  porte,  où  il  courut  foudain,  me 
reeeut  plein  de  joyc,  &  s'efcria  tournant  les  yeux  au 
Ciel  :  0  Dieu,  tu    m'as  envoyé  ett  ami  eomme  lui 


CHAPITRE     IX. 


37Î 


lardoient  pour  un  temps.  Je  me  délibère  de  m'en- 
durcir  en  pareilles  refoludons,  penfer  peu  au  palTé, 
fouvent  à  Tadvenir.  Il  ne  me  refte  que  deux  petites 
craintes  :  une  d*£ftat,  l'autre  de  Rdigion.  La  pre- 
mière eil  que  fi  les  Huguenots  fe  ravifoient  en  leurs 
affaires,  fuivant  le  difcours  du  chapitre  précèdent,  je 
voy  que  la  meilleure  pan  de  la  France  fuyroit 
entre  leurs  bras.  En  ce  cas  nous  fçavons,  Dieu 
merci,  le  chemin  d'y  aller,  d'en  venir  &  d'en  retour- 
ner, quitte  pour  contrefaire  Ezebolius,  &  me  veau- 
trer  dans  un  fàc  à  la  porte  de  Saind  Yon  de  la  Ro- 
chelle, en  criant  :  a  Chreftiens  foulez-moi  aux  pieds, 
qui  fuis  fel  fans  faveur  :  Cakate  mefal  infipidum^ 
Chrifliani.  •  La  crainte  de  confcience  efl  qu'une  fiebre 
chaude  me  pourmeine,  &  trompe,  comme  elle  fit 
Morlas  :  au  fort  peut  eftre  que  Dieu  me  pardon- 
nera, n  je  puis,  à  l'exemple  de  ce  bon  compagnon, 
donner  des  coups  de  pieds  au  Crucifix,  en  figne  de 
repcntance. 


LES  AVANTURES 


DU 


BARON  DE  FtENESTE 

COMPRINSES  EN  QUATRE  PARTIES 

Les  trois  premières  reveuis, 
augmentées  &  dijHnguees  par  chapitres  : 

ENSEMBLE 

LA    QUATRIESME    PARTIE 

NOUVELLEMENT     MUE      EN      LUMIERE 


Le  tout  par  le  mefme  ÂUTHEUR. 


-^é^ 
^ 


q4U    DEZERT 

IMraiMÉ     AUX    OESPEKS    DE  l'aUTHEUR 


M.  DC.  XXX 


L'IMPRIMEUR  AU  LECTEUR. 


BcTBUR  qui  cherches^  is-  as 
trouvé  à  rire  de  contes  ejhigatj 
du  fcurrile,  je  te  veux  dire  fans 
le  reprocher,  que  fi  cet  ouvrage 
mjr  ""^-^  mérite  quelque  gré,  il  m'en  ejl 
ew^rVl  ^  deu  plus  qu'à  l'Àuihear,  leifuel 
'< — --f-J^^^-t  ayant  perdu  /es  humeurs  gail- 
lardi-i.  ou  pour  I  âge,  ou  pour  les  nfiiûiaiUj  avoit 
condamné  au  feu  ce  dernier  livre,  fi  bien  quf  mes 
prières,  &  celles  de  plus  grands  que  moi  eftans 
efconduites ,  je  trouvai  moyen  d'en  defraber  une 
grande  partie  par  l'aide  d'un  Gentil-homme  qui  efioit 
prés  de  lui,  &  lors  efiant  menacé  que  ce  que  je  tenais 
au^poing  tout  bourru  &  tout  imparfait  verrait  le 
jour,  il  a  eflé  contraint  de  faire  comme  la  bonne 
mère  ne  pouvant  voir  Jon  enfant  mi-parti.  J'efpere 
mettre  la  main  fur  quelques  autres  livres  qifil  nomme 
T»  iiioîa,  déplus  haut  goufl  que  ceux-cy ,  fi  j' en  puis 
venir  à  bout,  yen  ferai  part  au  public  :  &  qu'on  ne 


]78  L'nwcRtMïUfi.  »\J  LBcnro. 

me  die  pas  commt  faifoii  no^rt  Auth*ur,qià«  Iti  plai- 
fanis  propos  ejioieni  âtjfaijonnti  en  un  temps  de 
guerre  ir  d'affiiéHont  :  je  dis  es  que  j'ay  appris  de 
lui-mefmc ,  qae  lors  Us  irijiitjfes  viennent  aniffi  riud  à 
propos  que  /j  peur  dans  Us  périls.  Adieu. 


LES    AVANTURES 

DU    BARON    DE    FjENESTE 


LlVIifi  ■P%E^IE'^ 


PREFACE 

K  ^fit,  hffé  de  difiours  graves 
&  tragiques j  itfi  voulu  recréer  à 
la  defcriptlon  de  ce  fiecle,  en  ra- 
affant  quelques  bourdes  vrayes. 
l  pource  que  la  plus  générale 
différence  des  buts  &  complexions 
des  hommes  ejl  que  les  uns  poin- 
tent leurs  defirs  &  deffeins  aux  apparences,  <T  les 
autres  aux  effeéls,  t'Auiheur  a  commencé  ces  Dialo- 
gues par  un  Baron  de  Oa/congne^  Baron  en  l'air, 
qui  a  pour  Seigneurie  Fscnelle,  Jlgnijiani  en  Grec 
paroillre;    cetui^à  jeune    eventi,    demi    courtifan, 


j8o  PKKFACE. 

demi  foldat ;  ir  d'aune  pan  ua  vieil  Ctniii-hûnime 
nommé  Enay,  qui  en  mefmt  langue  Ji unifie  cllrc  homme 
confommé  aux  leltrtj.  aux  txperieates  dt  la  Cour  & 
de  la  guerre:  cettui-ci  un  faux  PoUtevia,  qui  prend 
occajion  de  la  nncoaire  de  Fanafle  pour  s'en,  donner 
dit  plaijir,  &  mtfme  en  faire  pari  è  quelque  voifin 
qui  pour  lors  efloit  chej  lui.  Je  dejire  faire  favoir  au 
Lcéteur  que  celui  qui  eferit  cet  chofet,fur  louiei  Us 
partiel  de  la  France  affeélionne  la  Gafcongnt,  fr  en 
fes  difcouri  communs  a'ejlimt  &  ne  loui  rien  tant 
que  les  Cafcons,  autant  qi/foa  ptui  dijiingutr  Us  vices 
&  venus  par  naliont .'  &  mefirte  i^tfl  par  le  confeil 
d'un  des  plus  excellents  Gentils-hommes  de  ce  pays- 
Id  que  ce  petfonnage  a  ejlé  choiji,  comme  l'efcume  de 
ces  cerveaux  bouillants,  d'entre  lefquelsfe  tirent  plut 
de  Capitaines  &  it  Atarefehaux  de  France  que  d'au- 


ARGUMENT. 


B  Baron  de  Fxnefte  r 
la  guerre  d'Aunîx,  prend  des  re- 
lais à  Nyort  :  à  quelque  lieue  de 
là,  fe  trouve  efgaré  avec  celui  de 
fes  laquais  qui  moncoic  à  cheval 
en  fon  rang  :  les  autres  deux 
mutine7  d'un  mauvais  desjcuné 
&  dequo/  le  Monfieur  ne  pariagcoïc  pas  bien  les 
heures,  fuivoient  i  regret.  Le  Baron  enfermé  d'un 
parc  &  d'une  rivière,  rencontre  le  bon  homme 
Enay,  vcitu  d'une  Juppé  de  bure  &  fans  foulicrs  à 
cric;  il  l'accofte  en  ces  termes. 


Rencontre    d'Eiîay   &  de  Faatfte   qui  couche 
Centrée  de  dix  ou  dauje  quereltei. 


SKBSTB.  Bon  yor,  lou  mien.— 
Enay.  Ec  i  vous,  Monfteur.  — 
V]  [T^'.fgJj  ^   F.  Don  benez-boiis  enfi  ? — £.Je 
£    «j^^S^'    ne  vien  pas  de  loin;  je  me  pour- 
'■  mené  autour  de  ce  clos. — F.  Com- 

ment Diavie,  clos,  il  y  a  un  quart 
d'ure  que  je  fuis  emvarracé  le 
long  de  ces  murailles,  &  bous  ne  le  nommez  pas  un 
parc.  —  E.  Comment  voudriei-vous  que  j'appellafTe 
celui  de  Monceaux  ou  de  MadrîcP  —  F.  Encore 
ne  coudera  il  rien  de  nommer  les  choies  pour  noms 
honoravles.  —  E.  Il  ferviroit  encores  moins  qu'il 
ne  coufteroit.  —  F,  Et  de  qui  ell  cecy?  —  £.  C'eft 
à  moi  pour  voftre  fervke.  —  F,  A  bous?  [à  part] 
J'ay  failli  à  faire  une  grande  cagade,  car  le  boyani 


)84   AVAMURaS   DU    B*JlON   CE  FANbSTB. 

fans  fraife  &  ("ans  pcnnache,  je  lui  alluis  demander 
k  chemin.  ^  £.  Mais,  Monficur,  où  allez-vous 
ainfi?  Vous  vous  enfermez  de  demie  lieuî;  de  ri- 
vières. —  F.  Nous  nous  fommes  cfRarci  dans  uii 
bill^e  il  y  a  une  hure  ;  car,  pour  bous  dire,  il  mcft 
fafchuK  de  demander  le  chemin,  &  mes  bcilccs  de 
pied  fonc  demeurez  arrière,  hors  mis  ce  couqutn  trop 
gluriux  pour  parler  à  un  bilen,  s'il  n'y  en  a  dus. 
D'aillurs  on  ne  peut  faire  marcher  ce  mefchant  rcicx: 
j'ai  quitié  à  Surgeres  mes  rouiTens,  en  la  compenio 
de  Monlur  de  Cantelouz,qui  m'en  aboie  accommodé, 
ils  font  miens  &  ne  font  pas  miens,  on  nous  les 
garde  pour  une  autre  vegade,  —  E.  S'il  vous  plaill 
de  venir  vous  repofer  à  une  petite  maiCon  à  mille 
pas  d'ici,  nous  envoyerons  pour  faire  rallier  vgllrc 
train ,  &  vous  me   ferez  honneur    &   plaifir.  — 


< 


LIVRE    I,    CHAPITRE    I.  385 

cabalier  qui  eft  exterminé  à  ne  foufirir  d'aucun,  & 
qui  a  eu  trente  querelles  pour  un  an  ;  car  au  premier 
c'eftoit  à  qui  en  auroit  au  Varon.  Mentenant  il  n'y 
a  plus  preife,  ils  n'y  voyenc  rien  à  gagner.  —  E.  Je 
vous  plains  bien  de  tant  de  querelles;  je  me  fuis 
autrefois  trouvé  bien  empefché  d'une.  — •  F.  Il  n'y 
a  pas  ourdre  de  pareftre  en  Cour  que  par  ces 
vroulleries  :  un  mien  laqué  nommé  Eftrade  me  ra- 
pourta  qu*un  fouldat  des  gardes  lui  aboit  auté  une 
garce  :  je  m'aveilè  tant  que  de  lui  emboyer  le  villet, 
mais  ce  galland  s'ennuya  de  m'attendre  au  pré 
aux  Clercs.  Autresfois  nous  faifions  à  première  un 
Aboucat  de  Paris,  ou  aumens  un  follicitur.  Il  bit 
que  mon  laqué  me  faifoit  quelque  grimace  par  der- 
rière ;  il  lui  donne  du  chandelier  par  la  tefte  &  me 
prit  huift  libres  de  mon  aryent.  Nous  fufmes  appo- 
entez  par  la  compenio  ;  il  me  pria  d'ouvlier.  Pour 
l'argent,  je  luy  laiffai  bolontiers.  Autre  coup  :  un 
fort  honefte  homme  qui  fuit  Monfur  de  Cadeau- 
bieux  fe  mocquoit  de  mon  pennache.  Je  le  tire  par 
la  cappe,  je  le  mené  fur  le  pré.  Nous  desfimes  les 
voûtons,  l'egullette,  la  jartiere  &  le  ruven  du  fou- 
lier;  &  là  nous  y  fifmes,  (à  paroles,  s'entent).  Toft 
après,  un  efcoulier  me  combia  de  jouer;  j'eftois 
en  coulere  d'aillurs  pour  quelque  pic  qu'un  ezent 
des  gardes  m* aboit  donné  à  fon  abantaye,  comme 
je  cuidois  entrer  au  valet  de  la  Marquife.  Je  ref- 
pondi  donc  à  Tefcoulier  que  depuis  la  querelle  de 
TAboucat  je  ne  joliois  plus  que  je  n'euffe  l'efpeio  & 
le  poignard  nud  à  vout  de  tavlc  :  le  ruftre  me  ref- 
pond  qu'il  aboit  de  couftume  de  tirer  trois  coups 
d'efpeio  pour  faboir  à  qui  auroit  le  dai.  Je  répliqué 
que  je  me  defpoiiillerois  de  qualité  de  Gentil- 
homme &  d'autres  grades  acquis  pour  le  convattrc. 

II.  2J 


î86 


NTUR8S  t>U   I 


OK   DS   rjIMESTII. 


Ce  fac  redouvie  que  fant  me  dépouiller  il  me 
vatieroLC  vico  coiii  vcHu  :  •  Cap  de  yim,  te  dis  je, 
iV  faut  que  la  beut  tn  dejcrubs  lou  fuit.  •  Il  me 
foubinc  en  chemin  de  la  rigur  des  ordoBoaiKcs,  & 
partant,  boulus  adoucir  l'alTùre  en  lui  difanc  :  'Quand 
je  ne  propofe  poini  d  toi,  pourquoi  ptopofti-tu  à 
moi?  I  Cela  ne  ferbic  pas  de  rien  ;  nous  en  binfjnes 
aux  raens.  Sur  le  vor  de  la  ribicre  il  fc  croube  une 
grande  paillarde  qui  laboît  quauquea  hardes  \  la  bikac 
lama  au  coulct  du  jeune  homme,  &  je  ne  le  boSlus 
pas  ciier  entre  fes  vras.  —  £.  Cela  n'eft  pas  fans 
exemple  :  Madame  de  Bormeval  de  Limoufin,  votant 
un  appel  fait  chez  elle,  fit  anelcr  fa  llincre  pour 
feparer,  &  arriva  lout  à  temps  pour  jetter  le  caducée 
entre  les  combattans.  —  F.  Je  hai  Paris  de  cela.  Je 
fuffe  menccnant  encre  les  r'aEnez  d'haunur,  maU  on 
V  cil  croD  foubeoi  fcDaré.  &.  d'aillurs  la  iuiiicc  &c 


J 


Moyens  de  parejire,  deffenfe  des  boites,  &  des 
rofeSj  pennackesj  &  perruques. 


Voila  bien  des  affaires, 
mais  puis  que  vous  me  let  contez 
fi  privement,  vous  ne  trouverez 
pas  mauvais  que  je  vous  demande 
pourquoi  vous  vous  donnez  cant 
de  peines .  —  F.  Pour  pareftrc. 
■  E.  Commcni  paroill-on  au- 
jourd'hui à  la  Cour?  —  F.  Premièrement  faut  cftrc 
vicn  bellu  à  la  mode  de  trois  ou  quatre  MefTurs 
qui  ont  l'auiourité  :  il  faut  un  perpunt  de  quatre  ou 
cinq  tafetas  l'ua  fur  l'autre,  des  chauITcE  comme 
celles  que  bous  boyez,  dans  lelquelles,  tant  frife 
qu'efcarlatte,  ;e  bous  puis  aflurer  de  huiâ  haulneg 
d'ellofic  pour  le  mens.  —  £.  Eft-il  poilible  que  ce 
gros  lodier  qui  vous  monte  autour  des  reins  ne  vous 
faffe  point  fentir  de  gravelleî  —  F,  Qu'appellez- 
bous  loudier?  Bous  autres  abez  d'ellrangcs  mouis 
pour  francimaniifer  aux  bilayes.  Or  grabcUe  ou 
non  grabelle,  fi  faut  il  pourier  en  Etay  cette  emvou- 
rure;  puch  après  il  bous  faut  des  fouliers  à  cricq 
ou  à  pont  leredis,  fi  bous  boulez,  efcoulez  jufques 


à  la  femelle. —  E.  Et  en  Hyver?  —  F,  Sçachez  que 
dux  ans  abant  U  mort  du  fu  Roy,  il  luy  ci'chappa  de 
loiier  S.  Michel  de  fes  diligences,  &  d'eftre  tousjcurs 
voicé  :  dellors  les  Courtifans  prindrent  U  feçon  de 
une  vottes,  la  chair  en  dehors,  le  talon  tore  hauffé, 
abec  certes  pantoufies  fort  haulTees  encores,  le  fur- 
pied  de  l'efperon  fort  large,  &  les  fouleties  qui  en- 
betoppent  le  defTous  de  la  pantoufle.  Ces  voices  ainfi 
lirces  tout  du  long  bous  efpargnent  toutes  fortes  de 
vas  de  foye  ;  fi  bous  allez  à  pied  par  la  bille,  on 
ronjecture  que  lechebal  n'cll  pas  loin  de  bous  :  mais 
il  faut  que  l'efperon  foit  dounî.  Bous  boyez  tous 
ces  honelles  gens  d'entre  les  Huguenots  qui  boni  à 
pied  &  en  cet  équipage  à  Charanton.  Je  fai  un  de 
mes  camerades  &.  un  parent  mien  qui  ont  fait  le 
boyage  du  pays  en  cet  ellat,  &  quant  ils  trouboient 


LIV&B    I,    CHAPIT&B    II.  389 


—  F.  Oy  vicn,  nos  autres,  oy  :  fur  les  dux  pieds, 
trainantes  à  terre,  aux  dux  jarrets,  pendentes  à  mî- 
jamves,  au  vufc  du  perpunt,  une  au  pendant  de 
l'efpeio,  une  fur  reflomach,  au  droit  des  yralarts, 
&  aux  coudes.  —  £.  Et  quels  fruits  de  tant  de 
fleurs }  —  F,  Ceft  pour  pareftre.  U  y  a  après  la 
diverfité  des  rotondes,  à  douvle  rang  de  dantele,  ou 
vien  fraifes  à  confufion.  —  £.  N'avez-vous  point  de 
difpute  avec  les  Dames?  — F.  Boila  de  boftres  pre- 
paux,  à  bous  autres  qui  benez  quauque  biages  en 
Cour  abec  le  cul  plat  &  le  coulet  ravatu,  comme  les 
Surs  de  la  Noue  &  d'Auvigni  ;  ce  n'eft  pas  pour,  y 
pareftre,  &  je  m'eftonne  comment  mûfier  oubre 
pour  telles  gens  la  porte  du  cavinet  :  &  puch,  il  y 
a  tant  de  velles  feçons  de  pennaches,  —  £.  Accor- 
dez-vous bien  ces  pennaches  avec  les  perruques?  — 
F.  Oy  da  :  fi  bous  euifiez  bu  Monfur,  l'autre  yor, 
quand  il  fit  fon  entrée  debant  la  Rouchelle,  bous  ne 
demanderiez  pas  cela,  ou  vien  fi  bous  abiez  bu 
Monfur  de  Sulli  commander  à  un  bailet  à  TArcenal 
avec  la  calotte,  qui  eft  vien  pis  que  la  perruque,  un 
vraffard  de  pierrerie  à  la  men  gauche,  &  un  gros 
vaton  à  la  men  drette,  bous  diriez  bien  que  c'eft 
pour  pareftre.  —  E.  Et  bien,  voila  pour  les  habille- 
mens  :  eftans  ainfi  veftus  à  la  trotte  qui  mode,  que 
feides-vous  après  pour  paroiftre?  —  F.  Eftans  ainfi 
couberts,  abec  trois  laquais,  de  vroderies,  pluftoft 
loiiez,  un  videt  pluftoft  emprunté,  bous  boila  dans 
la  Cour  du  Loubre.  —  £.  Tout  à  cheval?  —  F. 
Non  pas,  non  ;  on  defcend  entre  les  gardes,  enten- 
dez :  bous  commencez  à  rire  au  premier  que  bous 
rencontrez  :  bous  faluez  Tun,  bous  dittes  le  mot  à 
l'autre  :  t  Fraire^  que  tu  es  vrave^  efpanoUy  comme  une 
rojey  tu  es  vien  traitté  de  ta  maiftrejfe.  Cette  cruelle^ 


^ 


390      AVANTURES    DU   BARON   DE   FiNKSTE. 

celle  revtlle,  ffnitlle  point  Us  armes  à  ce  veau/roni. 
à  cejle  mouftach»  «l'en  iroufte,  &  puis  ceJleveUt:  grtvt, 
c'eji  pour  en  mourir,  1  11  faut  ilire  cela  en  dcmcnant 
les  vr.is,  vrjiiliiit  11  tcftc,  cliangeant  de  pied,  pçi- 
gnan[  d'une  men  la  mouftachc,  &  d'aucimcfois  les 
chcbus.  Abcz-vous  gagné  l'antidnmvrc?  bous 
accuulkz  quelque  galant  homme  &  dilcotjrez  de  la 
hcrni.  —  £.  Vraiment,  Wonficur,  vous  me  raviina, 
&  croy  qu'il  n'y  a  gLierea  de  courriiacs  qui  en  fça- 
cheni  cane  :  mais  encore  les  vertus  dciquellex  vmux 
difcourez  font-elles  morales  ou  intcUeftuelles^  — 
F.  J'ay  vien  oiiy  dire  ces  moure  là;  bous  boulei 
(aboir  de  quoi  font  no»  difcours  :  ils  l'ont  des  duels, 
où  il  fe  faut  vien  garder  de  admirer  la  balur  d'au- 
cun, mais  dire  fredcment  iï  où  il  aboit  quelque 
peu  de  couraye  ;  &  puis  des  vonnes  fortunes  cnbers 


LIT&B   I,    GHAPIT&S   fT.  jpi 

fang-de-beuf,  couleur  d'eau  ^  couleur  d'ormus, 
argentin,  cinge  mourant^  couleur  d'ardoife,  gris  de 
ramier,  gris  perlé,  bleud  mourant,  bleue  de  la  febve, 
gris  argenté,  merde  d^enfant,  couleur  de  felle  à  dos, 
de  vefve  resjouie,  de  temps  perdu,  fiammette,  de  foui* 
phre,  de  la  faveur,  couleur  de  pain  bis^  couleur  de 
conftipé,  couleur  de  faute  de  piflèr,  )us  de  nature, 
ftnge  envenimé,  ris  de  guenon^  trefpaflTé  revenu, 
Efpagnol  mourant,  couleur  de  baice-moi-mà-mi'- 
gnonne,  couleur  de  péché  mortel,  couleur  de  cry»- 
taline,  couleur  de  boeuf  enfuiné,  de  jambons  com- 
muns^ de  foulcys,  de  defirs  amoureux,  de  radeufs 
de  cheminée.  J'ay  oiiy  dire  à  Guedron  que  toutes 
ces  couleurs  s'appellent  la  fcience  de  Cromaticque, 
&  que  d'orefiiavant  on  s'avilleroit  de  couleur  de 
Phyficque,  comme  de  jambes  pourries,  de  nez 
chancreux,  bouches  puantes,  yeux  chacieux,  teftes 
galeufes,  perruques  de  pendus,  &  le  tout  à  la  mode, 
fans  y  comprendre  les  couleurs  de  Rhetoricque,  & 
m'a  dit  qu^il  fe  falloit  garder  de  la  couleur  d'aminé. 

—  E,  £t  par  ces  difcours  à  quoi  parvenez-vous? 

—  F.  Quelquesfois  nous  entrons  dans  le  grand 
cavinec,  dans  la  foule  de  quelque  Grand,  nous  four- 
tons  fous  celuy  de  Beringand^  defcendons  par  le 
petit  degrai,  &  puis  faifons  femvlant  d'aboir  bu  le 
Roy,  contons  queiquei  lloubelles,  &  là  faut  cercher 
quelqu'un  qui  aille  encdrtf  difner.  —  E.  Comment, 
encores?  Et  difne-on  detife  fois  à  la  Cour? — F,  Ha! 
pourquoi  demandez  bous  cela?  —  E.  Pource  que 
vous  dites  encores  :  mais  je  voi  bien,  c'eft  un  dialeéle 
du  pays,  comme  le  feulement  des  Angevins.  Ne  dif- 
putons  point  du  langage,  mais  trouvez-vous  tousjours 
ce  difné  à  propos?  —  F.  Nenni  pas,  non;  les 
Maiflres  d'Hoftel  quelquesfois  grondent,  les  Sei- 


RXS   DU   BA&OK  DK   FfNBSTB. 


gneurs  font  fermer  leurs  portes,  difent  qu'ils  ont 
affaire,  yu  qu'ils  fe  ireiivent  mal,  —  E.  Et  lors, 
vous  ne  vous  trouvez  pas  bien?  —  F.  Nemii  certes; 
mais  lors  il  faut  bouter  couraye,  faire  voonc  mine, 
un  curedem  à  la  vouche  pour  parcftre  aboir  difné.  — 
E,  Et  quel  appoinftemert  avei-vous,  ou  quel  eftat? 

—  F.  Pas  eftat  autrement;  je  fuis  Monfur  de  Guifc, 
quand  Monfur  n'y  cil  point,  qui  eft  un  galand  Prince, 
de  velle  bumeur,  qui  a  de  vdles  paroles.  —  £.  Ex- 
cufei-moi  fi  je  vous  demande  qui  eft  ce  Monfieur. 

—  F.  On  ne  l'appelle  point  Monfur  le  Duc  autre- 
ment en  l'innee  :  depuis  que  la  Rouchelle  eft  rendue, 
je  bous  laiffc  à  penfer  s'il  le  faut  appeller  autre- 
ment :  en  fin  c'eft  le  vrave  des  vraves,  &  le  baillant 
des  baillants,  —  E.  Vous  tenez  donc  la  Rochelle 
pour  rendue?  —  F.  Non,  pis  du  tout;  mais  je  ne 
bous   doime  ;^me  aue  de  Pafuues.  wuir  hmr  oue   - 


Chapitre  III. 
Àrrntt  de  Faïufie  à  la  Cour. 


SNBSTi.  Premièrement,  il  ùm 
que  bous  iàchez  que  le  cadet 
de  Piulaflron  &  moi  £fmes  laat 
&  fi  vien,  que  lui  eut  de  fon 
frère  deux  cens  cinquante  (ranct 
(VourdeUis  s'entend)  pour  l'a  légi- 
time, &  moi  bingt  cinq   | 


de  mon  coulin  l'Ebcfque  d'Aire.  Nous  nous  havil- 
UfmeE  doncq  allez  proprement,  &  abec  des  lettres 
de  recommandation  &  unes  mémoires,  nous  def- 
cendifmet  par  Garonne  à  Vourdeaux  :  1^  nous  trou- 
balmes  au  Chapeau  rouye  un  grand  Gentil  homme 

?[ut  alloii  à  Paris;  j'ai  eftai  tant  fat  que  je  n'en 
ai  pas  le  nom.  Nous  boulumes  lui  faire  compenio; 
il  nous  dit  qu'il  courroit  en  polie.  —  Commtnt, 
ài^ytf  abét  bous  un  rouci  qui  puisse  pouffer  d'ici 
à  Paris?  —  Il  nous  conta  &  apprit  comment  on 
alloit  en  polie.  —  •  Boila,  di-ye,  un  veau  plaijir; 
nous  bous  prions  de  nous  faire  vailler  chevaux,  ■  Il 
commande  à  fon  ballet  de  nous  en  faire  venir  au 
vatteau,  où  nous  nous  rendifmes,  aianc  vonnes 
chauffettcs  de  toile  vlanchc  &  fine.  Ce  biel  Cour- 


J94      AVARTUtlt  DU   I 


t   bE  FfNESTE, 


tilan  nous  remonftra  vien  dans  le  vacceau  que  nous 
falloit  aboir  vôtres  &  coullinecs,  de  quoi  nous  nous 
mouquions  entre  nous,  comme  cela  n'eftoit  propre 
qu'à  Francimants,  lingues  pelucs  &  glacayafes.  Le 
cadet  &  moi  fiOnes  cinquante  carrières  l'un  contre 
l'autre  abint  qu'eftre  arribé  au  Carvon  vlanc  :  là, 
ne  poubans  plus  durer  fans  cdrii^rs,  il  nous  fit 
acheter  à  checun  un  chappelcc.  Nous  commençafmcs 
à  la  Grolle  <k  nous  trouber  las;  à  Sent  Sivardcau, 
je  m'apperçeiis  que  ma  chauiTctie  eftoit  en  fang  ;  ce 
qui  m'y  fie  plulloll  regarder,  eftoit  que  le  pollillon  &  îc 
bailety  regardoient  en  riant,  J'eftois  fi  cfchauffifquc 
TardiKon  de  l'eftricre  m'aboîi  encrtf  dans  le  gras  lic 
la  jamve  fans  1c  feniïr  :  quant  à  mon  compcgnon, 
il  fe  difoir  aboir  la  fiebre  d'un  coUillon  enRi,  &  ne 
courroit  plus  que  fur  une  cuific.  De  i'arreller  pour 


A»  r.»n}»J»     Poi 


fin  J.n 


LIV&B    I,    CHAPIT&B    III.  395 

lut  quitter  la  houpelande  pour  faire  parellre  fon 
tren  ;  je  cru$  deboir  faire  auili  comme  lui  :  t  Tien, 
couquifij  fis-ye  au  pouftillon,  pren  la  mienne  i  &  les 
mit  encore  toutes  dux  debant  lui,  en  prenant  l'equi- 
paye  des  dux  autres   courriers;  encores  ne  nous 
apperceufmes  nous  d'eftre  démantelez  qu'à  la  fé- 
conde  pofte  :  &   comme  à  chien  maigre  bont  les 
moufchesy  nous  troubafmes  en  la  Veauce  les  poufies 
tellement  rompues  par  Monfur  de  la  fiarene,  qui 
couroit  lui  meûne  en  perionne,  que  le  Comte  fut 
contraint  de  me  laiiTer  à  Anyerbile,  abec  quauque 
aryent  pour  Tattrapper  le  lendemen.  Le  pouftillon 
de  Guillerbal  &  moi  eufmes  querelle,  pource  que 
ye  le  nommois  couquin,  comme  c'eft  la  feiçon;  il 
me  répliqua  :  t  Couquin  bous  mefmes,  i  Ye  m'ap- 
proche pour  lui  donner  une  platafTade;   mon  efpeio 
s'efloit  prife  dans  les  defcoupures;  comme  lou  taquin 
bit  que  ye  ne  la  poubois  arracher,  il  me  boulut 
donner  de  fon  fouet  :  toute  la  courroie  s'entourtille 
à  rentour  de  mon  cou.  Pou!  cap  de  you!...  me 
boila  par  terre,  fi  eftonnai  de  la  cheute,  que  mon 
bilcn  eftoit  hors  de  buë,  &  lou  pis  efi  que  mon 
chebal  Taboit   fuibi.  De  vonne  fortune  il  n'aboit 
nulles  hardes  à  moi  :  ye  prins  donc  mon  chappelet, 
qui  eftoit  tunvé  abec  moi,  &  m^en  allai,  à  veau  pied 
s'entend.  Toutes  hures  me  furent  velles  quand  ye 
fus  fur  le  haut  d'£(lampes,  où  ye  troubai  &  le  fa- 
vlon  &  la  balee  enfemvle.  Le  chappelet  me  fit  grand 
vien,  car  fans  lui  ye  n'eufTe  pas  feu  louyer  qu'en 
quauque  cavaret.  J'alai  donc  aux  trois  Mores;  vien 
vous  dirai  ye  qu'il  me  falut  hauffer  la  fraife,  pource 
que  ye  me  sentis  la  gorye  fort  efcourcheio.  Après 
aboir  foupai  en  vonne  compenio,  un  homme  maigre 
me  demanda  fi  ye  boulois  pafTer  Taprés  fouppeio. 


Î96 


N'TtmBS  DU   BARON   DZ  FUNESTE. 


Ve  ne  cerchois  autre  chaufe  pour  faire  baloir  tous 
les  traiis  de  cartes  que  y'  abois  appris  des  laqués 
de  Monfvir  de  Roquclaure  :  y'entendois  la  carte 
courte,  !a  longue,  la  cirec,  la  pliee,  les  fcinences, 
la  poncée,  les  marques  de  toute  force,  l'attrappe, 
la  ripouffe,  le  coude,  le  tour  du  petit  doigt,  la 
manche,  lou  chappeau,  l'ange  8c  lou  mira'd.  Pou  T 
cap  de  you!  abec  tout  cela,  mon  homme,  qui  s'ap- 
pelloii  Montaifon,  m'empourta  les  trois  piftoles  qu'on 
m'aboit  laiiTai  :  cncores  fuc-i!  iî  honnelle  homme, 
que  pour  ma  varbe  il  paia  l'hofte  &  me  monftra 
de  courtefie  une  feçon  d'efcamouter  &  de  mettre 
arycnt  bif  dedans  lou  dai  pour  faire  petit.  Comme 
au  matin  ye  me  leboîs  fort  trifte,  y'  abifai  lou  cha- 
pelet &  lou  fouet  qui  m'elluit  demeurai;  ye  bous 
ben  l'un  vrabement  huiÔ  bons  fous  pour  me  loener 


Renemirt  du  roufftaa,  l'accident  datfigott^ 
&  rambitKm  de  Fanefie. 


NAT.  Et  bien,  Monfleur,  voua 
arrivé.  Vous  m'cxcuferez 
eft  de  joie  de  vous  voir 
ces  peiics  accidents  :  Sl 
comment  vous  milles-vous  au 
monde? —  F, Monfur  le  Comte 
me  fit  fort  vieu  aviUer,  bran, 
il  faut  dire  coubrir,  (i  vien  qu'ils  me  rrou- 
boieni  tous  trop  vonne  mine  pour  eftre  aux  gardes; 
comme  y'abois  penfai  en  parlant,  il  me  laifTa  ii  Mon- 
fur de  Montefpan  ;  ye  me  fis  fi  vonne  feçon  que 
y'enirois  par  tout,  horfmis  au  petit  cavinet  :  ye 
prens  conncfTance  abec  les  Maiftres  d'hollel  &  cer- 
tains Gcntius  hommes  fetbans  :  quand  ye  fus  lailTé 
fui,  ye  fréquentai  l'hoflel  de  Monfur  de.Guife,  par 
la  faveur  de  Monfur  de  Louit,  qui  me  demandoit 
foubant  fi  ye  n'aiderois  pas  à  tuer  quauque  Duc, 
à  quoi  ye  m'aufrois  livrement.  Par  là  me  boila 
familier,  fi  vien  qu'un  yor  y'efcoutois  debifer 
l'Ebelquc  de  Scez,  Vercaut,  Malerve  &  Maihiu 
abec  un  homme  de  vonne  feçon  :  ces  quatre  aians 


Jp8       AVAVTURES   nu    DAaON   DE   F^NESTK. 

parié  de  la  Phllofouphie  comme  de  grands  fabaous 
qu'ils  fon[,  lou  rouffcau  eftânt  demeurai  fui,  yc 
lui  demandis  à  qiù  il  cftoît.  )1  me  refpond  qu'il  cftott 
de  nuubeau  arribai  en  Cour,  &  qu'il  n'aboit  poent 
d'acceï  pour  le  doncr  à  quiuque  Prince.  Ye  lui 
contis  com.me  y' abois  faii.  Lui  me  refpond  qu'il 
n'aboit  point  tant  de  hardiefTe;  il  mena  Ci  vieti  l'af- 
faire que  ye  le  prefencis  à  Monfur  de  Guife,  en  la 
chirovre  duquel  il  aboit  couchai  la  nuift  d'aupara- 
bant,  comme  y'ai  fu  depuis.  De  là  à  dux  yors,  yc 
boi  mon  homme  en  grande  familiaricai  abec  ce  Prince  : 
y'eus  quauque  foupson,  mais  lui  me  remercioit 
des  faburs  qu'il  receboit  pour  l'amour  de  moi.  Un 
fuir  que  Moofur  de  Guifc  bouoic  aycc  lou  Roi,  ye 
bis  mon  roulTau  qui  lenoic  la  vougie  du  Roi, 
&  li  difec  force  biedafcries  à  l'ourctÛe,  dont  lou 
Rdi  fi-  rrehnir  de  rire:  ve  hip  iwiiitte.   rnmmi"  i-Q»n« 


tIVRS    I.    CHAPITR.1I    IV. 


199 


bericai,  ye  fi$  un  grand  cri  au  commencement,  mais 
quand  ye  bis  cou  lou  monde  rire,  ye  m'efforcis  de 
rire,  vien  aife  que  tout  fe  paiTafl  en  raillerio.  Cela 
me  ferbit  d'autant  de  coneifance.  Vien  bous  dirai- 
ye  que  ce  roufleau  me  fit  autre  coup  mettre  dans 
le  carouiTe  de  la  René,  difant  que  y'y  aurois  place  ; 
mais  en  fin  ye  le  reconus  pour  le  melme  roufleau 
des  houpelandes. 


Chapitre    V. 
Difeouis  fur  la  m.u/on  d'Enay,  ir  de  la  chaffe. 


NAT,  MonfieuT,  cependant  qu'o 
couvrira  pour  vous  donner  u 
mauvais  fouper ,  voulei 
point  faire  un  tour  d'allée?  - 
F.  Oy  vien.  Monlur;  cela  noiu  . 


LIVRB    I,     CHAFIT&B    ▼•  4OI 

qu'une  cour.  —  F.  Oùeft  boftre  chenil?  —  £•  Dans 
les  paillers.  —  F.  Comment^  ye  ne  boi  ni  chins  cou- 
rans,  ni  aufeaux.  —  £.  Ils  m'empefchoiencde  dormir, 
me  defpenfoienc  en  fauconniers  &  en  hongres  ;  ils 
eiloienc  caufe  que  je  combois  en  les  picquanc.  Quand 
j'ai  veu  qu'ils  me  caflbienc,  je  les  ai  cafTez,  &  puis 
l'aage  en  cafToic  fa  parc.  —  F.  Oy,  mais  où  eil  la 
nouvleffe?  —  £.  Je  l'ai  cerchee  ailleurs,  après  avoir 
leu  l'Utopie  de  Thomas  Maurus,  qui  raconte  qu'eftant 
en  ce  païs  là,  il  ouït  un  grand  bruit  de  cors  &  de 
trompes,  &  voianc  pafler   devant  fon  logis  une 
grande  foule  de  gens  de  cheval,  une  meutte  de  chiens, 
des  limiers,  des  aboieurs,  des  chiens  pour  le  fauve, 
chiens  pour  le  noir,  lévriers  de  compagnon  &  d'atta- 
che, &  puis  force  oifeaux  de  leurre  &  de  poing,  trois 
charrettes  de  cordes,  autant  de  toiles,  il  demanda 
qui  eftoient  ces  Seigneurs  :  on  luy  refpondit  qu'ils 
eftoient  fagneurs  vraiement,  que  c'eftoient  les  bou- 
chers de  la  ville,  aufquels  feids  la  chafTe  eftoit  per- 
mife  en  ce  pais  là.  —  F.  Fa  au  diavle  lou  païs, 
qu'euffent-ils  dit  du  Manefchal  de  Montmoranci,  qui 
embouié  en  amvaflfade  en  Angleterre,  marchoit  abec 
huid  bints  aufeaux?  Bous  ne  feriez  pas  comme  moi: 
ma  mère  nourriflbit  dus  vufs  gras  ;  ye  les  trouquai 
emper  lou  lebriet  de  Monfur  de   Roquepine,  qui 
depuis  me  l'a  defrouvai,  mais  c'eft  par  familiaritai. 
—  £.  Non,  je  ne  trouve  pas  voftre  change  avanta- 
geux. —  F.  Oy  vien,  mais  c'eft  pour  pareftre,  & 
puch  n'eft-ce  pas  une  grande  commoditai  que  les 
aufeaux?  Ye  bous  puis   yurer  qu'en   la  faifon,  à 
Fioux  (fi  bous  fabez  où  c'eft),  nous  faifons  vouche- 
rie  de  perdigaux.  —  £.  J'aurois  peur  que  là  où 
feroit  boucherie  de  perdriaux,  le  lard  y  fuft  venai- 
fon.  —  F,  Quoi,  des  paillers  en  boftc  vaffc  cour? 
n.  26 


402       AVAMTVRBS  DU   BARON   Ht  PSSSiTS. 


—  E.  CVft  le  mieiw  quand  elle  m  cft  bien  empc{- 
chec.  —  F,  Où  a!  lo  nu-no  us  id>  en  une  galerio?  O 
praube  !  &  boila  du  vlai  deiians,  faire  de  la  galerie 
un  grenier! 


Chapitkb  VI. 
Dti  Vûdepitd, 


1NAT,  MonrieuT,  nom  fommes  fi 
groffien,  que  nous  fommes  enco- 
re* plus  marris  quand  nous  fai- 
foru  du  grenier  une  galerie.  Il 
me  femble  que  voila  vos  gens 
venus.  —  F.  Oy,  boila  mes 
laqués.  Eh  vien,  Chervoniere, 
que  diavie  avous  tant  demeurai?  —  Cher' 
bonnUre.  Ventre  de  loup,  Monfieur,  fa  vous 
pas  bien  comment  nous  avions  desjcuné  >  — 
F,  Boyicz  bous,  pource  qu'il  cil  biel,  &  qu'il  a  ellai 
Seryent  du  Queicaine  Papefu,  y'en  endure.  —  £.  De 
vrai,  voila  un  laquais  tout  grifon,  en  un  temps  où 
nous  voions  tant  de  Confeillers  fans  barbe  :  hola, 
qu'on  face,  boire  ces  bons  compagnons,  &  qu'on 
apporte  la  cotation  pour  Monfieur  leur  maillre,  en 
haftant  le  foupper.  —  Ch,  Ventre  de  loup,  le  maiflre 
&  les  valets  aimeroieni  mieux  un  morceau  de  lard 
qu'une  prune.  —  E.  Je  ne  vous  ai  pis  demandé, 
Monfieur,  fi  vous  avez  dîfné,  veu  l'heure  qu'il  ell.  — 
F.  J'ai  fi  vien  dcfyunai,  que  cela  fe  peut  appeler  & 
parellre  pour  un  dilhaî,  mais  cts  maraus   font  11 


no»i<-ll,„„s™Sahoyc,„ons,r, 
II»!  en  la  icnie  de  «onfur  de 


Chapitre  VII. 
Dti  qmtrê  gtttna  de  FaHtfie. 


T.  Vous  avei  donc  veu  U 
guerre  de  Saroie>  —  F.  Oy, 
y'y  arribii  le  propre  yor  que 
ce  malhunis  Preflre  acheba  U  paix . 
Nous  fouârions  veaucoup  en  ce 
boyage,  mais  nous  n'ufmes  pas 
loilir  de  faire  parellre  la  balur  ; 
(juoi  que  ce  foU,  lou  Roy  fit  pareftre  fa  biftoire, 
viea  qu'elle  ne  lui  demuraft  pas.  —  £.  Nous  fora- 
mes  malades  du  parellre  aulË  bien  aux  affaires  géné- 
rales que  particulières.  —  F.  Tel  que  bous  me 
boyiez  mentenanc,  y' ai  bu  quatre  guerres,  afTaboir  : 
celle  de  Saboie,  celle  de  Juliers,  où,  fi  y'eufle  eui 
en  la  place  du  Manefchal  de  U  Chaftre,  y'euffe  vien 
cmpefchai  le  Prince  Maurice  de  faire  tout  fans 
nous  :  nous  coubrions  l'armeio  du  coftai  des  pa'ifans 
des  Ardenes.  La  croifielïne  guerre  ell  abec  lou 
Manefchau  de  Vois  Dauphin,  que  ye  bins  yotn- 
dre  auprès  de  Chaftelleraut.  La  quatriefme,  c'ell 
cette  guerre  d'Aunix,  que  y' ai  bue  du  commancement 
yufques  à  la  fin.  —  £.  Vous  elles  bien  heureux,  car 
je  ne  vous  voi  point  cftropië.  —  F,  Si  ai  ye  vien 


406     AVANTUftSt   00  BAKON  Dl  FfiKHSTt. 

hti  pluboir  les  raoufijuetadeî  plus  efpcITes  que 
grefle,  tic,  tac,  toc,  per  aci,  per  entre  las  yambes, 
ions  les  efieUes,  rafibus  les  larcilles.  Il  fait  von  fc 
faboir  rcmuder.  —  E.  Je  ne  doute  point  de  cela 
fuivani  les  belles  occafions  que  vous  avez  dites.  — 
F.  Ha  lou  baillant  homme  qu'eftoit  ce  Mmelchal  de 
Viron!  S'il  euft  befcu,  yc  ne  ferais  pas  en  fi  praubc 
eftat  :  quoi  qu'il  tardCj  La  Fin  en  mourra.  Que  fl 
y'eulTc  cftai  de  l'entreprifc  du  pont  Noftre  Dame, 
yc  lui  eulTe  donai  cinquante  foilTades,  il  tarde  ^ 
niDurir.  —  E.  Il  ne  tarde-  plus,  il  eft  mort  :  vous 
l'avez  donc  connu?  —  F.  Oy,  connu,  oy;  quant 
il  me  trouboit  :  t  El  vicn^  mon  rrabh,  mon  Varon  ? 
&  vien,  cela  efl  faitf  .  —  £.  Laifong  là  ces  fif- 
ehcux  difcours,  Monûeur,  parlons  cncores  de 
Cour  &  des  Dames. 


Chamt»    VIII. 
Amours  (U  F^nefft,  ^turdlt  Ai  Carriffiar. 


jBkISTs.  Quant  on  parle  de  U 
Cour  ft  dei  Dunes,  ye  me  troube 
n  mon  lullre.  J'aboit  une  «mie 
&  une  maîllreire  :  la  première 
eftet  U  famé  d'un  bius  Donir  qui 
prenoit  penTionnaires.  Elle  me 
donnoic  de  l'aryent,  pour  paier 
davanc  fon  mari,  qui  grondoit  fort  quand  il  boioic 
chez  lui  penfionnaires  poruui  varve:  il  ne  bouloit 
loger  que  des  petits  efcoiiillez.  —  £.  Dîttei-voui 
efcoijillcz?  —  F.  Et  il  feroii  encores  von  enfi  : 
bous  elles  un  galant  home.  —  E.  Ce  n'ell  pas  d'au- 
jourd'hui que  ce  difcord  eft  arrivé  :  il  y  avoit  it  Pari* 
un  Loudunois,  favani  homme,  nomma  le  Goulu;  il 
enrageoii  quand  fa  femme  prenoit  en  penfion  ceux 
qui  elludioient  aux  Loixj  Q  ne  vouloii  que  les  petits 
Grimaux,  dont  il  fut  fiiit  an  quatrain,  duquel  le  fens 
vaut  bien  la  rime;  le  voici  : 

Da  Goulu  favanc  ru  prtni  gurres 
La  barbui  four  peajioruuûra  : 
H  ehoifit  Iti  pttiti  infant, 
JUait  il  Goulit  U$  viut  grand*. 


.  -    ^«   At&(a.u.aiii^    T  ai  ai. 

mau  dans  Teftomach  :  fi  fes  ce 
fcnt  fouftcnu,  yc  Tabois  difam 
abcc  les  amis  fi  yc  le  dcbois  app 
qu  oy,  pource  qu'il  aboie  eftai  S 
>ji^  nio.  Enfin,  il  y  eut  un  avilie  ho 

non,  &  par  une  velle  inbendon,  I 
fonc  beihu  ces  pendarts  de  ca 
qu'abec  hauneur  ye  ne  le  pouT 
ce  qu'il  efioic  homme  de  rove  le 
bienqu'il  y  a  de  bons  efprits  àla 
.iS  nur  ne  s'y  eft  yamais  ofenrai 

'!^  Si  ye  poutx)is  parbenir  à  eftre  co 

tlilT  nex,  ye  ferois  vien  contant.  — 

'"!  que  c'eft  :  ce  m*ell  un  terme  non 

H 

■i  II 

■■'t, 

■■rî 


Chapitre   IX. 

Dts  bravts,  det  l'agiatj  &  duels. 


.^jr^jm__i^  AHBSTB.  Ce  iont  yens  qui  le 

(r\  iJ'V-^iK  ^*™°'  P°'"'  "°  '^^i"  '*''"^  **  "^ 

*j    Ufw^lit'  °^ ^'^  '^'''^ "î^^  ^^  acquit,  pour 

■^    ^^^éê^  une  fredur,  fi  un  manceau  d'un 

ï5    ^^j't'2^  '"""^  touche  !e  lur,  fi  on  crache 

?^=^ ^!^'<V\  que  fur  un  rapport,  vien  qu'il 
Te  iroube  faux,  ou  fi  bous  prenez  un  homme  pour 
l'autre,  il  en  faut  ufer  comme  firent  dux  Gentius- 
hommes,  dont  l'un  eftet  au  Cardinal  de  Joyufe.  En 
allant  defliis  lou  prai,  l'un  demanda  à  l'autre  : 
t  N'efles-botts  pas  un  tel  tfAubergne? —  Non,  dit 
l'autre,  ye  fuis  un  itl  de  Dtmphiné.  •  Pourtant  ils 
abifereni  que  puis  qu'il  y  aboit  appel,  il  fi:  falloîi 
tuer,  comme  ils  firent,  &  cela  s'appelle  r'afiné 
d'haunuT.  —  £.  Y  a  il  quelque  edac  pour  cela? 
Vient-il  aux  parues  cafuelles? —  F.  Non  pas,  non  : 
que  c'en  d'efire  réduit  aux  bilayes  !  cela  n'eft  que 
pour  parefire  dafaantaye.  —  E.  Me  voudriez-vous 
bien  nommer  quelques  uns  de  ces  rafinec  d'honneur? 
—  F.  Bous  abez  lou  vrabe  Valany,  Pompignan, 
B^ole,  lou  cabdei  de  Suz,  Bazané  Monglas,  Bil^ 


4to 


ANTURBS   DU   BA,B.ON_OE  TXStSTU-, 


raor,  la  Fontaine,  le  Varon  de  Monimorin,  Peiris, 
&  tels  autres  vrabcs  que  kur  courage  a  fait  [lareftrc, 
—  E.  Excufez  moi,  mais  erapefché  de  pareftre,  car 
pas  un  de  ceux  là  ne  pareil  plus...  —  F-  Bous  bou- 
lez dire  qu'ils  font  morts,  mais  leur  renommée  eil 
immortelle,  c'eil  un  veau  moût.  —  E.  Vous  acicn- 
dez-vous  que  les  Hiftoriens  facent  mention  de  telle 
forte  de  valeur?  —  F.  Je  ne'donnerois  pas  un  efti- 
flei  de  Roquemadour,  ni  un  curedent  de  Monfur  lou 
Manefclial  de  Roquelaure,  de  tomes  bos  Hilloi- 
regriphes  ;  c'eft  aflez  qu'on  en  parle  à  la  Cour, 
lors  qu'oQ  y  ba,  —  E.  Et  qui  voiez-vous  à  la 
Cour  parvenir  par  là?  Y  a  il  un  feul  Couvcrtieur 
di;  Province  ou  MareTchal  de  France  qui  doive  (bo 
avancement  à  un  duel?  —  F.  C'eft  que  les  gakrnj» 
&.  baillants  hommes  ne  font  pas  clîimez,  —  E.  C'ert 
à  dire  qu'ils  ne  paroî-iTenc    pas,  &  cepemUnt  tout  le 


LITRB    I^    CHAPIT&B    IX.  4II 

ne  foienc  parvenus  à  leurs  grades  par  celles  efpreuves, 
qui  font  juftes,  &  non  celles  que  vous  voudriez 
eftablir.  —  F.  Faut  donc  que  les  guerres  foent 
d'autre  feiçon  que  les  quatre  que  j'ai  bues.  — 
E^  Nous  en  avons  veu  en  France  qui  pouvoient 
donner  occaflon  de  touttes  ces  preuves  en  dixhui£t 
mois  :  mais  aujourd'hui  les  efprits  font  plus  tran- 
quilles ;  je  dis  en  dixhuid  mois,  dans  lefquels  nous 
avons  veu  quatre  batailles  &  deux  combats  d'armée 
qui  en  valloient  chacun  une,  huid  fieges  de  villes, 
autant  d'aflauts,  &  deux  fois  autant  de  rencontres. 

—  F.  J'ai  leu  les  Hiftoires,  mais  je  n'ai  poent  ren- 
contrai cela.  —  E.  Si  vous  avez  lieu  aux  troifiefînes 
guerres,  depuis  la  bataille  de  Jamac  jufqu^à  celle 
de  Luçon,  vous  y  trouverez  tout  ce  que  je  vous  dis. 

—  F.  Cela  eft  veau,  mais  le  duel  ne  s'exerçoit 
poent  comme  auyourd'hui.  —  E.  Il  fe  faifoit  peu  de 
chofes  comme  aujourd'hui,  &  s'en  fait  peu  comme 
lors.  —  F.  Boudriez-bous  donc  effacer  toute  la  loi 
du  duel?  —  £.  Nullement;  il  y  en  a  qui  font  très 
juftes,  affavoir  quand  le  Roi  les  concède,  ou  pour 
crime  de  leze  Majeflé  trop  caché,  ou  pour  accufa- 
tion  detrahifon,'ou  pour  maintenir  l'honneur  d'une 
femme  de  bien  oppreffee,  ou  pour  fupporter  l'or- 
felin  contre  le  meurtrier  injufte  du  père  :  encores, 
le  combat  de  deux  Chefs  entre  leur$  deux  armées, 
pour  efpargner  le  fang  d'une  multitude  :  je  mets  à 
ce  rang  les  duels  qui  fe  font  pour  la  gloire  du  parti  : 
il  eft  vrai  qu'il  n'y  en  a  qu'un  des  deux  qui  foit 
jufte.  —  F.  Bouiez-bous  pas  que  toutes  les  cruelles 
punitions  qu'on  a  ourdonnees  là  deffus  n'ont  de  rien 
ferbi. —  £.  J'ai  veu  plufieurs  Jurifconfultes  &  grands 
hommes  d'Eftat  s'eftendre  fur  cet  affaire  ;  j'ai  ap- 
pris d'eux  que  fi  on  euft  puni  cette   vaine  &  fauffe 


LI3      ATANTORES 


□  8  FSNBSTE. 


gloire  par  une  pefantc  &  véritable  honte,  le  rcmi 
euft  cfté  beaucoup  meilleur;  comme  qui  euft  ordonna 
&  fait  exécuter  foîgneufement,  que  tour  appellant, 
comme  eftant  celui  qui  blefle  le  droit  du  Roi,  furt 
dégradé  de  Noblefle,  mis  à  la  taille,  les  parroiflcï 
où  leurs  biens  font  fituex  crues  de  leurs  eaux, 
obligées  de  le  porter  au  Retreveur,  leur  recours 
fur  le  bien  avec  les  mcfroes  privilèges  qu'ont 
les  exécutions  des  amendes  ;  d'ailleurs  ceux  là 
privez  de  tous  eftats  &  penûons.  Ces  hommes 
l'urvivans  à  leur  honte  eufTenc  prefché  le  malheur 
du  duel.  J'eulTe  voulu  chofe  beaucoup  plus  doticc, 
pour  les  appeliez.  Cela  eftant  ainfi  pradiquÉ, 
courages  fe  fulTcnt  eflever  aux  adions,  par  l< 
quelles  nous  defirons  qu'on  parvienne  " 

de  îa  Couronne.  —  F.  Mais  regardons  fi  tous  nocJ 
Mïncfchaux  ont  viea  pilTaî  par    lou  chemin  qi 


led^^l 


3 


Chapitkh    X. 

Entrée  de  tabit,  attaque  de  Religion. 


5  AT.  MonCeur,  vous  cftes  fervi  ; 
nom  nous  mettrons  à  cible 
quand  il  vous  plaira.  —  F.  Mon- 
fur,  ]'û  vien  conu  à  bofle  pricre, 

6  i  ce  que  bous  n'ibez  fait  lou 
Hgne  de  la  croix,  que  bous  elles 
de  la  Religion.  —  E,  Ouï,  Mon- 

fieur,  &  ne  fuis  pas  fî  bon  religieux  que  je  devrois. 

—  F.  Il  ^  a  eu  de  vrabes  homes  de  boite  parti. 

—  £.  n  en  a  efté  befoin.  —  F.  Bous  plaîft-il  pas  de 
faire  feoir  ces  honoelles  hommes  ^  ^  £.  Monfieur, 
ils  prendront  bien  leur  place.  —  F.  II  me  femvle 
pourtant  que  lou  figne  de  la  Croix  fait  parefire  un 
Chrefticn,  -^  E.  Il  faut  l'edre  pour  le  paroiUre  : 
Dieu  requiert  de  nous  d'autres  marques,  &  reprouve 
celle  là.  Mais,  s'il  vous  plaift,  nous  ne  ferons  pas 
de  la  Théologie  un  propos  de  table.  —  F.  Je  bus 
donc  bous  conberdr  après  foupai,  &  bous  faire 
pareftre  que  y' ai  beu  toute  la  Théologie  moderne, 
&  vien  efcoutai  Père  Coucon,  qui  prêche  d'une 
vellc  feiçon.  —  E.  L'eltofie  eft  plus  que  la  façon. 

—  F,  Abcz-bous  bu  Tes  prières  jocidatoires^  — 


4'+ 


NTUHIS  DU  BAaQM   Ol  t-AN'KSTS. 


E.  Oiiy,  Monfieur,  &  joyeufemcnt.  Nous  avons  des 
commencaires  dcfTus  :  &  nous  ont  fait  defplaifir 
de  les  fupprimer,  quand  ce  ne  feroii  qu'en  un  en- 
droit où  il  fait  trois  inierceflions,  de  Dieu  le  Père, 
de  Noftre  Dame,  &  de  Jefus  Chrilt,  cliactin  i  fon 
tour  &  à  la  pareille.  Mais  ne  nous  enfonçons  point 
là  :  il  vaut  mieux  boire,  k  quoi  je  voua  convie.  — 

F.  C'eft  vien  dit  :  mais  fi  bous  attaquerai  ye  k 
l'autre  pourmenade.  —  E.  Et  moi  je  vou«  rendrai 
nos  fimples  raifong  de  village. 


Chapitre  XI. 
Du  Baron  de  FayoUe,  &  da  Dogncn. 


«NBSTX.  Puis  que  bous  ne 
boulez  pas  que  nous  parlions  de 
h  Religion,  j'ai  à  bous  dire  que 
nous  ellions  à  Surgeres,  où  nous 
faifions  chcre  enriero.  Eftans  à 
tavie  bis  à  bis  du  Varon  de 
a  Ttcftittf  qui  elt  de  mes  vrabes, 
y'cncendis  que  lou  prepan  eJlec  d'une  certaine  vi- 
coque  qu'ils  appellent  Dongnon  ;  les  uns  difoent 
qu'elle  clte[  imprenavle,  les  autres  inallïegeavle,  les 
autres  qu'elle  eftet  de  maubaife  apparence.  Tous  ces 
Queiceines  quielloienc  là  parloienc  de  la  furprendre, 
de  l'aiTiegcr  ;  comvien  il  coufteroit  à  faire  un  païs 
noubeau  pour  louger  l'armée  debant;  Je  ne  bis 
jamais  une  telle  confufion  d'oupinions;  il  me  faf- 
choic  qu'une  place  fans  parcHre  full  ft  malaifee  à 
mettre  à  raifon.  Ye  me  met  lou  coude  fur  tavle, 
l'oureille  dans  la  paume,  je  me  ride  lou  front,  you 
vranle  la  tcfte  quatre  vonnes  fois,  &  puch  addref- 
fant  ma  parole  au  haut  vout  :  i  Monfur,  di  ye,  c'ejl 
un  ongnon  dequoi  bous  parlej;  ye  ne  boui  demande 
qu'une  libre    de  burre,  (r  foi  de  Queiieine,  ye  le 


-1  - ""^  ■";  inmnans  y.i 

.  Ulrfi,,.  Ji  ,c,  id  ,:,.•  ;■,.«. 
„H«,  ,„,„,„„„,  ,,„,  Jo„,  l.„ 
ipine  nominm  le  Lignoux^  gi. 
neur  de  bSiet  Ù"  aboiî  dts  ir. 
poent  du  commun,  i  Monfur  in< 
qiuuques  unes  ;  moi  vien  aife,  c 
de  pûeftre  en  grand  conpenio. 


^ 


Chapitre   XII. 
Eatrepri/tt  de  Du  Ugaoux. 


£NBST8.  Monlur,  a  je,  ye  boui 
en  dirai  des  plus  veaux.  Il  y  aboit 
une  petite  bille  en  Limoufin,  où 
lin  varbé  demeuroic  à  bet  prés 
delà  pourte;  louinouyendepren- 
drela  bille  eftoit  de  donner  à  fepc 
ou  huiâ  hommes  des  Tiens,  vien 
lidelles,  chacun  un  coup  d'efpeio  fur  la  œfte,  & 
qu'aucun  d'us  veaucoup  vlelTai ,  pource  que  s' allant 
faire  pcnfer  chez  lou  varbé,  ils  amufoent  lou  puble, 
Sl  fur  tout  çus  de  la  garde,  &.  durant  cela  en  don- 
nant à  la  pourte  on  pouboit  prendre  la  bille  : 
boila  encores  toute  la  compenio  à  rire.  J'ai  vien 
autre  imbention,  di  je,  /'ai  bu  conter  à  çus  qui 
croient  dans  Ouftande  qu'ils  aboient  des  mouriJers, 
defquels  il  connoiffbient  fi  vien  la  pouriee,  qu'ils 
faifoeni  tomver  les  grenades  à  poenc  nommai,  les 
alTiegez  dans  ta  tranchée,  &  les  autres  darrere  lou 
rempart.  Or  boici  ce  que  ye  dis  :  puch  qu'abec  pu 
de  poudre  on  pourte  les  chaufes  enfi  doucement, 
aboi r  quarante  ou  cinquante  mortiers  courts  comme 


4.1 


pétards,  &  mettre  devant  la  gulc  des  hommes  vicn  k 
preiibe  per  darré,  &  faire  qu'abcc  pu  de  poudre  ils 
foent  empourcez  fur  lou  rempart,  comme  s'ils  aboienc 
fait  un  faut  pour  plaifir,  &  puch  rechai^er  jurqu'it 
tjuatrc  ou  cinq  fois.  Boila  dux  cent»  horamcs  dedans 
une  bile,  aquo  as  barrai.  Rous  ne  bides  yamaix 
imbcntion  troubee  mîllure,  horfmiï  de  quauquc  fat 
qui  difoit  qu'il  faudroit  choifir  les  bofTus  pour  mieux 
emvoucher  lou  monier,  —  E.  Pour  ceruin,  Mon- 
fieur,  voila  des  inventions  du  Capitaine  Ligneux: 
les  aveï-voiis  apprifes  de  lui-mcfmes  }  —  F.  Non  pas, 
non  certes,  que  je  ne  le  bis  yamais.  —  E.  Si  ai  tien 
moi,  &  fore  privement.  Chicot  l'appelloit  Mathelîn; 
&  pour  rendre  un  de  fes  contes  au»  voftrcs,  }c 
vous  dirai  qu'un  jour  je  le  menai  au  cabinet  du 
Roi  de  Navarre,  où  il  nous  conta  la  première  de 


■        '         'i."      ■  ■'■         ■"  ■  ■"  ■■     ■' 

J'entendrai  le  bruit  de  la  ville,  &  verrai  accourir 
ceux  du  fauxbourg;  j^attendrai  le  iilence,  qui  fera 
rheure  où  ils  feront  bien  entencifs  à  ce  que  dira  le 
pafcient,  &  n^y  a  point  dangé  de  leur  conter  go- 
guettes, &  à  rheure  l'efcallade.  Qu'en  dites-vous^  • 
Le  Lignoux  fe  mit  à  jurer  que  c'eftoit  l'entreprife 
la  plus  infaillible  dont  il  eûft  jamais  ouy  parler, 
&  que  le  tout  confiftoit  à  ne  prendre  le  temps  ni 
trop  toft  ni  trop  tard:  &  de  là  en  avant  ne  donnoit 
point  de  pafcience  pour  foUiciter  l'exécution.  — 
F.  Boila  qui  eft  vrabe  &  vien  hazardus  ;  /eufTe  vien 
boulu  eftre  de  l'envufcade  du  bois. 


I  iBNfisTs.  Mais  changeant  per~ 

I  piux,  yc  ferai  vien  cmpefché  k 
^tfSV^LsJ  mon  orribce  I  U  Cour,  eu  b 


«   • 
à 


LIY&B    I,    CHAPIT&B     XIII.  4JI 

-  -       - 

■ 

E.  Ouy,  Monfieur.  —  F.  Je  bous  bus  repren- 
dre d'une  chofe,  fi  bous  Tabez  pour  agreavle.  7— 
E,  Vous  m'obligerez,  Monfieur.  —  F.  Je  trobe 
maubais  que  bospalliflades  foient  toutes  de  fruitiers  ; 
les  efpaillers  de  buis  ont  vien  autre  apparence.  Ma 
mère  a  un  jardin  qui  n'eft  gueres  plus  grand  que  le 
bolle  :  les  efpalliers  de  buis  y  font  hauts  d'une 
picque  ;  il  ell  brai  qu'il  faut  que  cela  foit  de  char- 
penteric  ;  auffi  elle  s'en  faid  tous  les  ans  pour  mille 
piftoles,  &  cela  n'eil  pas  le  plaifir  que  bous  prenez 
aux  proumenades,  quand  les  Signurs  &  Gentius- 
hommes  bous  bifitent.  D'aiUurs  nous  autres  pratiquons 
tellement  l'aunur  en  toutes  chaufes^  que  nous  ne 
faifons  rien  pareftre  qui  ne  foit  fort  abantajus.  — 

E.  Je  Fai  bien  remarqué  à  vollre  arrivée,  &  fur- 
tout  à  cette  grande  efpee  que  portoit  voftre  laquais  ; 
&  de  vrai  chacun  a  quelque  raifon  en  fon  efpece  : 
vous  auftres,  qui  elles  bien  fondez,  donnez  vos  pen- 
fecs  au   paroiftre,  &  nous  à  l'eftre  feulement.  — 

F,  Bous  me  faides  foubenir  d'un  fonet  que  quel- 
qu'homme  de  bilayea  fait  contre  nous  autres  Cour  ti- 
tans; je  bous  le  donne  pour  bofte  fruift;  je  croi 
Taboir  en  ma  pouchette;  le  boici  : 

Quand  le  Paon  met  au  vent  fon  pennache  pompeux ^ 
Il  s'admire  foi-mefme  &  fe  tient  pour  ejirange  : 
Le  Courtifanj  ravi  de  fa  vaine  louange ^ 
Voudroic  comme  le  Paon  efire  parfemé  d'yeux. 

Tou   deux  font  mal  fonde^;  aufjl  de  tous  les  deux^ 
Quant  il  faut  s^ef prouver ^  la  vaine  gloire  change^ 
Comme  le  Paon  miré  dans  fon  pennache  d'Ange 
En  defdaignant  fes  pieds  devient  moins  glorieux. 

Encore  eft  nofire  Paon  au  Courtifan  femhlabUj 
Que  de  la  voix  fans  plus  il  fe  monfire  effroiable  : 
Il  def  couvre  l'ami  qui  U  loge  che^  lui, 


NTURSÏ    DU 


//  (Ji  juloux  de  tout,  il  tfi  fuhftt  aax  rhramti  ; 

Ih  dijftrtni  i'un  poinâ,  qut  l'un  m^nfirt  /«  plmaa. 
Et  qut  l'dutrt  tfi  firi  du  ptnnacht  d'aucrui. 


'  pREMiEn  iivnt. 


UV%E    SECO^I). 


Det  grâces  laiines  <y  de  leur  confiru^ioit. 


ANiSTB.  Et  beatavifcera  Mariât 
qtut  portaveniat  aurai  Palrif 
Filiwn.  Boila  comment  je  di  mes 
grâces,  moi,  —  £.  Je  croi 
que  vous  les  entendez  bien,  puis 
que  vous  les  dites.  —  F.  Oy 
da,  j'ai  elle  de  la  première  au 
coulege  de  Guienne,  &  de  laPhilofouphie  ^  PoîAien, 
où  nous  pareflions  vien  efcouliers,  mais  nous  vatcioni 
lou  pabai  :  y'eltois  un  lebraut  en  ce  temps  là.  Il  me 
loubient  un  your  au  )u  de  paume  de  Sant  Vacques,  ^ 
des  Comédiens  qui  joiloient,  ye  me  mis  ^  interpréter 
l'Italien  it  un  vaibe  raze  qui  s'appelloit  Scaliger  ;  yc 
&s  vien  rire  Meflurs  de  U  Saoce  Marthe  qui  eftoeot 


424   AVANTVRCS  DU  BASOtT   DE   FSrfESTS. 

là.  Il  faut  dire  que  nous  ofcrbions  dés  lors  le  punt 
d'aunur,  comme  eiift  faîfl  l'ecellent  Caftcl-Vayard  ; 
c'eftoit  cetiui  là  qui  cilet  lou  maillrc  des  vraberics. 
Paffanc  à  Poifliers,  un  autre  Courtifm  (|ui  eut  prife 
abcc  lui,  lui  aiani  dit  à  lourcille  :  i  Rindej  bous  à 
la  pone  de  la  Tranchée,  i  la  vrabc  repartie  qu'il 
fit,  f  Je  n'en  ferai  rien,  dit  il,  car  je  ne  me  rend 
jamais,  >  Mais  j'ouvlle  de  bous  expliquer  ma  prière; 
c'eil  :  Et  les  vien  heureules  entrailles  de  Marie  qui  ont 
pourti;  le  Fils  du  Père  éternel.  — E.  Comment?  vous 
commencez  par  un  Etf  —  F,  Pour  bous  dire,  il  y  a 
debanc  ;  Laus  Deo^pax  vivisj  requiesdefuneiù.  Tu 
auieiitj  Domine}  mtferere  nobis;  &  puis  :  El  beaia. 
Mais  je  ne  di  jamais  gueres  le  premier  pour  accour- 
cir  ;  &  puis  pour  ne  bous  mentir  poent,  il  y  a  un 
mont  qui  me  deiplaill  en  diable,  c"eli  ce  Dc/unàlit 
qui  m'a  fait  U  plus  grande  trahifbn,  qu'il  faut  que 


LIV&B   II,    CHAPIT&B    I.  4^5 

euft  fait  un  affront  fous  la  cuftode.  Me  boila  encores 
hors  de  mon  perpaux  ;  où  eftois-ye?  —  E.  Vous  eftiez 
fur  la  conjondion  de  cet  Ei  avec  ce  qui  e(l  au 
devant.  —  F.  Je  m'en  bois  bous  le  dire  tout  du 
long  en  Françés  :  Louange  à  Diuj  paix  aux  bibansj 
repos  aux  morts  :  Mais  toi,  Signur,  aies  pidé  de 
nous,  &  les  vienheureufes  entrailles.  —  £.  Il  faut 
que  ce  foit  que  Dieu  aie  pitié  des  entrailles,  ou 
qu'elles  aient  pidé  de  nous.  — -  F.  On  n'ezamine 
pas  ces  chaufes  à  boile  mode  ;  noftre  Theolougie  n'a 
que  faire  de  la  Gramaire,  car  auffi  vien  ce  mais 
debroit  contredire  &  ne  le  bit  pas.  Boici  comment 
il  faut  proufiter  ;  après  Defunétis  (que  lou  diavle  lou 
mot),  U  faut  faire  une  pauze,  &  après  nobis  une 
autre  ;  à  ces  pauzes,  bous  penfez  quauque  chaufe  de 
contraire,  &  puis  bous  dites  :  Mais  toi,  Signur  ; 
&  à  Taucre:  Penfez  bous  que  Diueft  vien  hurux,  & 
auffi  les  entrailles.  —  E,  Je  trouverai  bien  moien 
que  ce  Defunétis  ne  vous  fcandalizera  plus  :  Difons 
paix  aux  vivans,  qu'il  y  ait  paix  entre  vous  qui 
elles  vivant  &  les  archers,  ou  que  vous  viviez  en 
paix,  &  puis  requies  defunéiisj  que  Defunéiis  fe 
repofe.  Il  y  en  a  quatre  ou  cinq  à  la  Ballille  qui 
diront  Amen,  Voila  pour  ce  paflage.  Mais  venons  à 
VEt.  —  F.  Boyez-bous  pas  que  la  MefTe  commence 
par  un  Et?  difant  :  t  £t  j'entrerai  à  TAutcl  du  Sei- 
gneur; •  l'autre  refpond  :  t  A  Dieu  qui  resjouitma 
jeuneffe.  ■  Il  femvle  qu'il  n'y  a  pas  grand  fens  à  cela, 
&  c'eft  ce  qui  faid  tant  de  merbeilles.  Il  y  a  de  nos 
Dodeurs  noubeaux  qui  bulent  corriyer  Plntroùit^ 
mais  il  s'en  faut  vien  garder,  car  bous  autres  diriez 
qu'on  auroit  falli.  —  £.  Il  y  a  plufieurs  paffages  de 
cette  forte,  je  fuis  bien  aife  d'en  apprendre  la  raifon. 
—  F.  On  ne  parle  pas  aux  chaufes  excellentes  comme 


?  Magie  divine,  co„„',di,7™ 

imputai, ^p   i>  -',  ■   '*'î'™< 

'  t^  amour,  aue  nt  f.,:.  .         ■        ' 


Mapliere.  L'EgUJt  tnvifibte,  dis  rtHqittj 
&  borne  nUealian. 


^  sstsTE.  Four  moi,  ye  defién- 

'-^   drai  tout  jufqu'au  vatefme  des 

cloches,  &  bous   converiirai,  H 


bous  en  abcz  la  boulonuî.  Con- 
ccnccz  bous  que  ma  prière  pareil 
pour  prière,  comme  VAvt  Maria. 
^  —  E,  Je  voi  bien  i  ce  que 
voua  diiesque  ceux  que  vous  convertUTez  le  veulent 
desjà  eftre.  —  F.  Oy  da,  y'ai  aidai  plus  que  nul 
autre  à  combercîr  lou  Queicilne  Maziliere  du  Régi- 
ment de  Nabarre.  On  lui  £l  du  vicn,  il  alla  à  la 
MefTe,  &  pudi  il  allolc  chez  les  Grands  pour  faire 
pareftre  fa  conbcrfion.  Un  your  on  eftoii  en  per- 
paux  chez  MonTur  de  Roquelaure  laquelle  des  Reli- 
gions edet  la  meillure  :  t  //  faut,  dit  Monfur  lou 
Manefchal,  demander  à  ce  Qaeiiaine  :  Bien  ça,  die 
il,  lu  as  laflai  &  tronquai  des  dax  depuis  Jamedi  : 
que  t'en  femvU,  qui  tjl  la  milluref  ■  L'autre  repond 
abec  affurance  que  c'elloit  la  Caihoulique;  lou  Ma- 
nefchal réplique  :   i  Tu  mensf  fret 


trompei,   i 


lu   as  eu    de  Parytnt  de  retour,  ■  ■^ 


fendre  a  pcfif.  „         '^*  cro/ans   ,„. 


LIV&B    II.    CHAPIT&B    II. 


429 


tenons  que  tout  ce  qui  offenfe  Dieu  ne  peut  eftre 
appelle  bon.  —  F,  Et  comment  jugerez-bous  que 
Tintendon  eil  vonne?  —  £.  Quand  elle  s'accorde 
à  la  règle  du  bien.  —  F.  Encore  faut  il  que  cette 
vonne  intention  parefTe.  —  E.  C'eft  ce  que  nous 
demandons  au  jour  &  au  flambeau  de  la  vérité. 


Chapitre    ni, 

d  gageure  de  Canijt ,  la  queftwn  du  bapiejmi 
agitée  à  Rome. 


[t|T>-    Je   demoure   à  cela 

que   rintenrion   fait  tout  :  c'ed 

là  où  y'ai  bu  triompher  Perc  Cou- 

m,  quant  il  fut  pris  pour  yuge 


LIVRE    II,    CHAPIT&B    III.  4]I 

mon  père  dannai  par  la  faute  d'autrui.  Un  autre 
difoît  :  Nous  tenons  lou  Mariage  pour  un  Sacrement, 
&  fi  lou  Preftre  fonyoit  à  defyunai,  lou  Mariage 
e(l  nul,  par  enfi  nous  &  les  noftres  ferions  tous 
fils  de  putens.  -—  £.  Il  y  a  bien  pis  :  car,  fi  toutes 
les  Méfies  du  Saind  Efprit  qui  ont  efté  dites  à  vous 
faire  des  Preftres,  des  Evefques,  des  Archevefques, 
n'ont  efté  avec  Tincention,  où  font  vos  abfolutions, 
vos  Ordres  &  vos  EgUfes,  &  par  confisquent 
la  fucceflion  perfonneUe  de  laqudle  vous  vous 
vantez  >  H  y  a  eu  dans  le  Confiftoire  de  Rome 
une  pareille  quefiion  agitée  plus  de  fix  mois: 
Un  Archevefque  des  plus  riches,  des  plus  dodes 
d'Italie,  &  un  des  plus  grands  hommes  d'Efiat, 
fut  vifité  par  fa  nourrice,  de  laquelle,  bien  que 
pauvre  villageoife,  il  voulut  avoir  la  fréquen- 
tation deux  jours,  pour  (b  plaire  aux  contes  de  fon 
enfance.  Cette  pauvre  idiotte,  le  fécond  jour,  ravie 
des  fplendeurs  de  fon  nourrigeon,  lui  fauta  au  col, 
en  dtfant  :  V'è  qui  dunque  il  bambino  Mio  battenai 
penfando  che  trapajfaffe,  —  Commenta  dit  le  Prélat, 
ma  chère  mere^  n^ai-je  efté  baptifé  d'autre  que  de 
vous  ?  —  Non^  dit-elle,  car  nous  vous  tenions  pour 
mort,  —  Et  il  répliqua  :  En  quels  termes  me  bap- 
tifaftes-vous  ? — Alijiol,  difs'  ioj  io  ti  batte^o  nelnome 
di  noftra  Donna,  —  L' Archevefque  adjouftc  :  E 
di  piii?  Non  più^  diffe  la  balia^  che  noi  altre  non 
batteiavamo  d'altra  foggia.  Là  finit  le  plaifir  de  ce 
perfonnage,  qui  emplit  tout  le  collège  des  Cardi- 
naux de  cris  &  lamentations,  difant  :  Je  ne  fuis  pas 
Chrefiien,  n'eftant  pas  baptifé  au  nom  de  Dieu. 
Où  font  tous  les  Sacremens  adminifirez  par  les 
Preftres  que  j'ai  fait  Preftres,  &  tant  d'Ecclefiaf- 
tiques  faufiement  facrez  de  ma  main,  qui  en  ont 


plus  ™>''"  "°  °°°*  ""<••>■  ■ 


Chapit&b  IV. 
Le  baron  Harelaû,  le  Moine  &  autres  Jeux. 


MAr.  Ouy,  mais  on  ne  veut  pas 

que  la  Coarecra[ion  paroiflc  :  car 
Gabriel  Biel  dit  que  l'invention 
de  la  Secrète,  qui  eft  de  dire  les 
paroles  miiTiSances  bas,  fut  que 
le  pain  des  Clercs  parue  chair, 
donc  il  y  eut  une  grande  pelle  : 
&  cela  va  un  peu  loin  pour  noftre  familière  propofi- 
tion  :  mais  je  vous  demande  fi  le  Baron  fut  contant 
de  cette  refolution.  —  F.  Non  pas,  non,  qu'il  le 
fit  très  vien  paier  un  von  courtaut,  qu'on  appcloit  à 
la  Cour,  les  uns  le  courtaut  de  la  Confecration,  les 
autres  de  l'Intention,  aux  enfeignes  que  l'Aumounicr 
de  Monfur  de  Lucembour  me  le  monftra  un  yor  que 
nous  pallions  au  bois  de  Jouembal  :  il  elloit  là  en 
relez.  Nous  demandafraes  aux  payez  fi  c'eftoit  là  le 
courtaut  de  la  gayure.  En  débitant  ils  nous  empoi- 
gnent tous  dux,  nous  depoiiillent,  &  nous  fouccenc 
en  Diavle  ;  mais  l'Aumolnier  le  fut  plus  que  moi. 
Cette  quanaille  rioit  fi  fort,  qu'en  fourtant  de  là  je 
m'efFourçai  de  rire;  car  cela  s'appelle  le  relez.  Cap 
II.  aS 


feia  ■  car  ra  c       ."" — "'^"-i   ne 

r  t-^::ï"^f'^■ 
S"«<^'»i^^-- 
J  fa  abois  ou  parier   m  '    ^^ 

»■"  fil  b„ui„i/d°;;  '"",':■  "i 

mes  foulie,  Cel,  J        ,'  "l"''»" 

q»enoaiHe  du  lifl    .',  1"'  •»<>ii  pm 

•i»  l'«utrc.   _  f    -J  '"<"<■  •l'iO!  . 
°=  "«  le  difoi^,;)   ,"",!'"1.  Cte 


LIVRE    II,    CHAPIT&B    IV.  435 

le  plus  fat  ju  de  cous  les  jux;  un  autre,  lui  &  moi 
eftions  etnbeloppez  la  tefte  d'un  tappis  :  je  difois 
qu'ils  m'empbrceroienc  les  ongles  de  coups,  car  par 
mefgarde  ils  firappoient  fur  le  bouc  des  pieds  au  lieu 
du  deffous,  &  moi  qui  ay  force  cors,  &  qui  me 
chauffe  à  cinq  punâs,  comme  bous  boyez,  penfez 
encore  ne  pouboi  je  débiner  pour  forcir!  —  Ch 
J^eufTe  bien  deviné^  moi.  C'edoic  lui  qui  paffoic  la 
main  par  deffous  le  cappis  &  qui  cognoic  les  deux 
aucres.  —  F.  Ha!  j'encen  vien,  c'efl  à  la  faufle  com- 
penio;  c'efl  le  ju  de  la  paix  de  Lodun;  s'ils  me 
Teuffenc  nommai  enfi,  je  n'y  euffe  pas  encré.  O  vien, 
il  m^en  foubicndra  du  faufimet,  &  m^en  refTentirai. 
—  Ch.  Ec  dice  moi,  n'avez  poinc  fenci  les  deux 
genoux,  où  vous  alliez  les  yeux  bandez  pour  empoi- 
gner Tefcu?  — F.  Il  y  aboie  vien  à  rire,  car  nous  ne 
le  poubions  faifir.  —  Ch.  Vencre  de  loup!  ces  deux 
genoux  eftoienc  les  feffes  d'un  lacquais,  oùvousfîftes 
cane  crevirer  la  pièce  avec  la  langue,  &  la  poufllez 
en  un  vilain  percuis.  —  F,  Habalifque!  comme 
difenc  les  Provençaux  de  touce  la  Xenconge,  je  difois 
que  c'efloienc  les  genoux  de  ce  bilen  qui  puoient  : 
car,  pour  bous  dire,  j'ai  le  fencimenc  bon.  —  F.  Il 
y  a  dequoi  s'en  reffencir  :  mais  c'eft  en  jeu.  —  F. 
Nous  paffafmes  vien  le  temps  eflanc  là  dedans.  Tous 
les  dimanches  il  faid  bénir  cous  fes  bailecs  pour  jolier 
abec  lui.  —  F.  Nous  en  enflions  faid  aucanc  ce  foir, 
qui  efl  dimanche,  fans  la  pêne  que  vous  preniez 
pour  me  convercir.  Nous  y  fommes  encrez  crop 
avanc,  mais  vous  l'avez  voulu.  —  F.  Eflrade,  dices 
là  vas  que  Monfur  demande  fes  yens  pour  joiier 
comme  de  couflume;  boyez  bous,  je  m'efvacterai 
abec  mes  bailecs  comme  les  Princes  fonc  abec  nous 
aucres  :  &  cependanc  qu'ils  biendronc,  je  ne  me  puis 


't\i 


I" 


Ckapitse  V 

Pt  Alartht  la  démoniaque,  &  autres  miracles. 


AHitTX,  J'y  eftoii  quand  Marthe 
la  démoniaque  y  fui  amenée;  il 
faifoit  furiux  de  la  boir.  —  £. 
Que  lui  fit  l'Eveftpie  d'Angers? 
—  F.  J'encens  vieu  ce  que  bou» 
boulei  dire;  mais  le  Clergé  fut 
contre  l'Ebefque,  Eftoit-ce  vien 
fait  à  un  Prélat,  quant  le  Capucin  lui  dit  qu'il  tou- 
chaftMardieaujarretdelabraye  croix,  il  la  toucha 
de  fa  clef^  Et  puis  eftoit-ce  fait  en  von  Pafteur,  au  , 
lieu  de  lui  lire  de  l'Ebangile,  lui  dire  un  Epigramme 
de  Mariiali'  —  E,  J'ai  oiii  dire  qu'elle  fit  gambades 
à  fes  deun  efpreuves.  —  F.  Je  croi  vien,  &  je 
bous  payerai  de  raifon  :.  Les  Diavles  de  Marthe, 
qui  eftoent  Velzevut  &  Afcallot,  comme  ils  fceurent 
vien  dire  au  Confeiller  Matras,  qui  les  inierroguoit 
en  Grec,  elloeni  l'ui]  trop  praube  &  l'autre  trop 
jeune  pour  aboir  elludié.  —  E.  Je  voi  bien,  l'Enfer 
muliiptie,  &  ils  alloient  enfemble,  un  jeune  &  un 
vieux,  comme  font  les  Prefcheurs.  Avez-vous  fceu 
ce  qu'en  ordonna  la  Cour?  car  Rappin  qui  la 
ramena  en  garde  &  fes  parens  me  l'a  conté.  —  F.  Si 


&  lui  debinc  abcLiglc.  — 
jours  aprôs,  il  vid  entrer 
rdcl.ine,   qao   Dieu  Taba 


le  boyage  comme  fon  chebi 
abez  elle,  il  faut  que  bous  i 
y  ont  lailTé  un  amas  de  ro 
planchai  de  cette  falle.  —  i 
du  foimet  que  vous  m'avez 
un  Epigramme  qu'un  efcolie 
pour  refpondre  à  voflre  que. 

Que  iUei-voai,  iifoit 
U  hon  Curé  da  Aràil 
Dei  miracUt  qu'on  fa. 
A  U  larlt  it»  mefcrta 

—  Je  rtfpondt  qu'il!  j 

—  Voui  efiet,  dû  Vaut 
Si  vaut  oavrej  cncor  I 
Si  vos  ortilUi  ne  font 
Tant  de  houriii  de  eei 
Qu'en  diiei-vout?  Cej 


Chapitre  VI. 


Miracles  de  la  RoduUe,  de  Sainûe  Leanue, 
du  fainél  homme  de  BilhOet,  &dela  Mer  Rouge. 


y^ — ^ <r^-4__:^.- 1  -BNKSTB.  BoUa  qui  eft  vien  mef- 
rl  I  '"J"-^^^^^   chant;  je  bous  prie  de  me  le  faire 

V  Kfâ*^'  '^""^'  ~  ^'  '^°"'  ^'^"'■^^' 
ê    ~1r3^5^      &  3vec  lui  un  qui  eft  en  même 

'^  ^\y^}^  P*g*i  ^'^^  <*"  ^"^^  ^^ '*  Rochelle 
L  \jÊrz^^^^  qui  avoir  empli  une  garce,  in- 
1?^^^^  tî>V<îJ|  fîruite  à  faire  la  démoniaque  : 
mais  l'incrédulité  des  Rochelois  ne  lui  permit  pas 
de  faire  miracle,  &.  voici  ce  qu'ils  en  difent  : 

ffaftrt  Curé  la  haiîU  belle 
Aux  Huguenot!  de  La  Roeietle; 
Il  mie  an  DiaiU  ituti  ua  corpi 
Et  lui  mefme  le  mit  dehors. 
Elle  deifi garait  fa  face, 
Faifoii  grimace  fur  grimace , 
Et  pour  miracle  plus  nouveau 
Trouva  bien  la  fève  au  gafteau: 
Nul  ne  peut  guérir  cette  garce 
Sinon  U  Curé;  c'ejloii  parce 
Que  pour  ckaffef  tels  ennemis j 
Il  faut  celai  qui  les  a  mis. 


.-».  avons  vcu  for, 
;?  ^"uglet  &  h,  t 
^'"",  lui  ail,  ,j  ^ 
f""  ""'refaire  k  a 
la  confiance  que  u 

»Jairee.L-£;er,.ed' 
.»eren,p„a„\^ 
'MOTeni  trouvée  à  ' 

f"  lieue,  environ,  „' 
■ie|«.inecl,„re„^ 
;=l'™,&ayan,ftiae 
'«"porter  fa  pierre/ £ 

P»«'"™ir  ruiné  le  ï.;° 
fiill  en  T  '°5=  '"P'*  J 


I.IT&B    II«    CHAPIT&B    TI. 


441 


baucherenc,  &  lui  ayant  tout  fait  confeilêr  encre  les 
mains  de  la  Juftice  d'Orbec,  la  bourgade  que  j'avois 
veuë  en  fa  grandeur  fut  rafee  en  deux  jours.  Le 
Cardinal  difoic  qu'il  ne  falloic  pas  ruiner  les  fraudes 
pies.  Ce  font  telles  impoftures  qui  firent  déclarer 
Berne  par  le  miracle  des  Jacobins,  &  Genève  par 
les  enfans  qu'on  faifoit  reffufciter  fur  un  fourneau 
dans  Tautel,  &  des  lames  qui  leur  brufloient  les 
nerfs  de  la  nucque  :  cela  ne  peut  fervir  que  couver- 
ture aux  niais,  &  qui  veulent  desjà  cftre  convertis,  &  au 
contraire  ces  villonneries  vous  oftent  tous  les  efprits 
qui  ont  quelque  foin  de  falut,  pource  que  jamais  le 
menfonge  n*edifia  la  vérité.  —  F,  Je  bous  dirai  vien 
qu'il  y  peut  aboir  eu  quauques  tragetaires  qui  ont 
fadegé  comme  cela,  ne  fut  ce  que  ce  dux  merciers 
qui  mirent  Noftre-Dame  de  la  Mer  Rouge  en  la 
Brenne,  dans  un  nid  de  pie,  &  firent  manger  &  em- 
porter au  peuple  par  dévotion  un  gros  cheûie 
jufques  à  la  racine  :  bous  ferez  caufe  que  y'y  regar- 
derai de  plus  prés. 


(iAiS 


Chapitre    VII. 
Divers  jeux. 


to>i 


vEKESTE.  Boila  velle  compenio  I 
pour  yoiier,  ça  cnfans,  au  Roy  \ 
defpoûillay  :  on  ayme    (on   d'y  1 
yoijer,    ou    vien   au  poirier.   — 
£.  Quel  mcllanee  d'olFatres  eaj 


LIT&S    II,    CHAPITRE    TH. 


443 


du  plaifir.  Vos  gens  ont  fait  jouer  noftre  Baron  à 
Michau;  voftre  valet  les  a  laiflez  voir,  Carmagnolle 
&  lui,  leur  apprenant  à  frapper  un  coup  à  terre  en 
entre  deux,  afin  qu'il  ne  paroifTe  pas  qu'ils  voient. 
—  E.  Ainfi  nous  voyons  tous  à  nous  malfaire ,  nul 
à  fe  garder.  Hé  là,  Monfieur,  vous  tenez  trop  long- 
temps ce  jeu  debout.  —  F.  Je  ne  m'en  foucirois  pas 
de  rien,  mais  ce  pendarc  toque  tousjours  d'un 
extrem.  —  Ch.  Que  ferai-)e,  quand  je  ne  voi 
goune? 


^^M 


V 


Chapitre  VIII. 
Difpute  du  Lymbe. 


.KNEiTe.  Or  tou  dîavle  lou  ]rea 
&  les  ferbietres,  tanr  elles  font 
dures  :  lou  palTciemps  cil  pour- 
lani  gaillard,  mais  c'cli  atTez.  Ve 
ne    sente    ooent    au'tl   a'v    euÛ 


LIT&£    II,     CHAPIT&B    TllI.  445 

toute  fa  créance  ^  —  F.  Je  lur  ai  fait  une  fois  corn- 
penio  pour  un  de  vas  Poidou,  qui  s^appeloit  la 
Combe,  mais  depuch  il  s'eft  decomberti.  Ye  pris 
garde  à  tous  les  punds  :  ils  ne  s'attachent  qu'à  la 
primautai  du  Pape,  &  font  von  marché  de  tous  les 
autres  :  ye  me  fafchoi  qu'ils  ne  lui  difoient  rien  du 
Purgatoire;  ils  me  refpondirent  que  pourbu  qu'on 
ne  touchaft  point  aux  Indulgences,  toutes  les  quef- 
tions  de  Teftat  des  âmes  après  la  mort  eiloent  trop 
difficiles  per  lou  commun.  Je  demandai  à  Père 
Baile  comment  il  entendoit  lou  paflTage  de  plufieurs 
mandons  &  du  fen  d'Avrahan  ;  il  me  dit  pour  tout 
potaye  :  Lifei  ^^  deffus  Sont  Auguftin.  —  E.  Encores 
qu'il  me  fafche  de  traiter  ces  matières  entre  des  jeux, 
fi  ne  puis  je  me  tenir  de  vous  dire  qu'il  avoit  raifon, 
car  ce  faind  Autheur  prend  à  tafche  d'expofer  ce 
poind,  d'ihnt:  Puis  que  ces  manfions  font  en  la  maijon 
du  Père,  quelle  impiété  feroit-ce  qu'il  y  eufl  quelque 
lieu  de  tourment?  Il  conclud  en  ces  termes  contre 
ceux  qui  veulent  plus  de  deux  lieux,  foit  pour  le 
Purgatoire,  ou  pour  le  Lymbe  :  Cette  foi  y  dit  il, 
r^efl  point  foi  Catholique ^  &  par  deux  fois  je  vous 
prie  quavec  vous  n^ habitent  point  ceux  qui  habitent 
en  telle  erreur^  Et  quant  au  fein  d'Abraham  :  Quelle 
brutalité  de  loger  dans  ce  fein  où  efl  noflre  efperance, 
unfouyer  &  un  fourneau  de  tour  mens.  Je  vous  monf- 
trerai  mot  à  mot  ce  que  je  vous  dis,  fans  partir  de 
céans.  —  F.  Je  bous  en  prie,  &  auffi  l'eftranye 
paffaye  de  Charon,  &  cependant  ye  bous  prouteftc 
que  ye  bus  tousjours  croire  lou  Purgatoire  &  lou 
Limbe,  quoi  que  ce  (oit.  —  £.  Voïe2-vous  ce 
grand  maiïbn  borgne  &  Tautre  païfan  qui  efl  avec 
lui?  Ils  ont  quitté  le  jeu  pour  nous  efcouter.  Ils  dif- 
putent  fans  ceffe  Fun  contre  l'autre,  fi  bien  que  ma 


44^  avaktukës  du  baron  de  fakists. 

befongnc  ne  s'en  fait  pis  mieuic;  ils  en  viennent 
quelquesfoiï  aux  coups,  &  concluent  en  ftria  fans 
s'eniendre,  &  protefient  lousjoura,  comme  vous,  de 
ne  fe  viréjà.  Leurs  raifons  ne  fc  connoiffcnt  poini  à 
la  Sorbonne,  &  feroient  meilleures  pour  U  foirce 


ce  que  nous  difons.  Je  » 
Is  enragenc  d'en  dire  leur  a< 


.  bien  à  Icui 


Chapitre  IX. 
Théologie  de  Clochard  &  de  Mâihi. 


£inESTB.  Oy,  ce  Toi^e  nous 
cfcoutevîendepréi.  Qu'en  dicet- 
bous,  mon  compère,  du  Limbe 
&du  Purgatoire?  —  Clochard.  Eft 
to  do  Picataire  &  do  Zimbre 
que  ve  difô?  Y  ve  veil  foere 
vitnis,  que  me  fitnetre  Menihcre  y 
quo  Crapucin  de  l'otre  femoine.  Eft  to  pa  vrez  que 
le  ceau  eft  tôt  d'ine  pece?  Que  difé?  —  E.  C'eft 
qu'il  vous  demande  fi  le  Ciel  n'eft  pas  tout  d'une 
pièce.  —  F.  Je  l'encens  vien  :  bous  ai-je  pas  dit 
que  y'ai  demuré  à  Poitiers?  Oy,  eompere,  oy,  ye 
bus  vien  qu'il  foit  tout  d'une  pièce.  —  Cl.  Ve  zou 
vêlé  ben,  le  Moellre  n'a  que  foere  que  ve  li  ajué. 
O  ben,  eft-co  pas  vrez  que  glé  fat  en  voûte?  — 
F,  Oi  da.  —  Cl.  Et  qu'o  fo  difputré  d'ine  voûte, 
o  l'eft  mé  qui  en  fé  moeftre  fafou;  y  ai  fat  toute 
lez  caves  de  cions,  c  ly  en  ai  ine  qui  a  cronce  braftizs, 
&  fi  avoure  ve  vehé  veni  picqué  in  piquataire,  ou 
ben  y  gratté  do  zimbres,  pr'ou  foere  chère  &  foere 
treviré  la  moefon,  y  ou  endurré,  feré?  &  necre 
Seigneur,   qui  é  pu  gron  Moeftre  queque  vou,  laf- 


448   AVAKTUK.BS  av   BAROK  DE    PANESTE. 

cherai  cil  picqué  do  civera  pro  foere  do  piqujtaire 
&  do  zimbrcs,  dtfé?  —  F.  A  quin  perpaux  toutes 
ces  mafTonnerieï?  —  E.  Monilcur,  faifons  lui  rcf- 
pondrc  par  l'autre  ;  Avancez  vous.  Mâché,  refpon- 
dez  à  Clochard,  il  fait  le  fçavant.  —  Alathi.  MenTteu, 
agaré,  y  n'encenpoeni  tome  y  quelles  vétilles  ;  Clo- 
chard a  bea  pirouetté  fcn  bounet  dons  les  eilx  do 
prefoune  quant  glc  parle  ;  O  me  fonvent  qu'inc 
foi  ve  li  deraondiei  s'gle  vou  velet  virebrequind  la 
cervelle.  —  Cl.  O  \'ez  ma  menere,  mez  vequi  le 
bounec  à  bas.  —  AI.  Agaré,  Meflius,  o  l'y  a[  ine 
choufe,  qu'y  ferai  toute  ma  vie  delaMeffe,  &CI0- 
charr,  qui  cl^  in  bea  parlou,  ne  me  farei  gongnï 
d"y  quo  coufti,  E(l-to  pi  vraiz  que  leg  nouzillers  fieu- 
rifTant  à  toute  lez  netre  Damme?  —  Cl.  Et  ben, 
pre  quieu  qu'eft-to?  —  M.  O  l'cft  que  l'Eglefe  ou 
a  ben  ordonni.  —  Cl.  Eft-to  pas  vriiî  qu'o  l'at  deux 


Ckapitls  X. 


AiMurs  du  Barom  &  tnckanumeiu. 


KAT.  Ne  faifoni  poini  nos  ri- 
lees  criminelles  :  çà,  parlons  de 
-is.  —  F.  Qui  n'eft  en  Paris 
n'cft  pas  au  raotide.  Ma  praubc 
maiflrefTe  m'atccnd  de  von  cœur. 
Diu  fait  fi  elle  ell  en  pcnc,  la 
paubrecce ,  yc  lui  ai  pourtanc 
eCcric.  —  E,  Vous  avez  bien  fait  :  car  encores  que 
voftre  guerre  aie  plus  efpandu  de  vin  que  de  fang, 
fi  eft  ce  que  la  Rochelle  eft  redoutée.  —  F.  Elle  le 
full,  mais  nous  l'abons  defcouvcrre  :  les  chaufcs  ne 
demeureront  pas  comme  elles  font  :  le  Roi  beuc  que 
fcs  fortiticaiions  foient  rafees.  Y'ai  oiii  dire  à  celui 
qui  a  fait  lou  manifellc  de  Monfur  lou  Duc,  que  ce 
qui  fort  des  mens  des  revelles  fera  nzé,  mais  ce  que 
nous  tenons  demeurera  là,  en  changeant  de  quelque 
nom  feulement.  —  £.  Je  crains  ce  que  vous  dites  ; 
retournons  à  Paris.  N'avez-vous  point  la  coppic  de 
la  lettre  que  vous  avez  cnvoid?  —  F,  Oi  braiment, 
ye  penfe  aboir  le  vroilkrt  en  ma  pouchette,  — 
E.  Voyons,  Monlieur,  des  fruits  de  ce  bel  cfprit. 


450  ATAKTO&BS  OV  BABOlt   DE  FJIKKSTB. 

—  F.  Accendez,  la  boici  :  touî  en  rirez,   ceci  i 
tout  vroiiillé  : 

I  MadamifelU,  tnfin  Us  ajlrei  (r  Ui  tlemtn.t 
m'ont  Uni  iitdifgrarii  de  bofte  vtlU  abftiue  tr  doae* 
mémoire  d'rflrt  /epari  dt  bot  veaux  ytux,  froivlarltt 
à  une  aurore  plobiuftf  çuc  y'aboit/Mnt  de  [nu]  pribfr 
des  champs  Elifut.  Toutûtfots,  t!  Jtroit  itiu  grande 
îndi/couriaifie  à  boas  de  de/ouvlîer  bofit  praubt  ef- 
clabe.  Alt  rafie  nous  aboat  lire  la  pi/louladt  pour 
l'amour  bofit,  ayans  tfii  foixaate  cabalùrs  viem 
extermirtej,  entre  le/quels  ye  fais  efiimai  pour  tut 
buis  rouTurier  de  guerre,  à  bel  près  de  Tadon,  défier 
les  revelles  par  deffus  îars  murailles.  Et  croiej  qu'il 
fera  piirU  du  Baron  de  Fanefie  en  vonne  compenio.  J» 
vous  diraipour  noubelUs  qui  bous  ne  me  reproachértj 
plus  mes  ckebaux  indompiei,  pource  qittnctlie  armet 


LITRE    II,    CHAPIT&B    X.  451 

chcrchoic.  —  E.  Ne  marmoctoîc-elle  pas  des  orai- 
fons  à  l'oreille  de  Icnfanc?  —  F.  Oi  vien,  abec 
une  eilolle  fur  lou  col  &  un  cierge  allumai,  &  lou 
beneftier  là  prés.  —  E.  L'enfant  ne  difoic  que  ce 
qu'elle  lui  grondoic  dans  l'oreille.  —  F.  Et  que 
diriez-bous  de  ce  qu'elle  me  mena  dans  un  janfin, 
&  qu'elle  me  fit  boir  ma  maiffarefle^ —  E.  Je  dis 
qu'elle  eftoit  de  l'autre  coilé  de  la  muraille,  &  que 
vous  la  vides  dans  la  refledion  de  deux  miroirs, 
dont  l'un  efloit  demi  fpherique,  pour  empefcher 
qu'elle  n'euft  les  pieds  en  haut  :  je  gage  qu'eUe  vous 
fit  un  cercle,  duquel  vous  ne  deviez  point  fortir.  — 
F.  Oi  vien ,  mais  c^eftet  pourtant  enchantement. 
Or,  ye  bous  en  ai  trop  dit  pour  bous  pouboir  rien 
celer  :  fâchez  que  celle  que  ye  boulois  efpoufer  me 
mit  à  telle  rage,  que  ye  boulus  parler  au  Diavle.  Un 
Italien  m'en  proumit  l'experiment,  pourbu  que  ye 
n'euffe  poent  de  pur.  •  Pur^  dis  ye,  fi  lou  pont 
levedis  d^ Enfer  efloit  vejféy  ou  fi  y^entreprens  de  le 
.petarderj  ye  bous  irai  abec  un  nerf  de  buf  faire  trou^ 
ter  la  quanaille  d^ Enfer  àmonfervice.  •  Il  falut  donc 
bénir  à  la  preube.  La  porte  Sant  Marceault  eftoit 
ouberte  toute  la  nuid,  pource  que  c'eftbit  l'année 
de  la.  pefte.  Nous  fourtifmes  donc  pour  bénir  dans 
une  petite  plenne  qui  eft  à  bat  de  Riflextre,  où  nous 
arribons  fur  les  onze  hures.  Mon  homme  me  rede« 
mande  fi  y' abois  poent  pur.  •  Ventre  de  Sant 
Chriflolij  di  ye,  ce  font  les  Diavles  qui  chient  de  pur 
de  me  boir^  &  te  font  demander  cela,  Oi  vien,  il  fe 
fepare  de  moi  &  fe  ba  pourmener  prés  d'une  hure, 
&  puis  me  bint  prendre  par  la  main  pour  me  mener 
dans  un  cercle.  Il  aboit  un  coudre  blan  en  men  abec 
un  petit  fufil;  il  allume  de  l'encens,  &  puch  aiant 
dit  :  Adcfit  fpititus  bcnevolij  &  quauques  moutets, 


453  AVAVTu&is  nv  B'&ROir  de  neKSsrn. 

il  me  fjLt  colirner  bera  l'Ourient.  N'uiant  rico  fait 
de  ce  coflé,  i!  me  tiiurne  au  Midi,  où  il  commença 
par  :  E:  ecce  ego  totus  vtjltr.  Et  n'aiam  encorc»rien 
fait  de  ce  collé,  il  me  dit  :  Ce  Joui  Us  SepteMno- 
naux  à  qui  ceci  appartient.  Nou!  failbns  demi  tour, 
&  comme  il  commençoit  :  Agit  Vurcan.  ye  bi>i 
comme  fourtir  de  terre  un  homme  aufli  grand  que 
nous  dus  l'un  fur  l'autre,  boiiITu  debant  &  derrière. 
De  bous  direforibiCage,  pour  cap  SantMamoulin,  il 
me  prend  fi  grande  l'raj'ur  ;  regardez  comme  met 
chebux  en  dreflcnt  encorcs,  ye  me  mets  à  hutte  plu» 
bifte  que  lou  bent,  ye  tumvai  dans  des  efpines, 
&  dévoue  :  courant  donc  fans  regarder,  ye  me  pred- 
pite  dans  une  caberne  fur  quauque  chofe  qui  n'eftet 
poeni  trop  dur,  li  vicn  que  ye  ne  me  rompis  rien .  A 
un  demi  clair  de  lune,  ye  m'abife  que  y'eftois  dans 


^s^^!^^m3m 


Chafitrb   XI. 
Autres  amours. 


Et  bien ,  «prés  tanc  de 
Jt,  eullet-vous  la  maUlrelTe? 
",  Sachez  que  je  conti- 
ncores  de  lui  donner  des 
auvades  ;  jr'aboîs  trots  honelles 
fils  de  bille,  &  un  foir,  comme 
nous  achebions  de  chanter,  il  y 
aboit  tout  plain  de  louanges,  entr'autres  qu'elle 
clloii  la  fource  de  ma  bie,  fontaine  de  toutes  bertus, 
fontaine  de  grâce,  tout  par  fontaine.  Comme  nous 
finillions  ces  dus  vers  : 

Sait  ie  iùuetar  ta  fomaiiu 
Comme  tu  l'ei  if  ^imié. 

me  boila  une  terrace  pleine  de  pilTat,  abcc  quauque 
bilanic  parmi,  qui  me  tira  du  fang  de  la  leÂe.  Mes 
compagnons  fe  mirent  à  injures  :  l'un  l'appella  fon- 
taine de  merde,  l'autre  fontaine  de  piflat,  &  nousen 
allons.  —  £.  Et  voila  la  cadence  de  l'amour.  — 
F.  Depuis,  ye  boulus  l'aller  rraber:  ces  couquini 
forienc  abec  alevardes,  û  vien  qu'il  fe  faluc  retirer 
fore  bifle.  Le  guet  nous  prit;  y' en  fus  pour  mes 


.454  AVANTUKBS  on   BAR.ON  DE  TXSESTt. 


trois  yours  au  Chaflelet.  Avec  quauques  païas,  Jou 
Manefchai  de  Ferbaques  nous  tira  de  là.  Ye  fis 
encores  un  autre  amour  pour  mariage,  &  depuis  ye 
n'y  ai  pas  penfai.  Les  gens  du  Manefchai  m'accom- 
pagnoient,  m'appelloient  lou  Marquis  de  Francifcis  ; 
force  honneftes  hommes  de  la  Cour  me  preftoient 
carroife  pour  y  aller.  Ce  n'eftoit  que  la  fille  d'un 
plumacier,  mais  elle  aboie  dix  mille  efcus  petits,  au 
mens,  difoit  fa  mère,  qui  pour  faire  fa  fille  Marijuife, 
me  la  fiança,  Lou  malheur  boulut  que  lou  Manefchai 
me  dcvaucha  pour  aller  au  vourdeau  chez  un  miif- 
tre  Thomas  ;  il  monta  lou  premier  en  la  chamvre 
haute,  &  puis  me  fit  place  pour  aboir  ma  part.  Cap 
Sanc  Philebcrt,  ye  iroubis  que  c'eftet  ma  fiancée  ! 
Vou  m'en  alli  fort  penaut,  &  depuis  n'ai  penfai  en 
mariage,  encor  que  Monfur  Cayer  m'euit  promis  de 
m'en  amener  une  au  mouiouer  ûar  enduncement. 


«'    Chapits.1  XII. 


Bifioirê  df  Cajrtr. 


KAT.  Et  croies-votu  que  Ciyer 
en  feuft  plus  que  les  autres?  —  ' 
F.  Ha,  Monfur!  il  m'a  monilré 
des  libres  de  magie  compoufez 
par  lui,  de  dus  pieds  de  haut; 
il  m'a  fait  boir  dans  une  couque 
d'uf  où  il  faifet  lou  pcûl  homme 
abec  des  germes,  des  Mandragores,  de  la  foie 
cramaufie  &  un  fu  lest,  pour  parbenir  à  des  chofcg 
que  je  ne  bus  pas  dire.  11  m'a  roonflraî  tes  images 
de  cire  qu'il  faifoit  fondre  tout  -vellement  pour 
efchauSer  le  qur  de  la  galande,  &  celles  qu'il  bleC- 
foii  d'une  petite  flèche  pour  faire  périr  un  Prince 
à  ce^  lieues  de  là.  Qu'en  poubez-bous  dire?  — 
£.  Je  croi  qu'il  eftoit  enchanteur  cpmme  les  autres. 
—  F.  Et  quoi,  bous  autres  ne  croiez-bous  ni  An- 
ges, ni  Démons?  —  E.  Nous  ferions  Sadduceens, 
comme  un  hérétique  de  ce  pais  que  je  ne  vous  nom- 
ffleru  pas,  pource  qu'il  a  fait  femblantdele  repentir. 


'45*^   AVAKTDRGS  DU  BAROK    II*  rfKESTB. 

L'Efcricure  nous  apprend  i^u'il  y  a  des  etidwiirciifs 
&  des  forcicrs  :  les  premiers  rares,  lefmnin  qu'un 
Duc  de  Savoie  a  defpendu  cent  mille  cfcus  k  cti 
ccrclier;  les  autres  trop  frequens,  au  nombre  dci- 
i]ue!s  je  mets  Cayer,  qui  s'eftoit  doiini.'  au  Diavle 
[Mr  cedule  fignee  de  fa  main,  (lipulcc  de  U  main  de 
l'acquéreur,  Vuus  avez  oùy  dire  fon  horrible  mort; 
mais  j'ai  veti  encre  les  mains  de  Monfieur  Gilloi  U 
pièce  ori[^iiiaire,  lors  que  la  Cour  delibcroit  pour 
faire  brullec  fon  corps  ou  le  pendre  à  Monfaucoiit 
les  pieds  en  haut;  mais  on  trouva  des  Seigoeurs 
&des  Dames  de  li  haute  eftoffe  qui  pjrticipoient  àfcs 
horreurs,  qu'on  eftouffa  cette  ordure,  comme  on  fait 
aujourd'hui  d'autres,  qu'on  cllime  c!lre  plus  fcur  île 
faire  pourrir  en  noilrc  fcin,  qnc  de  les  mettre  horî 
en  évidence  ;  &  !à,  le  parcftrc  n'cft  pas  à  propos.  — 
F.  Ed-il  brai  qu'il  aboit  auflî  bcndu  nu  Diavle  fon 


X.ITB.1    II,    CHAriTB.B    XII. 


4!7 


poent  beu,  ye  bous  prie  de  me  le  donner.  —  £.  Je 
le  fai  par  cœur  ;  il  y  a  ainfi  : 

Huguenots,  vous  croies  qu^au  doux  fein  de  VEgUfe 
Sont  nourris  tT  fauver  Us  fideUs  fans  plus  : 
Nous  difons  que  parmi  les  agneaux,  Us  eUuSy 
Elle  emhraffe  Us  houes  Cy  Us  loups  favorife, 

Cayer  voulut  loger  Us  putains  en  franchife, 
Canonifer  pour  SamBs  Us  veroU^  perclus, 
Noftre  Eglife  l'a  pris  quand  vous  nen  voulie^  P^p 
Catholique,  il  pour  fuit  encor  fon  entreprife, 

La  paillarde  le  veid  Martyr  pour  Us  bordeaux, 
L'Avocat  des  putins,  Sindu  des  macquereaux  ; 
Elle  ouvre  fes  genoux,  VaccolU  tris  humaine. 

Honteux,  banni,  puant,  verolé,  ladre  vert. 
Huguenots,  confeffer  que  l  Eglife  Romaine 
Tient  fon  giron  paillard  à  tous  venans  ouvert. 

—  F.  Cet  homme  aboit  proumis  au  Mencfchâl  de 
Ferbaques  plus  velles  chaufes  du  monde,  &  deboit 
en  eftre. 


i 


CflAriTRB  Xni. 
Du  Marefchal  de  Ftrvacquts  tr  des  clers  du  Palais. 


ïM{ 


KAT.  Comment  cll-ce  que  le 
Marefchil  avec  qui  vous  avo  eu 
tant  de  privauté,  oc  vous  a 
avancé?  —  F,   Oi  viea,    pri- 

vauté,  oi,  fi  vjcn  qu'un  embius, 


LITRE    II,    CHAPIT&B    XIII.  459 

nenc  leur  marche  de  ma  mefure.  Je  penfois  au 
commencement  qu'ils  vactiflènc  la  garde,  &  ne  bous 
mentirai  pas,  que  comme  ils  prenoient  la  pêne  de 
s'afTujettir  à  ma  démarche,  aufC  abec  quelque  plaifir 
ye  m'adonnois  à  lur  cadence.  Je  m'apperçeus  en  fin 
qu'autant  de  rue  que  ye  changeois,  ils  en  chan- 
geoient  aufC.  Ye  m'arreftai,  &  eux  aufli;  ye  repars, 
ils  vattent  aux  champs.  Quand  ye  fus  vien  las,  ye  fai 
ferme  &  lur  demande  :  Pourquoi  bcnei-bous  par  tout 
où  ye  baiî  Eux  refpondent  :  Pourquoi  alUi^ous 
par  tout  où  nous  tenons  f  —  Pourquoi  fonnei-bous 
quand  je  marche?  —  Eux  :  Pourquoi  marchef-bous 
quand  nous  formons?  —  Pourquoi  ne  fonnei~bous 
pas  quand  ye  n^arrefte?  —  Eux  :  Pourquoi  bous 
arreftei'-'bous  quand  nous  ne  fonnons  plus?  De 
mefme  fur  la  marche  à  Taccord  &  fur  l'accord  à  la 
marche.  —  En  fin^  di  ye,  ye  boi  vien  que  bous 
efies  des  vouffons  :  pou  cap  de  you,  you  bous 
fondrai  lou  parchemin,  —  Nous  bous  nuttrons  la 
caiffe  dans  la  tefte^  comme  au  Curé  \dé\  Sant-Euf" 
tache,  Ye  mis  la  men  fur  la  poignée  de  Tefpee,  eux 
fur  les  lur  :  en  fin,  le  plus  veau  que  ye  puiflTe  faire, 
c'eft  d'entrer  che2  un  fourvifliir,  —  E,  Vraiment, 
cette  champifferie  n'eftoit  que  gaillarde;  j'en  vis 
faire  autant  fous  la  halle  de  Nyort  à  un  Gentil- 
homme qui  avoit  un  de  fes  bas  de  chaudes  bandé 
au  haut  de  la  cuifTe  &  l'autre  en  courcaillet.  — 
F.  J'eftois  vien  de  mefme,  mais  cela  ne  me  fepara 
poent  :  &me(mes  quelques  vadineries  que  ye  receuffe 
chez  lou  Manefchal,  fi  la  guerre  à  la  huguenotte 
euft  commençai,  ye  lui  abois  promis  une  petite  bri- 
gade d'un  païs.  Ye  lui  eufle  mené  quauque  huid 
mille  harquebufiers  &  dux  mille  chebaux,  force 
cabdets  ;  mais  ye  fus  irritai  par  d^autres  biedaferies: 


460  AVANTURBt  DU    FARON  DB  FSKESTe. 

comme  un  yor  ilt  firent  partie  en  difiianr,  une  bin- 
Esinc  fans  les  bcîleis,  de  s'aller  praumener  dans  h 
làllu  du  Pûih  tous  clperonnez  à  quatre  hures.  Ve 
ne  mis  de  U  partie,  La  taquanerie  fut  qu'en  mon- 
unt  loo  degrai,  les  laquais  ouiereni  les  efperons  de 
lurs  maillres,  &  les  miens  me  demureni.  Quand  nous 
fuîmes  dans  la  falle,  eux-mefmes  m'accufercnt.  Bcci 
aufli  tuil  à  mes  yomves  de  petits  \'afochicns,  &  moi 
à  trucs,  penlanc  qu'us  en  titrent  de  mefme.  Les 
boila  touii  à  rire,  &  moi  oSenfé  des  pugnadcs  que 
tirent  ces  maraux.  Us  m'enlcbirent  fur  lur  ceile  ;  boua 
culTics  dit  qu'ils  me  bouloient  faire  leur  Roi  : 
&  patience  puur  cela,  n'eidt  elle  que  les  petits  me 
donnoienc  par  dcffbus  quauqucs  foiÎTades  d'efpiugles. 
Quand  ye  fus  efchapai,  ye  dis  tout  haut  que  qui- 
conque aboit  fair  cela  eiloii  un  fot,  ce  qu'ils  abuiic- 
reni.  N'cllant  pas  facisfiic,  y'appeUi  traître  un  qui 


Crafitkb  XIV. 

Comi  de  Matthéf  dtt  quatre  Cunj, 


NAY.  Si  vous  euflîei  mené  la 
brigade  promife  au  Marefehal  en 
Aunix,  pour  le  jour  de  l'entrée, 
vous  euITiez  elle  le  bien  receu.  — 
F,  A  diavie!  ce  n'cflec  pai  la 
huguenoccc,  &  puch  abec  ceire 
trouppe  y'eulTe  fait  celle  pouSiere 
que  nous  n'eu0ions  feu  boîr  la  bille,  ni  cUe  nous.— 
£.  Voila  une  belle  difcreûon  ;  mais  i.  propos  de 
n'cflre  pas  fur  les  armes,  il  arrive  de  grands  acct- 
dens  faute  d'eflre  préparé.  Voyez-vous  bien  ce  faux 
païfan  avec  fes  nouzîUes  ;  il  lui  cil  arrivé  une  avan- 
ture  qui  n'efl  pas  excellente  comme  les  voltres  de  la 
Cour.  Je  vous  la  dirois,  mais  il  me  fafche  de  vous 
faire  un  conte  de  village.  —  F.  Ne  laiflez  pat, 
Monfur,  ils  font  par  fois  les  millurs.  —  £.  Ce 
compagnon  ell  un  macquereau  de  village.  Il  entreprit 
tout  ji  la  fois  quatre  Curez  &  leurs  quatre  cham- 
brières. A  chacun  des  Curez  il  dit  :  u  Que  vouitj- 
vous  faire  di  celle  vilenne  falaude,  cette  efdenieef 
Je  vous  en  xtux  doMifer  une  propre  6*  honiM(fie.  n  Et 


l    AVAVTDRES  DU 


RON    DE   TSKtiTC. 


dit  mfli  à  chacune  des  garces  :  h  Çue  veax-iu  fiire 
avec  ce  vieux  pourri,  veroU,  qui  n'en  peut  plut? 
Je  te  veux  donner  un  maiflre  quï  fati  bonne  ehere  : 
tu  es  encores  jolie.n  Tous  les  huifl  aiant  promis  un 
prcfenc,  i!  fit  mettre  les  manches  rouges  aux  quatre 
chambrières ,  &  adimaacher  les  quatre  Curez, 
&  changea  tuui  fans  forcir  des  huîA ,  &  en  eut  un 
manceau,  un  chapeau  &  cinq  pilloles,  donnant 
pourtant  ordre  que  la  moins  vUetine  fuft  à  fon  pro- 
che voilin.  Un  foir  il  lui  faifoic  l'amour  par  la 
fenertrc  en  l'abfence  du  Curé,  &  n  aiant  pu  faire 
ouvrir  h  porte  par  proraelTc,  en  fin  il  la  menaça  que, 
fi  elle  ne  lui  ouvroîl,  i!  cmmeneroît  le  gorret,  &  s'en 
met  en  devoir,  &  Magdclene  de  crier  aux  volleurs. 
Voila  le  compagnon  à  la  fuite.  Le  Curé  de  retour, 
la  fidelle  ne  faillit  pas  de  lui  dire  dans  le  lid,  qu'il 


LIV&B    II. 'CBilPITB.S   ZIT. 


4^3 


ouvrir  la  porte,  il  mec  le  doigt  au  pertuis  en  delaf- 
chanc.  Ce  fut  à  crier  à  plenne  tefte,  &  Macthé  à  fe 
fauver,  &  aux  voifins,  qui  accoururent  au  fcandale, 
à  deviner  qui  tenoic  ce  pauvre  homme. 


CH-*PlTttB     XV. 


Théologie  de  Surgeres,  gaerelle  du  Baron. 


«N«T*.  Boila  vonnehiRoirede-  1 
bilayc.  Toucque  la  mcn,  croit-  ( 

ye  fuis  ton  camcrade  d'à 
bamures  amourufcs.    A   l'autre  | 
biace  aue  ve  fis  à  Sureer».   ve  J 


LITRl    II,    CHAPITRI    MT.  465 

dans  lou  conniberc.  Ils  difenc  que  Sanc  Rigoumé 
guérie  de  la  coulique,  mais  pour  cette  hure  il  m'en 
vailla  la  malaufie.  Je  ne  me  foubenoi  pas  de  Tefcri- 
mur  que  ye  bous  ai  contai,  qui  m'aboit  appellai  : 
par  lou  villet  queye  lui  enbouiai,ye  lui  donnai  aili- 
gnation  à  demie  lieuë  hors  des  faux-bourgs,  à  Pendret 
du  clocher  Santé  Genebiebe  ;  ye  n'abois  garde  de 
prendre  lou  codai  de  ViiTeftre,  de  pur  de  la  pur 
que  y'eus  de  l'enchantement.  Ye  m'en  allai  aux 
pierrieres  de  Baugirard,  où  quauquefois  ye  me 
mettois  à  coubert  de  la  vize.  Ye  ne  fai  pas  fi  lou 
galland  fe  pourmena  long  tens  :  mais  pour  fe  ban- 
ger,  il  me  donna  affignadon,  comme  la  Cour  eftoic 
à  Moulens,  pour  nous  vattre  au  Grand  Jardin.  Bh 
pcnfant  aller  à  lui,  ye  me  ronce  dans  Tatitre  conni- 
bert.  C'eft  grand  cas  quand  dux  ofiniaftres  font 
enfemvle,  ils  ne  bulent  rien  lailfer  alter.  Loi!  Manef- 
chal  de  Viron,  y'entens  lou  dernief5  ellani  à  Ch#t- 
voutonne,  m'accorda  une  querelle  abec  un  auyereau 
de  là  prés  ;  nous  fuûnes  fur  lou  pré  :  ye  m'arreftai 
fur  un  petit  tuquet  plus  haut  pour  hoir  au  loin,  de 
pur  de  fupercherie.  Lui  qui  eftoit  au  pré,  me  dit 
que  ye  defcende  ;  moi  lui  dis  qu'il  monte.  —  Biens 
à  moiy  difoit  Fun.  —  Biens  à  moi,  difoit  l'autre. 
Chacun  bouloit  garder  fon  haunur.  Nous  fuûnes 
fi  long  tens  fur  lou  :  Monte  haut,  &  fur  lou  : 
Defcend  ça  bas,  que  lou  mounier  &  fa  femme  fe 
mirent  entre  dux.  —  F.  C'eft  bien  fait  d^avifer  aux 
fupercheries  ;  eft-il  poifible  qu'en  tant  de  querelles, 
il  ne  vous  en  foit  point  arrivé  une  ? 


^^. 


HT 

II.  30 


CKAFITaE     XVI. 

Combat  d*  Cvri>i/ieju. 


AN8RTB.  Poubez  dire,  c'efl  ce 
qui  fait  que  ye  n'y  bai  plus  i  la 
(levaRilidc.  Il  n'y  a  pas  im  moi» 
j'ciloij  lougé  à  Nollrc  Dame,  à 
Xentcs;  il  abinc  qu'cfttni  un  pu 


LIT&B    II,    CHAPITRJ    XVI.  467 


dont,  pource  qu'il  eftet  eftropié  d'un  vras  &  d'une 
yambe,  ye  l'appelai  à  chebai,  au  pré  lou  Roi.  Le 
Courdelier  à  qui  ye  me  confefTai  abanc  aller  au 
comvac  me  dit  gouguetes  de  ce  paillard,  &  me  le 
defpeignit  comme  le  fraudeur  des  rufes  que  boiitf 
boiez  en  Amadis.  Il  fe  troube  donc  à  Taffignation, 
dit  qu'il  me  bouloit  bifiter,  de  crainte  que  y'eufle 
cuirafTe.  Que  fit  lou  defpouderat?  Il  mit  vas  la 
vride  de  mon  roufli,  &  de  meûne  tens  lui  donne 
de  la  vourde  fur  veau  nez  pour  lui  faire  tourner  la 
tefte.  Ye  mis  l'efpee  à  la  men,  penfant  lui  donner 
un  pic  par  deflus  ^elpauie;i^'pa^e  de  la  vourde  & 
tourne  à  pics  fur  moi;  boiU  mon  chebai  dans  lou 
fauxbourg  des  Dames  :  ny utez  que  c'eftet  un  yor  de 
marché,  où  il  y  aboit  force  cabales.  Boila  mon 
diavle  après  ;  le  bilen  me  fuiboit  tousjours  à  pics 
&  foilTades  abec  fa  vourde.  En  chemin  fe  troube 
lou  praube  Chanoine  Roi,  qui  alloit  à  Therac; 
cette  mefchance  vefte  lui  mit  les  jamves  fur  les  ef- 
paules  &  embeffe  fa  yument.  Boila  lou  puble  à  rire, 
8l  mon  Corvineau  me  boiant  aflez  emvefongné,  me 
dit  :  ((  Faites j  faites^  &  bous  en  berui,  1  Encor  lou 
pis  fut  des  pitaux  qui  à  velles  peyrades  &  valions 
bolants,  bouloyent  feparer  le  chebai  &  la  yument, 
dont  /eus  par  Tefcbine  force  trucs  &  vallonades, 
ce  que  je  ne  pris  pas  au  poent  d'aunur,  car  ce 
n'eftoit  pas  à  bon  efcient  ;  d'aillurs  force  canailles 
qui  chantoient  au  tour  de  moi  Jehan  Foutaquin, 
Que  boulez- vous,  ye  ne  peux  pas  tous  les  appeller 
en  duel.  J'ouvlie  à  dire,  comme  il  me  pourfuiboit, 
qu'il  crioit  bidoire  :  ye  n'eus  patience  de  tout  le 
monde  que  ye  ne  fuffe  appoenté.  Lou  Maire,  qui 
faifet  l'accord,  havile  homme,  m'allègue  fon  eftro- 
piement,  que  /eftois  demuré  lou  dernier  fur  le  lieu, 


KTURES  DV   BARON  Dl   FJSNESTK. 


&  qu'en  fin  s'il  efloic  moi,  il  fe  coDceaccroii  ;  ye  fui 
donc  prie  d'ouvlier.  — ■  £.  Je  croi  que  fi  euft  il  fait, 
s"il  cuft  cHé  vous-mefmes;  mais  pour  le  codu,  je 
vous  prie,  ne  me  priez  pas  de  l'oublier  &  en  tout 
je  dis  que  voila  une  notable  fupercfaerie,  &  fi  a'e& 
point  faite  à  la  Cour. 


Chapit&b  XVII. 

EnchanUKiju  à  la  Cour  fur  lu  oituivt  du  Banm. 


*_£~^à-*-z:=^  «wifTi.  Je  bi«  raconter  duu 
iÇr^^^^V  la  chimTic  du  Roi  une  querelle 
•I  mrWSnts  fcmvkvle  &  un  »eau  prouceder. 
Ve  boudrois  mboir  donné  cent 
pillolu  de  la  coupie.  C'eft  l'excer- 
lence  de  U  Cour  ;  ollei  en  les 
Daines,  lea  duek  &  lei  bileu, 
ye  ne  vondrois  pa*  bibre.  Là  &  aux  champs  ^aî 
cousjours  troubé  force  erobiua  à  ma  fornrne.  Mais 
pour  laiiTer  là  ion  billage,  yc  bous  dirai  que  ye 
m'accouflai  d'un  Counifan  qui  s'appclloit  Sani  Vha- 
lix,  homme  vien  benu  chez  tous  les  Princes  &  Priiw 
celles.  Ceitui-ci  m'ayant  ouï  &ire  cas  des  encbaa- 
cemens,  me  dit  qu'il  en  faboit  plus  que  Coftne, 
Casfar,  lou  pedt  Preâre,  k)u  Curé  Sanc  Sainroin, 
que  Meffire  Louys  de  Marfcille,  qui  aboie  lant  coo- 
facré  de  crapaux,  couché  abec  fiz  bingts  bierges 
par  enchantemenc,  mangé  tant  d'houlUes  denabcaux, 
qu'il  en  faboir  cncores  plus  que  ces  dux  Prcltres  de 
qui  bous  boycz  les  proucez  imprimez,  &  que  Tans 
tant  de  myfteres,  lî  ye  boulois,  il  me  meneroit  en 
vonne  compeino,  où  il  paJIÎHi  les  foines,  fans  que 


470     AVAhfTURlS  DU   BARON   DE   P£MB£TB, 

ye  fuifc  bu.  Pour  m'alTurer  davantage,  i!  me  gagna 
un  laqués  qui  s'appelloic  Vulpin.  I!  me  fi(  mettre 
mon  mmteau  à  l'enbers  &  mon  ehappeau  la  gu!e 
en  fus,  prendre  de  chaque  meti  de  la  cendre,  yetœr 
de  l'une  en  vas,  de  l'autre  en  haut  en  difant  :  Taf- 
Jiui  ti.  Cela  dit,  y'enire  dans  la  charavre  où  ef- 
toient  fes  beilets  &  le  mien;  un  d'uï  me  tocque 
bentre  contre  bentre;  mon  laqués  me  donne  d'un 
tros  per  l'os  de  la  yamvc.  Anfi  affuré,  ye  m'en  boii 
abec  mon  homme  [cher]  une  DuchefTe,  là  où  une 
fille  de  chamvre  qui  empefoit,  me  vrida  lou  nas 
d'une  confufion  par  mefgarile,  Sl  moi  de  fous-rire. 
Le  yor  d'après,  il  m'y  mena  en  chebal  ;  toutes  le» 
Dames  fuïuient  &  fc  cachoent  fous  les  lids,  par- 
ce qu'il  me  faifoii  ruer,  mais  quant  Sant  Fiielis  Mt 
que  les  beilets  benoient  à  l'alarme  «bec  fourches, 
chamvricres  abec  nerfs  de  vuf,  il  rae  mené  entre 
dux  portes,  me  remet  lou  mante  &  lou  chapeau-: 
boila  la  paix  faide.  Un  auireyor  il  me  mené  en  lioa, 
&  un  autre  en  afne,  &  me  menoit  par  l'oureille  ;  & 
puch,  quand  ye  fus  debenu  amourux  de  la  Dune, 
il  me  changea  un  yor  en  efcaveau,  furquoi  Fer- 
baques  s'a£oit  prés  d'elle;  le rivaut. me  fil  ploier 
Ica  rens  en  fe  lailTant  choir  fur  moi,  &  pris  plaifir 
d'entendre  de  lurs  amours  :  par  fois  ils  difbent  mal 
du  praube  Varon  de  Fznefte  :  en  fin,  mon  gouber- 
nur  s'abifant  que  les  yamres  de  l'efcabeau  plioient, 
ft  fuoii  à  groffes  gouttes,  il  s'en  bint  dire  au  Ma- 
nefchal  :  •  Si  bout  boiJej  efire  au  eouchtr  du  Roij 
il  efi  temps;  i  enfl  il  me  delibra  d'unpefant  fardeau. 
Quand  nous  eufmes  enfi  plufieurs  fois  fait  de  le* 
nolb'es,  il  s'abifa  d'un  veau  plaifir  :  un  foir  il  me 
mena  vien  bellu,  &  quand  ye  fus  dans  la  falle, 
tout  !ou  monde  me  prenoit  pour  sud,  &  me  cluuf 


I 


LIVRE    II,     CHAPITRE    XYII^  471 

gea  les  mots,  me  faifanc  dire  au  lieu  des  premiers  : 
teuo  fel  faruaut.  Les  yunes  Dames  s'eftoimoienc,  fe 
cachoienc;  les  bieilles  &  les  beilecs  prenoienc  des 
cencures;  alors  il  me  faube  dans  la  garderove,  & 
monftra  que  c'eftec  par  enchantement.  £n  nous 
retirant  au  foir,  ye  m'abife  d'un  vrabe  trait  :  c  Cette 
dame,  di  ye,  me  met  la  men  fur  les  chaufTes  en 
debifant  ;  ne  me  fauriez-Bous  mener  là  dedans  tout 
nud,  &  que  ye  femvlafle  bien  beftu?  —  Autant 
faflible  Tun  comme  Tautre,  dit  mon  homme,  t  —  Le 
foir  du  lendemain  benu,  il  me  mené  dans  une  petite 
gardçrove,  &  là  m'aida  à  defpoUiller.  Quand  y'eus 
ofté  la  chemife,  y'eus  quauque  apprehenfion ,  me 
foubenant  le  foir  auparabant  que  les  Dames  m'a- 
boient dit  :  «  Ne  benei  -plus  enfi  tout  nud^  on  bous 
def coupler  a  des  fouet  leur  s.  »  Je  dis  à  San  Phelis  à 
roureiUe  :  «  Ye  me  troube  moi  mefme  tout  nud. 
Lui  me  réplique  en  coulere  :  «  Et  où  eft  Vaunur?  Hé 
depuis  quand  la  pur  au  Varon  de  Fanefle  ?  •  Ce  fut 
affez  dit  :  ye  faute  en  la  falle  comme  un  lion  ;  & 
Dames  &  filles  à  gagner  la  porte  du  jardin.  Noutez 
que  le  mefchant  Sant  Phelis  bouloit  aboir  fon  plai- 
fir  de  tous,  tellement  qu'ils  n'eftoient  poent  abertis. 
Tou  lou  mal  que  y'eus  fut  une  bieille  Damoifelle 
&  une  famé  à  chaperon  &  dux  petits  payes  qui 
aboient  quauques  centures  &  quauque  vufc.  Après 
quauques  effuyades,  ye  gagne  la  garderovc,  où  ye 
m'enfermai  :  Texcufe  de  l'architede  fut  que  nous 
abions  failli  aux  moûts,  qui  eiloient  te  uofel  iaruaj. 
—  E,  Tous  magiciens  font  fujets  à  faire  des  fautes, 
car  le  Diable  eft  trompeur.  Je  ne  m'eftonne  pas  fi 
vous  dites  que  qui  n'eft  à  Paris  n'eft  en  nul  lieu; 
vous  n'cufliez  pas  trouvé  ce  plaifir  au  village.  Le 
profit  de  voftre  hiftoire  eft  fur  ce  mot  :  Oit  efi  Vhon- 


47' 


NTURBS  OU   BARON  DR   FfMbSTC. 


ncurî  C'cft  une  refolution  qui  mené  les  gcn«  aux 
coups,  non  pas  feulement  de  ceinture  &  de  bofc, 
mais  au  gibet  &  à  l'echaffaut.  J'en  l'ai  cjui  ont  prit 
U  vérole  par  honneur,  St  i  ce  propos  je  vouk  veux 
rembourfer  d'an  eonie  empour  les  vollres,  duquel  le 
mot  poLir  rire  eft  cci  hontieur  ;  feulement  voua  veuit 
je  faire  fouvcnir  que  VEflre  &  le  Pûrejlre  lombcrent 
d'accord  en  voftre  accident.  —  F.  Tant  y  a  bou- 
yant  qu'on  me  faifei  h  guerre  au  Loubre  de  cvs 
foulies,  ye  m'en  bins  de  dcfpii  en  celte  expédition  : 
mais  ayons  donc  boile  conte. 


Chamtri  XVIII. 


ÀMUare  fur  Brillraiit  &  far  U  MM  :  Oi  ^ 
l'hoMMâurt 


KAT.  Le  Roi  de  Navarre,  cftani 
Ion  à  Ageit,  avoû  promia  ^  une 
vieille  macjuerelle  nommce  Mir- 
roqum,  de  loi  donner  une  nuiAee 
de  fa  Majcfté,  poorven  qu'elle 
lui  livrait  one  de  fes  bellet  fceurt. 
-La  vitenne  avoît  quelque  vérole 
&  la  peau  greoee,  dont  elle  avolt  eu  ce  nom.  Un 
foir  que  ce  Prince  fe  defroboic  par  l'efcorte,  avec  le 
Sieur  de  Duras  &  quelquea  autret,  &  Peroton  qui 
portoii  l'elchelle,  un  jeune  rouITeau  qui  t'appelott 
Brllbaut,  tousjoun  brillant,  fe  fàifanc  de  felle,  quoi 
que  fouvcnt  reponlTé,  fe  mit  de  la  compagnie,  mal 
venu  du  commencemeni  ;  mais  quand  l'efcallade  fut 
pofee  i  la  feneftre,  il  prit  un  mal  de  coeur  au  R<» 
en  peniÂDi  aux  boutons  qui  fervcûeni  de  pMnçoni  k 
k  Nymphe  ;  il  fe  repenne  donc  d'acheter  û  cher 
un  repend  :  il  fe  tourne  k  Brilbaut,  lui  demande 
sll  efioll  foQ  ferviteur  ?  L'autre  ayant  proteSé  ; 
tAlUj,  dit  il, /w  Moi'j  &  r€vtae\Jmu  parUr.—Jé 
n'avuMm,  dit  BrittNUiir  911* ^'<  n«  mttu  ta  la  pUog 


474 


ITAMTURIS  DV   BAftOM    DE   F«MtTH. 


de  mon  Aîaiflre.  iLeRo!  adjoufte:  ■  C'efimanqaeà* 
courage.  Où  eft  Phonneitrf  Si  vous  eit  avej,  vaut 
ferei  ce  que  je  commande.  »  Quand  Je  PaUdin  veid 
qu'il  y  alloit  de  la  réputation,  il  faute  en  rcfchcllc 
comme  vous  fiftes  en  la  falle,  trouve  la  feneftre 
ouverte,  il  entre  &  va  au  lift,  où  il  fut  rcccu  avec 
harangues  bafles  &  baifers.  Il  voulut  bien  exécuter 
tout  habillé;  mais  la  Dame  dit  que  ce  n'ellnit  pat 
fait  en  Prince.  Elle  donc  le  dcfchaufTe  Se.  lui  oilc  le 
pourpiitnt.  Entre  les  lînccux,  h  courilfiine  voulut 
du  prcambule:  aQttoï^  Sire,  ne  fnuroi-ye  aboir  utie 
parole  d'un  Prince  qui  /ail  tant  d'hauniir  à  u/te 
praul'e  Damifeile?  i  Tant  fut  preiTii  le  tnuet  qu'il 
falui  di  re  k  l'oreille  :  «  Parle  j  bas,  je  ne  fuis  pas  le 
Roi.  u  —  Il  Que  diavbU  efles  tous  donc  ?v  lui  rdpodd 
elle.  Il  n'eut  pas  ficoft  refpondu  ;  t  Brilbaut,  *  que  la 
voila  rrier  i  nleineteAe  :  uBotseï  BrUumîif  lumtmii  ■ 


I 


LIVRE    11^    CHAPIT&B    XVIII.  475 

vingt  tambours  par  les  rues,  les  trompettes  &  les 
cloches.  Il  ne  fe  debattoit  plus  pour  fe  depeftrer, 
quand  les  vallets  du  Sieur  de  Frontenac  courent 
par  deiTous  la  treille  porter  les  armes  à  leur  maiftre; 
le  premier  donne  du  mourre  de  la  falade  dans  une 
cuifTc  &  de  la  crefte  dans  les  genitoires  du  fantoûne^ 
&  tombe  en  arrière  du  coup.  Celui  d'après  voyant 
cela  blanc  en  Tair,  &  fon  compagnon  à  bas,  fe  met 
à  crier  :  Avete^  omîtes  fpiritus.  Mais  le  pendu  ref- 
pondit  :  «  Héj  mes  amis ,  ayei  pitié  de  moi  In  — A  cette 
parole  les  deux  coquins  fe  refolurent  de  le  prendre  ; 
il  ajoufta  :  «  Ne  me  monftrei  à  perfonney  &  je  vous 
ferai  un  prefent.  »  Alors  ils  crurent  que  c'eftoit  un 
des  traiftres  dont  venoit  Palarme;  fi  le  menèrent 
prifonnier  fur  fa  foi  dans  un  coin  de  Teftable,  lui 
donnant  pour  le  couvrir  un  caparaflbn  bleu  bandé 
de  blanc  &  de  jaune.  Le  prifonnier,  ne  fçachant 
comment  appaifer  toutes  chofes,  les  prie  de  ne 
s'efmouvoir  point,  les  affeure  que  ce  n'eftoit  rien, 
qu  il  racommoderoit  tout,  que  ce  n'eftoit  pas  à  lui 
à  monter  à  Tefcbelle,  qu'il  avoit  efté  trompé.  Aiant 
olii  ces  propos,  un  valet  de  chiens  picque  à  la 
chambre  du  Roi  aflurer  qu'ils  avoient  pris  un  pri- 
fonnier qui  eftoit  un  des  principaux  de  l'entreprife. 
Le  Roi  commençoit  à  foupçonner  qu'au  mefme 
temps  de  la  folie  fud  arrivé  quelqu'autre  chofe, 
quand  le  cadet  de  Frontenac,  qui  avoit  porté  de 
la  lumière  à  l'eftable,  vint  avertir  que  c'eftoit 
Brilbaut,  qu'il  Tavoit  connu  fans  eftre  defcouvert. 
Quand  la  nuit  &  l'alarme  furent  paffees,  le  Roi  vou- 
lut avoir  la  gloire  de  délivrer  le  prifonnier,  s'en  va 
avec  joyeufe  compagnie  à  l'eftable  refpondre  de  fa 
rençon  aux  vallets,  &  remmenèrent  tout  boiteux, 
la  tefte  paflee  dans  la   teftiere  du  caparaçon,  dont 


470     AVAWTUliaï  DO  BARON  Dï  FfiMBSTll. 

Peroton  portoit  la  queue,  parce  qu'il  eftori  trop 
long;  &  ainfi  le  menèrent  en  la  chambre  du  Ror,  où 
il  fuc  receu  honora blemcnc,  coui  le  monde  criaiu  : 
«  Vivt  i'konneurtr  V amour ênfembU  !  a  Rien  ne  UScht, 
tant  Brilbaut  qu'un  pcnnachc  du  mulet  de  Froi^ 
tenac,  que  ces  coquins  lui  avoient  attaché  par  der- 
rière. —  F.  Boila  le  plus  veau  conte  que  y'ai  jg 
entendu;  e(l-il  pollivie  qu'il  foii  cidî  arribai> 


^"W 


CHAriTB.1    XIX. 

Sur  PEfirt  (r  Parefire,  le  couchtr  da  Baron. 


HAT.  Nous  avons  au  com- 
meDCcroeni  protellé  de  bourdet 
vrayes  :  nous  n'avons  rien  dit 
en  tout  noilre  difcours  qui  ne 
foit  arrivé ,  feulement  avont 
nous  aicribu^  i  un  meCme  ce  qui 
appartient  à  plufieurs.  Le  profil 
de  tout  noftre  difcours  eft  qu'il  y  a  fut  chofes  def- 
quelles  il  eft  dangereux  de  prendre  le  Partfire  pour 
VEftrt  :  le  gain,  la  volupté,  l'amitié,  l'honneur,  le 
fervice  dn  Roi  ou  de  ta  Patrie,  &  U  Religion.  Vous 
perdiftes  voflre  argent  quand  vous  penfiez  gagner; 
vos  voluptez  de  Paris  vous  ont  donné  des  m^adîesj 
voRre  ami  vous  a  faiA  Fouiitier;  l'honneur  battre 
&  mefprifer.  Les  deux  derniers  poinfts  font  de  plus 
haute  confequence,  aullî  en  eft  la  tromperie  plus 
dangereufe  :  car  ceux  qui  font  pareRre  defirer  le 
bien  public  le  deGrent,  mais  pour  ioi.  Et  à  ce  pro- 
pos, il  fut  fait  à  Lodun  quelques  couplets  fur  les 
zélateurs  du  bien  public;  quelqu'un  y  donna  cette 
conclufion  : 

E*  fin  tkituit  iatftt 
Im  gutrrUf  Cr  prMtjU 


NTURES   DU    BAKON    DU  ;£\ESTS. 


Ni  vouloir  qui  U  bien  : 
Chiicun  au  tUa  a/pirt. 
Chacun  et  tua  âefirt^ 
El  te  dtfire  fi£tt. 


S'il  y  a  du  Pareftrt  fins  Efire  de  ce  «jfté-Ià,  il 
n'y  en  a  pas  moins  de  l'autre;  mais  l'abus  du 
Parejlre  en  la  Religion,  qui  eft  le  dernier  poinô, 
eft  le  plus  pernicieujt,  pource  que  le  lerme  d'hypo- 
crifie,  qui  fe  peut  appliquer  m  jeu,  à  ramitié,  à  la 
guerre  &  au  fervîce  des  Grands,  eft  plus  proprement 
voiié  ;iu  fdc  de  la  Religion.  La  condition  de  nos 
dilcours  &  l'heure  qu'il  eft  n'en  permettent  pas 
davantage,  &  nous  convient  aller  dormir,  Prenes 
ces  cliandeliers,  vous  autres  :  iUouï,  Idonfietir.  — ■ 
F.  Bous  me   faiftcs  grand   defpit  :  que  ne  ditca  . 


LIVRE    II,    CHAPIT&B    XIX. 


479 


poenc  de  perpunt;  vaille  lou  mante.  G)mment, 
Monfur,  bous  ne  me  difiez  pas  qui  bous  efies.  Tout 
lou  monde  bous  connoift  :  bous  avez  de  fi  vonnes 
places,  tant  faic  de  ferbices;  on  bous  a  ofté  bos  bieilles 
&  noubelles  penfions,  bos  gamifons  n'ont  efté  paiees 
il  y  a  dux  ans,  on  bous  pille,  bous  qui  fauriez  vien 
piller  les  autres,  &  bous  ne  boulez  pas  que  nous 
parlions  de  TEftat.  Y'ai  appris  quauque  caufe  de 
voftre  fecretari.  —  £.  Je  n'ai  point  de  Secrétaire  ; 
celui  qui  efcrit  fous  moi  en  pourrait  trop  dire,  &  je 
ne  me  veux  pas  venger  par  paroles  de  ceux  qui  me 
font  tort,  fçachant  bien  endurer  perte  de  vie  &  de 
biens  de  mon  Roi.  Mais  de  ceux  qui  abufent  de  fon 
nom,  après  avoir  bien  enduré,  je  me  pourrai  plain- 
dre avec  efficace.  —  F.  Je  bous  bus  monftrer  demen 
matin  que  ye  fai  le  fecret  de  l'efcboifle,  &  bous 
dirai  dts  noubelles  que  bous  ne  fauriez  bous  empef- 
cher  de  repartir.  —  £.  Bon  foir,  Monfieur,  vous 
vous  morfondez,  —  F.  A  Dieu  fias, 

FIN    DU    SECOND    LIVRE. 


LIVIDE    TI{qiSIESmE. 


t  de  Fanefle  à  Paris. 


NAY.  Que  cherches-iu  mon 
fils?  —  Ch.  Quelques  efpoul- 
fettes,  un  miroir,  une  chauffe- 
recce,  un  manche  de  cuillère, 
du  bran  de  froment.  —  E.  Mou 
ami,  tu  trouveras  tout  céans  ; 
mais  à  quoi  bon  cela?  —  Ch. 
C'ell  à  irouflêr  la  mouftache,  à  netcoier  le  cuir  ; 
noftre  homme  ell  propre  comme  un  chandelier  de 
bois  aux  chofes  qui  parefTenc;  pour  le  refle...  je 
lui  ai  veu  mettre  tout  fon  argent  en  une  fraîfe  Jt 
grand  danielle  blanchie  en  Flandre,  que  fa  chemife 
eflant  pourrie  fur  lui,  il  n'en  avoit  plus  du  tout. 
Quelquesfois,  enpaflan(pa'is,ilempoigne  la  chemife 


f  cttoïc  de  la  ficiuc  d'cniaiu, 
[>')ur  rcincvlc   à  la  matrice,  i 
oc   iiilt    [loir    blaïKJiir    les   < 
Baron  Tem porte  dans  le  deg 
fon  aile,  &  clic  lui  ferma  la 
la  batcift.  —  £.  Vraiment,  n 
honnefte  maidre.  —  Ch.  IL  . 
Targenc  ne  manquoic  point; 
faute  d'or,  nous  ne  pouvons 
E.   Si,  a    il  aflez  bon    cqui{ 
pied  bien  couverts.  —  Ch.  Q 
Paris,  chacun  pour  foi  &  D 
nous  promenons  aux  foirs  ave 
la  M atte  ;  tout  le  jour  nous  j 
devant    le  Louvre ,    avec  les 
&  tous  les  avantages  de  cartes 
vanté  à  vous,   &  à  quoi   il   i 
&   puis   nous   lui   donnons  fo; 
Quand  nous  fommcs  par  pais 
nous  plumons  la  poule  fans  cri 
village,  c'eft  à  dire  que  nous  fai: 
fourriers.  Nous  nous  mettons  d 
tous  en   un,    pour  avoir  argei 
avons  toufjours  auelnnoe  ^«-J- 


LIVRE    III,    CHAPITaE    I. 


483 


à  rhoftellerie,  ce  qui  n'arrive  gueres  fouvenc,  nous 
emportons  tousjours  quelque  ferviette,  &  s'ils  n'y 
prennent  bien  garde,  le  linceul  ;  mais  le  plus  fouvenc 
nous  logeons  par  honnefteté  en  quelque  meftairic, 
&  puis  aux  noblefles  par  fois,  &  fi  nous  avons 
affaire  à  gens  qui  n'ayent  pas  le  courage  de  foiiillcr 
l'équipage,  nous  faifons  fauter  ce  que  nous  pouvons  : 
mais  en  un  lieu  comme  céans,  nous  n'avons  garde 
de  jolier  à  ce  jeu  là,  car  ctH  moi  qui  leur  ai  appris 
qui  vous  eftiez.  —  E.  Vraiment,  mon  ami,  je  te 
remercie,  &  comment  me  connoiflbis-tu  ^  —  Ch. 
J'ai  porté  la  pique  à  quatre  cornes  dans  la  compa- 
gnie du  Capitaine  Bourdeaux,  votre  Sergent  major. 
Je  me  fouviens  bien  quand  vous  pendiftes  de  vos 
mains  Patavafl  &  fes  quatre  compagnons  auprès  de 
Barbezieux,  parce  qu'ils  vouloient  que  Thoftefle  leur 
greffait  Tengein  de  beurre  :  mais  vous  leur  fiftcs  coup- 
per  la  corde  pourtant  par  le  capitaine  Fonfalmois, 
que  nous  cachafmes  plus  de  dix  jours  dans  le  bagage 
&  au  logis,  pource  que  vous  faifiez  femblanc  de  le 
vouloir  tuer. 


W 


m^^^^^^sm 


Chacitre   II. 


l'ie  de  la  Dame  de  ta  Cofle  if  dei  Bohemient, 


Vraimetii,  mon  camarade, 

me  donnes  des  enfeignes  de 

connoiffânce,  Tojche  moi   à   la 


LIVRE    III,    CHAPITRE    II.  485 

■  -         ■  ■  W      •  I  II        ■ 

de  cela,  il  faloit  loger  avec  excufes  &  grands  re- 
grecs de  rincommodicé  de  Madame  &  de  fon  hofte. 
Le  lendemain  au  partir,  on  commandoi^  à  la  Damoi- 
felle  de  donner  quelque  efcu  :  elle  en  monflroic  un, 
en  difant  tout  haut  que  le  bon  homme  nVftoic  point 
fi  mal  appris.  Or,  U  advint  qu'à  jour  couchant, 
ayant  fait  joiier  le  trebuchet  entre  les  deux  meftairies 
de  Maifigni,  oCi  il  ne  paroiffoit  perfonne  dehors  à 
caufe  de  la  pluie,  nous  les  .crouvaûnes  toutes  deux 
plaines  de  la  compagnie  de  Charle  Anthoine, 
&  c^eftoit  lors  qu'il  venoit  de  faire  un  bon  tour  de 
fon  medier  à  S.  Cire  :  car,  aiant  fait  furprendre  un 
des  compagnons  en  larcin,  il  le  falut  aller  pendre  à 
un  demi  quart  de  lieuë  du  bourg,  où  tout  le  peuple 
courut  pour  voir  le  pafTe  temps.  Eftant  bien  confefle 
&  admoneflé,  aiant  baifé  fa  femme  &  fes  enfans,  il 
s'avifa  d'en  appeller  à  la  petite  Egypte,  à  quoi  il 
falut  déférer,  &  cependant  le  petit  mefnage  avoit 
fait  un  grand  mefnage  dans  la  bourgade,  &  fur  tous 
vifité  le  Curé  admonefteur  du  patient.  —  £.  Je 
connois  bien  les  compagnons  :  ils  firent  des  leurs 
à  Maillezais,  le  jour  S.  Rigoumé.  Le  Capitaine 
couppa  la  bourfe  du  Prieur  en  fe  confeiTant  à  lui, 
pour  commencer  le  bonne  journée.  Ils  defiroberent 
quarante  cavales  aux  pèlerins,  leur  remonftrant  fur 
le  foir  qu^un  tel  voiage  fe  devoit  faire  à  pied,  eftant 
le  bon  Saind  neveu  de  Sain£te  Catherine  à  la  mode 
de  Bretagne,  &  me(me  leur  remonftrant  l'accident 
arrivé  au  médecin  Baumier,  à  une  proceflion  de  S. 
Mexant,  pour  y  avoir  cheminé  fur  ion  mulet. 


Du  Théologal  de  AS(ùlh\4ii. 


NAY,  Un  Théologal  qui  eftoit  là, 
aiaai  furieufement  prefch^  contre 
les  difeurs  de  bonne  avanture, 
fut  tellement  mefnagé  par  une 
vieille  Boefmienne,  qui  lut  fil 
croire  qu'il  eftoit  enforcelé,  qu'il 
s'alU  cacher  arec  elle  en  fon 
logiN.  Elle  fit  apporter  de  l'eau  claire,  &  prefenta 
une  bague  au  DoÂeur,  qui  l'ay^ant  mife  de  fa  iluin 
dans  le  verre,  &  l'eau  eilant  troublée,  Se  depuis  p«r 
l'épreuve  d'une  poule  &  d'un  mouton,  qui  mouroient 
fur  l'eilotnach  du  patient,  &  qu'il  faloli  jetter  par 
dclTus  les  murailles,  où  le  petit  mefnage  acteodoit; 
il  faluc  venir  à  une  ofi'erce  de  treize  doubles  ducats, 
doRtlavieilleen  donnoit  un,  qu'il  porta  vingt  quktre 
heures  coufus  au  coing  de  fa  chemîfe.  Durant  cet 
affaires  on  lut  crocheta  le  buffet,  &  quatre  ceat 
livres  dedans.  La  vieille  pour  fe  fauver  deguilèe, 
prit  le  bail  du  mulet  du  moine,  mit  la  croupière  dans 
fon  cou,  le  baft  fur  fon  ventre,  &  couvrant  le  tout 
d'une  gracde  mantcline,  pafla  pour  femme  preRe  k 


LIVRE    III,     CHAPITRE    III.  487 

i 

accoucher.  Le  lendemain  le  Dodeur  fe  trouvant 
trompé  monte  à  cheval,  ce  quUl  n'avoit  fait  il  y 
avoit  longtemps,  court  après  les  Sarrazins,  les  me- 
nace. Anthoine  Charles  lui  difoit  :  t  Hé!  que  cous 
eftes  bien  hurux,  mon  bon  Signur,  d^eftre  fi  bien 
guéri!  Voiej,  Meffiurs^  comme  il  fe  tremouffe^  Hé) 
la  belle  cure  que  voila!  i  La  bonne  femme  avoit 
eiludié  fix  ans  à  Montpellier,  fi  bien  que  le  monfîeur 
ne  fut  rembourcé  d'autre  monnoye.  Mais  je  vous 
amule  &  voftre  train  n'eil  pas  logé,  car  vous  elles 
demeuré  entre  les  deux  meftairies.  Que  fi(les-vous> 
paflaftes-vous outre?  —  Ch.  Meffire  Julien,  Curé  de 
Boulié,  nous  bailla  coura^,  fi  bien  que  n'ayans  peu 
obtenir  qu'ils  nous  quittaient  une  des  meftairies, 
nous  nous  meflafmes  dans  toutes  les  deux  :  le  Capi- 
pitaine  aiant  faid  deffenfe  que  nul  du  mefhage  ne 
touchaft  aux  hardes  de  la  bonne  Dame,  femme  du 
noble  Chevalier,  duquel  il  monftra  des  paffe  ports 
en  fon  livre.  Au  matin  nous  partifmes-les  premiers, 
i\  bien  que  nous  fufmes  à  S.  Rémi  deux  heures  après 
foleil  levé.  Le  cimetière  du  lieu  fut  trouvé  propre 
pour  faire  reveuë,  &  la  marmaille  le  demanda, 
pource  que  Mademoifelle  de  la  Vefliere,  la  mefme 
qui  avoit  faid  femblant  de  payer  à  Mailigni,  avoit 
au  dernier  butin  caché  une  cuillère  qu'elle  penfoit 
d'argent,  mais  elle  fut  trouvée  dans  la  recraide  de 
fon  bufc.  Là,  fur  une  belle  touffe  de  fauge,  Meflire 
Julien  eftendit  fa  robe.  Là  deiïiis,  chacun  ayant 
defployé  fon  induftrie,  nous  trouvafmes  avoir  gagné 
quatre  chandelles  de  roux,  un  cizeau,  un  roifignol  à 
crocheter,  un  grignon,  un  fromage,  le  relie  d'un 
autre,  un  canapfa,  un  petit  pot  caffé  demi  plein  de 
beurre  fort,  une  bague  d'argent  de  Limoge  avec  une 
crapodine,  une  livre  &  demie  de  lard  fort  rance,  un 


I     '7lf 


■"."S"  en  quelque 
"»»,  .  emie  „»!, 
P'«"  *  dû  f„J,,  „„ 
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nrer  une  p.ilje  j, 

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,    '  f  "fwi  vendre  ■  » 


LIVRE    III,    CHAPITRE    III. 


489 


rons,  entreprit  de  lui  defrober  fa  chemife  veftuë, 
&  en  vint  à  bout.  —  E.  Mais  que  j'aye  un  peu 
achevé  de  rire,  je  vous  monftrerai  que  le  lieu  de 
voftre  reveuë  nous  fera  encores  un  prefent. 


duC 


il  NAr. 
I  avoit 
j  proce 
fcils 
Nyor 
<ic    q 
_  ^  debtes 

»=urtr  en  G.fti™,  ,„i,, 
.lAïoc«,  Kut  pleurem, 
cluppea»  par  »rre,  il  ,', 
P""  faire  cms  ln,ajB„, 
fo»  modlje,  ,„e  paffé 
.e»,oeîiyKv4„,ïïir, 
1"«v,,„i.o„7f„        ' 

'7„*  f' fm»e  nnttm, 


LIVRE   111,   cHAPiraK  IV.  491 

crcignans   &   tenuz    d'où    fumi.   Agaré  m'nami,  y 
penfez  gardé  iquieu,  &  que  pre  le  moeas  d'iquelle 
pece,  y  n'arez  pu  foce  de  pouen  ;  mes  quand  ma 
moenagere  a  elle  oguë  morte  de  maleze,  ma  fé,  y 
ouez  tout  vendu,  &  lez  befochous  en  pape  font  iqui 
à  rEilrilIe  qui  m'actendanc  pr'ou  achevi.  t  Chefne- 
verd  prend  Matelin  par  le  bras,  liû  difanc  :  c  He  ! 
eu  m'as  vendu  le  refte  de  ton  bien,  que  je  t'ai  fi 
bien  payé  ;  pourquoi  t'es-tu  addreffé  à  d'autres  ?  • 
Macelin  refpond  :  c   Ma  fé,   mon  moeftre,  ve  me 
diciré  jeudi,  quan  y  vou  demaondi  quatre  fran  à 
emprunti,  que  ve  n'aviez  pas  in  dené.  t  UAvocat, 
après  quelques  cxcufes,  s'enquiert  fi  le  marché  eiloit 
fait  de  tout  poind,  trouve  que  non^  s'enquiert  du 
prix  &  des  différents,   mefhage    fi  bien   fon  client 
qu'ils  concluent  à  quatre  cents  livres  contant,  &  cent 
que  fur  fa  foi  il  lui  devoit  envoier  à  Breffuire  ; 
mais  de  peur  que  Matelin  ne  fuft  battu  par  ceux  qui 
Tattendoicnt,   il    falut    faire     diligemment,    payer 
&  chafler  le  compagnon,  qui  monftroit  avoir  grand 
peur.  Encores  voulut  il  toucher  à  la  main,  en  jurant 
à  fon  patron  que  jamais  il  n'avoit  fait  un  tel  mar- 
ché, &  qu'il  fe  fouviendroit  de  lui.  Le  lendemain 
l'Avocat  &  fa  femme,  fans  perdre  temps,  vont  à 
S.  Rémi,  defcendent  devant  rEglife,&puisfe  tenans 
par  deffbus  les  bras,  vont  à  la  porte  du  cimetière, 
où  eftoit  la  foule  des  habitans  ;  là  ils  fe  vont  enquérir 
de  leur  acqueft,  lifent  dans  le  contrat  les  tenans 
&  aboutiffans  de  leur  ouche,  mettent  en  grand  peine 
la  compagnie  pour  deviner  cet  héritage.  Après  demie 
heure  de  difpute,  un  vieillard  le  pouce  fur  la  cein- 
ture ,  va  s'écrier  :  •  Y  faiz  ben  oure  o  Téc  avourc, 
Monfieur  le  Bailli.  Pré  la  vretudé,  Matelin  a  efté  le 
moeftre  yquiai  quot  ;  o  Té  be   vraiz  qugl  a  part  en 


493 


;  BAKOK   DE  F<BKB8TB. 


la  pcce,  mai  o  n'é  grin  loii  fon.  —  Comment, 
l'Avocat,  feroit-il  bien  faux  vendeur  J  —  Ma  fé,  dti 
!e  bonhomme,  o  \'i  le  cemeiere  qagl  bous  a  vendu,  • 
Ce  qui  fut  trouvé  fort  vrai,  &  vrai  le  proverbe  tjui 
dit  que  le  Diable  fait  des  nopces  quand  on  trompe 
un  Avocat,  —  Ch.  Et  où  peut  aller  vivre  ce  pauvre 
Diable  ?  —  £.  Il  s'en  aUa  jardinier  à  URoche-Boî- 
ceau,  où  les  Sergens  ne  font  point  d'ordure,  —  i 
Ch.  Comment? 


1  ordure.  — -^^^h 


Ckapit&b   V. 
De  la  Roeke~Boifftau  &  des  Sergtnu. 


KAT.  lÀ.  dedans  y  a  bien  pis 
qu'aux  noces  de  Bâché:  je  vous  en 
pourrois  faire  force  contes,  com- 
me quand  il  frat[a  un  Sergent  de 
glu,  le  mit  dans  de  la  plume, 
&  puis  les  bras  eftendus  liez  à  un 
bafton,  avec  une  mitre  &ua  efcri- 
leau  portant  l'Antechriflj  au  poinftdu  jour  le  fit  lier 
fur  fon  cheval,  &  en  cet  équipage  l'arouta  dans  le 
grand  chemin.  Il  fit  fi  grand  peur  à  ceux  qui  le  ren- 
controient,  qu'il  fut  fans  fecours  jufqu'à  la  nuiâ, 
que  fon  cheval  s'eftant  mis  dans  la  haie  de  Maule- 
vrier,  palTa  par  les  boucheries,  &  le  lailTa  pendu  au 
crochet  des  veaux.  Je  vous  diroîs  bien  encore  de 
tels  tours,  comme  d'un  autre  Sergent  qu'il  apprivoifa 
par  bonne  chère,  &  puis  ils  jouèrent  au  foir  à  une 
perdrix,  deux  perdrix  &  la  caille  :  un  Gentilhomme, 
ayant  fait  le  mutin,  fut  lié  avec  une  fervieite,  la 
jambe  à  la  quenoiiille  du  \i&,  &  fut  diA  que  tous 
les  autres  jouëroyeni  ainfi,  comme  fit  la  Roche-Boi- 
ceau  lui  mefme,mai!i  le  Sergeniy  ellanteui  le  talon 


494      ATAKTVRES  DU  BAJtOV  t>B   VMKtST». 

dilloqijc  d'avec  le  refte  du  pied,  doiii  il  fut  boîceux 
loiice  Ci  vie,  &  pour  ceU  appelle  lu  pays  le  Sergent 
U  Caille.  .le  ne  vous  dirai  point  les  tonniverts 
exploits  &  les  cedules'fe  perdoicnc,  je  me  contenierai 
d'une  rude  malice,  &qui  a  pouruiu  quelque  propor- 
tion. Un  Sergent  de  Douai  voulant  prendre  un 
adjournemem  à  lui  poner,  fes  parcns  &  voillns  lui 
racontèrent  comment  depuis  peu  de  jours  il  avoit 
fait  faire  tout  !e  poil  d'un  Sergent  avec  des  fufees  ; 
mais  ccttui  ci  fé  moqua  d'eux,  difani  :  •  Par  la  mon. 
s'il  me  graiigne  je  te  mordrai.  .  Roche-Boice; 
feu  ct^s  propos,  Voit  de  là  à  deux  jours  arriver  Ton 
homme,  ie reçoit  avec  toute honneftcié,  le  faitdifner, 
bien  bnirc  &  clianter  le  bcan  pioceatl.  Le  upu  mis, 
il  fe  fait  donner  des  cizcaux,  comraoïce  k  a'en  faire 
les  ongles,  mais  ne  s'y-  prenint  pat  bien,  il  prie  le 
Sergent  d'achever  la  bcfuncnc.  &  le  mu  à.  au  ' 


I 


^>}m^€w^*^m 


Chapitri  VI. 


Miracle  du  loup,  &  de  l'u'urt,  du 
plfiolei  avaUé. 


HERBONNiBEE.  Ventre  de  loup! 
je  trouve  qu'il  y  avoic  de  la  rai- 
fon  par  tout  ;  mon  maiftre  ne  fut 
pas  fi  heureux  i  Paris,  que  deux 
Sergens  emmenereni ,  lui  don- 
nant du  pommeau  de  la  dague 
dans  le  croupion  pour  !e  faire 
aller.  11  fait  tousjours  le  brave  au  commencement, 
&  puis  Te  couëSe  de  fa  cKemife.  L'autre  jour  à 
Villebots,  il  fut  battu  par  un  foldat  pour  ce  qu'il 
l'appelloit  compagnon  trop  defdaigneufemcnt.  Quand 
il  trouve  des  gens  qui  l'efcoutent  à  gueule  bee,  vous 
ne  fçauriez  croire  ce  qu'il  dit.  Il  contoit  ces  jours 
devant  des  Dames  comment  il  avoit  efté  prifonnicr 
des  Turcs,  cent  Iteuës  par  delà  Alep,  qu'ils  l'avoyent 
pour  prifon  enfoncé  daiis  une  pippe,  &  \ù^é  en  cet 
eflat,  fur  le  bord  d'un  grand  rocher,  &  que  là  il 
vint  un  loup  qui  fe  mit  à  piller  à  l'endroit  de  la 
bonde,  par  laquelle  avec  ce  grand  ongle  qu'il  porte, 
(&  dites  que  les  ongles  ne  fervent  de  rien)  il  avoit 


4.9a      ATANTUaiS    OD  SAILOK  DC  VMHVST», 


lire  le  poil  de  la  queue  &  fait  un  nœud  de  Ta  gri 
mouftjche  gauche,  &  voyez  à  quoi  fervent  les  grandi 
oii};les  &  les  mouftaches  qu'on  porte  aujourd'hui: 
le  loup  fe  femant  pris,  pour  fe  vouloir  fauver, 
entraîne  la  pippe  du  haut  eti  bas  du  rocher  ;  la  pippc 
femiten  canelle,  &  lui  eut  la  vie  fauve,  pource 
qu'il  tomba  fur  le  loup,  &  le  lua.  Il  maintenoic  que 
les  huitres,  derquelks  on  rejetcoic  la  coquille  en  la 
mer,  fe  refaifoient  comme  auparavant,  pour  preuvr 
dequoi  il  diloit  qu'en  Alexandrie,  ayant  mis  Ion 
chiffre,  qui  eft  un  double  Fi,  fur  une  coquille,  il 
la  trouve  en  Broijage  irais  ans  après.  Il  difoii 
ijii'ellant  lombi!  à  un  certain  combat  dans  t'cftang  de 
Cungn^c,  un  brocher  avoit  avalé  fon  piilolcc  tout 
bandé,  &  depuis  le  brochet  pris  à  Cherac  fur  Chi- 
rentc  avec  le  pillolei  dans  le  ventre,  il  gagea  cent 
pillulcs  qu'il  tireroit.  &  av  manaua  uas.  11  accï 


;t2^™ 


Chapitrs  vil 
La  proceffion  i»  Bauaùr. 


NAT.  Je  voue  «nccnd,  €*«&  le 
jnedttin  Baumier  de  Nyort;  il 
eftoii  fi  zélé  qu'un  autre  bi|(X  Je 
priant  d'afÏÏfter  fa  mère  fon  4>u- 
gucQocte  &  malade  4  la  mort,  lui 
difani  que  c'eftoU  chofe  horrible 
de  refiifêr  fecours  au  ventre  qui 
l'avoli  porté,  Baumier  refpoudit  qu'il  l'iroit  voir 
comme  fa  mcre,  mais  qu'il  offiEuferoic  fa  coidcience 
de  guérir  un  Hérétique.  Un  jour  il  eftoit  &  S.- 
Mexant,  &  comme  il  vouloii  paroillre  reft&ur«eur 
de  l'aniiquicé,  il  lui  fouvînt  qu'oc  avoii  Autrefois 
fait  une  procellîon  folennelle  &  iroii  lieues  de  la 
ville,  jt  un  S.  Silvin  des  bois,  où  les  mazures  ne 
paroifToient  plus.  Il  avilâ  arec  le  Cur^  que  le  vent 
après  avoir  efté  longtemps  au  Mord,  toumoit 
au  Su,  &  faifoit  un  chaud  picquant  Se.  eftoit, 
marque  de  pluye  au  lendemain,  &  pourtant  eftoit 
bien  à  propos  de  faire  une  brave  proceflkm  à  la 
barbe  des  Hérétiques  pour  demander  de  l'eau  : 
c'eiloit  en  Juillet,  &  la  chaleur  fin  fi  grande  qu'H 
n.  3a 


4pit    AVAIk'TVKBS   DV   BAROH  OB  FfKBST  Et 

en  efvanouïr,  &  d'autres  curent  le  mal  de  couRiï, 

mais  povres  gens  &  qui  ne  pouvoient  faire  gagner 
le  Médecin,  pource  que  les  plus  ipparens  s'cftoicnt 
retirez  :  d'ailleurs  la  populace  commençi  à  gronder 
lie  ce  que  Baumier  elloit  monté  fur  fa  mule  fans 
haut  de  chauffes,  couvert  d'une  grande  fotane  de 
demie  oftade  ou  ferge  d'Arras.  Les  paifans  donc 
devifoient  ainfi  :  •  M'arme  o  l'é  qu'o  n'i  a  pu  de 
dévotion  depeu  qu'on  vec  à  chevo.  —  O  lei  inc 
mule,  dit  l'autre.  Vant-eilz  pas  ben  beftez  o  Zardi- 
lere,  &  lez  Curez  lez  beaz  prcmex  ?  •  —  Va  tiers 
adjoufte  :  t  O  l'é  preian  in  houme  mou  fantaxiou  ;  gle 
baiUit  à  fa  famme  in  cocillon  pre  qu'il  ne  couchift 
poent  olé,  &  in  otre  ine  robe  pre  qu'a  ne  couchifl 
pas  foule,  O  gliac  in  an  à  quietie  Chandelour,  qu^ 
m'avet  pm  pre  le  mené   à  Partenai;  i  pranguî  le 


LIVRE    III,    CHAPITRE    VU.  499 

mufique  ne  fut  pas  longue,  pource  que  la  mule,  née 
8l  native  de  Chorals,  nota^  où  ils  font  tous  Héré- 
tiques, &  elle  n'aimant  pas  le  fon  des  cloches,  fe 
mit  par  haut,  à  temps  &  contre  temps.  On  crioit  au 
Médecin  de  tous  codez  qu'il  jettaft  les  efchiles; 
c  Mater  Dei!  je  n'en* ferai  rien,  difoit  il,  car  elles  font 
baptifees.  t  Tout  le  monde  court  pour  empoigner 
la  bride,  &  le  bruit  échauffa  fi  bien  la  mule,  qu^elle 
pafla  fur  le  ventre  à  la  proceffion,  &  comme  îi  elle 
euft  eu  un  taon  au  cul,  s'enfuie  dans  les  bois.  Le 
cavaleris  voulut  empoigner  une  des  renés  ;  le  mal- 
heur fut  qu'il  donna  d'une  des  efchiles  fur  l'œil  de 
la  befte,  &  en  gardant  la  ciitole  &  diaftole,  il  fe 
donna  de  l'autre  par  le  front.  De  ce/oup  la  mule  fit 
deux  cents  pas  tousjours  le  cul  en  haut,  &  au  bout 
de  cela  le  Médecin  mit  le  nez  à  terre,  le  pied  pa(fé 
dans  un  eftrier,  &  fi  fit  encores  quelque  chemin 
trainé  à  Tefcorche-cul,  la  fotane  &  la  chemife  autour 
de  fa  telle.  Je  ne  fai  s'il  appella  Saind  Silvin  à  fon 
aide,  mais  bien  lui  prit  que  l'eftriviere  efloit  petacee 
d'efguillettes,  dont  Pedrier  lui  demeura  dans  le  pied. 
Le  Curé  &  les  plus  charitables  de  la  proceffion  le 
mirent  à  les  chercher  jufqu'à  deux  heures  de  nuid, 
&  enfin  la  lune  eflant  levée,  lui  virent  le  cul  le  pre- 
mier, &  le  trouvèrent  auprès  de  Pillas,  la  telle  en 
bas  en  un  fofTé,  en  profonde  méditation,  &  oncques 
plus  ne  fit  fon  prou.  Quant  à  la  mule  (comme  les 
lieux  font  fataux),  elle  s'alla  rendre  à  la  croix 
ofaniere  du  cimetière  S.  Mexant,  au  mefme  lieu  où 
fut  amafTé  frère  Jean  Tappe-couë,  un  grand  Jubilé 
auparavant,  comme  efcrit  Maiflre  François,  aucheur 
excellent. 


ism^sm^m^^ 


CHA.-ITRI.       Vlll. 


Le  qiiadran  des  Oitfekti  ;  4u  cours  eu  Soleil. 


[  HFRGnvNiERn.  Monlicur,  je 
vous  UifTc  ici,  voici  venir  noflre 
homme,  qui  ne  R'eft  point  peigné. 


EïVai    riJ,    CHAPIT&l    Yin. 


501 


foubienc  que  Monfur  lou  Manefchal  en  rioic  fort, 
&  n'y  aboit  que  lui  qui  n'en  fuft  vien  eûnerbeillé. 
—  E.  Et  vous,  qu'en  penfez-vous  ?  —  F.  Ne  bous 
ai-ye  pas  die  que  ye  ne  fuis  poenc  de  ces  cherchurs 
d'Antipodes  ?  aufli  ne  croi  ye  pas  qu'il  en  foit.  — 
£.  Vous  voila  compagnon  de  S.  Auguftin.  —  F.  Et 
n'en  croioit-il  point?  —  £.  Non,  &  dedaroit  Héré- 
tiques  ceux   qui  en  croioient  :  mais   n'avez-vous 
jamais  veu  coucher  le  foleil,  &  quel  chemin  il  pou- 
voit  prendre  pour  venir  à  fbn  lever?  —  F.  Oi  da, 
y'ai  pafTé  vingt  mille  nuiâls  à  chebal,  mais  comment 
pafleroit-il  fous  la  terre?  —  -E.  Il  faut  qu'il  repafle 
de  l'autre  codé  pour  recommencer  les  vingt  mille 
journées  que  vous  avez  attendues  à  lever,  &  cela 
font  prés  de  foixante  ans.  —  F.  Et  il  rebienc  par  le 
mefme    chemin  qu'il  eftoit   allé.  —  E,   Et  ne  le 
verroit-on  pas  retourner  ?  —  F.  Non,  braiitfent,  car 
il  s'en  rebient  de  nuid.  —  E.  Vous  l'avez  tAs  en 
grand  peine  de  fe  cacher  vingt  mille  nuiéts:  &  pour- 
tant, vous  qui  ne  voulez  point  ufer  du  quadran, 
vous  avez  une  monifare  à  la  ceinture.  —  F.  Pour 
n'en  mentir  poent,  ce  n'eft  qu'une  vouëtte,  qui  me 
fert  de  drageoir,  &  cela  pareil  autant  que  fi  toute 
la  monftre  y  eftet.  —  £.  Je  voi  bien,  pour  vrai,  c'eft 
une  monftre. 


Chapitre  IX. 
Songe  du  Connefiable .  Aàioufiat  d'Efiratit. 


i  «KESTE.  11  faut  que  ye  bout  J 
conte  un  fonge  <jue  j'ai  fait  ceiW  J 
nuift,  Sl  fur  le  matin  i  l'hui 


LIVRE    III.    CHAPITRE    IX. 


Mappemonde,  cerchez  une  Mappemonde.  —  E.JXy 
en  a  une  des  nouvelles  en  la  galerie.  —  F.  Cap  de 
you  !  cerchez  dedans,  bous  ne  crouberez  place  en  la 
terre  où  lebilen  fe  puiffe  cacher;  à  moi  defrover,  à 
moi  :  t  O  vien,  patience.  •  —  £.  Je  fuis  bien  aife  de 
vous  voir  refous  ainfi,  &  voila  voftre  fonce  arrivé, 
car  celui  qui  porte  Tefpee  du  Roi  e(t  fon  Connéta- 
ble, &  c'eft  Eftrade  qui  s'eft  fait  Conneftable  du  Roi 
François  maugré  lui.  — F,  Il  y  a  parmi  celaquauque 
bintaines  de  piftoles,  de  quoi  ye  ne  fuis  pas  trop 
marri,  parce  que  cela  fera  pareftre  à  ceux  qu'il  ferbira, 
qu'il  ne  fort  pas  du  ferbice  d'un  quauquin.  J'abois 
abant  lui  un  autre  pendart  qui  s'appelloitBarbacane. 
Ce  maraut,  ye  lui  faifois  pourter  après  moi  trois 
vagues  de  ces  ruvis  valets  que  y'abois  eu  d'un  du 
Mont,  pour  faire  prefent  à  ma  maiftrefle:  comme 
j'eflois  aflis  au  bet  prés  d'elle,  ye  tendois  le  doigt 
par  derrière  pour  qu'il  mift  dedans  les  aneaux, 
&  cela  parefToit  dabantage  que  fi  ye  les  euife  pourtez 
moi  mefme  :  ye  troubai  que  mon  bilen  aboit  efcar- 
pinai.  Ye  courus  yufques  à  la  rue  fulement^  mais 
quant  &  quant  me  boila  refoulut.  —  £.  Ha  que 
j'aime  ces  refoludons,  elles  fentent  bien  le  cavalier. 


W 


ChapitkK  X. 
Dtt  refoluiioiu. 


ftrtSTï.  Dés  mon  enfance  j'^ 
elle  tuusjours  rcloluc,  &  pour 
cela  fouetté  en  diavle.  Monfur, 
1  commençant  lou  defyuna 


LIVRE    III,     CHAPITRE    X.  fO^ 

n  Hola  Ôiouletj  biras  bous  <faquiou.  i  Ce  fat  tour- 
nant la  telle,  me  refpond,  «  Je  n'en  ferai  rien.  •  Et 
moi  refoulut  quant  &  quant,  ye  redouvle  :  f  Demeuras 
y  donc.  >  £t  par  ce  mouyen  il  ne  fit  rien  fans  mon 
commandement.  —  E,  Que  c'eft  de  fçavoir  prendre 
fon  avantage.  —  F,  Au  fauxbourg  S.  Germen,  en 
la  rue  du  Cœur-Bolant,  comme  y^alois  un  foir  hoir 
ma  maiilreflfe,  ye  fis  rencontre  d'un  taquain  qui 
benoit  la  tefie  veflèe  :  fans  refpeâ  il  jette  la  maie 
men  à  mon  mantou,  &  de  Pautre  me  porte  une  efpee 
courte  à  la  gourge,  fi  vien  que  n^eilant  pas  fur  mes 
armes,  il  falut  lui  avandonner  lou  mantou,  encores 
fut  il  fi  impudent  de  s'arrefter  à  dix  pas  de  moi 
pour  me  regarder.  Lors  fans  m'eftonner  yelui  criai: 
«  Cabalier^  il  y  ba  de  bofte  haunur^  car  bous  ferej 
mon  pour  te  manteau,  i  Et  ainfi  foulage  des  efpaules^ 
ye  ne  laiffe  point  d'aller  hoir  ma  maifireife  tout  en 
perpunt^  comme  abec  plus  de  pribauté.  —  E.  Ce 
fut  bien  dit  ^  car  au  moins  il  efioit  emporte  man- 
teau. C'eft  entendre  le  numéro  ou  je  ne  m'y  connois 
pas.  Il  faut  pourtant  un  grand  r'envitaillement  de 
patience  ou  de  philofophie  pour  prendre  ces  relo- 
lutions,  mais  que  voulez-vous  }  quand  la  chofe  eft 
faite,  il  fe  faut  refoudre  à  ne  faire  pas  pis  :  &  de 
cette  forte  de  refolutions  s'arma  bien  à  propos  le 
Miniftre  de  Glenai,  —  F.  Attendez,  abant  faire 
bofte  conte,  que  ye  bous  die  comment  y'en  fuis 
fourti  une  fois  mal  fatisfait,  faute  de  m'eftre  refoulut 
comme  autrefois.  —  £.  Et  bien,  j'attendrai  ;  auriez- 
vous  bien  manqué  une  fois  à  prendre  vos  bonnes 
refolutions,  &  qui  ne  font  communes  qu'à  vous  } 


CKArlTKB     XI. 

Queielle  avec  It  Siabania-t,  dit*!  dt  Valteh. 


1£S'bSTB.  Oc  coûtes  mes  que- 
relles, ye  n'ai  regret  qu'à  une, 
fb  ro  nui    mVn    f.O-k^    ^Vll    ,„.. 


LIVRE     III,    CHAPITRE     XI.  507 


lou  galand  me  bienc  dire  :  «  Monfur  l'ignorancas,  ye 
ne  fai  poenc  tant  de  Grec  ni  de  Lacin  que  ye  bou- 
drois,  mais  pour  m' accommoder  à  bous,  ye  bous  dis 
en  Francés  que  bous  eftes  un  fot;  •  &  là  defliis  me 
hauiTe  lou  nas  du  pung.  Là  fut  grand  lou  refpeâ  de 
ma  maidrefle,  qui  fe  mit  encre  dux,  &  le  boyage 
de  la  guerre  a  empefché  que  nous  n'ayons  parlé  à 
mafle,  encore  qu'il  me  faiche  fort  abec  un  Ladnifte. 
—  E,  Vous  voiez,  il  eft  François  quand  il  veut. 
Mais  cela  s'appointera  bien  encores  :  peut  élire, 
puifqu'il  eft  fi  mal  heureiu  de  favoir  du  Grec  &  du 
Latin,  ne  fe  faura  il  pas  battre  en  Francés.  —  F. 
Cap  de  you,  il  me  fafche  fort  d'une  chaufe  qu'on 
m'a  dite  de  lui,  c'eft  qu'il  n'y  a  efcrimur  dans  Paris 
qu'il  n'ait  pourté  par  terre.  —  E,  En  Latin?  —  F, 
Je  ne  fai  pas  ;  mais  Grand  Jean^  TAnglois,  ni  Jean 
Petit  ne  bulent  plus  tirer  abec  lui.  —  E.  Vous  eftes 
deffendeur,  le  choix  des  armes  eft  à  vous.  —  F, 
J 'abois  penfai  de  le  faire  appellerabec  une  arvalefte 
&  chacun  trois  mattras,  ou  vien  à  chebal.  Put- 
eftre  qu'il  chebauche  en  Latin,  mais  diavle,  c'eft  un 
coureur  de  vague.  —  £.  Il  faut  trouver  quelqu' autre 
invention.  Le  Prince  de  Condé  en  trouva  une  pour 
un  fommelier  &  un  v^et  de  garderobe,  deux  bons 
foldats  &  qu'il  ne  vouloit  pas  perdre.  Il  leur  accorda 
le  combat  à  Valeri,  leur  remonftrant  que  comme 
ferviteurs  d'un  Prince  du  fang,  ils  fe  dévoient  battre 
à  cheval,  &  que  gent  de  Roi  appelle  à  Baron,  Il  les 
fit  donc  armer  avec  les  hautes  pièces,  eflire  parrains, 
fe  confeffer,  leur  fit  cirer  les  deux  meilleurs  che- 
vaux, &  quant  ils  furent  fur  le  montouër,  ne  pou- 
vans  regarder  qu'à  la  hauteur  de  leur  vifiere,  les 
palefreniers  les  montèrent  fur  deux  mulets  d'Auver- 
gne bien  empanachez.  Les  mulets  ne  combattirent 


5o8 


.NTITKKS   Dl'   BA&OK  DK  PSMBSTS, 


que  du  derrière,  ft  les  chevaliers  atans  fait  leur 
pouvoir,  furent  appointez.  — F.  Je  croîs  que  boai 
ne  boudricit  pis  faire  comparaîfon  d'ux  à  moi,  nuit 
pourtant  l'imbendoQ  en  efioit  gaillarde. 


C  HAPITRE     XII. 

Du  JUiniflre  de  GUnay. 


»£- — ^c-'*— -^1  «NHSTB.  Mais  benons  à  bofte 
^r^^^V  Miniftre.  —  E.  C'eftoi  celui  de 
*.  Ki^Jw  Glenai,  norainé  la  Fleur,  per- 
ê  ^J^xî*^  fonnage  fort  grave,  qui  ne  faifoîi 
(v  iKjty^^  rien  que  meurement  &  avec  mo- 
%  _L^^--^^$r^  deration.  Ce  bon  homme  donc 
t__^^ — *i--i  Q,  I  yg[iau[  (j'un  Synode  de  Nyort, 
prit  fa  couchée  à  Lageon,  où  il  ne  fut  pas  pluAoIt 
arrivé  qu'il  void  venir  en  mefme  logis  un  Cordelier, 
qui  avoii  le  nez  plus  haut  en  couleur  que  lui.  L'hor- 
reur de  cette  rencontre  lui  fit  gagner  un  jardin  pour 
fe  promener  à  part  ;  mais  il  n'y  fut  pas  pluOoli  que 
le  Cordelier  y  entre,  &  comme  M.  de  la  Fleur,  avec 
une  mine  fort  defdaigneufe,  en  tournant  l'efchine, 
monlïroit  au  Frater  toutes  fortes  de  defiaveurs,  lui 
d'une  voix  bien  modérée,  commença  ainfi:  t  Monfieur, 
je  voi  bien  que  cet  odieux  habit  ir  que  ce  froc  de 
déception  vous  font  à  contre  cœur.  Celui  qui  tes 
porte  en  ejf  las  ;  mais  au  nom  du  Seigneur  &  en  la 
charité  d'un  fidelle  qui  rr'eft  jamais  foupçonneufe,  je 
vous  fupplie  ckreftientument j  ne  n^abandomiei  point 


AVTVRBS   Dt'   BAROK  DB   vaKrST». 


ainji;  pource  que  ce  voile  d'hypocrifie  m'»ft  ennuieux, 
&  ma  délibération  ejl  de  U  changer  hieniefi  en 
l'babii  d'un  homme  de  bien  comme  voue,  (r  ce 
moiennani  la  Graee,  que  iront  tnt  deve\  aider  à 
implorer.  Dejpouillei  voui  donc  de  ee  qui  empefcht 
notre  communication.  Ce  fut  afTez  dit,  car  le  Mi- 
nillre  embraffe  le  Cordelier,  &  avec  routes  fortes  de 
congratulations  lui  promet  de  faciliter  fou  dcllèin, 
&  rhoilelTe  qui  n'avoic  qu'un  lift  ne  fui  plus  en 
peine  de  les  coucher  enfemblc.  Voici  ce  qui  «dvini  : 
c'ellqu'ellant  jour  fur  le  lia,  &Ie  bonliommc,  trou- 
vant fon  camarade  le  premier  debout,  fc  voulut  lever 
auifi:  mais  ne  voiani  rien  à  fes  pieds  que  îe  iVoc 
&  riiabit  gris,  penfà  refver  au  commencement,  &  puis 
fe  mit  3UX  exclamations,  remémorant  que  le  caute- 
leux avoii  appelle  fon  troc  de  déception,  &  avoii  dît 


Chapitre    XIII. 
Hifioirt  de  Paiarot,  &  de  la  Dame  de  NoaiUi. 


^r~'^-  *• '*'^ j1  ^NESTE.  Nous  abtoni  eu  que- 
Ç,  ^7T~^\'^  '■elle  au  Marché  Neuf,  Monroud 
y  fei^l^*^  *  rdoi,  8c,  abions  efté  leparez 
^  Rç|^^^\**  faifans  à  paroles,  fur  un  coup 
C*  I  Jj^  "l"'''  ™*''<'"  couché  le  collet. 
ïi_X^{S^^v?)  Caiteine  Frîfquet  me  dît  à 

— ^ — ^- — '  la  rue  deSenio:  •  Varon,  je  bous 

beux  faire  boir  eofemble  Monroud  &  bous. •  Je  ref- 
pondis  :  •  Je  l'abcecte,  Cabalîer.  >  Incontinent  il  me 
mena  par  la  rue  des  Maraiz,  que  nous  autres  appe- 
lons le  petit  Genève.  Quand  je  bis  qu'il  me  pafToit 
au  Pré  aux  Clercs,  je  demande  :  ■  A  quin  cabaret  me 
mencz-bous  voire  ?  —  A  Penfeigne  de  la  bataille,  dit 
Frifquet.  —  Vous  m'abez,  di  ye,  corabié  à  voire, 
je  ne'beux  pas  qu'on  le  moucque  de  moi,  &  eftre 
ainfi  mené  par  lou  naz  :  je  m'enioume.  —  Et  où  eft 
l'hauneur?  fit  l'autre.  —  Je  donnerai,  di  ye,  cent 
piftoles  à  qui  me  faira  vattre  abec  ce  galand  homme, 
mais  non  pas  à  fauffes  enfeignes.  ■  Et  m'entoume 
relolut;  car  nouiez  que  quand  Frilquct  aboit  dit 
voir  enfemble,  j'abois  entendu  voire  enfemble  :  boila 


AVaNTUREB  ou   B*aON  DE  FfNESTC 


que  c'cft  de  Frandmentaiïa.  —  E.  LailTbns  ces 
refulutions  furieufes.  La  couftume  du  Poitou  ell  que 
les  meilleiires  maJfons  du  païs  retiennenc  des  cham- 
bres à  Nyort  &  Fontenai  pour  fe  trouver  aux  foires 
qui  font  en  ces  deux  lieux.  Une  Dame  de  Noaillé 
reccnoit  i  chaque  foire  de  Nyort,  chei  Barberic,  la 
petite  chambre  qui  cft  au  haut  de  refcalicr.  N'eftant 
point  arrivée  le  premier  jour,  le  Sieur  de  Pautrot 
de  la  mailbn  de  S. -Gelais  s'y  logea.  Le  lendemain 
à  deiiA  heures  après  midi,  arriva  la  Dame,  &  cepen- 
dant qu'elle  difoii  les  honûefteiez  à  fon  hofte,  Yfa- 
beau,  fa  fille  de  chambre,  d'une  gentille  humeur  ; 
car  il  Faut  que  je  vous  die  en  palTant  qu'un  char- 
pentier, nommé  Biraui,  lui  atant  donné  des  lettres 
pour  fa  mailirelTe,  jamais  ellenevoulut  nommer  le 
porteur  par  fon  nom  ;  eflanc  prelTee,  elle  lendoit  la 
porpe    Â   dunandoit   ua    couteau    nhifloft    nu^  Je  - 


LIVRE    III,    CHAPITRE     XIII.  513 

remarquent  vien  au  procédé.  —  E.  Les  voila  fur  : 
•  Je  n  endurerai  pas  cet  affront  ;  •  —  l'autre  :  •  Ni  moi, 
&  que  ma  maie  foit  précipitée.  »  —  Elle  :  f  J'ai  cin- 
quante Gentilshommes  en  cette  foire,  mes  ferviteurs 
&  parens,  pour  prendre  ma  querelle,  Yy  ai  auili 
deux  gendres  que  vous  connoiflez  bien.  •  Celaefchauffa 
Pautrot  à  dire  :  f  Madame,  fi  vos  gendres  reçoivent 
le  prefent  de  la  querelle  aufli  libéralement  que  vous 
leur  donnez,  ils  me  trouveront  plus  roide  en  leur 
endroit  que  je  ne  faurois  eftre  au  voftre,  veu  voftre 
aage  &  ce  qui  en  defpend.  i  Cette  dépendance  picqua 
fort  la  Dame,  pource  qu^on  difoit  qu^il  lui  pendoit 
quelque  chofe,  joint  qu'elle  ne  fe  fentoit  pas  encores 
à  l'aage  de  mefpris.  Elle  donc  troublée  de  colère 
revint  au  dialogue.  «  Voila  mon  lid,  dit  elle,  où  j'ai 
accouftumé  de  coucher,  &  j'y  coucherai  cette  nuiâ.  » 
—  Pautrot  réplique  :  f  Voila  le  lia  où  j'ai  couché  la 
nuid  paflèe,  &  j'y  coucherai  encores  cette  ci.  —  Je 
dis  que  j'y  coucherai,  reparc  la  Dame*  —  Pautrot. 
Et  moi  auffi.  —  La  Dame,  Je  ne  di  pas  que  vous 
n'y  couchiez,  mais  j'y  coucherai.  —  Pautrot,  Et 
moi  je  ne  di  pas  que  vous  n'y  couchiez,  mais  fi  fçai 
je  bien  que  j'y  coucherai  auffi.  —  La  Dame,  Et 
pour  vous  faire  pareftre  mon  courage,  j'y  coucherai 
dés  à  prefent.  >  Là  defTus  Fsenefie  jetca  un  grand  fouf- 
pir,  difant  :  «  O  couraye,  tant  que  tu  me  cofte.  •  — 
Enay  pourfuivant  fon  conte  :  Pautrot  dit  qu'il  alloit 
faire  comme  la  Dame  qui  appelle  Ifabeau  pour  la 
deveftir  ;  Pautrot,  Martin  pour  le  defchaufier  ;  ce 
fut  à  qui  feroit  paroifire  la  refolution  par  la  dili- 
gence. La  Dame  eut  l'avantage  pour  efire  la  pre- 
mière prelle,  èc  Pautrot  eut  la  mette.  Yfabeau 
regarde  Martin,  &  lui  levant  le  nez,  dit  :  f  Eh  bien, 
maitre  fot,  favois-je  pas  bien  que  nous  y  couche- 

11  33 


;t4       AVANTURBS  DU   BARON   DS  FSNBSTZ. 

rions  :  —  Et  nous,  dit  Manin.  i  Sans  vous  amufer 
plus  long  temps,  voila  les  deux  qui  prenaent  le  che~ 
niin  de  leur  rouftre  &  maîllrefle,  premièrement  eo 
paroles,  mats  plus  racourdes,  &  puis  au  lïâ  j  mais 
pDurce  que  Martin  ferma  la  porte,  &  qu'il  difputnit 
ce  puinr  d'honneur,  il  eut  pour  partage  la  place  de 
devant,  Penfez  charitablement  qu'ils  ne  firent  riea 
que  bien  à  propos.  Cette  dame  a  dit  depuis  &  quel- 
ques uns  qui  l'en  ont  voulu  gaufler,  qu'elle  n'avoit 
rien  fait  par  amour,  mais  pour  faire  paroiftre  qu'il 
ne  lui  pendoit  rien,  &  faire  mentir  les  merdifans. 


Chapitre  XIV. 
Dt  Bourronj  anigtne  dt  Fil^e. 


g^--^'e^t<r^>^^  «NESTi.  Or  il  faut  boire  fur  ce 
S  I  ^3^''^■^^r  "'"'^i  *  ^'^  ''  refolution,  Ye 
C  iK^tf^  nlj  ne  bus  pourtant  poent  monter  i 
chebal  que  ye  ne  bous  aie  fait 
prêtent  ae  quauques  pièces  rares 
que  me  douna  lou  praube  Bour- 
ron  quauques  yours  abani  fa 
mort.  —  £,  Eft-il  mon  ?  —  F.  tt,  c'en  efl  fait.  — 
£,  Les  nouvelles  le  font  aufli.  —  F,  On  a  fait  des 
epitaphcs  pour  lui,  defquelles  ye  bous  dirai  le  plus 

Ci  gifi  Bourrcn,  qui  ie  nouvttUi 
Ni  far  jamaU  chUht  ni  fou^ 
Et  qui  oHoiCj  m  païant  ^Ahi, 
Dt  tfanit  à  Liaa  pifur  tm  fou, 

E.  Et  bi^,  Uonficur,  le  tapif  e&  mis,  donnez 
nous  donc  la  pièce  que  vous  nous  promettiez,  — 
F.  Ceci  n'eft  plus  du  rang  des  railleries,  U  ne 
faut  pas  tousjours  fadeger  ;  c'ell  une  prou|dietic 
uaabee  aux  ruines  de  Panenai  lou  Biux,  abec  une 


5l6      AVANTURBS 


Manefclul 


lettre  que  Nofire-Dame  efcriboii 
d'Afai,  Ye  bous  puis  afTeurer  que  ce 
les  plus  fabans  hommes  de  la  France.  Liiez, 
vous  plaid. —  £.  .  Du  refte  des  fleiux  &  lempetlei 
pdffees,  &  d'entre  les  fers  poinmi  &  preflcx  qui 
feront  voler  40,000,000  de  telles  en  deux  mois,  je 
voi  préparer  à  la  difcorde  des  rcmences  qui  de 
foi  mefmes  s'etchauffenc,  &  ces  matières  élire  bien 
receués  &  pratiquées,  mefmes  par  les  plus  pefanics 
liumcLirs.  Je  voi  au  premier  beau  temps  qui  pafTera 
l'Equinoxe  de  Mars,  les  entrepreneurs  donner  U 
telle  baiflee  &  mettre  le  fer  en  befongtie,  nommé- 
ment fur  ie4î'  degré  de  h  France  Occidentale.  Je 
voi  quelques  vieillards  Sacurniens  faire  quitter  i  U. 
jeuncITe  le  repos  &  les  délices,  foit  pour  aller  1 
garde,   foit  pour  attaquer.  Le  tumulte  s'echaufiê 


LIVRE    III,    CHAPITRB    XIV.  517 

VOUS  difanc  que  les  plus  outrecuîdez,  plus  par  rufes 
que  par  effort  entreprendront  fur  le  Soleil  &  la 
Lune,  couverts  d'armes  deffenfives  que  Saturne  leur 
fournit,  &  aians  pour  offenfives  les  plus  rares  pre- 
fents  de  Mars.L'ingratte  de  qui  nous  parlons  efl  celle 
par  qui  tant  de  vies  periflfent  ou  fe  confervent,  par 
qui  les  efperances  font  dreflfees,  par  qui  abbatuës; 
c'eft  celle  qui  retient  ou  lafche  la  bride  aux  fureurs 
de  l'air  &  à  celles  de  TOcean;  par  elle  Samfon 
fut  dompté,  par  elle  S.  Paul  fut  fauve  :  elle  eft  fi 
neceffaire  pour  les  exploits  martiaux  qu'elle  a  les 
effeéts  du  feu  en  fa  puiffance,  &  que  par  faute  d'elle 
toutes  les  Princeflès  de  Cartage  fe  coupperent  les 
cheveux.  Sa  querelle  donc  viendra  des  paroles  aux 
coups  ;  les  uns  s'aidans  des  armes  des  Parthes,  les 
autres  de  celles  qui  défirent  les  Philiftins.  Oferai-je 
dire  que  contre  les  débonnaires,  comme  par  nécro- 
mancie, feront  emploiees  les  chofes  mortes,  les 
fpedres,  les  promptes  idoles  &  la  defpoiiille  des 
pauvres,  mefmes  des  reliques  qui  feront  des  effe£ts 
contre  nature  par  les  terreurs  &  efpouvantemens  }  Je 
refte  à  vous  dire  que  les  forces  de  l'air  y  feront 
emploiees,  fi  que  par  un  mouvement  fpherique  les 
efprits  animeront  les  chofes  fans  voix  à  des  bruits 
&  rumeurs  pour  refve'dler  les  plus  endormis  :  garde 
la  nuid  contre  les  efperviers  de  la  fagefle.  Les 
défendeurs  penferont  avoir  vaincu  ;  mais  lors  qu'ils 
s'efcrieront  : 

0  fortunati  nimium  quels  militât  ather 
Et  conjurât i  veniunt  ad  clajfua  vtntil 

ils  fe  trouveront  circonvenus  par  la  multitude, 
&  voici  le  fecours  des  enfans  d'Hercule,  qui  forti- 
fians  Tefperance  des  plus  bas,  mettront  Tingratte 


,,8  , 


:  [>n  rsKgiTE. 


deffenduc  hors  de  péril.  Quelques  mois  après  (t 
ferdtit  des  embriflemens  :  o  Marmande,  o  Too- 
neins,  que  peu  dureront  les  feux  de  joye,  car  on 
y  brullera  les  08  des  morts  defpoiiiUeï  de  leur  peau 
&  de  leurs  nerfs  ;  les  derniers  effeiXs  de  tout  ecci 
plus  familiers  aux  AogloJs  &  plus  redoutables  aux 
Hfpagnob.i 


mt^m^maim 


CHAriTx.«  XV. 

ÈJfplication  lié  Ptnljgmt. 


MHtart.  Et  vien,  le*  chefci»  Hit 
bous  drefTeniHls  poent  en  It 
telle  >  —  £.  Je  dentande  loifit 
de  repaffef  ceci  à  part  mrt.  —  F. 
Cependist  qu«  bodt  liret,  <re 
m'en  bai  faire  un  tottr  Wlx  dHS- 
baïut.  Hola  hant,  Chervoriniere, 
Carmagnolle,  Eftrtde]  à  pfoUpaux,  te  oMqiDtl  (^ 
eft  plus.  Er  rien,  Mottfiif,  bdus  f  abfa  penfai.---Ê. 
Oui  vraiment,  ft  l'énigme  eft  faite  tvec  fes  lois  ;  mah 
de  prophétie  il  n'y  en  a  que  le  pareflre.  —  F^  Cost- 
ment,  parettre  t  —  £.  Or  bonnes  vous  patience, 
St.  je  TOUS  monllrerai  à  quoi  tombent  leaf  cboféi 
merveillcufes  de  cet  efcrit^  duquel  un  feul  mot  ar'a 
donné  conooilTance  du  relie.  —  F.  Bous  ne  férîet 
vien  eftonncr  &  mefprifer  les  labants  bonniH  que 
y'ai  oiii  là  ckiTus  ;  mais  boyons.  —  E.  Oa  rtfit  Ht* 
feaiur  6-  umptfttt  fdftu.  Les  fieitieaccs  ordioiire- 
ment,  ou  vienneni  de  deflbiA  le  fléau,  ou  font  rife- 
mees,  par  ce  que  le  mnivaîa  tempi  foi  demeurer 
dans  le  ohifmp.  Et  dfmart  lèéftrt  pttiHia  &  pttf- 


530      AVAVTVRES   DU   BARON  DK  F«KESTB. 

fej  qui  feront  tomber  quarante  millioms  de  tefles  4 

deux  mois.  Ceft  le  propre  de  ce  que  nous  appellon» 
icy  &  vers  vous  la  chcrve,  d'eftre  efgrugee  entre 
des  fers  ferrez  &  pointus;  &  de  conter  les  teftes  qui 
tombent  par  là  il  n'eil  pas  pofTibte,  &  pourcanc  qua- 
rante millions  cft  un  nombre  certain  pour  l'incer- 
tain. Je  roi  préparer  des  femencei  qui  de  foi  mejmei 
refchauffeni.  Voila  le  mot  qui  m'a  donné  connoif- 
fance  de  tout  le  relie,  pource  que  le  chencvoi 
s'efchauffe  foimefme,  dont  on  tire  un  proverbe afliw 
commun.  CeJ  matirres  bien  receuis  par  le-t  hwnears 
plus  pefanies.  Celles-là  font  les  aquatiques,  pource 
qu'en  tels  lieux  fe  (erae  ordinairement  ta  grcne  dont 
ell  queflion.  Je  voi  au  premier  beau  temps  qui  paiera 
l'Equinoxe  de  Mars  donner  la  lefte  baiffee  (T  mettre 
le  fer  en  befongne.  C'eft  la  droite  faifon  que  l« 
marreuK  voni  aux  cheneviereK  mettre  lesL  mmtp^  m 


LIY&E     III,     CHAPITB.B    XY.  *  521 

autres  font  ornes  doucês  &fans  fielj  qui  ne  cerchent  que 
leur  vie  en  paix.  Ce  font  les  pigeons,  pour  la  douceur 
defquels  quelques  nacuraliftes  oncefcric  qu'eux  &  les 
courtres  eftoienc  fans  fiel.  C'eft  une  race  chérie  &  de 
bonne  augure  â  celui  qui  ajeura  PEglife,    Pource 
que  la  colombe  apporta  TOlive,  marque  de  paix, 
&  afTeura  Noé  Prince  des  hommes  qui  reftoienc, 
&  Tarche,  type  de  l'Eglife,  que  les  eauxfe  retiroient. 
A  la  plus  grande  diffaite  des  Infidelles,  Toutes  les 
defiaites  du  monde  n'ont  point  efgalé  celle  là,  &  ce 
qui   n'efioit  point  dans  l'Eglife  fe    contoit  pour 
infidelle.  La  querelle  fera  pource  que  les  Occidentaux 
entreprendront  la  d^enje  de  leur  mortelle  ennemie. 
Les  Occidentaux  de  la  France  font  les  habitans  de 
Bretagne,   Poiôou,  Xainôonge  &  Guienne  :  mais 
plus  particulièrement  la  Prophétie  fembleen  vouloir 
à  la  Gafcongne^  plus  curieufe  que  les  autres  àeflever 
ce   qu'on  a  nommé  la  falade  de  Gajcongne^  qui  a 
fait  de  mauvais  tours  à  plufieurs  du  pais,  comme  il 
pareil  par  ce  qui  fuit.  Je  dis  mortelle ^  pource  qv^elle 
recompenfera   d'une  maudite  mort  ceux  qui  V auront 
confervee.  Elle  eft  maudite  par  l'Efcriture. Tel  en  eft 
eilranglé  qui  l'a  gardée  en  fa  jeuneflè.  Les  rendant 
compagnons  du  mignon  d?Affuerus^  c^eft-à-dire  leur 
baillant  Aman  pour  camarade.    Lorfque   les  plus 
téméraires  effaieront  de  dejloger  &  de/placer  les  armes 
de  leur  Roy  d^obfcurité  en  obfcurité,  C'eft  quand  les 
couppeurs  de  bourfes  les  arrachent  de  la  pochette 
d'autrui  pour  les  mettre  en  la  leur  :  &  les  armes  du 
Roy  s'entendent  de  toute  forte  de  monnoie  marquée 
des  armoiries  du  Royaume.  Je  dis  davantage  que  les 
plus  outrecuidei^  plus  par  rujes  que  par  effort^  entre^ 
prendront  de  ravir  &  quelques/ois  raviront  le  Soleil 
&  la  Lune,  par  la  deffenfe  de  Saturne  &  par  les 


^21    AVANTUREÎ  nu  BAKON    OE   PJtRSSTI!. 

ariaques  de  Mûri.  Oci  dcpcmt  plus  wtprfs  les  C 
peurs  de  boiirfes  :  les  Alchimiftes  »ppellcnt  l'or  It 
Soleil  &  l'argent  la  Lunej  quand  ihparleni  donc  île 
ravir  le  Soleil  &  k  Lune,c'eit  f»vir  Vor  &  fargent  : 
&  loui  de  melmc  poorce  ijuc  le  plomb  ell  eoceodu 
par  Saturne,  &  le  fer  &  l'acier  par  Marii,  éeffim^ 
lie  Somme  ell  fans  doute  le  pouce  de  plomb  qui 
empelche  le  galand  de  le  coupper,  &  les  airai/uti 
de  Mars  font  les  coups  du  petit  couteau.  C'fji  *ae«r 
elle  par  qui  lanl  de  ries  perifent  ou  /c  eonftrviai. 
Qui  aeftéfur  la  mer  Tait  combien  les  cable*  tt  funins 
font  neceffairesà  garentir  les  vies,  &  combien  il  ("en 
perd  lnute  deux,  fans  conter  ceux  que  la  corde  em- 
porte en  terre  ferme.  Par  qui  Itt  efprrances  foitl 
drtffees.  par  qui  abbaïuts.  Les  efpcrancc»  fone  Wt 
ïoilea,  qui  font  guindées  &  ameineet  par  les  cot- 
dases-  C'en  elle  aui  reii*nt  is'  lafcli»  ta  brida  amx 


LIVRE     III,     CHAPITRE    XV.  523 

guerre,  firent  des  cordages  en  couppant  les  cheveuit 
de  toutes  les  femmes  du  pais,  fans  que  les  Princeffes 
y  efpargnaffent  les  leurs.  Cène  querelle  viendra  des 
paroles  aux  coupsj  les  uns  s*aidans  des  armes  des 
Parthesj  &  les  autres  de  celles  qui  dirent  les  Phi- 
liftins.  Pource  que  les  Parthes  ont  réputation  de 
vaincre  en  fuyant,  ceci  eft  la  fuite  d'un  des  partis, 
afTavoir  des  oifeaux  :  &  pour  ce  que  David  ayant  pris 
pour  armes  une  fonde  &  défiait  les  Philiftins  par  la 
perte  de  Goliath,  ceci  eft  conté  pour  les  fondes  def- 
quelles  les  petits  eofans  tirent  aux  oifeaux.  OJerai-je 
dire  que  contre  les  débonnaires  y  comme  par  necromantie^ 
feront  employées  les  chofes  mortes  ?  Necromantie  eft 
une  fciencequi  fe  praétique  par  les  morts:  l'Enigme 
dit  donc  qu'on  n'employé  pas  feulement  les  perfonnes 
à  ch aller  les  oifeaux,  mais  les  chofes  mortes,  qu'on 
appelle  au  pais  les  Baboiiins.  Lesfpeélres^  les  promp- 
tes  idoles.  Speétre  eft  ce  qui  effraye  du  regard,  & 
ces  hommes  de  paille  font  des  fimulacres  faits  à  la 
hafte.  Et  la  ruine  des  povres^  &  les  reliques  qui 
feront  plus  tfeffeél  que  ne  doivent  pouvoir  les  terreurs 
&  efpouvantemens.  A  cela  fervent  les  depoiiilles  des 
plus  povres  :  &  quant  au  mot  de  reliques^  il  eft  fort 
proprement  emploie,  car  il  fignifie  refles^  &  nul  n'y 
met  rien  de  quoi  il  fe  puifle  fer\'ir  encores.  Et  quant 
à  la  terreur,  qui  a  là  plus  de  force  qu'elle  ne  devroit, 
c'eft  pource  qu'il  n'y  a  point  de  raifon  que  les  cho- 
fes qui  ont  vie  fuient  pour  celles  qui  n'en  ont  point. 
//  refle  à  vous  dire  que  les  forces  de  Pair  y  feront 
employées j  fi  que  par  un  mouvement  fpherique^  les 
efprits  animeront  les  chofes  mortes  à  des  tours  vio- 
lents^ puifants  à  refveiller  les  plus  endormis.  Les 
forces  de  Tair  font  les  vents,  &  voici  les  moulinets 
dans  les  arbres  qui  chaflenc  de  leur  bruit,  &  auprès 


Sa+ 


ANTUREt  DU   BARON    DE   TSHS.STB 


defquels  on  ne  dort  pu  à  l'aife  j  leur  mouvement  eH 
fpherique  &  paroift  let  quand  ils  voni  vifle  princi- 
palemenl.  Garde  la.  nuù^  contrôles  efptrviers  de  ta 
Sageffe.  C'ell  pour  chalfer  la  nuiÔ,  qu'il  n'y  a 
point  de  garde,  les  chevêches  &  hiboiis  qui  y  font 
aulTi  du  mal  :  le  cilcre  qu'on  leur  baille  ici  eft  paurce 
que  Jupiter  va  cousjours  accompagné  de  l'aigle,  ainTi 
l'uifeau  de  nuiA  elî  l'aigle  de  Pallas,  à  qui  la  SagefTe 
appartient.  Les  ptrtarbaleurs  penftronî  avoir  vaiitea; 
mais  lorfqu-ils  crieront  : 

0  forraniiti  nimium  queis  militât  atktt  h 

Et  conjurati  veniurti  ad  clajfua  vend!  ^1 

ils  Je  trouveront  circonvenus  par    la   multitude.  C'dfl 
pour  le  mal  que  les  mouëes  font   maugré   tous  ces 
artifices.   Et  les  deux    vers  font  pris    d'un    Poète 
Chreftien,  qui  aux  guerres  de  Stilico  s'esjoiiit  de  ce 


LIYR£     III.     CHAPITRE    XY. 


5«5 


qui  fe  raconte  ici  :  les  chants  font  alléguez  pour  les 
chanfons  continuelles  qui  s'y  difent  en  veillant  :  & 
pour  ce  qui  eft  dit  des  os  defpoiiillez  de  leur  peau 
&  de  leurs  nerfs,  c'eft  une  peinture  aifez  ezprelTe  de 
Teftat  où  on  laiflë  la  chenevotte  avant  la  donner  au 
feu.  Les  accidents  de  tout  ceci  feront  plus  familiers 
aux  Anglols  &pius  redoutables  aux  Efpagnois,  Ceux 
qui  ont  fréquenté  l'une  &  Pautre  de  ces  nations, 
favent  combien  la  mort  de  la  corde  efl  familière  aux 
Anglois  &  horrible  aux  Efpagnois.  —  F.  Bous  me 
faites  fafchai  &  puis  yoius  :  ye  fuis  marri  de  boir 
de  fi  velles  chaufes  bénir  à  rien,  car  ye  m'en  faifois 
admirer  &  pareftre  en  vonne  compagnie,  mais  aufli 
l'explication  me  baudra  force  vonnes  repues. 


Chautre  XVI. 


De  Sourdy  &  fa  Jtmnu.  du  Princt  joUtur, 

de  Cheneritrai,  du  Pttjhe  de  Bougeuùi,  du  Maya» 

de  Maiiiejaii. 


-iL<-s^^    *^^   NAY.    Je   vniia  nrotfA»  • 


LIVRB    III,    CHAPITRE     XVI.  527 

tout  à  nuf;  lors  lou  Monfur  boyant  cette  vraberle 
en  dit  ce  petit  moût, 

Ouij  ma  femme^  il  eft  taa  certain 
Que  c'efi  vaincre  la  jaloufie^ 
Et  un  trait  de  grand  courtoifie^ 
D* avoir  revefiu  ma  putain. 
Si  je  veuXj  comme  la  merveille 
Et  l'excellence  des  maris, 
Rendre  à  vos  rihaux  la  pareille. 
Cela  ne  fe  peut  qu'à  Paris, 

E.  Bon,  &  cettui  ci  ?  —  F.  Les  alliances  en  font 
changées,  car  c'efl  d'un  des  plus  galands  Princes, 
&  de  la  plus  gentille  Princefle  qui  foient  à  la  Cour. 

Comme  l'on  a  foin  defes  proches^ 
Vue  tante  blafmoit  dujeu^ 
Son  neveu,  avec  grands  reproches. 
A  la  fin  ce  dit  le  neveu  : 
u  NeJoUe^  plus  du  cul  ma  tante, 
Ni  moi  aux  de^,  Je  le  promets. 
—  Va,  traitre,  dit  la  reprenante. 
Tu  ne  t'en  chatiras  Jamais  » . 

E,  Voici  qui  va  bien  :  mais  en  voila  trois  que 
vous  cachez.  —  F,  Ye  n'en  cache  qu'un  qui  me  fe- 
roit  pendre  s'il  eftoit  troubé  fur  moi  à  Paris;  y'aime 
mius  bous  donner  ces  dux  ici.  Le  premier  a  le  nom 
changé,  mais  il  eft  de  mefme  rime. 

C'ejl  un  drojle  que  Jenevieres, 
Sa  femme  ru  lui  en  doit  gueres  ; 
Ils  fe  pippent  en  cent  façons, 
Mais  il  perd  à  ce  marché,  parce 
Que  lui  n'entretient  qt^une  garce, 
Et  elle  cinquante  garçons, 

E.  Voions  ce  que  dit  l'autre.  —  F.  Cettui  ci  eft 


AVANTtrRXt  DU  BARaN  DE    F^KE 


de  Bougoin,  où  y'eTpere  aDer  coucher  de  foir  ;  c'eû 
un  biux  conte  du  Curé  Fraflart,  qui  en  mourut  de 
[nftefTe,  ou  autremenc,  Lifez, 

Ci  àtgous  gifi  un  pauvre  Pfifirt,  ■ 

Plaintif  ^ui  Boogoin/on  mJÎfirt  ^m 

Lui  fit  faut  plu'  d'un  mtftUr.  ■ 

l.'ifprit  revient  CS"  lui  reproche  ^H 

Quil  virait  en  Efié la  broche. 
Et  l'Hyver  il  ifioit  poriUr. 

E  Je  vousaiïure  queceituilà  n'eli  pas  mauvais: 
laiis  puis  que  vous  craignez  de  porter  à  Parts  tous 
ces  papiers  que  vous  ferrei,  où  pouvez-vous  le» 
lailTer  mieux  qu'ici,  k  nous  autres  qui  ne  fommcs 
pas  fj  ombragez  des  potences  comme  on  l'etl  k  la 
Place  aux  veaux  ?  —  F.  Il  j-  en  a  vien  qui  ne  foni 
pas  dangcrux  :  auHl  tenez,  prenez  lef  comme  ils  bien- 


Chafitrr  XVII. 
Da     Cornu    de    Lorme. 


j^— -^ 6— t.:.-^  SNBSTB.  Puif  que  bous  eftw 
Hci  V'y-""^^  *"  '^P'"'*'^  *  '>"'''  l«autrei,gar- 
jf  lfcv#!)riLs  dez  les,  &-nc  les  boutez  que 
quand  je  ferai  vien  loin,  car  il 
efl  dangenis  en  diavle  d'ellre 
troubé  abec  quauque  caufe  qui 
(ouche  Monfur  lou  Manefchal,  S: 
y'ai  atTaire  de  fa  fabur  pour  une  grande  encreprife 
il  laquelle  ye  fuis  combié,  &  pour  laquelle  il  me 
faudra  rcbenir  en  ce  pais  à  un  amvarquemenc.  — 

E.  Eft-il  poITible  que  je  ne  vous  y  faurois  aider 
puis  que  c'eft  en  ce  pais?  —  F.  Je  ne  fai  pas;  ye 
m'en  bat  bous  conter  que  c'eft,  mais  ye  bous  recom- 
mande lou  fccret.  —  E.  Et  moi  1  vous  mefmes.  — 

F.  Je  bis  à  Paris  abanc  partir  un  grand  cabalier,  qui 
cil  benu  ouffrir  de  merheillufes  richeffes  pour  rele- 
ber  la  Couronne  d'une  grande  partie  de  les  debtes, 
mettre  force  Princes  &  Signurs  à  lur  aife,  &  rendre 
le  Roi  maillre  de  la  mer  en  defpii  des  Anglois,  Fla- 
mans  Se  Efpagnols  :  cet  homme  bient  de  la  pan 
du  General  Stincs  &  huiâ  autres  grands  pirates,  qui 


5JO      AVANTURES  DU   BARON    DK   PiENESTS. 

Diit  boulu  vailler  au  Roi  d'Angleterre  dux  milions 
il'or,  &  lut  conquérir  le  Pérou  à  leurs  defpens  ;  & 
leur  Roi  (car  ils  font  la  pluCpari  Anglois)  ne  les  vou- 
lan[  recevoir  à  aucun  craiflé,  ils  criereni  en  levant 
l'ancre  devant  l'ide  de  Wich,  qu'il  demeuraft  Roi 
d'Angleterre  &  ux  de  la  mer  :  ils  ont  fait  quelques 
ouÛVes  l'einvlavles  amt  Eftats,  au  Roi  d'Efpagne,  aux 
Bcniciens,  &  au  Duc  de  Florence  :  mais  ces  gens  1> 
trop  ccremonius,  n'ont  pas  boulu  prendre  fur  lurs 
confciL-nces  l'aboulition  de  tant  de  murdres  &  rabif- 
l'umcn.s,  &  fur  tout  de  cinquante  mille  âmes  bendues 
aux  Infidèles.  Tous  les  Confeillers  d'Eftat  de  ce» 
paisfe  rendoieni  trop  fcrupuleux  :  vien  eft  brai  que 
les  bius  du  Coareil  d'Ellai  s'/  oppouToieni  au 
commencement}  mais  les  plus  aviles,  comme  Maogot 
&.  \  arvin,  &  plus  enror  Monfur  lou  Manefchal  & 
abolition 


LIYRE    III,    CHAPITB.B    XVII.  531 



300,000  efcus,  &  à  Madame  pour  cent  mille 
efcus  de  diamans;  à  un  Prince  &  à  dux  OufEciers, 
chacun  cent  mille  efcus  ;  pour  cinq  cents  mille  efcus 
de  prefents  par  ci  par  là.  Tout  cela  ne  lui  eft  que 
fumier,  car  ils  ont  trente  fix  millions  d'or  en  lingots 
&  monnoye,  &  plus  que  cela  encores  en  diamants 
bruts,  n'ayans  daigné  empaqueter  ceux  qui  eftoient 
au  defTous  de  quatre  quarrats,  pour  feize  millions 
de  perles,  fi  groiïes  qu'elles  incommodent  à  les  pour- 
ter.  Ye  me  hafte  de  m*en  aller  là  pour  être  emplouié 
à  ce  grand  ferbice  :  car  on  emvarquera  en  ce  païs 
pour  aller  quérir  ces  richeffes.  —  E,  Et  avez-vous 
connu  ce  bon  Seigneur  là?  —  F.  Oi  braiment,  il 
m'appelle  fon  camarade;  il  m'a  mené  dux  fois  difner 
abec  les  Gendushommes  de  Monfur  lou  M anefchal. 
C'eft  un  petit  homme  vifarre  &  qui  jure  en  Diavle, 
ne  parle  que  d^eftrangler  mille  hommes  à  la  fois,  & 
ne  proumet  au  moendre  de  nous  autres  rien  moens 
de  20,000  efcus.  Ceft  pour  pareftre,  cela.  Il  dit 
qu'il  a  une  tour  à  Vanes,  qu'il  a  fait  murer  pource 
qu'elle  eft  plaine  d'or;  qu'il  a  laifTé  1400  piftoles 
entre  les  mains  d'un  fien  ami  prés  d'Angers,  &  en 
autres  divers  lieux  autant,  &  dix  fept  cent  mille 
efcus  à  la  Générale  Chau,  abec  une  licorne  plus  velle 
qu'il  y  en  ait  yamais  eu  en  France^  un  pélican,  de 
qui  les  yeux  d'efcarvoucle  baient  un  demi  million 
d'or,  un  poignard,  de  qui  le  pommeau  eft  d'un  dia- 
mant :  &  moi  là.  —  £.  Ce  que  vous  avez  dit  du 
parchemin  &  de  la  cire,  un  voifin  en  pourroit  ref- 
pondre,  parce  qu'on  a  depofé  entre  fes  mains  les 
premiers  originaux  :  pour  le  fuccez  de  tout  cela 
c'eft  une  bizarre  pièce;  nous  avons  veu  l'homme, 
vous  a  il  jamais  donné  ou  prefté  un  efcuj^  A  il 
à  Paris  payé  la  commedie  ou  le  bafteau  pour  vous } 


5ja      AVAKTUtttS  DU  BAROK   DE   P£KL$TE. 

Avcz-vous  difiié  h  fes  dcrpens?  Avez-vous  erprouv< 
une  vérité  de  tout  ce  qu'il  dii?  - —  F.  Non  pas  ceries, 
non.  —  E.  Ces  jours,  ellant  à  Fontenai  le  Comte, 
il  fit  un  teftament,  par  lequel  il  donnoit  quatre  cenc 
mille  elcus  i  quelques  Geniilsbommes &  Dames.  Le 
Nouire  Grignon,  un  des  meilleurs  de  U  Province, 
prit  pUilir  à  coucher  cela  en  termes  honorifiques, 
comme  la  befongne  U  plus  fptcndide  qu'il  eufl  fait 
en  fa  vie,  mais  la  minutie  &  U  grolTe  lui  demeurè- 
rent, pource  qu'aucun  des  donataire*  ne  voulki 
hafarder  vingt  fous  pour  U  f^'on,  &  pour  U  col^ 
tion  qui  fe  fit  à  cette  occafion,  demeura  le  n 
du  laquais.  Et  là  il  déclame  contre  les  Poîili 
les  appelle  mauvais  niais;  &  j'ai  veu  dans  le  cabinet 
de  mon  voilin  dixhulA  ou  vingt  pacquets  qu'il  i 
receus,  &  en  reçoit  tous  les  jours  des  plus  grands  de 


il 


Chapitre  XVII!. 

Qutique  fuitte  dt  VOrme. 


fNESTB.  CtpdebuchI  me  boila' 
aufll  eflonnii  que  quind  bous 
abez  réduit  ma  proupheiie  en 
filace.  Comment  diavie  feroent 
ti  \S^J^l^%  trompez  tant  d'aviles  hommea, 
V  _L'^/^^^C^  ^  l*^'  '^'"  ''  P'^*  ^^  Souleil ?  — 
- — - — ■^T*'^!  E.  Le  trop  pré»  eïbJoUit  au 
lieu  d'efclairer;  nous  autres  aux  villages,  à  la  jufte 
proportion  &.  rencontre  des  ligaei  vifuelles,  voyona 
quelquesfois  plus  à  clair.  C'eft  que  ce  galand,  qui 
s'appells  en  ce  pays  lantod  l'Amiral,  pour  refpe- 
rancc  de  commander  une  armée  navale,  tantoll  It 
Comte  de  Marans,  pource  qu'il  le  veut  acheter,  tan- 
coll  le  Marquisde  Belle  Ifle  ou  de  Ré,Comted'01eroa, 
Lieutenant  de  Koi  en  Bretagne,  &  ainfi  prend  le 
ciltre  d'autres  Seigneuries  &  Gouvernemeni,  ainfi 
qu'il  les  defire  :  ces  jours  en  un  feftin  de  ce  pays  où 
il  avoir  appelle  trois  Ducs  fes  confias,  un  maçon  le 
voyant  à  cable  &  ayant  bien  catechifé  fa  mémoire 
pour  fc  reconnoiftre,  le  tira  par  les  chaulTes  au  (or- 
tir  du  difné,  &lui  dît  :  <  Mon  coufm,  j'auroU  bien  à 


5î+ 


oc  r«VBïTS.   , 


cette  heure  affaire  des  liuifl  livres  que  vous  louchaflet 
pour  moi,  quand  nous  travaillions  à  BrifTac,  •  Les 
Ducs  qu'il  avoir  accoufincz  n'empefchercnt  point  Je» 
premiers  coups  de  poings  du  coufinage  nouveau,  fit 
apré'i  la  fepararion  lircnt  une  enquefle  fur  M.  <ie 
l'Orme,  comme  pour  k  faire  Chevalier  du  S.  Ef- 
prit,  &  le  crouva  que  fon  pcre  &  fort  frère  pleins 
de  vie  Sl  bons  maçons,  travaillent  encores  prés  de 
Cran.  Ce  mauvais  coup  fut  fécondé  par  un  Flamand 
mal  gracieux,  qui  dans  un  logis  de  Maran  lui  main- 
tint avec  le  poing  au  vifage,  que  tous  les  pirates  quTII 
alleguoic  eftoient  noms  contrefaits,  ou  perfonnes  q^j 
n'el^oient  plus.  Ces  petits  accidents,  querelles  «f 
'mauvais  fuccés,  foufOet.t,  coups  de  piedji  &  aui 
rebuffes,  que  fouffrii  ce  bon  Seigneur,  m'aiderentlj 
defcourager  l' embarquement,  où  fe  vouloient  e 


LIVRE     III,     CHAPITRE      XVIII. 


535 


habile  qu'eux,  les  defcrier,  defdaignant  de  fuivre  leur 
exemple,  en  déployant  votre  afliftance  &  vos  moyens 
pour  un  affaire  tant  defiré  ;  pour  moi,  )e  ferai  mon 
rapport  de  ce  que  vous  me  ref pondrez  là  deflus.  Mon 
voifm  refpondit  :  t  Monfieur,  dites  donc  comment 
je  voudrois  que  ces  pièces  que  vous  eftimez  tant 
honorables,  le  fufTent  pour  tous  :  &  quant  au  mef- 
pris  de  l'exemple  duquel  vous  me  chargez,  tant  s'en 
faut,  car  je  fuivrai  MefTeigneurs  de  poin^  en  poinâ, 
&  comme  ils  n'ont  point  efpargné  les  tiltres  &  n'ont 
rien  defbourcé,  ainfi  j'appellerai  Jean  de  l'Orme  que 
voila,  Monfieur  TAmiraî,  mais  il  n'aura  point  de 
mon  argent,  comme  ce  confeil  n'en  donne  point.  •  -r- 
F.  Ha,  Monfur,  me  boila  deflFait  :  à  la  bentai,y'abois 
vien  penfai  dux  chaufes.  Tune,  qu'il  ne  faboit  ni  lire 
ni  efcrire,  &  l'autre  qu'il  n'aboit  pas  un  villet  fuie- 
ment  de  la  part  de  çus  à  qui  il  fe  difoit  Amvafladur. 


Chapitre    XIX. 


Du  Comit  dt  Manlt. 


iKESTE,  Or  ye  m'en  bai  boîr  i 
'i  Cour  comment  cet  aSure  ril 
abmçai  ;  fi  ye  ne  puis  riea  de  cr 
toftii,  ye  me  bai  mettre  de  diu 


LIVRE    III,     CHAPITRE     XIX.  537 


ces  contre  la  Comcefle  de  More  ft  la  maifon  de 
Caumont,  à  caufe  d'un  parcage  de  fon  maiftre,  avoic 
pris  connoiflance  en  un  logis  de  la  rue  du  Temple 
à  Paris,  trouva  fon  maiftre  arrivant  fortuitement  en 
pofte,  &  le  mena  defcendreft  loger  où  il  y  avoit  pour 
lui  falle  &  deux  chambre  tapiiïees,  en  attendant  que 
le  train  fuft  venu,  pour  lequel,  la  cuifine  &  les  pages, 
il  erra  un  petit  logis  auprès,  l'hofteiTe  faifant  le  mar- 
ché. Monfieur  le  Comte  ayant  receu  nouvelles  que 
la  biche  privée  eftoit  morte,  fe  mit  au  lï6t  de  deplai- 
fir,  mais  fous  cette  couverture  e'eiloit  pour  Tamour 
fans  raifon  qu'il  portoit  à  Madame  Avoie,  fille  unique 
du  logis,  à  laquelle  il  ne  pouvoit  manquer  quarante 
mille  efcus  de  fucceflion,  outre  les  immeubles.  La  mère 
&  la  fille  en  peu  de  temps  s'apprivoiferent  fort  avec 
leur  hofle,  qu^ils  louoient  de  fes  bons  propos,  mais  fui* 
tout  d'eftre  bien  privé  pour  un  grand  Seigneur.  Le 
Secrétaire  fe  cachoit  avec  elles  derrière  une  cloifon 
fendue,  d'où  ces  femmes  efcoucoient  ce  qui  fe  difoit 
en  la  chambre  de  M.  le  Comte.  Un  foir  ils  efpie- 
rent  de  plus  prés  pour  un  grand  eontrafte  qu'ils 
entendoient  encre  le  Maiftre  d'hoftel  &  PEfcuyer  au 
chevet  du  Seigneur  :  c  Comment,  difoit  le  Seigneur 
Francifque,  pourrez-vous  eomparolflre  devant  Mef- 
fieurs  du  Lude,  de  Bourdeilles,  de  Rufiec  ft  des  Cars, 
&  leur  mener  pour  proche  parente  une  Parifienne, 
&  pour  alliez  des  fires  &  des  chapperons  de  drap!^ 
—  Ha,  Francifque,  difoit  le  Maiftre  d'hoftel,  penfe- 
tu  que  noftre  Maiftre  n'ait  pas  combattu  ces  chofes 
par  la  véhémence  d'un  amour,  à  quoi  toi  ni  moi  ne 
(aurions  remédiera  II  n'eft  plus  temps  de  le  eonfeil- 
ler,  mais  de  le  fervir  ;  il  eft  affez  grand  pour  agran- 
dir une  femme,  de  laquelle  les  enfans  ne  porteront 
pas  le  nom.  •  L'Efeuyer  redoubloic  :  «  C'eft  toi  qui 


5Î6       AVANTUaBB   DV   VAKOS   DE   FANISTH., 

l'a.';  flatté  en  cette  opinion  :  quand  tu  feras  ta  pafi 
ces  Seigneurs  te  feront  pendre,  —  Vois  tu,  bougre, 
difoit  l'autre,  fi  tu  leur  fais  récit  de  moi  autre  qu'il 
n'appartient,  jeté  ferai  manger  un  pied  d'efpee.  • 
Le  Comte  levait  le  bras  entre  deux,  &  après  quel- 
ques foufpirs,  difoit  :  ■  O  Francifque,  que  tu 
juge  de  ma  vie  iniquement.  >  La  mère  &  la  fille 
dilbyent  l'une  à  l'autre  i  l'oreille  ;  i  Voigé  vou, 
jamais  nous  navons  eu  que  du  ma!  pir  ces  cail- 
lettes d'Eftaltans  illcc.  •  H  faut  acfourcir  que  pat 
telles  menées,  M.  le  Comte  daigna  efpoulcr  Avoic,  & 
cMïi  Francifque  pour  le  premier  de  fon  train,  ïtm 
cent  beaux  efeus  content,  &  quelque  promede,  le 
Secrétaire  avec  autant  fut  depefebè  aux  aâ'aîres  du 
pays  pour  ne  revenir  plus.  M.  le  Comte  difoit  à  foti 
beau  père  qu'il  le  prioit  de  l'emploier  à  fes  aSairet 

ilAlemanBC   *  n.i'il    nr*n<irmr  iin-andn]i.iGr<t*w»i*. 


LIVRB    III,    CHAPITRE    XIX. 


5Î9 


Arnaud,  lou  vrabe  home  !  Y'abois  vicn  penfai  d'en 
faire  autant,  mais  tout  mon  cas  s'en  ba  en  cagade  : 
ye  biens  à  mon  perpaux,  qu'il  me  faut  eftre  ou  coyon 
de  mille  libres  ou  cfpion. 


Chamtre   XX. 

De  Cfyom  du  mdh  tivres.  des  e/pions. 


I¥î 


.y.  Qu'appcllea-vous  coyonde:! 


l'\  ;>-.— ^|  il  mille  livres  ?  —  F.  Ce  foat  q.U4 


/ 


LIVRE    III,    CHAPITRV    XX.  54» 


der  :  il  vatteroit  vicn  tout  lou  Loubre.  —  £.  La 
garde  des  mercenaires  s'eft  trouvée  bien  fouvent 
infidèle  au  befoin  :  &  quel  moyen  auriez-vous  d'en^- 
trer  en  cette  compagnie?  —  F.  Il  y  a  un  Efcuier  de 
Madame  que  y 'ai  accompagné  pour  un  acqueft  de 
quinze  mil  libres  de  rente  qu'il  but  faire;    il  m'a 
dit  que  ye  parufTe  au  difnai  de  Monfur  &  qu'il  me 
prefenteroit.  —  £.  Comment!  TEfcuier  quinze  mille 
livres   de    rente.  Je   bous   puis  afTurer  que  celui 
qu'ils  appellent  le  petit  Taillur  murmuroit  l'autre 
yor  debant  nous  autres  que  depuis  la  fourtune  de 
fon  Maiftre  il  ne  fauroit  aboir  monftré  que  cent  cin- 
quante mille  efcus  net.  Il  ne  fut  yamais  une  telle 
puiiïancc  ;  bous  ne  bouiez  par  les  rues  de  Paris  que 
poutances  plantées  pour  çus  qui  ozent  oubrir  la 
vouche  contre  Monfur  ou  Madame.  —  £.  Et  que 
penfez-vous  que  ce  foi t  pour  eux  qu'on  ait  fait  cela? 
—  F.  Oi,  ye  bous  maintiens  que  c'eft  pour  ux 
qu'elles  font  plantées.  —  £.  Peut  eftre.  — F.  Mais, 
Monfur,  quand  il  n'auroit  baillant  que  le  rebenu  de 
la  Poulette  qu'ils  ont  efteinte,  cela  leur  a  balu  trois 
millions.  —  E.  Si  vous  pouvez  donc  entrer  en  cette 
coyonnerie,  &  qu'elle  dure,  vous  y  ferez  mieux  voftre 
profit  qu'à  l'autre  meftier  d'efpion.  —  F.  Pourquoi, 
une  vone  penfion  &  la  vone  grâce  des  Gouberneurs 
n'eft  poent  à  mefprifer.  —  E.  Oui,  mais  ce  meftier 
veut  une  grande  dilligence,    dextérité,    invention, 
impudence,  &  avec  tout  cela  il  n'eft  point  fans  dan- 
ger :  car  quand  Tefpion  n'a  rien  de  vrai  à  produire, 
il  faut  qu'il  entretienne  fa  boutique  de  fauflètés,  & 
ne  faut  que  la  preuve  d'une   pour  gafter  tout  de 
l'une  ou  de  l'autre  part.  Je  vous  dirai  comment  fe 
gouverne  un  Sénat  de  telles  gens  que  nous  avons  en 
ce  pays,  compofé  de  quelques  Catholiques  ruints 


542 


AVANTUaBS   DU    BARON    DE   FjEKtSTE. 


qui  fe  veulent  relever  par  les  chofes 
d'Huguenois  révoltez  tout  à  plat,  &  d'autres  qa\ 
prenenc  terme  pour  l'eftre.  Premièrement  ils  emplif- 
lent  leurs  lettres  des  pas  &  des  paroles  des  plus  gcni 
de  bien  du  pays*  en  derourtiant  toutes  chofei  de 
leur  droit  fens.  Ils  voni  difner  avec  un  Geatilhamine 
qui  leur  en  donne  de  boa  cœur:  ils  le  meiteni  i 
prupoti  du  mauvais  gouvernemeoi  d'aujourd'lmi.  Si 
c'eli  quelqu'un  qui  ait  charge,  ik  demanient  coiR- 
bien  de  quartiers  il  a  perdu  depuis  trois  ans,  lui  font 
voir  au  profit  de  qui  va  ce  larcin,  &  que  les  chofe» 
tronc  ci  après  de  mal  en  pis;  allèguent  les  pcnTioni 
nouvelles  des  perfonncs  les  plus  indignes  qu'ila  peu- 
vent choifir;  de  là  ili  viennent  fur  les  comparaîToiu 
du  temps  du  feu  Roî,  &  qu'on  eftoîl  bien  payi  foiu 
l'adminilVation  de   M.  de  Sulli.  Si  U  delTus  ils 


tIVRS    III.    CHAPITRE    XX. 


543 


bien  en  proyc  à  cette  canaille.  —  F.  Si  eft  ce  qu'ils 
feront  recompenfez,  car  ce  font  gens  qui  la  plufpart 
fe  font  faits  nftruire.  —  £.  Que  TEglife  doit  main- 
tenir. 


Quelifuei    (jUiiira 


■    (t  eommtnreilunt    d*    l'hifioi 
iU  Catopff. 


cNSSTE.  Il  laut  ^uc  je  bous  dk 
un  vea.u  plaifir^  c'clt  ^ue  ce  min 
^l^rîLâl  freie  en  a  mené  huit  oui  le  fiiat 


LIVRE    III,     CHAPITRE    XXI,  545 

veautez  que  vous  m^avez  laiflèes.  —  F,  Monfur, 
cecce  là  eft  d^une  Dame  que  je  ne  voudrais  pas  qu'elle 
fut  nommée  pour  dix  mille  piftoles.  Il  lui  prit  une 
debocion  de  communier  tous  les  yours;  là  deflus 
quauq'un  de  boz  yens  lui  donna  quauque  rime,  donc 
ce  quacrin  fait  la  concluTion  ;  boyez  : 

BKAY. 

Commune^  qui  te  communies 
Ainfi  qi£en  amours  en  hoftieSy 
Qui  communies  tous  Us  Jours 
En  hofiies  comm^  en  amours^ 
A  quoi  ces  Dieux  que  tu  confommes 
Et  en  tout  temps  &  en  tous  lieux  ? 
Toi  qui   ne  t'es  peu  fouler  d'hommes 
Te  penfes'tu  crever  de  Dieux  ? 

Ceci  eft  de  haut  gouft.  —  F.  L'autre  eft  vien  plus 
dangerus  ;  lifez  : 

BNAY. 

On  demande  a  quoi  font  utiles 
Conchine  O*  force  autres  encor  : 
Philippes  en  euft  pris  des  villes ^ 
Ce  font  des  afnes  charge^  d'or. 

Touchez  là,  vous  mettez  le  nez  en  bon  lieu.  Ne 
me  promettez-vous  pas  que,  s*il  vous  tombe  quelque 
chofe  de  mefme  entre  les  mains,  vous  me  Fenvoyerez  ? 
—  F.  Oi,  de  bon  cœur.  —  F.  Et  moi  en  revanche 
je  vous  promets  un  livret  à  quoi  un  de  mes  voifins 
travaille,  qui  vous  fera  baifer  à  la  joue  aux  bonnes 
compagnies  que  vous  fréquentez,  c'eft  un  Traitté 
qui  n'a  point  encores  de  tiltrc.  On  veut  qu'il  le 
nomme  le  Rabilleur,  les  autres  Efculape;  le  corps 
eft  d'un  Baron  de  [ce]  pays,  qui  comme  Don  Guichot 
n.  35 


546 


HES  OU    BAROV   t>E   F^KESTE. 


voyagea  pour  remettre  la  Chevalerie  errante,  cettui— 
ci  coure  le  pays  pouf  reftablir  l'honneur  des  Set> 
gneiirs  &  régler  la  menue  NobleiTe,  où  il  lui  arrire 
<ks  accidents  qui  ne  vous  lairront  pas  dormir.  —  F. 
Monlur,  ye  me  mets  à  genoux  debanc  bous,  pour 
que  bous  m'en  dtliez  quauqtie  caufe,  &  que  yem'ea 
aille  en  cène  vone  vouche.  —  E.  Je  ne  l'ai  leti  que 
deux  fois,  mais  pour  vous  donner  courage  de  m'en- 
voyer  des  nouveautez,  je  vous  en  dirai  le  commen- 
cement &  la  fin.  Un  Baron  de  ce  pays,  qui  porte  le 
nom  de  Calopfe  de  bonne  &  grande  maifon,  noum 
aux  lettres,  &.  qui  en  fa  jeuneiTe  a  eiti!  homme  de 
guerre,  depuis  pir  le  loilir  de  la  paix  cil  devenu 
plein  de  médications,  à  force  defquelles  (fans 
cela  de  fa  race)  il  eft  devenu  ipocondr raque.  C* 
ci  convia  un  jour  des  gens  qui  approchoycnt  le 


I 


Chapitre   XX'H. 


Commtnetmeni  des  opinions  du  Confti 
&  la  rtfilation. 


UELQU'uN  propofa  l'opinion  de 
feu  Segur,  qui  difoii  qu'en  Tur- 
quie ]ëi  fous  efloyent  cenus  pour 
Prophètes,  &  que  tout  y  profpe- 
roit:  atnfi  que  la  France  iroic 
bien,  fi  on  vouloii  adjoufter  plus 
'  de  Totaux  Prophéties  de  Brocart. 
Là  fut  allégué  Renaudiere,  difant  qu'on  ne  porioit 
point  alTez  d'honneur  à  la  Noblefle,  &  que  tous  les 
difcords  de  la  France  fe  devoyent  vuider  par  les 
Annales  de  Bretagne.  On  mie  en  avant  un  pedi livre 
qui  pour  régler  la  grande  multitude  d'Oflîciers  vou- 
loit  eflire  i30,oooCenfeurs.  Le  Prefidcnt  de  Provins 
qui  efloii  là,  mainienoit  tout  aller  en  décadence  pour 
ce  qu'il  n'eiioit  pas  Chancelier.  Un  baladin  nommé 
Faucheri,  qui  n'eltoit  pas  alBs  avec  les  autres,  vini 
dire  par  delTus  les  efpaules  comment  il  avoit  leu  en 
Bodin  que  les  Royaumes  fe  ruinoyent  fauie  de  la 
dance,  &  pour  cela  il  ne  vouloii  plus  mouftrer  qu'à 
pilloles,  &  qu'en  fin  la  France  le  perdroii.  Ce  pro- 


54^^   AVANTURBS  DV   BARON  DE  FfKESTE. 

pos  fuc  rejené,  pource  qu'il  n'y  avoîi  Ik  perfonne 
pour  les  caprioles.  J'aimerois  autant,  dit  le  Baron 
de  Calopfe,  l'opinion  de  Mademoifelle  Sevin,  afflâ- 
voirquc  le  monde  fe  perdait  à  faute  de  pèlerinages  : 
&  Grandri  d'auprès  de  Mellc,  s'efcrioit  roiisjours 
i]uc  le  monde  fe  perdoit  par  trop  de  Clergerie.  Ce 
)>ropos  fut  rompu  par  Madame  de  Bonneval,  la 
bonne  femme, qui  avoîl  leance  en  ce  Confeil,  &qui, 
après  avoir  difcouru  fur  la  félicité  d'Angleterre  du- 
rant la  Reine  Elîzabech,  maintint  qu'il  faloii  mettre 
la  France  en  Guno[;ratie .  Voila  le  Baron  en  colère  : 
•  Rran,  dit  il,  j'aimerais  autant  la  Jobelinocratie  du 
Prince  Malaifé  de  la  Rochelle,  i  Aufii  à  propos  fut 
l'opinion  du  bon  homme  de  Cliflbn,  difant  que  tout 
rtlfiiii  faute  d'ufer  de  pimpenelle;  j'y  adjouller 


LIVRE    III,    CHAPITRE    XXII.  549 

de  Grammere  :  car  cette    Grammere,  qui  vient  de 
grandis  mater ^  tiendroit  tous  fes  enfans  en  paix,  s'ils 
faifoient  d^elle  Tellat  qu'ils  doivent.   C'eft  par  elle 
que  nous  nous  entendons  les  uns  les  autres.  Faute 
de  Grammaire  fait  que  nous  ne  nous  entendons  pas; 
fiiute  de  s'entendre  ameine  les  diflentions,  les  guerres, 
la  ruine  du  pays  :  ergo^  faute  de  Grammaire  ruine  le 
pays  :  c  Mais  encores  voudrois  je,  difoit  maiftre  Ger- 
vais,  que  cette  Grammaire  fîifl  chaftree  d'une  grande 
quantité  d'adverbes,  comme  charnellemenij  realle- 
mentj  corporellemenij  tranffubflantielUment  ;  d^auftre 
cofté^  facramentellementj  figurêment^fpiriiuelUmenty 
inneffablementj  accommodemem  \  &  encores  parmi  les 
Courtifans  tant  de  Extrêmement ^  je  fuis  vofire  fervi" 
teur  éternellement;  &  aujourd'huy  courz furieufit' 
ment  y  jufques  à  dire  «7  eft  fage^  il  eft  doux  furieufe- 
ment,  La  première  bande  de  ces  adverbes  a  trop  peté 
dans  les  efcholes  &  trop  fait  peter  de  coups  de  ca- 
nons: les  autres  emplifTent  la  bouche  des  plus  fots 
Courtifans,  &  cet  accommodement  eft  terme  de  haute 
vollerie  ou  de  gibecière,  ou  ftyle  de  bourreau  pour 
raccommodement  de  la  corde  au  patient.  On  ufe  mal 
auin  de  pluiieurs   adverbes  à  la  Cour^  comme  :  je 
vous  aime  horriblement  ;  on  dit  mefmes  grandement 
petit.  »   Sur  ces  propos,  le  Baron  de  Calopfe  con»- 
mença  à  changer  de  couleur,  &  ne  pouvant  plus  tenir 
fon   eau,   jette  fa  calotte  fur  la  table,  va  dire  à 
Conftantin  :  c  Je  vous  dis  que  vos  difcours  font  fpur- 
ques  d'impertinences,  d'incongruitez  &  comme  dit 
Coton,  vefvô  de  jugement.  »  Il  efchet  rem  acu  tan- 
gère  :  tous  les  defordres  viennent  de  ce  que  la  menue 
Nobleffe  ne  refpefte  pas  affez  les  Seigneurs  comme 
moi.  La  Cour  m'a  efté  en  abomination  en  oyant  les 
petits  aubereaux  dire  :  c  Hau  Vicomte^  hau  Marquis, 


550       ATANTURES   DU   DAKON    DE   tJeHiSTK, 


veax-ia  venir  jouir?  .  De  là  (outcs  chofcs  vont  fur 
ce  moi  Jurjum  algue  deorfum  &  tous  ceux  qui 
elltment  aucrcraenr,  font  pié-gris,  rulliijues  &  c^ra- 
bins.  Or  n'ell  ce  pis  alTez  d'en  dîfcourir  paihologi- 
iguement,  il  faut  procéder  à  li  thérapeutique,  à  quoi 
je  m'offre  en  cetie  bonne  compagnie,  par  un  voyage. 
duquel  il  fera  mémoire,  &  pourcani  je  detire  vi» 
confcniemens,  iiem  que  vous  l'accompagnez  de  vo% 
prières  &  benediftions,  refcrvé  à  l'arriére  boutique 
de  mes  fecretsle  progrez  de  l'expédition,  La  fureur 
qui  parut  au  vifage  de  ce  Seigneur  fit  approuver  le 
tout,  pour  le  motus  par  filence,  &  Aés  le  lendenain 
le  voyage  &  l'équipage  préparé  comme  s'enfuit. 


Ckapitrb   XXIII. 


Extcution  du  voyage. 


RBHiBKBHKNTilconviencCivoir 
l'habit,  qui  elloit  d'imc  paire  de 
boctines  fourreesde  peau  de  lièvre, 
ua  haut  de  chauffes  de  veloux 
cramoifi  rouge,  un  propotnt  de 
facin  bluf;  par  deflus  une  Juppé 
fana  manches  de  demie  olûde 
rannee,  une  robbe  de  liretennc  Tourree  de  renard,  un 
chappeau  de  veloux  violet  à  quatre  quarres  &  ouppet 
pendantes,  &  delTous  une  calotte  de  colle  blanche 
picquee,  qui  defcendoic  jufqu'auz  efpaules,  &  par 
une  feneftre  carrée  lailToic  paroiAre  un  fort  grand 
nez  &  deux  gros  yeux  admirans  toutes  chofes.  Sa 
lidere,  doublée  d'efcarlatcc  d'Angleterre,  edoiiportee 
par  deux  jumens,  l'une  rouge,  l'autre  poil  d'ellour- 
neau.  Il  eftoit  affilié  de  fon  apotiquaire,  nommé 
Riclec,  chevauchant  une  mule  entière,  garni  d'une 
feringue  à  l'arçon  de  la  felle  &  de  l'autre  collé  d'un 
pot  de  chambre  :  le  relie  de  fon  bagage  elloit  ime 
petite  varife  verœ,  que  fon  jardinier,  à  cuilTes  nues, 
portoit  à  pied.  Le  premier  logis  de  ce  convoi  fut  en 


S52 


AVANTURBS   DU   BARON    PE   f 


J 


Ars,  où  le  Seigneur  foa  parent  le  rcçem  félon  le* 
loix  qu'il  lui  avoit  oiii  prercrire,  &  puis  ayxai 
entendu  l'expédition,  &  que  de  ce  pas  il  marcboit 
à  la  correftion  de  la  menue  Nobleffe.  l'hoUe  propofe 
que  le  train  eftoii  un  peu  trop  modelle  &  de  trop  peu 
d'd'dat  pour  une  fi  haute  entreprife,  pource,  difoit 
il,  que  lans  pareftre  vous  ne  pouvez  garder  voftrc 
authorité.  —  F.  Et  vien,  ye  bous  y  tiens  au  Pardlrc; 
mais  ne  laiflez  pas  de  fuibre  bolle  perpaux.  —  E.  le 
me  rends  à  vous,  &  vous  dirai  en  pourluivint  mon 
difcours,  que  M.  d'Ars  jura  qu'il  ne  l'abandonneroû 
point  en  un  fi  grand  &  fi  honorable  detTcin,  &  vooi 
coucher  à  Saugeon,  que  Calopfe  avoit  mis  fur  fc» 
tablettes  pour  avoir  veu  au  Baron  de  là  li  mouftache 
trop  relevée.  Saugcon  le  rcçeut  avec  toutes  les  civi- 
li:ez  qu'il  fe  pcuft  ivifer.  Le  vieux  Baron  i   toutes 


LIVRE    III,    CHAPITRE    XXIII.  553 

fous  ris  hors  de  faifon.  Là  deflus  force  injures;  & 
puis  fur  la  longueur  d'allumer  du  feu  &  Taccente  du 
fouper.  Saugeon,  préparé  par  Ars,  ne  refpond  que 
desexcufes,  &  qu'à  avoit  efté  eibloui  par  la  grandeur 
du  Seigneur.  Au  coucher,  le  Baron  encrecinc  fon 
coufin  du  beau  commencement  de  reformation  quil 
avoir  desjà  obtenu  fur  fon  hofte,  lequel  pour  marque 
de  fa  repentence,  fe  renge  au  train  pour  reformer 
les  autres.  Là  deflus  ce  livre  conte  un  beau  voyage, 
comme  il  arrefta  des  chafleurs;  comme  on  punit  un 
page  qui  avoit  percé  fon  pot  à  piflêr;  ce  qui  fe  paffa 
à  la  rencontre  d'un  équipage  plus  bizarre  que  le  fien, 
au  Confeil  de  Cherveux,  quand  il  fut  adoré  à  Chef- 
boutonne.  Je  ne  vous  faurois  dire  le  livre,  msâs  il 
me  fou  vient  du  dernier  adeque  vous  m'avez  demandé. 
Enfin  tant  chevauchèrent  qu'ils  arrivèrent  chez  Riou, 
beau  frère  du  correcteur,  où  il  ne  trouva  rien  à 
redire  fur  la  réception;  mais  fur  la  mi-nuid,  un 
efpagneux  s'eflant  mis  à  japper  &  hurler,  ce  Seigneur, 
à  qui  le  dormir  eftoit  cher,  fait  fauter  Ars  en  place  : 
a  Allez,  luy  dit  il,  faire  tout  prefentement  aflbmmer 
le  chien,  &  eftrangler  le  Fauconnier  de  céans.  »  — 
«  Cela  vaut  fait,  refpond  Ars  ;  &  ayant  un  peu  pzffé 
le  temps  avec  Riou,  il  remonte  anoncer  comment  le 
chien  eftoit  mort,  &  que  le  Fauconnier  eftoit  mort 
joyeufcment,  puis  qu'il  avoit  offenfé  fa  Grandeur.  — 
Vraiment,  dit  Calopfe,  je  m'en  repens,  &  cela  me 
fait  fouvenir  de  ceux  que  le  Pape  Sixte  faifoit  mourir, 
&  qui  refpondoit  à  ceux  qui  demandoyent  remiflion 
pour  leurs  parens  :  Andate^  confortateloyaccioche  moia 
aile gr ornent e;  io  li  mando  la  mia  benediiione.  Le 
mal  heur  fut  que  quatre  autres  chiens  fe  mirent  à 
japper  au  fécond  fommeil.  Telle  fut  l'impatience  du 
Seigneur,  ou  l'authorité  qu'il  avoit  prife  à  fes  pre- 


554-     AVAMTtrai 


OU  BARON    PI  TMStSTU. 


miers  progrés,  qu'il  prend  un  ballon,  defcend  t 
chemife,  s'en  va  lirer  le  rideau  de  ton  beau-frerc. 
crUnt  :  •  Ineptie ,  ftlonnt'f  &  Ciimbinage  ineffable!  t 
Mais  ce  n'eft  pas  tout,  car  il  commençoit  la  charge 
quand  Riou  vint  aux  pril'es;  &  fa  femme,  refveillee 
à  grand  peine,  pource  qu'elle  cfloit  fourde,  vint  au 
fecoiirs  de  fon  mari,  empoigne  fon  beau-frerc  par 
le  manche;  luy,  quitte  tout  pour  la  faifir  à  la  gorge. 
Ars  &  Riou  fe  mettent  à  les  defprendre,  ce  qu'ils  ne 
pouvoieni  faire  fans  le  fecours  d'un  fceau  d'eau.  O 
duel  eftanc  feparé,  il  n'y  eut  humilité  ni  repentante 
qui  peuft  empefchcr  le  reformateur  de  marcher  à  la 
vengeance.  Il  fc  fait  donc  pofer  dans  fa  litière,  raarcbe 
droift  à  Pons,  arrive  au  chaAeau  à  foleil  levant,  ne 
voulut  pas  qu'on  avertifl  la  Ûamc,  fa  eoufme.  qoi 
furprife  en  fa  chambre  en  fe  voulant  habiller,  fu* 


I 


LIVRE    III,     CHAPITR.t     XXIII. 


555 


aUx  conclurions.  Mais  le  Baron  ayant  faifi  un  grand 
couteau  Bayonnois  qui  pendoit  lez  la  braguette  de 
Colineau,  le  porte  aux  gorges  des  refufans,  &  les 
contraignit  à  chofes  eftranges,  au  moins  en  pleurant, 
à  defcouvrir  &  faire  exhibition.  A  la  vérité  la  pièce 
eftoit  moult  livide  &  d'un  regard  affreux;  enfin,  les 
rieux  ofterent  le  coufteau.  La  leâure  du  procez  & 
un  occicrate  appliqué  adoucirent  un  peu  la  douleur 
&  b  fureur. 


Chapitre  XXIV. 

Hijione  de  RuUl  &  du  Medtan. 


oiLA  comment  fortune  accourcit 
un  beau  livre  &  un  beau  voyage, 
car  il  falut  gaigncr  la  maifoii. 


LIVRE    III,    CHAPITRE    XXIV.     *       557 

velee,  fans  luy  bailler  loifir  de  cercher  fa  couëffe, 
&  ayant  délibéré  de  changer  d'armes,  luy  fait  porter 
le  dard  après  foi.  Et  voici  comment  il  s'efquipa  :  il 
avoit  fur  fon  bras  gauche,  d'un  bout,  &  de  l'autre 
fur  Tefpaule,  une  grande  Bible  de  Jean  de  Tournes, 
ouverte  fur  le  20  d'Exode  ;  porte  en  la  droitte  une 
efpee  nuë,  &  en  cet  équipage,  marche  au  lia  où  le 
médecin  &  Riclet  eftoyent  enfemble  couchez.  Le 
médecin,  efveillé  en  furfaut,  eut  encores  plus  de  peur 
de  la  chambrière  que  du  maiftre,  s'écrie  :  •  Si  tu  es 
de  Dieu,  parle,  fi  tu  es  de  l'autre,  va  t'en  !  »  Mais 
aufll  toft  il  reconnut  fon  malade  à  la  parole^  difant  : 
•  Traitre  au  Supernel  &  à  ton  ame,  il  convient  que  tu 
la  rendes  maintenant.  »  Voila  le  médecin  à  mains 
jointes,  demandant  la  vie  &  pardon  à  Dieu  &  à 
Monfieur  le  Baron,  proteftânt  que  quand  il  devroit 
eftre  le  plus  pauvre  médecin  du  pays,  il  feroit  fa 
reconnoiffance  dés  le  lendemain.  Calopfe  cependant 
lui  prefente  tantofl  la  Bible,  tantoft  Tcfpee,  douteux 
qui  devoit  opérer  le  premier,  le  glaive  fpirituel  ou  le 
temporel;  mais  le  bras  gauche  lui  faifant  mal,  il  mit 
l'efpee  fur  le  pied  du  lift,  prit  la  Bible  à  deux  mains 
&  frappoit  fur  la  cervelle  en  criant  :  •  C'eft  pour 
t' inculquer  ce  que  prononcent  les  iainftes  pages.  > 
Sur  ce  mot,  ayant  ouy  Riclet  qui  rioit,  il  tourne  là 
fa  fureur  :  t  Riclet  !  difoit  il.  Hérétique  comme  un 
rat,  voici  ton  heure  pofterieure  !  »  Comme  il  couroit 
à  l'efpee,  Riclet  qui  cognoiffoit  fon  maiftre,  prit  fa 
chemife  entre  fes  dents,  efcarquille  les  ongles,  & 
tournant  les  yeux  en  la  tefte  avec  un  grand  bruit, 
fit  tomber  de  frayeur  Monfieur  le  Baron  à  la  ren- 
verfe,  &  lui  fa  chambrière  ;  &  Riclet  le  premier,  le 
médecin  après,  paiTerent  fur  le  ventre  des  renverfez. 
Voila  comment  fucceda  le  remède  aux  defordres  de 


!58 


STUHES  DU   BARON   DE   F^KEtTr. 


U  France.  —  F.  J'eniens  vien  ;  bous  boulez  dire 
que  nousabons  force  medednsderEilai  JLilIiprupr» 
3  cela  comme  un  ciuciiîx  à  jouer  d'un  ciliflei.  QwukJ 
bous  aurez  lou  libre,  ye  bous  donne  mt  kgiuntc,  & 

me  l'embouiez. 


'W 


LIVT{E    QV04T%fESiME. 


Chapitre    I. 

Comme  le  Sieur  d'Enay  &  le  Sieur  de  Beaujeu,  qu'il 
avoit  receu  ta  fa  rnaifon,  tjhient  Jar 


s  mal  en 


ui/Hcr^  uiiivE  lE  Baron  de  tasefle  plus  ntui  c» 
poin^  que  dt  eoujlume^  (r  n'ayant  que  luy  il  fui 
dans  la  fallt  avant  efire  apperceu  :  Enay  qui  le 
void  entrer,  t'eferie  ainfi  : 

NAY.  VoiU  Monfieur  le  Baron.  — 
F.  Pour  bous  ferbir  éternelle- 
ment. —  E.  Qu'on  aille  loger 
les  chevaux  de  Monfieur  le  Baron, 
courez.  —  F.  Monfur,  il  n'cft  pas 
de  vefoin  :  bous  bo^ez  tout  mon 
équipage  pour  cette  hure;  cette 
pendarde  de  Fourtunc  m'en  a  joiié  des  fiennes,  comme 
je  bous  dirai.  —  £.  Lavei  vous  donc,  &  gardons  le 


J 


560    AVAVTURES    DU     n  VKOK     DR    FfHKSTI 

refte  après  k  fruift.  —  F.  Cènes  hoicî  un  von  reo- 
comre  ;  je  n'ai  rien  beu  fi  à  proupi^s  depuis  U  vataillc 
de  Siinft  Pierre  que  boftre  uvie,  —  £.  Vous  venez 
donc  de  ce  mauvais  affaire. —  f.Oida,oy,c'cftIàoù 
y~ji  beu  delà  guerre  à  von  efcient.  -le  me  fuis  troubi 
depuis  l'haunur  de  boftre  beuë  en  trois  guerres  où 
les  afiaircs  ont  efté  vien  vroiiillees,  à  la  vacaille  di) 
puni  de  Sey,  ^  celle  de  Trahonne  en  Balteline,  (t 
à  celle  de  la  Bal-Sinft- Pierre,  à  la  frontière  de 
Pied  m  ont.  —  £.  Appeliez- vous  ces  rencontres 
batailles  ?  —  F.  Pourquoi  non,  quand  ce  font  armées 
Royales  qui  fe  chocquenc,  quand  il  y  a  drjppcau« 
vlancs  arborez  &  artillerie  qui  marche.  —  £.  Maïs 
n'avez-vous  point  quelque  cheval  de  loiiagc  pour  le 
moins?  —  F.  Non  pas  non,  que  je  me  fuis  mis  en 
l'infancerie,  coiomc  1c  fui   moyen  de  pareflre  &  de 


LIVRB    ir,    CHAPITAS    I. 


561 


mais  il  me  fouvient  que  fi  un  Capitaine  ou  un  Maiftre 
de  camp  euft  eflé  veu  avec  des  bottes  &  efperons  à 
quelque  exploift  de  guerre,  on  euft  crié  qu'il  avoit 
derrière  le  bataillon  quelque  barbe  ou  cheval  vifte 
pour  jouer  à  la  faufle  compagnie,  &  gaigner  le  mou- 
lin, fi  bien  que  les  gens  de  commandement  ne  por- 
toient  que  la  gamachc.  —  F.  Que  boulez-bous?  il 
y  a  afTez  d'otres  biedaferies  qui  ne  font  pas  comme 
en  ce  temps  là.  —  E.  LaifTons  ce  difcours  pour 
ouyr  de  Monfieur  le  Baron  les  avantures  qu'il  a 
courues  en  ces  trois  guerres.  Par  où  eftes-vous 
d'advis  de  commencer?  —  F.  Suibons  Tourdre  du 
temps,  &  ce  fera  la  guerre  du  pont  de  Sey. 


35»^ 


^y 


H. 


,6 


Du  pent  de  Sei,  &  par   occ^/mil  de  la  n»oJe. 


ESTE.  Oli/,  i'ellois  au  pont  de 
SeJ,  &  fis  bingt  &  dus  liués  en 
bingi  quatre  hures.  Je  palTat  à 


LIVRE     IV.    CHAVITRB    II.  J63 


ner  un  demend.  Ceft  un  vrabe  pais  pour  fe  fauber 
que  ce  vas  Poié^ou,  tout  plein  de  haies,  que  nous 
fautions  par  les  efcaliers.  Yamais  je  n'abois  maudit 
mes  efperons  qu'à  l'hure,  car  je  tenuchois  à  tous 
coups,  &  les  uffe  bifTez,  mais  c'efl  ce  qui  fait 
pareftre  le  caballier.  Soufaent  b  tefte  alloit  la  pre- 
mière &  le  cuiou  faifoit  le  fouvrefaut,  comme  je 
difois  :  mais  bous  fçabez  qu'un  homme  de  guerre 
doit  prendre  fes  abantages  partout.  Se  po  dire 
que  nous  en  fçabins  trop  per  efta  notaris;  c'efl  une 
velle  chaufe  qu'une  retraite  vien  faite.  —  B.  Qui 
commença  cette  defroute  du  pont  de  Sey?  -^  F.  Ce 
fut  un  vrabe  Duc,  qui  boyant  les  approches^  prit 
une  gaillarde  refolution,  &  lebant  la  main  haute, 
s'efcria  :  •  Qui  w^aime^fi  me  Juibe!  faute  qui  put  !% 
Il  dit  cela  de  fi  vone  feiçon  qu'il  fut  ovei,  en  defpit 
d'un  bieux  Meftre  de  camp  nommé  Voifguerin,  & 
quelques  Huguenaux  qui  bouloient  comvattre.  — 
£.  On  apprend  tous  les  jours  ;  jamais  je  li'avois  ouy 
applicquer  ce  commandement  :  «  Qui  m^ aime  y  fi  me 
Juive  y  •  fmon  pour  aller  au  combat.  —  B,  Et  moi 
j'admire  la  refolution  de  ce  jeune  homme;  vous  ne 
dites  rien  du  Comte  Sainô-Aignan,  qui  alla  bien  au 
combat.  —  F.  Je  n'en  fai  rien,  car  il  eftoit  delà 
l'eau.  —  B.  Et  vous,  où  eftiez-vous?  — F.  A  l'autre 
eftreme  du  pont.  Il  y  en  aboit  qui  bouloient  que 
nous  nous  millions  en  vataille  (ur  un  haut  pour 
pareflre;  mais  quand  nous  ouifmes  la  furie  de  la 
charge,  chaicun  prit  parti.  —  E.  Vous  fiftes  fort 
bien,  &  cène  fois  là  vous  aimaftes  mieux  Teftre  que 
le  pareftre,  &  peut  eftre  eftes  vous  encor  aujourd'hui 
pour  n'avoir  pas  paru.  Peut  eftre  apprendrez  vous 
que  Teftre  vaut  mieux  que  le  pareftre,  pour  le  mal 
que  vous  avez  receu  à  pareftre  botté.  —  F.  Bentre 


564 


NTCKIS  DU  VAKOK  DX  FjrKBITC. 


S»Hi  Fiicre!  baus  me  icnez  à  cette  fois.  —  B.  J*âi 
veu  que  nous  do'js  mocquions  des  Anglois,  qui  pour 
pareltre  Geacilshommcs,  lont  ious)ours  bonez  & 
erperonuez  duis  les  navires,  &  les  genc  de  robbe 
langue  au  Palais.  —  E.  C'ell  bien  loing  de  ceux  de 
Pans,  qui  mal  iraiiteai  les GenrilshomoiMcfpcTonocs, 
comme  vous  l'ciTayalles  <]uincl  Fcrvarqucs  rous  fit 
cetce  mefchanceid  «u  Palais.  —  F.  tU  font  vien 
encor  ces  bieduerics,  &  n'y  a  plus  qu'us  ;  car  les 
loldais  des  gardes  fonc  prefques  tous  vonés,  &  cda 
paroid  vien  dabantage,  car  ils  fencent  les  gendarmes 
reformez.  —  B.  Nous  cfperons  un  de  ces  {ours  que 
les  Dames  iront  bottées  &  efperonnces  pour  iiûrt 
iionneur  à  la  mode,  tt  ï  l'mvcflccur  Sainâ  Michd. 
Je  vùi  quelque.sfois  des  Juges  par  la  France 
prennent  de  mauvades  conjeâures  de  leurs  prift 


I 


M 


LIVEft    XV,     ÇH4P1T1LB    II.  565 

comme  pédants  du  bieux  temps  ?  A  proupos  des  man- 
chettes, y'eftois  allé  difner  chez  Monfur  lou  Bidafme  ; 
un  fadafJTe  de  Caiteine  prit  mes  manchettes  pour  la 
ferbiette,  &  s'y  efluia  les  mains  :  ye  TufTe  trucquai, 
mais  il  aboit  fait  cela  par  ignorance.  Ye  bous  dits 
&  bous  maintiens,  pour  rebenir  aux  chebeux,  que 
c'eft  une  chaufe  vien  honteufe  que  le  poil  ne  couvre 
point  les  oreilles.  —  B.  Vous  verrez  que  cette 
invention  eft  venue  de  Gafcogne,  &  quelques 
uns  s'en  feront  fervis,  au  lieu  de  cacher  les  oreilles, 
à  couvrir  la  place  où  elles  avoient  efté,  —  F,  N'eft- 
il  pas  vien  plus  veau  qu'un  efprit  retiré  en  foi  mefme 
offufque  ainfi  les  oreilles  &  les  yeux  pour  ne  rien 
boir  &  ne  rien  oiitr  qu'abec  deldain,  &  ne  deftour* 
ner  point  fes  velles  méditations^  -^  B,  ht  Roi 
paiTant  à  Grenoble  pour  aller  en  bts,  demanda  à 
l'Evefque  comme  quoi  il  gouvemoic  1m  Dames,  ft 
les  voyant  coiffées  à  la  garcette,  tint  un  Itngtge  fort 
à  la  défaveur  de  la  mode.  —  F.  Je  croi  vien  que  k 
Roy  n^aime  que  les  armes  abec  lefquellcs  les  moudft 
ne  s'accommodent  pas  vien,  ft  fur  cous  les  grands 
chebeux  dans  les  cafques,  qui  fe  coupent  encre  le 
haufle-col,  font  Thavillament  de  c«fte  plus  grand,  & 
par  coal'equenc  plus  pe&nc  ;  meûne  il  y  a  un  de  fes 
Efcuiers  qui  a  ofé  rimer  fur  les  garcectes  &  dire  : 

Les  Àrti/ans  ont  à  leur  porte 
Ven feigne  iu  tnejtier  qu'ils  font  j 
Et  tt0t  Dames  en  tttte  forte 
Ont  Us  garcettesfur  Itfromt, 


Chai-itre   Ml. 
Du  fécond  dejajirc  à  h  l'ululiiu. 


ÏÏm. 


«NESTE.  Ayam  tout  perdu 
I   yu  &  me  boyuni  «igagi  de  de1>^l 
j  tes  pour  les  bibrcs,  yc  me  laiflîij 


LIVRE    IV,    CHAPITRE    III.  567 


diavle,  fans  fe  mettre  en  forte  haleine.  Il  me  lougea 
dus  fois  à  Sant  Germen,  que  je  ne  fçabois  où  aller, 
&  m'apprit  les  coumoditez  qu'il  y  a  de  n'aboir  poent 
de  rouffis.  Mais,  Monfur,  quel  von  conte  fçabez  bous 
de  lui? —  B.  Si  fçai,  &qui  viendra  à  propos  d'aller 
à  pied  ou  à  cheval.  On  did  qu'un  Grand  de  France 
qui  porte  l'efcarlatte,  ne  defdaigne  point  cet  homme 
de  pied,  &  fi  âilletava  délia  Jua  buona  robba.  Un 
jour  que  nous  eftions  bonne  compagnie  à  pafTer  le 
bac  de  Chattou,  nous  voyons  venir  à  courfe  de  cheval 
un  autre  Aumofhier  qui  n'ayant  put  nous  joindre 
que  nous  ne  fuifions  à  milieu  de  l'eau,  s'efcria  au 
SouifTe  qui  parloit  tousjours latin:  c  Redij  redij Do- 
minus  te  vult  conventum^  &  fi  ulterius  progrediaris^ 
acerrimas  dabis panas.  »  LeSouiflè  s'efcria  du  milieu 
de  noftre  batteau:  t  Tomine^  Tominatio  feflra  ticat 
Tominationi  Tomini  Prafoulis,  quodnon  fiolo  machis 
inferfire  illious  prœpoftera  lipidinip  quantoquitem  ego 
fado  petes.  i  Le  cavalier  du  bord  replicqua  force  me- 
naces, n'entendant  point  ce  Ladn  tudefque,  que  fort 
peu  du  batteau  entendirent  aufli.  Il  n'eut  pas  fi  toil 
dit  :  t  Que  dites'-vous^  Monfieur  le  barragoUin  ?  vous 
aurei  des  eft rivières^  i  que  le  gros  brode  répliqua  : 
•  Parti ^  moi  lit  qu'il  r^efl  point  raifon  chevaucher  moi  ; 
chevaucher  point  un  cheval.  •  —  E,  Ces  difcours  font 
dangereux  :  il  fe  pourroit  trouver  quelque  courtifan 
qui  approprieroit  la  chofe  à  fon  poinél;  laifTons 
cela,  Monlieur  le  Baron ,  je  vous  demande,  l'armée 
que  vous  menaftes  aux  Grifons  eftoit-elle  belle?  — 
F.  Mais  des  plus  velles,  prefques  tous  les  foldats  vien 
accoumodez  à  la  moude,  tous  les  perpunts  vien  de- 
couppez.  —  B,  Vous  ne  dites  que  ceux  qui  avoyent 
moyen  portoient  tous  des  Royales  ;  mais  les  gens  de 
pied  furent  contraints  de  les  laiffer,  ou  rougner  (au 


506       AVAN'TURES  DU   BARON  DE   F.BMB5TE. 

moins  ceux  qui  portoyeni  bones),  ctr  ^  tous  coups  la 
cfpcroiis  s'cngageoyeat  dedaQi,&  faifoycni  faire  des 
partares.  —  E.  Je  ne  vous  demuuiois  pas  cda,  je 
dcmanduis  fi  l'armée  eftoit  tonc,  —  F.  On  nous  con- 
coic  pour  quatone  mille  hommes  de  pied,  Se  dus 
milli;  cliebaux.  —  B.  MonTiuir,  j'jr  fis  un  tour  avec 
Miinficur  de  Vaulecourc  ;  quand  cout  fiu  jrnm,  il  y 
avilit  cela.  —  F,  Mais,  Monfur  de  Vesuju,  ces  v«n- 
dc6  ne  parelTeni-elles  pM  borriblestem  velles^  — 
B.  Ouy,  il  n'y  eue  que  le  delàflre  qui  gaAa  tout.  — 
E.  Que  fufTe,  Beaujeu? — B.Ce  fut  que  l'année,  qui 
[cnuit  quatre  lieues  d'afliette,  fut  un  joar  attaquée 
par  le  régiment  feul  de  Papuem,  lequel  changeant  de 
cjrùcr,  les  Capiuines  prefque  tous  yvies  aulli  bien 
que  le  relie,  Te  dirent  l'un  ^  l'autre  :  u  Voyomt^  eti 
gerti  Jont  fur  Uwt  armes,  t  lÀ  delTus,  fant  comman- 


LIVRE    IV.    CHAPITR»    IIL. 


5^ 


refpons  que  de  ces  onze  pièces  il  n'y  en  aboit  que 
dus  Roïales,  trois  badardes,  &le  refte  n'eftoic  guieres 
que  de  pierrieres.  Pour  le  ralliement,  nous  abions 
quelques  uns  efchappez  jufques  à  4  iieuës&dcmi;  il 
n'y  aboit  moien  d*en  faire  9,  &  encor  ne  fe  pouboit 
qu'au  lendemain,  qu'on  fe  rallia  après  que  ces 
ybrognes  fe  furent  retirez.  Mais,  boiez  bous,  il  y  a 
des  chaufes  qui  ont  empefché  l'entière  liverté  de  ce 
pays,  qu'il  n'eft  pas  vefoing  que  tout  le  monde 
fâche;  car  il  y  aboit  des  terres  où  nous  n'ofions 
voûter  lou  pied,  pour  ce  qu'elles  eftoient  ou  au  Roy 
d'Efpagne,  ou  à  TEmperur.  D'aillurs  nous  eftions 
vridez  par  le  refpeft  de  Sa  Sandeté.  —  E.  Et  eux 
n'uferent  pas  de  ce  refped.  —  F.  Comme  j'ai  appris 
d'un  Secrétaire  de  Monfur  lou  Marquis,  les  affaires 
d'Edat  ne  font  pas  comme  celles  de  la  guerre.  Nous 
eilions  là  pour  negotier,  il  y  a  des  efprits  qui 
bout  622222222^  &  qui  beulent  qu'on  donne  {t/i^ 
craq,  boutte^  mais  il  faut  aller  à  pied  de  plomb.  — 
B.  Et  en  ce  faifant,  on  va  quelquesfois  à  pied  de 
veau. 


CHAl-ITtlP    IV. 


■r  de  FmielUr  O  qatlqur  chcjf. 
du   rfyugc  d'Ilillir. 


r  , 'gJ^^ry-:^  NAV.  Mais,  Montieur,  vou 
IT<1   r5Tr~iljl   avez  parlé  de  triîis  deftflre 


LIVRE    IV,     CHAPITRE    ÏV.  57I 


US  que  les  proubes  goinfres.  —  B,  Voyez  vous 
comment  les  couflumes  fe  changent.  Je  me  ^uis 
trouvé  aux  vieilles  bandes,  où  fi  nos  chefs  nous 
euffent  commandez  de  tels  ouvrages,  nous  nous 
fuflions  mutinez,  &  euflions  refpondu  :  c  Allej  cercher 
des  gaftadours  !  »  —  F.  Oh  !  il  y  aboit  vien  des  glo- 
rioux  parmi  nous  qui  firent  de  telles  refponfes  ;  mats 
on  menaça  de  pendre,  &  l'exemple  de  nous  otres 
Gentilshommes  lurfit  quitter lur gloire. — B. Gloire? 
vrayement  ceux  qui  ne  poUurent  point  leurs  mains 
à  telle  befongne,  eurent  à  bon  efcient  gloire  de 
cavalliers.  —  F,  Qu'eft-ce  que  gloire  de  cabalier  ?  — 
£.  Beaujeu  dit  vrai.  Il  y  a  trois  fortes  de  gloire  : 
la  divine,  celle  du  cavallier  &  celle  du  barbier.  De 
la  divine,  il  n'en  faut  point  parler  en  nos  cauferies; 
la  féconde,  c'eft  celle  qui  fçait  parcere  fubjeéiisj  & 
debellare  fuperbos ;  celle  du  barbier  gift  en  morgues, 
ou  en  affetterie  de  putain,  en  habits  à  la  mode,  & 
telles  marchandifes.  —  B,  Ha  !  Monfieur,  vous  ne 
comptez  pas  la  glori  Bernât?  —  E,  Où  avez-vous 
trouvé  cela?  —  B,  En  un  feftin  où  je  me  trouvai  à 
Nerac.  Le  Sieur  de  la  Cheze,  qui  avoit  acheté  un 
edat  de  Confeiller,  fe  maria  à  une  riche  fille  de  la 
ville.  Or  eftoit  il  fils  d'un  riche  laboureur,  tellement 
de  la  vieille  mode  qu'il  n'avoit  jamais  porté  de  haut 
de  chauffes.  Le  fils  fut  deux  mois  après  lui,  & 
employa  tous  fes  amis,  &  mefmes  quelques  Eccle- 
fiafliques,  à  lui  perfuader  de  porter  des  hauts  de 
chauffes  un  jour  feulement,  pour  tenir  place  de  père 
aux  nopces  de  fon  fils.  En  fin  ce  père  le  promit  en 
pleurant,  &  predifant  qu'il  en  arriveroit  quelque 
fmiftre  malheur.  Le  voila  donc  veftu  d'un  grand 
cafaquin  noir,  &  de  chauffes  de  mefmes,  où  l'on  ne 
mit  que  quatre  efguillettes  avec  celle  de  devant.  Il 


faluc  lui  aider  à  chcmioer  pour  le  mener  â  cap  de 
table.  MoiiTieur  de  U  Che»c  fcrvoit,  &  prcnoit  garde 
à  pouffer  devant  (on  pcrc  les  plua  friands  mource^ux 
qu'il  pouvoir.  Ce  grand  vieillard Icc&avide,  voyant 
d'auu'es  vivres  <)ue  U  cap  d'ail,  le  mit  i  etcrîmcr 
des  mains  &  des  dents  furieufcmcnc,  non  l'ant  le 
IbuTns  de  la  compagnie.  Quand  Ton  ËIs  Berrut  le 
foUiciioit  de  prendre  des  chauRes,  il  n'avoit  autre 
refponfe  fjnon  :  <i  Ah!  Btrmti,  tjat  ut  >i  glvitUj 
Maujitla  gtoriSeriui!  •  A  toutes  les  ftiandifes  qu'on 
approchoit  de  lut,  il  diloii  entre  les  dents  :  ■  Akl  t/ué 
de  glori,  &  de  glorious!  >  La  furie  de  mander  le  fit 
pouriatii  laire  jufques  un  peu  avant  le  truiâ,  &  lor» 
on  lui  vid  faire  des  mines  d'un  cuUi>]ueux,  rougir  & 
pallir.  Or  avoir  il  atipréa  de  lut  un  charûcr,  fon 
vallet,  auquel  il  làifoii  part  de  fon  difner.  En  fin. 


Chapitrb  V. 
Sailt  det  gloires. 


1  lAUjBu.  Voui  trouvez  de  ee« 
morgues  de  vent  couftuntereiaent 
nax  Efpagnols.  Je  vous  en  reux 
donner  un  exemple.  Un  Efpagnol 
&.  un  foldat  Gafcon  arrivèrent  à 
loger  enfctnble  [&  It  Reole],  i 
l'enfeigne  du  Maa^ieux.  Tout 
eftani  miné  en  ce  pays  là,  l'hofte  eut  peine  à  leur 
trouver  un  chaponneau.  Comme  ils  furent  venus  i 
la  petite  chambre  bafTe,  le  foldai  nommé  Perot  y 
eftïnt  le  premier,  l'Efpagnol  entre  avec  grandes 
dermarches,  &  après  pluficurs  morgues  Erpagnolet, 
il  creut  eftre  de  la  civilité  de  faire  une  entrée  de 
difcoufs,  &  le  commKtça  aiofi,  en  regardant  cette 
volatile  par  defdain  :  i  Vo  m«  efpanto  d»  ws  otrot 
FrAnetfei)  quients  conuit  tos  empmus  fin  naranjas  t  » 
LeGafconreipond:  <  Etyou^debousotrtjSpegMtu, 
qui  mtHgai  lasormigtt  faut Cëpoiu.'  L'Efpagnol,  li 
deinis,efclatteunris  pour  faire  trembler  la  maifon, 
&  fe  mit  le  dernier  k  nble,  pour  achever  Ion  ris, 
cependant  que  Perot  tranchoit  le  chapon.  Le  rieur 


r4 


AKTURCS  DV   BAROK   DK   tJEKtSTt. 


fuit  :  t  Pur  Diûî.  grandts palabrai  par  reir!  Dt gra- 
cia.  kermano,  dejirme  tl  lu  nombre,  por  recitar  fftt 
apophiegma? —  Cap  du  y  ou,  d'il  le  GafcQn,  digas 
meelvojlre  nom  <T  yùu  dirai  fou  min!  •  &CC  difant, 
commença  à  manger.  Le  cavalier  fuit  ;  <  Vtrda- 
deramenle,  es  la  rajon  qite  el  que  pide  ri  itombrf  dt 
loi  mro!  diga  tl  fuyo  primera.  Htrmano,  ya  rat  llarao 
Don  Juan  Hemandei  Rodrigo  de  Parmeniiera.  Sehcr 
de  las  Arenas  de  la  Sierra  Mortna.  CavaiUro  de 
Alcaniara, —  Cap  de  you  !  laitl  de  gens  !  dii  l'autre  ;  fr 
you.  m' appela  Perot.  i  L'Efpagnol  fe  met  la  face  tntre 
les  coudes  far  la  table,  criant  ivcc  un  effroi  tleltcat  - 
Aaa  a  a,  Perot  1  a  a  a,  Pcrot!  aaaa,  Perot!  Perot  I 
O  Diiis.  (jual  nombre  !  Nombre  dado  y  inveniada  del 
tieiiip-'  de  Noi!  Eatonces  el  manda  trm'a  falia  de 
nombres!»  Là  delTus  Iw  ris  redouble);  ne  peumit 


LIVRE     IV,     CHAPITRE    V.  575 


que  les  Juges  tournoient  en  rifee.  Comme  ayant  un 
Rapporteur  très  rude  &  hergnieux  d'une  fiebvre 
quarte,  il  fit  pafTer  un  homme  apofté  devant  le  banc 
du  Procureur  de  d'Eftrancards.  Il  n*y  avoit  que  les 
clercs  ;  il  leur  dit  :  c  N ^  a  il  perfonne  ici  qui  puiiTe 
advertir  Monfieur  d^Efirancards  que  Ton  Rapporteur 
le  demande,  mais  promptement  pour  refclaircir  de 
quelques  poinds  importans  fur  le  procez?  Ceux  qui 
ont  plaidé  favent  quelle  faveur  de  Rapporteur  eft 
cela.  Noftre  grand  homme  donc  adverti,  &  un  efcu 
donné  au  clerc,  entre  tout  hors  d^haleine  au  cabinet 
du  Confeiller,  qui  le  receut  à  belles  injures.  Je  vous 
conterois  quelques  autres  traids,  mais  je  me  con- 
tenterai de  celui  que  j'eftime  le  meilleur.  Il  y  avoit 
à  la  Cour  de  Parlement  de  Bourdeaux  un  Confeiller 
plein  de  hautes  imaginations  ridicules  pour  elles  & 
pour  fes  contenances.  On  ne  lui  refufoit  point  la 
feance,  mais  on  ne  prenoit  plus  fon  advis;  il  fe 
difoit  Confeiller  d'Eflat,  &  homme  qui  pour  fa  gloire 
joiioit  des  mains.  Nous  vous  l'avons  fait  voir  à 
Montferrant,  quand  il  joiia  avec  d'Ardillon.  La 
Beauffe  fe  botte  &  s'efquippe  en  courier,  &  ayant 
bi^n  troufTé  un  pacquet,  cacheté  des  armes  de  Por- 
tugal, par  le  moyen  d'un  petit  ducat,  va  trouver  fur 
les  neuf  heures  du  matin  noftre  Confeiller,  avec 
multitude  de  révérences,  lui  dit  :  c  Monfeigneur,  voila 
un  pacquet  que  je  vous  apporte  en  diligence  de  la 
part  du  Roy  noftre  Maiftre,  le  Roy  de  Portugal  :  vous 
y  verrez  de  grandes  nouvelles  pour  vous;  je  vous 
fupplie,  quand  vous  ferez  en  voftre  règne,  avoir 
fouvenance  du  pauvre  Capitaine  Romarin,  vodre 
ferviteur.  ■  Le  Confeiller  lit  la  fufcription  :  •  A  Mon- 
fieur... noftre  cher  &  honoré  Chancelier  de  Portugal 
&  des  Royaumes  qui  en  defpendent  :  Sur  voftre  bonne 


I   BAUON   DS   FiCKSSTE. 


^i,  fait  de  probité  de  vit,  de  priuUiifift  grande 
dodrine,  expérience  aux  grandi  O-  impt<rianj  nffiatrtJ 
de  l'Ejht,  evmme  attjf  d'konomblê  famille  dont  iwkj 
ejhx  iffu,  Nous  avons  fait  cfutix  de  tvjlre  perfomte 
pour  vous  faire  Chaneeliet  &  Chef  de  nojlre  Juiitct, 
tant  en  Portugal  qu'aux  Roxaumes  ^ui  en  dffptftde'M. 
ilequoi  leilret  plus  «tapies  rout  feront  depefrhee-f  <i 
x'ojlrt  arrivée.  Nouj  vfiui  prions  danc  font  achtmimet 
le  plujiofl  que  faire  ft  pourra,  l^'oui  avoitt  diuuii 
charge  au  Siear  d' Efira/mrdt,  nofire  Threfcrùr,  de 
vous  mettre  en  mainquatre  mille  ducats  pour  ie  voyage. 
Nous  remeitans  du  chemin,  fr  auirei  pariirutaniej 
i)ui  en  defpendeni,  an  Capitaine  Rom-arim,  prafami 
porteur,  (/ai  mui  dira  plus  pariicuiieremenl  eem- 
ùien  rtous  defiront  vofire  venue,  ire,  %  La  prtDCtpïlc 
penfee  de  nollre  Chancelier  fut  de  f^avotr  le  lô^s 


I 


LSTHB    IV,    CNAriTJLB   V, 


577 


defpefcher  aujourd'hui  les  quatre  mille  ducats  qu'on 
m'a  ordonnez,  comme  vous  verrez  par  la  defpefche 
que  voila.  La  refponfe  fut  en  Xaindongois  :  c  Agre^ 
Monfieur^  vous  vous  mefprenei  ben.  Par  la  mordi\  J9 
ne  fçay  que  Vè  ni  de  Portingal^ni  de  la  Portingalerie^ 
y  ay  ben  i£ autres  efcuelles  à  laver,  •  Le  Chancelier 
repart  :  c  On  m'a  bien  dit  que  vous  faifiez  le  rulbe 
&  le  mefconneu.  Contez  moi  argent  &  marchez  droit, 
ou  je  vous  montrerai  comme  je  fçai  chaftier  tels 
galands  que  vous,  •  Pourquoi  m'amuferai-je  à  vous 
conter  les  replicques  &  les  duplicques,  jufqu'au  pre- 
mier fouiHet  que  de(cocha  le  Chancelier^  L'autre, 
qui  efloit  aufli  fort  que  lui,  lui  ramena  la  boule,  & 
eut  fait  bon  voir  l'efcrime  de  ces  deux  demi-Geants, 
fi  les  couppe-j arrêts  de  la  conduite  ne  s'en  fuflent 
meflez.  L'hof^e  &  les  voiiîns  arrivèrent  un  peu  tard 
au  fecours  du  Threforier^  &  le  Capitaine  Romarin  fie 
jolier  cette  farce  fur  le  poind  qu'il  allok  faire  ven- 
danges au  Guas. 


II. 


37 


Chapit&b  VI. 


De  la  guerre  du  Prince;  famiUariié  du  Roi  <r  d« 

Faneflt;  Chaliu,  tillrex  :  Régnante  Jcfu  ; 

l'aniiquùi  de  Langin. 


■.  KAV.  Mais  Monfieur  le  Baroa, 


LIVRE    IT,    CHAPITRE    TI.  579 

Nos  Grands  le  bruloienc,  à  la  motide  sVncend,  c^eft 
à  dire  qu'ils  prenoient  cenc  efcus  d'une  Pareffe  pour 
la  laiiïer  buide  au  milieu  du  departemenc.  Çus  qui 
faifoienc  la  charge  aboient  cinquante  efcus  pour  tous 
enlemble,  &  les  plus  grands  chacun  vingt  cinq.  — 
B.  Vous  avez  bien  faiâ:  de  m'expliquer  ce  brufle- 
ment;  je  penfois  que  ce  fuft  mettre  le  feu  pour  faire 
degaft.  —  F.  Non,  cela  n'appartient  qu'au  pais  des 
Parpaillots.  —  £.  J'ai  veu  le  temps  que  la  tefte  d'un 
Marefchal  de  camp  eufl  fauté  pour  avoir  laifH^  un 
village  vuide  entre  les  logis  de  l'armée.  —  F.  Quand 
nous  eufmes  joints  lous  Huguenots,  ils  en  difoent 
autant  que  bous,  &  appeloent  cette  liverté  defourdre  ; 
mais  nous  nous  mouquions  vien  d'us,  &  ce  defourdre 
nous  a  ferbi  quelquefois  :  car  une  nuid  que  nous 
eilions  parti  de  Chefnai,  où  nous  abions  gagné  chacun 
la  piflole  pour  garder  une  maifon  de  Gentilhomme, 
nous  nous  amufafmes  à  voire  en  une  otre.  La  nuiél 
nous  furprit  à  Thourignai;  nous  allions  trouber 
Monfur  à  Selles.  Nous  eilions  efgarais  pour  toute  la 
nuiét,  quand  nous  troubafmes  dans  le  chemin  un 
canon,  de  là  à  un  quart  de  liuë  un  otre,  à  mille  pas 
de  là  lou  tiers  ;  cela  nous  ferbit  de  vriffees.  Il  y 
aboit  un  fadas  de  Caitaine  du  bieux  temps  qui  bouloit 
que  nous  envoiailions  abertir  comment  le  canon  eftoit 
avandonné,  par  un  de  nous,  &  que  les  dus  otres 
demouraffent  en  bedettes  dans  lou  caiûin  ;  nous  nous 
mouquafmes  vien  de  lui.  Il  me  foubient  auf&  qu'à  la 
Croix  blanche  de  Lufignan,  Monfur  y  eftant  lougé, 
Rochefort  abec  lui,  &  un  grand  trin,  il  fit  demourer 
à  coucher  un  Marefchal  de  camp  Huguenot,  qui  le 
lendemain  au  partir,  boyant  qu'on  ne  donnoit  pas 
un  hardit  à  l'hofte,  fut  vien  fimple  de  payer.  A 
voire j   Pagej   à  voire!  Excufez  moi   :    je  penfois 


umilierement, 

Je  (lire  :  Que  d 

%ez  tousjours 

liir  cow  quand 

craigncr-vouï  m 

faift   ne   faffè  < 

faveur  P  —  f .  s 

n'eicufer  pa«  'jej 

homiDef,  ou  pou 

^.  Vous  me  fait 

entre   le   Roy   [ 

Lunoufin,  qui  t\ 

fijie,  &  nui  quao 

cftoit  heiiciere.  J 

Parler  Jt  lui,   po, 

encreprifes   du  Li 

^«y>ge.  aalu(  a 

firent  trancher  ig  , 

«^e  li  prit  occa 

«flaire,  en  cet  lera 

ff<^wt,  &  capoilù. 

»  nptii,  Dieu  à  m 

ptmr  Ut  txetr  aiui 


Liv&x  iT^  cHAPirmB  vu  j8l 

m'attends  d'aboir  autant  de  pribaotai  abec  Sa  Majefté 
à  mon  retour  qu^ auparavant.  Il  fait  vien  d'où  je 
fuis,  &  que  baut  lou  Baron.  U  a  eftai  chais  mon 
couiln  de  Poulailroa  abec  les  plus  galands  de  fa 
Cour,  pour  comvactre  lou  Diavle,  qui  avoit  faifi  la 
moitié  du  lougis,  &  à  grandes  peirades  fefoit  pur  i 
çus  qui  y  bouloient  aller.  Ma  couiine  fut  vien  eilon- 
naye,  quand  elle  bid  la  meifon  pleine  de  gens  qui 
aboient  totis  Tefpee  à  la  droite,  Se  lou  piftolet  à  la 
maie  man  :  lou  Diavle  s>n  efloic  allé.  Il  arriba  que 
crois  mes  couûns  qui  alloient  en  une  partie  de  vagues 
entrèrent  mafquez  dans  la  vaffe  cour,  la  lance  fur 
la  cuifTe,  us  &  lurs  chebaux  vardez  de  taffetas  vlu. 
Boila  un  grand  cri  :  Boia  lou  Diavle,  boici  lou 
Diavle!  Ceux  ci  s'enfuirent,  &  lou  R07  à  chebal 
après  us,  qui  les  prit  à  une  liuë  de  là,  &  ce  Prince 
les  amena  diiner.  Il  eftoit  fortdrofle  en  ce  temps  là; 
&  quand  lou  cadet  de  PaulaHron  &  moi  arribafmes 
à  la  Cour,  il  s^en  foubint,  &  le  fit  mettre  aux  Gardes. 
—  B,  J^eftois  lors  à  la  Cour  de  Navarre,  &  me 
fouvient  qu^on  difoit  comment  c'eftoit  un  efcolier  de 
Thouloufe,  qui  pour  coucher  avec  la  Damoifelle  du 
logis,  fit  le  Diable  comme  cela.  —  £.  Vous  eftes 
tousjours  fcandaleux.  —  ^.  Le  R07  mefme,  pour 
aller  à  Famour,  accompagné  de  Frontenac  feul, 
eftant  tous  deux  defguifez  de  cappes  de  Beam 
blanches,  alla  en  pofte  à  Yemanc  Ayant  paffé 
Artez,  trouva  la  populace  du  pays^qui  avec  baflons 
ferrez  pourûiivoic  des  forciers;  toutes  les  cloches 
fonnerent  fur  lui^  &  deux  cents  populaces,  qu^à 
pied,  qu^i  cheval,  les  pourfuivirenc  aux  rai^  de  la 
lune,  criants  :  A  la  cauje^  à  la  caufe!  jufques  dans 
le  jardin  de  Yemant,  où  la  Comtefle  qui  lea  atten- 
doit,  fit  le  hola.  —  F.  Je  beux  vien  cela,  mais  je 


I 


583       AVANTURKl   DV   BARON'    SB   FXHtSTE. 


continué  à  dire  que  Sa  Majeftii  fçaii  viea  d'où  ye 
fuis,  &encorqucye  fniexàpied,  ye  fûts  lousiours  lod 
V^ron  de  Fxnefie,  aulTi  vîen  Gentilhomme  que  Idq 
Rny  mefmes.  11  y  2  des  liltres  chez  nous  qui  diTcnc  ■ 
Ri!gnanie  Jtju  propktia.  —  B,  Je  ttic  trouvai  une 
fois  à  l3ia.ble  d'une  DuchelTe  qui  allégua  la  tnclme 
chr>fe,  ce  qui  fuc  relevé  par  un  dcx  plus  dottct 
Gentilshommes  de  la  Franec  en  difani  :  «  J'ai  vru  ai 
divers  lièilx  des  tiltres  de  merme  datte;  l1«  fnot 
lou^jours  honorables,  car  ils  lont  de  ci(K|  cent  ans, 
du  temps  d'un  grand  Schifme  qui  el)ablit  un  Pape  à 
Rome,  un  à  Ravcnnc,  &  l'iutre  en  Avigiton.  La 
Papes  avoieni  lors  gli;né  tin  tel  avantage  que  l'zrt 
du  liccle  courait  fur  leurs  nnmx,  &  difoii  on  Ion  : 
Régnant  lel  Pape  ;  les  Seigneurs,  qui  rc  voulurent 
prendre  parti  avec  aucun  des  Schifmes,  comme  le* 


Chapitr.!   VII. 


NobUffe  de  Fanefie,  &  en  faille  difcoars 
de  Renardière. 


Gentilhommt 

ticque  d'un  Orphevre,  &  demanda 


ANBSTB.  Tanty  a  donc  qu'aullï 
vien  que  Langin  nous  fommes  à 
la  Vivic.  —  B.  La  NoblefTe  de 
vollre  pays  eft  fort  heureufe  à  fe 
faire  valoir  &  à  pareAre.  J'ellois 
ces  jours  chez  un  Orphevre  au 
bout  du  Pom-au-Change  ;  un 
couvert  s'arrefta  devant  la  bou- 
Kiboiu  Favre?  » 
Le  Parifien  ne  l'entendant  pas,  je  refpondis  pour 
lui.  Il  redoubla  s'il  feroit  bien  un  cachet?  Cela 
accepté,  il  mit  pied  à  terre,  &  je  demourai  à  la 
bouticque  pour  leur  fervir  de  truchement,  parce 
qu'il  vcnoit  tout  bourru  de  Gafcongne.  Pour  accour- 
cir,  rOrfevre  prit  fon  ardoife,  &  l'autre  fe  mit  à 
dider  ce  qu'il  vouloit  :  i  Je  bus,  dit  il,  mes  armoi- 
ries.  —  Demande.  Et  bien,  Monfieur,  quel  en  eft 
le  champ?  —  Refponfe.  Boutats  me  aquiou  un  camp 
de  millet,  —  D.  Et  bien,  Monfieur,  que  mettrons- 
nous  dedans?  —  R.  Boutats  me  you,  me  dis.  — 
D.  Conunenc  ?  —  A,  Souvre  aquell  roulHs,  qui  me 


;84     A.VANTlI&fiS  DU  SAROK    DE  FAltBSTI. 

foufli;  cents  vons  efcus.  pctÎK  s'cnicnd,  Boutats  me 
un  efptTverot  fur  lou  poiag.  —  P.  N'y  k  U  que 
cela  }  —  R.  Quatre  cayiioig  efpagnouls,  vîgarraz  tic 
vlanc  &  de  negrc.  Ne  di-membrcz  pis  lou  plumer, 
ni  lou  manie  d'efcarlaKe.  —  D.  Cela  e(l  fait  ;  &  U 
devife  }  —  R.  Ccft  ;  Hari  ptr  atjuiou  fit  de  l'oire 
ertrem  :  Tout  pour  parefirt,  L'Orfèvre  ne  fe  peut 
cmpefcher  de  rire,  &  il  y  eut  eu  de  la  batterie  entre 
lui  &.  le  Gentilhomme,  fans  quelque  petite  alltlîano: 
qui  les  Tcpara,  &  envoya  le  Gentilhomme  en  cercbcr 
un  autre  plus  habile  que  cettui  ci.  —  F.  Cap  de  Sani 
Vafilc  !  je  me  fuITe  ouffert  d'cftre  fécond  contre  ce  cou- 
quin,  car  ce  Gentilhomme  aboit  de  velles  inbenûons. 
il  n'y  a  point  tant  de  fadeiges  dans  les  miennes  :  c'eft 
une  fencltrc  en  iiicarnadin  d'Efpa^ne,  &  la  divife: 
EalfE  comme  lou  vent,  —  £.  Les  plus  courre»  font 
les  meilleures.  —  F.  Monfur,  quand  je  n'aurois  otre. 


1 


LlTRX    IV,   CBAFITRI    TU.  ^85 

des  pieds.  — -  F.  Il  y  a  des  fats  qui  diroienc  que  ce 
feroit  fentir  le  voue,  mais  c'eft  Thomme.  Rebenons 
au  proupos  que  difoit  Renardière.  —  B,  Il  difotc 
que  quand  le  chafleau  de  la  Renardière  fut  fondé, 
Hercules  pafTanc  pays  pour  aller  en  £fpagne,  y  mit 
la  première  pierre,  aux  enfeignes  que,  quand  il  fallut 
démolir  un  coing  pour  baflir  la  grofle  tour  de  Thor- 
loge,  on  trouva  dans  le  fondement  un  quadruple 
d'Efpagne,  &  quelques  maloedis.  —  F.  Hé  !  Monfur, 
noftre  meifon  a  fleuri^  &  fleurira  encor  maugré  les 
enbieux.  Où  eft  lou  temps,  où  eft  lou  temps,  qu'al- 
lant hoir  quelque  couquine  de  Princeffe,  la  vraverie 
de  mes  havics  trouvloit  ma  vonne  fortune,  quand  les 
vroderies  de  diamants,  &  quelques  efcarvoucles 
parmi,  me  defcoubroient  à  la  veue  de  tous?  C'eft 
lors  que  je  maudifTois  lou  pareilre.  Ce  n'eft  pas 
d'aujourd'hui  que  les  grandes  bertus  ne  fe  peuvent 
cacher  ;  &  quand  à  la  balur,  où  eft  lou  temps  que 
nous  allions  lougeant  par  la  Veaufle,  &  comme  les 
couquins  des  billages  fe  defifendoient,  après  aboir  crié  : 
Sus  !  1/  faut  menger  la  muraille  à  vglles  dents  I  Si 
me  arroufois  lou  bel  premier;  d'où  bint  que  les 
compagnons  me  nommèrent  lou  mangeur  de  Mu^ 
railles.  Quant  à  l'efprit,  je  fuis  lou  premier  qui  aie 
inbenté  à  louger  bingt  chebaux  en  cinq  eftavles,  & 
en  toutes  nompairs  ;  &  les  chanfoonettes  d'amour  en 
veau  Gafcon,  quauques  unes  ne  font-elles  pas  con- 
tées pour  rien?  Je  fuis  fils  de  maiftre.  Abez-bous 
yamais  efté  à  Turaines  ?  —  B.  Ouy  da^  &  efpere 
encor  y  aller  bien  toft.  —  F»  Je  bous  prie,  à  la  pr^ 
miere  fois,  regarder  fur  lou  mantou  de  la  chemineo 
en  la  grande  falle,  &  bous  y  berrez,  de  U  feiçon  da 
peire  miea,  en  lettre  d'or  maffif:  Epitaphefur  &t 
naijfance  tUenxi  da  U  Tottr^  Hjm  il  mt  refouvienc 


NTURBS   DU    BARON  DB   FaXBSTB. 


que  bous  m'abcz  accomparé  à  ce  Renardeau  ;  quel 
homme  eiloit-ce  ?  —  il.  C'cltoii  un  homme  muitié 
Soldat,  raoicii*  Procureur,  taa'n'ià  Gentilhomme,  qui 
briguoit  eftre  Aide  de  camp,  difoit  au  Roy  tout 
ce  qui  lui  venoit  en  la  bouche.  Quand  on  publia  les 
droicHs  de  reprefentadon  pour  maintenir  le  Cardinal 
de  Bourbon,  plus  habile  à  fucceder  h  la  Couronne 
que  le  Roi  de  Navarre,  lors  que  par  toute  la  France 
les  deux  tiers  l'appeloient  Charles  dixiefme,  &  la 
monnoye  battue  en  ce  tiUre  là,  fe  prenoit,  horfmîi 
aux  villes  Royales,  le  Confcil  du  Roy  travaillant  tous 
les  jours  à  ordonner  &  à  faire  efcrire  fur  cette 
queftion,  Renardière  frappa  à  la  porte  du  Confcil, 
qui  lors  fc  lenoit  au  cabinet,  demandant  audience 
pour  chofe  qui  importoitrEllac.  Eflant  admis,  charge 
d'un  gros  livre,  il  dit  au  Roy  que  ni  lui  ni  fon  Coo- 


I 


LIVRE    IV,   CHAPITRE    VII. 


587 


grand  Prince  du  monde,  car  vous  faites  plus  que 
Dieu,  pour  ce  qu'il  ne  promet  à  fes  enfans  fmon 
que.  du  labeur  qu'ils  favent  faire,  ils  vivront  com- 
modément ;  &  vous  faites  vivre  vos  Marefchaux  de 
camp  très  commodément  du  labeur  où  ils  n'enten- 
dent rien.  —  F.  Je  ne  troube  von  qu'on  m'accom- 
pare  à  un  Flongnac,  &  il  me  foubient  maintenant 
Taboir  beu.  —  B,  Ceft  ce  que  j'avois  envie  de  vous 
dire,  quand  vous  nous  avez  dit  n'agueres  que  vous 
n'aviez  porté  les  armes  qu'au  parti  du  Roy,  &  il 
me  femble  vous  avoir  veu  en  l'armée  du  Roy  de 
Navarre,  quand  il  reprit  Marans,  aux  enfeignes  de  la 
petite  cafaque  de  drap  rouge.  — F.  Ha  !  que  je  bous 
dirai,  mon  perc  aboit  charge  à  l'Artillerie,  &  quelques- 
fois  par  voutade  &  pan  caprice,  je  prenois  quelque 
cafaque  d'un  des  pionniers  de  fa  compeinie,  mais 
par  fantaifie,  non  pas  autrement.  —  B.  Encor  eftiez 
vous  pour  lors  Huguenot.  —  F.  Oui  da,  en  quelque 
façon  ;  mais  je  bous  dirai  que  veaucoup  d'honneftes 
gens  ont  quitté  ce  parti  pour  les  peines  qu'on  y 
trouboit.  —  B,  Vous  ne  contez  point  les  périls. 
—  F.  Comme  le  Roi  s'abançoit  à  Coutras,  je 
troubai  un  honnefle  homme  qui  s'appelle  Sponde,  à 
Taillebourg,  qui  s'en  retournoit.  Il  me  mena  cou- 
cher chez  Monfur  d'Echilais,  &  me  douna  connoif- 
fance  du  Curai  du  lieu,  havil  homme,  ou  il  n'en  fut 
yamaie,  &  qui  mettoit  en  pradique  ces  inftruétions 
touchant  l'accord  des  Religions,  &  je  bous  dirai 
comment. 


Invention  du  Cari  i'Efthilitis  {  di^renet 
dei  Sermon  I, 


sTE^    Danc()uca   tr    Carè 
j  d'EfirhiljiU  qui  aboit  c(\i  Moine, 


LIYRB    IT,    CHAPITRl    -Tlfl.  5I9 

lui  tmplemenc  en  la  Coafeffion  de  Sand.  J'admirat 
l'eTprit  de  l'hoame  qui  marioic  &  vapcifoic  les  P«p» 
pUles  à  lor  moude,  &  les  Huguenaux  à  la  lor,  & 
depuis  ye  me  fis  inflruire  par  quauques  Pères  Capa« 
chins  &  par  un  Père  Bemabit.  —  B,  S'il  t&cm 
Bemabic,  il  nXloit  pas  marié,  ou  vous  feriez  fils 
de  puuin.  —  F.  Bous  ocres  prenez  les  choofes  fia^ 
plement;  c'efl  une  feiçon  d^haunur  qu'on  leur  poone; 
on  les  appelle  aufii  Doâurs.  —  £.  Ce  n'eil  pas 
obeyr  au  paffage  de  TEvangile  qui  defi*end  fi  explirés 
aux  Chrefliens  de  n'appeller  auom  Pere^  pour  ce 
qu'ils  n'ont  qu'un  Père  aux  Cieux,  ni  aucun  Doc- 
teur, pource  qu  il  n'y  a  Dodeur  que  l'efpric  de 
Dieu.  —  F.  Tant  y  a  que  ce  font  d'avilies  hommes  : 
mais  fur  tout  je  fus  conberci  par  un  fermon  que  fit 
Père  Ange  à  Paris,  le  Judi-Afolu  :  il  conta  la 
PafHon  unt  pitufement  que  je  ne  pus  pas  me  tenir 
de  plorer,  ou  de  pitié,  ou  pource  que  je  regardoîs 
attentibement  les  yeux  chaflius  de  la  bielle  de  Mer- 
fec.  —  B.  Et  que  put  vous  dire  voftre  Père  Ange, 
qui  n'avoit  jamais  eftudié?  —  F.  Il  aboie  un  Pré- 
cepteur fabant  homme,  aufii  vien  que  le  Cardinal 
de  Sourdis,  &  ap^renoit  auffi  vien  que  lui  les  fer- 
mons par  quur,  mais  diberfemenc,  car  le  Cardinal, 
qui  aboie  une  mémoire  cabaline  (comme  on  di^ 
redifoit  fa  leiçon  fans  y  changer  une  fyllave; 
Totre  ne  difoic  que  lou  comancemenc,  &  puis  allotc 
à  l'efcarpoullet,  s'enboloit  dans  les  nues,  hardi  en 
diavle,  &  difoit  des  forfanteries  les  plus  aggreavles 
du  monde.  Il  faut  abouër  que  le  eftyk  &  la  feiçon 
de  nos  Prefcheurs  font  bien  otres  choufes  que 
celles  de  vos  prouves  Miniftres,  aufquels  on  ne  per- 
met ni  Allégories,  ni  Paravolles,  ni  Favles,  ni  gen- 
t'dlefles,  ni  livertez  qui  biennenc  quelquesfois  vien 


59° 


AVAVTURBï  DU    BARON   DE  F«NESTB. 


à  proupos,  quand  ce  ne  feroit  que  poiir  relbeilicr 
lou  puble,  à  l'imication  de  Ciceron,  qui  boyant 
palTcr  Ion  gendre  aiani  au  codai  une  cfpcc  de  fa 
grandeur,  s'dcria  :  Quis  laaio  geatnim  alligavù 
gladio?  —  E.  De  mefme  façon  fut  ce  que  fit  un 
Grec  au  milieu  de  fon  oraifon  :  voyant  tout  le 
mortdtf  endormi,  il  fit  k  difcours  de  l'afne  vendu, 
&  de  la  poiTeflion  de  l'ombre,  à  laquelle  chacun  des 
deux  vouloii  dormir;  le  vendeur  maintenoir  ne 
l'avoir  pjs  vendue.  Telle  fut  encor  l'inveniion  d'un 
Cordclier,  qui  ayanr  pris  une  pierre  en  fa  chaire, 
fit  lemblant  de  la  vouloir  jettcr  à  la  icftc  d'un  cor- 
nird,  &  prenant  fon  branle  la  fie  bailTer  à  plufieurs, 
&puis  :  I  Je  pcnibis  (dît-il)  qu'il  n'y  en  eut  qu'un.  • 
Le  ris  refveilU  leg  auditeur§.  Non,  on  ne  permet 
pas  ces  gayetez  ï  nos  Miniftres,  mcfmes  on  leur  de- 


LIVRE    IT,    CHAPIT&B    YIII. 


59' 


elles  venu  fi  avant,  je  vous  dirai  Tencree  &  la  fuitte 
du  fermon  de  Père  Ange,  lequel  auflî  bien  Mon- 
fieur  le  Baron  a  mis  en  jeu,  s'il  ne  veut  lui  mefme 
le  raconter,  car  c'eft  le  mefme,  puifque  ce  fut  le 
Jeudi-Abfolu.  —  F.  J^aime  mieux  que  ce  foit 
Monfur  de  Beauju,  car  pour  dire  lou  brai,  je  n'en 
ouys  que  la  moitié;  lou  relie  me  fut  contai  par  un 
otre.  —  B.  Or  bien,  vous  en  faurez  autant  que  ma 
mémoire  •&  vollre  patience  en  pourront  porter. 
Après  les  croix,  les  révérences  &  le  plonge,  ayant 
fait  branler  la  pointe  du  capuchon  &  celle  de  la 
barbe,  touflit  en  E-la^  mit  le  haut  moût  devotieufe- 
ment,  &  craché  trois  fois,  il  commença  d^une  voix 
haute,  difant  : 


^^^^^mn 

^l^^^^^ê^J 

CHAflTRH    IX.                            ^^^H 

Sermon  du   Père  Ange.                ^^^^^^^B 

^^  ocrvELLES,nouvclli.'s,nouvcU«î...      ^| 
V    (là  une  grande  paurc|.  Et  quelles      ^| 
^    nouvelles?...  (li  ereor  une),  de     ^| 

LIYB.E    IV,    CHAPITRE    IX.  $93 

reftoit  pas  proprement,  mais  il  en  avoir  faiâ  faire 
une  toute  pareille,  &  la  fuppofa  en  la  place  de  la 
vieille.  Ce  Prélat,  bravant  en  fa  tyarre  &  habits 
pontificaux,  avoit  par  fes  menées  eftabli  l'Empire  de 
Rome  prefque  par  tout,  &  fous  TEmpire  politique 
fortifié  &  enrichi  fon  Ecclefiaftique.  Ce  Tyran,  tant 
au  fpirituel  qu^au  temporel,  vit  venir  le  pauvre 
noftre  Seigneur,  fils  d'un  charpentier,  qui  eut  pour 
premier  logis  une  eflable,  &  une  crèche  pour  ber- 
ceau, accompagné  pour  tout  potage  de  pauvres 
pefcheurs,  &  quelques  difciples  maigres,  pailes 
&  morfondus,  comme  vous  diriez  ces  beliftres  de  la 
vallée  d'Angrogne,  qui  ont  mieux  la  mine  de  de- 
mander rauQnonne  que  de  prefcher  la  vérité.  Il  y 
avoit  long  temps  que  Maiilre  Sathan  difputoit  contre 
les  Prophètes,  leur  oppofoit  les  traditions  de  fes 
Rabins,  maintenoit  lur  tout  que  le  Mellie  viendroit 
avec  main  forte  &  bras  eftendu,  comme  peut  &  doit 
faire  un  bon  Capitaine  &  grand  Empereur  pareil  à 
Mahomet,  qu'il  couvriroit  la  terre  d'armées,  fe 
feroit  bien  conoiftre  &  paroiftre,  en  fin  feroit  le  feu 
violet.  Là  defTus,  ellant  arrivé  le  Meffie,  après 
l'avoir  elîayé  par  la  tentation,  il  fe  mit  à  prefcher 
contre  lui.  Comme  Tautre  prefchoit  de  fon  codé, 
tous  deux  dans  les  Synagogues,  tous  deux  aux  de- 
ferts,  il  appelloit  Jefus  Novaliile,  fuborneur,  trou- 
blcur  d'Ifraël,  demandoit  fa  vocation,  difoit  de  lui 
8l  de  fes  Apoftres  qu'ils  s'eftoient  ingérez;  l'autre 
faifoit  des  miracles^  chaflbit  les  Diables  de  pluficurs, 
principalement  des  pourceaux  de  Sathan,  &  l'irrita 
grandement  quand  il  chaflfa  fes  marchands  du 
temple.  Il  arriva  que  le  mefmc  jour  que  noftre 
Seigneur  venoit  de  jouer  du  fouet  fur  ces  canailles, 
&  qui  lors  n'eftoit  pas  en  humeur  de  courtoifie 
H.  38 


594      AVANTUKES.OV  SAKOK   DK    WMKKST». 


Kl  dhumilici,  idie  qu'a  bien  dépeinte  un  Cnrd< 
F-lpa^nol  en  defcrivinc  la  tcntaiioa,  &  iiiurul 
Saihan  le  conviant  i  fc  jcttcr  du  pînade  en  bas,  it 
relpondit,  como  CavaUero  bien  eriadù  :  Be/a  las  mt- 
n<ii .  Schor  Saihanas,  por  que  yo  ungo  ejcalai  paru 
t'a/arme.  Lui  donc,  eftiini  cncorcrmcu  de  it  rhuyc 
qu'il  venait  de  faire,  Sachact  s'appriiclia  en  eoirrr 
âtiHi,  &.  fort  refolument  lui  dit  :  ■  ,1iï  te  maintiens 
que  lu  n'es  point  le  61s  àc  Dieu.  —  Tu  en  u  mcDti 
(dii  II-  Seigneur)  par  ta  puanie  gorge,  ce  que  je 
El'  maintiendrai  à  telles  armes  que  tu  voudras.  •  Cet 
propos,  au  jugement  des  Minidres,  fcroient  d« 
bUIphemes,  mais  nous  autres  appelions  le  pain,  pain, 
S,  difons  les  chofes  comme  elles  font  ;  tant  y  »  que 
Saihan  le  prend  au  mot,  demande  i  loiiir  l'eli 
des  armes.  —  F.  Je  maintiens  que  Saihan  abott 
ion.  car  celui  uul  a  reçu  luu  dcl^icaii.  c 


I 


LIV&B    IV,    CHAPITRB    IX.  595 

Gentilhomme  de  bonne  maifon,  il  s^  refolut.  Si  fuft 
choifi  pour  le  lieu  du  combat  le  champ  de  Golgotha, 
pour  Juge  du  camp  Pilate,  pour  fécond  le  bon  Lar- 
ron, cloiié  d'un  collé.  —  F,  Ho,  ho,  c'eft  à  l'efpee 
que  y'entendois  eilre  fécond.  Et  qui  eiloit  fécond 
du  Diavle  ?  fut-ce  point  Monfur  Sant  Longisr }  — 
E,  Bran  !  Longis  n'eftoit  qu'une  lance.  Ne  rompez 
point  propos  :  vous  ne  courez  pas  fortune  de  ce 
codé  là.  —  B,  Il  ne  fe  peut  dire  comment  ce  veillac 
Sathan  fut  efbahi.  Voyant  que  fa  fupercherie  n'avoit 
point  rompu  la  refolution  de  fon  ennemi,  il  va  fol- 
liciter  dans  la  preffe,  &  quand  d  vid  le  Seigneur  au 
plus  fort  des  tourmens,  il  fit  crier  par  fes  heraux  : 
«  Si  tu  es  fils  de  Dieu^  defcends,  )>  La  finefle  efloit 
grande,  car  ne  defcendre  point  eftoit  donner  à  fes 
gens  dequoi  rendre  douteufe  fa  divinité;  defcendre 
eftoit  quitter  le  combat,  ce  que  noftre  Seigneur  ne 
voulut  jamais  faire,  mais  ouy  bien  le  poltron  Sathan, 
qui  ayant  abandonné  Thonneur  &  le  champ,  fit  de 
la  querelle  une  guerre,  &  eut  fon  recours  à  fa 
garnifon,  comme  nos  gens  faifoient  aux  efcar- 
mouches,  quand  les  Huguenots  vouloient  venir  aux 
mains.  Il  arrive  vers  les  fauxbourgs  d'Enfer  tout 
efchauffé,  &  le  vilain  de  crier  :  Aux  barricades! 
Aux  barricades!  Vous  eufliez  dit  que  c'eftoit  le 
Comte  de  Briffac  en  la  place  Maubert.  Et  jeunes 
Diables  de  cercher  des  barricades  par  tout,  &  les 
vieux  de  les  placer  aux  advenues.  Vous  autres, 
ivrognes  de  Paris,  leur  en  vuidates  affèz  au  dernier 
Carefme-prenant  pour  fervir  aux  Diables  à  jouer  la 
Paflîon.  Voyez  que  c'eft  que  de  tant  boire.  Vous 
fourniflez  les  Diables  de  magazin  contre  les  Anges. 
Or  voila  les  barricades  dreflees,  mais  non  remplies, 
car  Jefus  pourfuivit  fa  poinéte,  comme  faifoit  le  feu 


!f!:t^ 


596      AVANTD&W.Bit  BftROK  DB  WatHES 

Roy,  &  ne  s'enfuit  pas  comme  les  Bretons  4  Fonie- 
ni\;  m^is  ayani  rallié  un  bon  rcgimcni  d'Anges,  fii 
mener  les  enfans  perdus  pjr  Siind  George,  loui 
ïccouduiné  ï  combattre  les  Dïibles;  le  fit  foultenir 
pjr  Siinâ  Michel,  de  mefine  mdlîcr,  avec  une 
trouppe  gaillirde  ;  lui  print  U  croix  fur  fon  col  pour 
fervir  de  bélier,  donne  furieufement  aux  barri  cadet, 
des  premiers  coups  les  met  en  canelle,  le»  couche  à 
ha  :  la  canaille  ne  peut  fupporter  l'aiTaui,  tout  s'en- 
fuit jufquesà  unauire  retranchement, qui  s'appcUoil 
les  Lijnbes.  —  F.  Bous  diriez  que  c'eft  la  vaiallk 
du  pont  de  Sey  ;  il  m'cft  advis  que  y'y  fuis  cncoros. 
—  E.  Taifez  vous,  li  vous  pouvez.  —  3.  A  cei 
Limbes,  l'armée  fe  fortifia  de  tous  les  Pcrcs  (]Ui 
eltoicnt  en  chanre,  &.  qui  pour  avoir  fçcu  les  adve- 
nues &   rufes  d'Enfer,  aidercni  beaucoup  à   fatre 


LIT&B    IVy    CHAPITRE    IX.  597 

viftoire,  Noftre  Seigneur  choifit  d'entre  les  délivrez 
ceux  qui  eftoient  de  meilleure  maifon  pour  les  mener 
faire  la  révérence  &  baifer  la  robbe  de  la  Roine  fa 
mère.  Adam  marchoit  le  premier,  8l  menoic  fous  les 
bras  la  bonne  femme  Eve.  Il  lui  vouloit  auflî  pre- 
tenter  les  Princes  des  Diables,  mais  elle  en  eut  peur. 
Il  fut  queilion  de  faire  un  feu  de  joye,  à  quoi  le  feu 
d'Enfer  ne  fut  pas  trouvé  propre  ;  celui  de  Purga- 
toire fut  en  difpute  ;  mais  enfin,  ceux  qui  s'en  fça- 
voyent  le  mieux  aider  s'en  fervirenc  à  cela,  comme 
n'eilant  pas  dommageable  à  tous,  mais  au  contraire 
propre  à  faire  resjouyr  plufieurs  honnefles  gens 
&  bouillir  la  marmite.  Tout  fut  comicque  jufques 
là  :  puis  le  Prefcheur  commença  à  montrer  que 
c'eftoit  nos  péchez  qui  avoient  faits  la  querelle  de 
ce  combat,  &  nous,  caufe  par  confequent  du  grand 
danger  où  s'eftoit  mis  Noftre  Sauveur.  Là  deffus  ce 
grand  Prédicateur  tourna  les  yeux  en  la  tefte, 
demeura  longtemps  comme  efvanouy,  fe  reprend 
pour  s'eftendre  fur  les  douleurs  de  la  Paflîon,  des- 
quelles il  fit  comparaifon  avec  toutes  douleurs  dont 
il  peut  fe  fouvenir,  mefprifant  toute  forte  de  fièvres 
&  de  maladies,  qu'il  cotta  de  rang,  &  puis  les  blef- 
fures  légères  &  les  autres  maux  ;  là  il  fe  pafma  pour 
la  féconde  fois,  &  tout  tranf porté  de  fureur,  tira  de 
fa  poche  une  corde  faite  en  licol  avec  le  nœud  cou- 
rant ;  il  fe  la  mit  au  col,  tiroit  la  langue  fort  longue, 
&  pour  certain  fe  fuft  eftranglé  s'il  euft  tiré  bien 
fort;  les  compagnons  de  la  petite  obfervance  y  ac- 
coururent &  lui  ofterent  la  corde  du  licol.  Toute  la 
voûte  retentifToit  de  cris  des  fpedateurs,qui  avoient 
changé  les  ris  en  plaintes,  Pentree  comicque  en  tra- 
gédie, laquelle  fut  toutcsfois  facrifice  non  fanglant. 


[  pennifet  aux  Prefihtart. 


^3 


£NESTe.  Celaellvienotrecboure  \ 
que  les  Prefches  nuds  &  Timplei 
des  Minillres  qui  oc  beulent  pwj 


LIY&B    IV,    CHAPIT&B    X.  599 

catholique,  &  s'attira  8l  emmena  avec  lui  deux 
enfans  de  bonne  maifon  pour  aller  au  Jubilé  de 
Rome,  mais  il  fit  mieux,  car  dés  Thouloufe,  il  leur 
fit  faire  le  vœu  d'ignorance  &  de  mendicité  ;  &  les 
ayant  efcroqués  tous  deux  de  cent  cinquante  efcus, 
il  fe  defroba.  Le  lendemain,  ces  deux  garçons  mis 
prifonniers,  on  leur  prefenta  la  géhenne  pour  ref- 
pondre  dequoi  eiloit  devenu  le  fainét  homme.  Ils 
demeurèrent  en  ce  fainft  eftat,  jufques  à  ce  qu'on 
envoyait  de  Nyort  une  authentique  attellation  de 
r innocence  &  fottife  des  deux  pèlerins,  &  outre  une 
information  fecrette,  pour  l'honneur  de  TEglife,  fur 
ce  que  le  bon  Prefcheur  avoit  defrobé  l'argent  des 
pauvres  avant  partir.  —  F.  Ce  fut  vien  fait  de 
tenir  cela  cachai.  Lou  Prince  de  Guimeney  fut  ainfi 
difcret  enbers  la  perfonne  du  Capuchin,  fort  fant 
homme.  Ce  bon  Seignur  aboit  au  Bergier  des  cham- 
vres  pour  toute  forte  de  mendiants,  refolu  d'en 
revailir  tousjours  pour  autant  d'ourdres  qu'on 
inbentera;  il  y  en  aura  comme  de  yors  en  l'an.  Ce 
Père  ayant  eflei  trois  yors  fans  aboir  mangay  aucune 
choufe  qu'on  euft  beu,  &  n'ayant  efté  quérir  à  la 
foumelerie  rien  que  l'eau,  on  fe  profternoit  debant 
lui  comme  debant  un  Sant.  S'eftant  troubé  un 
chandelier  d'argent  perdu,  le  proube  Soumelier  fe 
refolut  d'aller  à  Jeanne  la  devinerefle  de  Denee, 
&  pour  ce  que  c'eiloit  lou  camin  dou  Moine,  il  lui 
fit  compenie  bolontiers,  cfur  'd  le  confouloit  difant  : 
«  Recommandez  bous  à  Noilre-Dame  de  Recou- 
brance,  ou  vien  à  Santé  Reftituë,  qui  ell  auprès  de 
Soiflbns.  C'ell  là  où  alla  Madame  de  Mercure,  en 
chcmil'e,  marchant  fuie  8l  fon  trein  dus  cents  pas 
après  elle,  quand  elle  trouba  une  trouppe  de  trente 
chebaux  à  l'oree  de  la  foreft.  Les  cabâliers  s'en- 


NTURES  DU  BARON   DE   FUNESTE. 


lifL'iic  au  large,  &  die  Ce  jctra  dans  l'efpaig,  où 
le  s'cnl'iinçoiiau  prix  que  fes  getiî  la  cerchoient, 
tV  ixnioic  fans  l'aide  de  Santé  Bejlitui,  qui  la 
iHli[  le  lendemain  matin.  Au  voui  de  crois  lius,  à 
:k-  jildrciragc,  il  fallut  fauter  un  fofTai  :  le  Saoi 
cil.'  ciimvi  &  fourttt  de  fa  manche,  par  miracle  ou 
ircmont,  le  chandelier  d'argent.  Lou  Soumelier  le 
eu prilonnier au  Bergler, &  le  von Seignur  du  liu 
.nindic  à  tout  fon  puble  de  faire  aller  la  choufe 
lus  .lisant.  —  E.  Certes  vous  me  mettez  aux 
i,im|is  &  fur  vos  contes  de  Prefeheurs  j'en  dirots 
un  une  douzaine  des  vieux,  comme  d'un  qui  rom- 
ictiç.i  l'on  ffrmon  par  trois  jurements  :  Par  ta  vertu. 
ir  lii  itiorij  par  la  chair^  par  le  jang,  adjouflant 
lu^j(lurs  de  Dieu^  &  puis,  aprës  une  grande 
■Ui  fomme!  fa„vej  &  délivre^  de  FErfer. 


LITRE    IV,    CHAPITRE    X.  6oi 

commença  en  criant  :  •  Vive  les  Rois!  vive  les  Rois!  § 
&  à  cela  ayant  joint  un  grand  difcours  de  Tauthoricé 
des  Rois,  où  cous  les  traits  de  Sainft  Pierre  &  dt 
Sain£t  J  ude  en  leur  faveur  furent  alléguez,  comme 
vous  les  pouvez  avoir  levez  dans  Tantichambre  du 
Duc  de  SuUi  à  TArfenal,  avec  un  crucifix  au  pied. 
—  F.  Pourquoi  le  Duc  de  Sulli  arvoroit-^l  ces  paf- 
fages  ?  —  £.  C'eft  pource  que  lui  auffi  fe  joUoit  de 
Targenc  des  Rois.  LaifTez  moi  achever.  Après  avoir 
haut  loiié  le  voyage  des  trois  Rois,  il  s^efchauffa 
&  fuivit  :  f  Mais  ces  trois  Rois  pourtant  laifToient 
perdre  TEglife;  fi  le  quatriefme  ne  fut  venu,  le  jeu 
efloit  perdu,  tout  efloit  defolé.  Cefl  ce  Henri 
Quatriefme  que  vous  voyez  devant  vous,  qui  a  fait 
fentir  fes  efforts  à  la  France,  &  fon  fecours  jufques 
aux  Portugais  amis  &  étrangers.  Ce  quatriefme  Roy, 
uni  avec  les  trois,  nous  donne  grande  matière  de  joye, 
de  gain  &  d^ utilité.  §11  fallut  que  le  Prefcheur  s'ar- 
rcflat,  car  le  Roy,  le  Comte  de  Soiflbns,  Montigni 
&  Montglas,  quieftoient  du  jeu,  &  tous  les  affiflans 
qui  avoient  veu  jouer,  eileverent  un  tel  ris  que  toute 
r  Affemblee  en  prit  la  contagion. — F.Cap  Sant  Pigot  ! 
bous  en  donnez  de  vonnes  à  nos  prouves  Prefcheurs  ; 
mais  bous  n^ auriez  garde  d'en  dire  autant  de  bos  Mi- 
niftres,  qui  en  font  vien  de  mefme  que  les  otres. — B. 
Si  ferai  vrayement.  Il  faut  ad  vouer  que  quelques  uns 
de  nos  Miniftres  ayant  commencé  à  tirer  penfion  du 
Roy,  il  y  eut  un  jeune  Pafteur  devers  la  Guyenne  à 
qui  il  prit  envie  de  parvenir.  Pour  ce  faire,  il  fit  un 
grand  &  long  panegyric,  à  la  loiiangc  du  feu  Roy, 
où  il  y  avoit  de  quoi  dire.  Cela  fait  &  appris  par 
cœur,  il  prit  l'occafion  d'un  Synode  Provincial. 
Comme  il  fut  commandé  félon  Tordre,  fur  une 
queftion  qui  courut  touchant  quelque  defmariement, 


602 


NTURSS  OU  8A&ON  BK    F^KBSTE. 


il  fe  lève,  compofe  fa  fobe,  fa  barbe  &  fes  yeux  à 
la  modcftie,  &  ayant  cracW  &  toulli  clair,  il  com- 
mença le  quamquam.  Le  Prcfident  lui  rompt  les 
chiens,  lui  remonftrc  qu'on  ii'eftoii  pas  !ii  pour  faire 
des  harangues,  mais  droit  aux  parties.  Le  petit 
homme  s'efclatie.  ■  Il  y  a  quelqu'un  (dit-il)  à  qui  les 
l()ûani;es  de  mon  Roi  font  de  mauvais  gouâ.  •  Cette 
defgainee  fil  fdrc  filencc,  &  falut  entendre  paifiblc- 
raent  la  harangue  de  prés  d'une  heure,  jufqucs  au 
Dixii.  Là  dedans,  parmi  les  loiiange»  dit  Roi,  il 
declamoit  contre  toute  les  AITemblecs  politiques, 
&  contre  ceux  qui  vouloicot  cerchcr  autres  cautions 
&  protefteura  à  la  liberté  de  leur  confcience,  que  le 
Roy,  quoi  qu'il  fut  allé  ik  la  Mcfle,  exalta  fon  cfprit 
divin,  courage  invincible,  &  fuffil'ance  en  l'ElUt, 
&   par   là  le  maintient  capable  d'eftre  proiedeur 


LIYRB    lY,    CHAPIT&B    X.  603 

avez  prononcée  en  une  Affemblee,  vous  a  ordonné 
quatre  cents  efcus  de  penfion  annuelle,  payable  à 
deux  termes,  Tun  pareil  à  Tautre,  &  m'a  commandé 
de  vous  en  apporter  le  premier  femeftre,  fans  en 
donner  autre  depefche,  de  peur  que  les  Secrétaires 
ne  caufent,  &  fans  que  vous  ayez  affaire  à  Belli- 
gnan,  qui  eft  encor  Huguenot  Confiftorial.  »  Ce 
Courier  defchargé  des  deiix  cents  efcus,  convié  à 
foupper,  le  refufe,  &  après  avoir  dit  en  ferrant  la 
main  :  f  Le  Roy  efpere  de  plus  grands  fervices  de 
vousj  &  vous  tient  pour  fonferviieur  fecretj  •  n'ayant 
comme  point  montré  fon  viJfage,  fe  defrobe  &  gaigne 
fon  cheval.  Trois  fepmaines  ne  paflerent  point  que 
le  Miniflre  ayant  communiqué  fon  argent  &  fa  joye 
à  fa  femme,  elle  s'en  va  à  la  Métropolitaine  du  pays, 
employé  force  argent  pour  fe  faire  brave,  fans 
oublier  fon  mari.  De  ce  temps  il  y  avoit  grande 
perfecution  contre  quelque  Noblefle  du  pays  pour 
avoir  forgé,  &  notamment  des  pièces  de  dix  fols. 
Le  marchand,  ferrant  F  argent  que  fon  homme  avoit 
receu,  le  connut  pour  tel  qu'il  eiloit,  fait  fes  en- 
queftes,  &  puis  les  pourfuites.  Voila  le  Miniflre 
prifonnier  ;  voici  les  peines  où  il  fe  trouva.  On  lui 
demande  de  qui  il  avoit  reçeu  cette  monnoye.  11 
n'ofe  nommer  le  Grand  Maiftre  ;  le  meflager  lui  eft 
inconneu,  la  façon  en  eft  ridicule,  la  caufe  vilaine.  A 
faute  de  refpondre  à  fes  queftions,  le  voila  criminel. 
On  lui  prefente  la  queftion,  à  la  veuë  de  laquelle  il 
laifle  aller  que  le  Roy  lui  avoit  envoyé.  On  parle  de 
le  mener  à  Paris,  &  l'affaire  paflbiten  tragédie,  fans 
le  remède  que  celui  qui  avoit  fait  la  playe  y  apporta, 
pour  ce  que  le  Prevoft,  juge  du  jeune  homme, 
eftoit  fon  ferviteur,«&  en  fut  quitte  pour  cent 
efcus. 


Chapithb   XI. 
Aiiioju  ejlrdngej  lin  geni  ^Eghft, 


— vtr-*—- jgri   «NisTl.  Moboilacontcnt;iMaut  j 
I  *>~^r     ^''""'^'"  1"^  )""'  twilu  grand  mal  i 
Ife^ir^niLîl    Wcnri  Klliennf,  tiuî  cft  cnnuyiw^ 


LITRE    lY,    CHAPIT&B    XI.  605 

tion  de  ro^aboir  mis  là  dedans).  Cet  homme  nous 
monftra  une  bieille  Chronicque  dibifaye  par  aages, 
en  lettres  gouticques,  où  il  y  aboit  ces  moûts  :  Uan 
mil  quatre  cents  oéiante  huiéip  trente  neufviefme  de 
l'Empire  de  Fridericj  au  mois  d^Oéiouvre^  au  pays 
d'Obergne,  en  une  religion  de  Sant  Venoift^  abint 
une  choufe  merbeilleufe^  cefl  qu'il  y  eut  un  Religieux 
dudit  lieu  qui  debint  grous  d'enfant ^  pour  laquelle 
caufe  il  fut  pris  &  faifi  de  la  jujUce^  ir  gardé  pour 
en  delibrer.  —  B.  Cela  eft  vrai;  j'ai  le  livre, 
aux  enfeignes  que  le  conte  ell  au  mil  cinq  cents  dix 
feptiefme  fueillet,  &  ai  vcu  encor  un  autre  livre  fur 
le  mefme  affaire,  difant  ces  mots  :  Et  fut  gardé  pour 
en  eflrefait  ce  que  la  Cour  en  avoit  rejolu.  Ce  pas- 
fage  de  Thifloire  a  depuis  eilé  le  modelle  du  procez 
de  ces  deux  Preftres,  vos  camarades,  qu'on  eftimc 
avoir  efté  de  nuift  jettez  dans  l'eau.  —  E.  Je 
receus  hier  lettre  d'un  Confeiller  de  Rouen,  qui 
m'efcrit  en  ces  termes  :  •  La  Cour  a  envoyé  quérir 
au  Ponteau  de  Mer  un  Preftre  nommé...,  pource  que 
le  Juge  du  lieu  lui  faifoit  fon  procez  au  gré  des 
Jcfuifles,  &  elle  en  veut  tirer  un  exemple  notable  de 
punition.  Le  fait  eft  qu'ayant  donné  une  pomme  à 
une  jeune  femme  dont  il  eftoit  amoureux,  elle,  par 
le  confeil  d'une  tante,  jetta  la  pomme  à  une  truye, 
qui  ne  Teuft  pas  pluftoft  avallee  qu'elle  s'encourt 
ccrcher  le  Preftre,  &  l'ayant  trouvé,  ne  l'aban- 
donna plus,  montoit  fur  lui,  &  au  foir  fe  mit  entre 
fcs  deux  linceux.  Son  frère,  qui  avoit  part  au  li£t, 
à  cet  horreur  lui  fit  de  rudes  remonftrances  ;  puis 
s'en  allant  pour  quitter  fa  fréquentation,  le  Preftre 
depefche,  pour  tuer  fon  frère,  fon  vallet,  qui  le  laifla 
pour  mort  de  quatre  ou  cinq  coups  d'efpee  au  tra- 
vers le  corps  ;  mais  tout  a  eflié  mené  en  juftice.  J'en 


6o6 


J    BAROM   DE   VJESSSVg. 


attends  la  fin  pour  vous  en  donccr  idvis.  •  —  F.  Au 
Diavle  busvougres!  Un  pendardot  me  bendii  l'otre 
yor,  \c  libre  de  Mcffirc  Louis  de  Marfeille  qui,  par 
ibrccUeric,  aboit  dcpncellees  fiji  bîngcs  [Se]  lani  de 
filles.  Yc  iroubai  au  mefme  endroit  les  paitlardil'es 
&  macqucrellages  de  cctieMagdeUine  &  douDiavIci 
je  dits  quant  &  quant  que  c'efloient  lotis  Huguenots 
qui  abocni  fait  ce  libre  là.  Ye  faillis  il  m'cniaooûtr 
d'aboir  bu  ces  choufes;  mais  quand  je  bis  que  uo» 
gens.  &  entre  otres  lous  Mercures,  oui  rendent  k 
rEglile  ce  que  Mercure  rcndoit  ï  fon  Dieu,  l'cfcri- 
obient,  je  mandai  mes  libres  nu  fu.  —  B.  Je  pafTai 
à  MarrciHi:  peu  de  temps  après  ;  mais  le  peuple  nous 
contoii  bien  des  chofe*  plus  eftranges  que  celles 
qu'on  a  efcrite».  —  F.  Mais  au  moins  bous  ne 
poubcz  dire  que  juflice  n'en  ait  ellai  faite.  — 


LITRE    IV,     CHAPITRE    XI.  607 


entiers  un  vats  d'aze  lié  fur  la  telle,  &  la  croupière 
entre  les  dents.  —  B,  Nous  Pavons  bien  fçeu, 
&  Monfieur  que  voici,  lui  fit  ce  prefent  : 

Pourquoi  porta  deux  ans  Jacohon  le  bon  Frère 
La  croupière  à  la  bouche ,  (T  le  hat  garrotéf 
Ceft  pour  avoir  dix  ans  chevauché  fans  croupière j 
Et  f angle  les  Nonnains  en  afne  defhaté. 

Je  me  fafche  bien  d'alléguer  ces  vers  en  ce  lieu, 
pour  ce  que,  depuis  les  trois  premiers  livres,  on  en 
a  imprimé  un  recueil;  mais  cela  accourcit  la  peine 
du  lefteur.  —  F.  O  vien,  à  billans  carbonnades 
d'azes  !  Si  bous  otres  Huguenaux  ne  bouliez  courriger 
TEglife  que  de  faire  chaftrer  les  Preftres,  je  ferois 
de  voftre  codai.  —  B,  Mais  voudriez-vous  que  ce 
fut  à  bon  efcient,  comme  un  operateur  qui  couppa 
tout  au  Curé  d'Onzin,  qui  l'avoit  employé  pour  faire 
femblant,  ou  comme  Maiftre  Pierre,  le  Barbier  du 
Roi,  qui  fe  trouva  en  noftre  batteau  auprès  d'un 
Preftre  qui  lui  contoit  comment  fes  chancres  fe  ntet- 
toyent  en  gangrcine?  Il  fallut  faire  exhibition  à  Tabri 
d'un  manteau.  Comme  Maiftre  Pierre  eut  fondé  par 
tout,  pour  ne  coupper  que  ce  qui  eftoit  gafté,  &  en 
trouvoit  trop,  il  demande  à  fon  homme  s'il  n'eftoit 
pas  Preftre,  &  n'euft  pas  fi  toft  receu  un  ouy  pour 
refponfe,  qu'il  couppaft  tout  :  *  Auffi  bien  n'en  as  tu 
que  faire  y  •  dit-il. — £.  Aufli  habile  fut  un  operateur 
fur  l'Aufmonnier  de  Marmoutier,  lequel  il  traittoit 
d'une  hernie  :  il  lui  arracha  H  habillement  le  tefti- 
cule  du  cofté  du  mal,  que  TAufinonnier  n'en  fçeut, 
jufques  à  ce  que  un  Moineton,  qui  lui  portoit  à  dif- 
ner,  trouva  la  relique  ployee  dans  la  ferviette,  comme 
on  enveloppe  les  treffles  en  Xain^onges,  &  le  Novice 
lui  demanda  fi  ce  n'eftoit  pas  de  fes  biens  meubles. 


6og 


^NTURBS  OD   BARON   Oi    rfNSSTB. 


—  B.  Monfieur  le  Baron  i  raifon  :  celles  forua 
de  gens  n'ont  que  faire  de  ces  pièces,  &  [es  MoLu«« 
de  Saint-Martin  de  Tours  en  Ërent  \'ia  palTi  une 
belle  ordonnance;  mais  elle  ne  fut  qu'en  peinture, 
&aux  defpens  du  Diable  feulement.  Il  y  avuic  duu 
cette  l'uperbe  Abba}'e  un  auiel  de  Saînd  Michel,  au 
devant  duquel  il  eftoit  peint  combaccani  le  Diable,  i 
l'orilinaire.  A  ce  ruftre  de  Diable  pendoicai  deux 
gras  &  immenfes  lefliculcs,  où  un  bou  frippon  de 
peintre  s'efloic  efgayé.  Cela  fut  trouvé  de  mauvais 
exemple,  &  leChapître  alTcmblâ  (wury  advifer,  pource 
que  cela  fcandal^oît  les  DarasK  &  failoit  rin: 
Huguemnii.  Le  débat  fut  grand,  fi  on  pouvoti  tou- 
cher à  eltriipicf  un  tableau  faeré,  comrae  le  marque 
Rinu!du8,  en  traitiam  des  tableaux  facrei;  les  plus 
vieux  vouloicnt  conl'ultcr  l'oracle  de  Rome  W  delTuw; 
enfin,  k-  plus  de   vult  poru  uue  le  Diable  n' 


1 


Ckapitrb  XII. 
Des  NoJtnaim. 


K  AY.  Il  y  avoir  de  quoi  disputer, 
car  ce  Rinoldus  dont  on  a  parlé 
allègue  un  Canon  qui  die  :  ■  On 
ne  doit  pat  ftulemeni  faluer  le 
Sainéf  ou  la  Sainéle  qu'elle  re- 
prefeniej  mais  pource  quelle  efl 
image  confacree  dans  PEglife.^ 
B.  Cela  excuferoil  bien  la  bonne  femme  qui  pre- 
Tentant  une  chandelle  à  Sainft  Michel,  pour  lui  faire 
du  bien,  en  prefenta  une  autre  au  Diable  pour  ne 
lui  faire  point  de  mal,  —  F.  Si  eft  ce  qu'une  Eglife 
ne  fauroit  vien  parellre  fans  images,  II  y  a  un  her- 
mttageà  Jcvtjdediaià  Monfur  Sant  Pol  l'hermite  :  la 
chapelle  cil  pleine  de  fi  veaux  tavleaux  qu'on  y  ell 
tout  rabi  en  dcboiion.  —  B.  N'y  a  il  pas  une  gal- 
Icrie  fur  le  coin,  devers  la  porte  du  parc^  Je  fai  un 
homme  qui  y  menant  de  la  telle  une  fois,  vid  contre 
l'autel  deux  tableaux  mobiles,  defquels  l'un  fembloit 
tout  craché  le  feu  Roy,  &  l'autre  l'AbbeiTe  de 
Montmartre,  &  cette  veue  faillit  à  lui  coufter  fa 
ruine.  —  F  De  cet  cflrem  li  y'en  fai  plus  que  bous, 
II  Î9 


I 


A.KTURHS  OU  BARON  DK  P«RBn-«t- 


ear  y'ai  demouraî  huifl  moit  à  Jovi,  &  faut  nboufir 
ijueladefvaufcheyefloit  fori  grande.  Durani  le  Gcge 
de  Paris,  les  Avay«  de  Maubuiffun,  Lonchamp, 
ftloniraartre,  le  Lis,  &  Poiffy  cftoîeni  viffn  cxcrcRW 
dcK  dfboiions  de  la  Cour.  —  B.  h  tac  fouvicnt  (rtt 
bien  que  la  Cornene  du  Roy  efloit  logée  dans  l'Ab- 
baye de  MiubuyfTon,  &  cdîorut  tous  aflez  bien 
loRez,  fans  qu'il  y  eut  huiit  Nonnaîas  qui  ne  pco* 
rem  nous  faire  place,  parccqu'ellcs  fuoycat  ta 
vérole.  —  £.  Ceux  qui  mcticni  leurs  filles  en  telles 
garnifons  pour  la  fcurté  de  leurs  pucelage*  auroieni 
bufoin  de  l'indruâion  Je  la  DamoifcUe  de  Sa;nâe 
Orle.  J'eflois  un  jour  eouchtf  au  Mont  de  Marfan, 
&  les  deux  fœurs  de  cette  maifon  cftoicni  coucheet, 
qui  n'y  avoit  entre  mon  lid  &  le  leur  qu'une  cloifon 
de  fdpin  fort  mal  jainâc.  11  bien  que  i'avuis  Icuu 


LIVRE    IV,    CHAPITHE     XII.  6l  I 

cipalement  celles  qui  font  inbentees  de  noubeau,  il 
y  en  a  de  fantebie,  &  qui  ne  penfent  qu'à  jufne&à 
ourâifon.  —  B.  Vous  m'en  faites  fouvenir  d'une 
bonne  :  le  Roi  Henri  troifiefme  eftant  allé  vifiter 
les  Dames  de  Poiffy,  qui  vivent  très  catholiquement, 
y  trouva  la  Dame  de  Ventenac  qui  couroit  les 
champs,  de  l'amour  qu'elle  portoit  au  jeune  Oraifon. 
Le  Roy  parla  à  elle,  comme  T  ad  vouant  fa  parente, 
&  lui  demanda  à  quoi  faire  elle  eftoit  là;  la  bonne 
Dame  refpondit  :  Jy  fuis  pour  le  Jeu/ne  &  oraifon. 
Depuis  le  Roy  ayant  feu  qu'elle  vouloit  dire  le 
jeune  Oraifon,  la  mit  dans  le  chafteau  de  Loche  en 
penfion.  —  E.  Il  a  efté  dit  que  ces  religions  d'au- 
tour de  Paris  avoient  efté  bien  exercées;  il  arriva 
de  cela  un  affez  bon  conte.  C'eftoit  au  temps  que 
tous  les  Grands  de  la  France  preffoient  le  Roy,  par 
toutes  voyes,  de  changer  de  Religion,  jufques  à  le 
menacer  d'un  tiers  parti.  Le  Roy  de  peur  de  ces 
importunitez  couroit  tous  ces  cloiftres  de  Nonnains, 
&  un  jour  avoit  quitté  TAbbaye  de  Longchamp, 
&  TAbbeffe  excellente  en  beauté,  &  l'ayant  trouvée 
trop  chaude,  il  s'en  ennuya  pour  aller  planter  fon 
picquet  à  Montmartre,  dont  s'enfuivit  la  vifion  des 
tableaux  de  Jovi.  Sur  le  foir,  le  bon  homme  Maref- 
chal  de  Biron  vint  voir  le  Roy  à  Chaliot,  &  avec 
une  contenance  froide,  dit  :  •  Sire,  je  fuis  bien 
marri  que  je  ne  puis  entretenir  voftre  Majefté  de 
propos  qui  lui  foient  plus  agréables;  mais  voftre 
cheute  emportant  au  précipice  de  la  France  TEftat, 
&  dans  l'Ëftat  tout  ce  que  nous  fommes  de  vos 
fidèles  ferviteurs,  noftre  defefpoir  m'ouvre  la  bouche 
pour  me  plaindre  à  vous  de  vous  mefmes.  Il  y  a  fi 
long  temps  que  tous  les  Prélats  de  voftre  Royaume, 
les   Princes,  les  Officiers  de  la  Couronne,  font  à 


"lNturï/  Dtr 


DS   FANBSTB. 


loux  devant  voflre  Majefté,  pour  la  fuppUer  de 
lis  tenir  les  promelTes  qu'elle  nous  fit  i  la  mon  du 
I  Kov,  qui  cllolenc  de  changer  de  Religion,  afin 
0  W  l'cc^'cre  ne  changeafl  point  de  main;  encore* 
T,  je  VOUS  fus  importun  jufqu'aux  larmes;  U 
lins,  vous  me  coupalles  court  que  la  mort  vous  feroit 
!•:  iliiuce  que  de  changer  de  Religion,  que  vous  ne 
uli^v.  (las  ellre  damné,  &C.  Et  cependant,  je  vient 
lire  adverii  qu'aujourd'hui  vous  aviez  fiùa  le 
ir,  cliin^é  de  Religion  entièrement,  &fait,  ii  l'ap- 
:i[  d'une  perfonne  indigne,  ce  que  vous  aviez 
ulO  aux  plus  dignes  de  vos  fcrviteurs.  —  Moii 
lo  Koy,  changé  de  Religion  ?  CÇ  font  des  maraux 
iIls  iraidres  qui  font  courir  ces  fauffctei,  pour 
II- ruinera  vous  &  moi,  i  Le  Marefchal  repUcque  : 
?îir,  ■■         ■  ■     "     ■ 


Chapit;re  XIII. 
Crottfque  de  la  Terne. 


£NE$TE.  J'ai  entendu  qu'il  a 
eM  faii  un  veau  tavleau  de  cette 
VJ  t^y«'ry  muraille  garnie  de  Nonnains&  de 
^  ^J^V*  bilans  qui  lurs  jettoienc  à  coup 
tv  *v^Çi^i  de  fondes  ces  eftres.  —  B.  Je 
VJ_i.'?^5^êty^  "'^"^  '*''^^'  •'^  ^"^'^  *  ^'^^  peint. 
Le  Comte  de  la  Rochefoucaut, 
Seigneur  d'un  agréable  &  excellent  efprit,  avoit 
demandé  &  un  de  fes  amis  une  grotefque  ou  drô- 
lerie pour  la  belle  gallerie  de  la  Terne;  on  lui 
donna  trois  files  de  peintures  :  affavoir  une  danfe, 
un  bagage  d'armée  qui  chemine,  9l  une  proceflion. 
Je  voudrois  me  pouvoir  refouvenîr  de  toutes  les 
parricularitez,  mais  je  vous  en  donnerai  ce  que  peut 
mamemoirc,  par  ci,  par  là.  A  la  danfe,  il  n'y  avoit 
rien  de  remarquable  que  des  pofturcs  pantalonnes- 
ques,  toutes  différentes  les  unes  des  autres,  &  de 
mefme  les  vifaget  ;  comme  le  Curé  qui  menoit  la 
danfe  avec  fa  robbe  develluë  en  efpaule,  avoit  un  nez 
en  as  de  treffle,  &  les  joues  enilees,  k  couleur  de 
gorge  de  cocq-d'inde;  il  menoic  une  vieille  garce 


«H 


maigre  Si  pafle.  Si  l'auni;  d'après  ivoit  quelque 
grand  jiez,  celle  qui  le  fuivoit  cftoît  cunuze  comme 
un  tiirijuet;  tant  y  a  qu'il  n'y  avoit  rien  de  remar»- 
quable  que  les  différences  dca  geftcs  &  des  faces, 
des  coiffures  &  autres  habits.  Au  bagage,  c'ettoit 
bien  une  plus  grande  diverfiié  ;  il  me  fouviendra  de 
4  DU  ç  pièces  :  une  vivandière  qui  avoit  un  chaudron 
fur  le  cul,  une  poiile  en  efpce,  &  une  eueillicrc  en 
poignard,  la  tcfte  dans  un  pannicr,  une  cfcharpe 
d'oignons.  &  un  maTque  de  fatin,  &  un  garçon  du 
tambour  fur  un  afne,  fa  caîfle  rompui;  fur  l'cf- 
chinc  &  une  nye  dedans;  un  Aufmonnicr  qui  va 
après  fur  une  mule  entière,  s' endormant  &  baisant 
la  telle,  &  l'oye  qui  lui  empoigne  le  nez  ;  uu  laquais, 
le  chapciu  bien  garni  de  plumes  de  chapon,  qui 
roulle  une  civière  &  une  malle  verte  delTus;  un 
chameau  &   une  DamolTclle  daii&  le  balL  aui  tieni 


1 


1 


LIVRE    IV,    CHAPITRE    XHI.  615 

nez  la  fuivoit,  portant  Feftendart  d'une  bourfe  ren- 
verfee  pendue  à  un  ballet,  &  dedans  efcrit  :  //  /l'y  a 
point  de  F  argent.  Après  cela  marchoient  quatre  Dames 
nues,  horfmis  des  brayes  de  fauvages  au  devant  de 
leurs  parties  ;  fur  la  peau  elles  avoient  de  fort  greffes 
bottes,  fur  le  croupion  chacune  trois  plumes  de  coq, 
une  bourguinotte  de  lanfquenet  à  la  teffe,  une 
queue  de  renard  pour  pennache  ;  celles-là  portoient 
les  cierges.  Pour  la  mulicque,  &  en  mode  de  Chaffe, 
par  quatre  bedeaux  de  la  Sorbonne  eftoit  enlevée 
l'excellente  chantereffe  Beaulieu,  contrefaite  comme 
vous  favez  ;  mais  contre  raifon  &  nature,  la  viole 
eftoit  afiize  dans  une  chaire,  &  avec  un  bras  qui 
fortoit  de  la  roze,  elle  joiioit  de  Tarchet  fur  la 
boffe  de  la  dite  Beaulieu.  De  là  marchoit  bravemen 
le  petit  Carme  à  tefte  pelée  qui  fe  nommoit  Domimc 
de  Jefu  Maria j  &  dix  ou  douze  principales  Dames 
de  la  Cour,  qui  pardevant,  par  derrière,  avec  des 
cyfeaux,  lui  decoupoient  fa  robbe  à  barbe  d'efcre- 
viffe,  &  eft  bien  apparent  qu'une  Princefle  lui  em- 
porte de  la  peau  des  fefles  à  ce  jeu  là.  Il  y  a  un 
Godemard  Efpagnol  qui  fe  fait  porter  à  la  procef- 
fion  dans  une  chaire  percée,  &  va  conchiant  tout  le 
myftere  de  fes  fumées.  La  Chaftellane  de  Milan  fuit 
après,  accompagnée  de  fon  nain  tefte  nuë,  pource 
qu'il  perdit  fon  chapeau  en  refmouchant,  &  falut 
[que]  le  barbier  du  Cardinal  d'Eft  lui  mit  la  fonde 
en  la  nature,  premier  qu'on  fceut  qu'il  lui  fut 
entré  dans  le  corps.  Venoit  après  une  mariée  que 
TEvefque  de  Sifteron  menoit  par  la  main  ;  chacun 
d'eux,  du  cofté  qu'ils  fe  tenoient,  un  bras  nud,  un 
pied  [nud]  &  un  vertu;  la  mariée  avec  une  peau  de 
jambon  fur  la  tefte,  le  fein  &  la  gorge  toute  bordée 
de  faucifles  en  lacs  d'amours,  &  lui  des  andouilles  à 


ANTltRM  DU  BAROK   DE    FiVBSTB. 


relquipollent;  l'un  portoil  de  main  \uide  une  bou- 
teille. &  l'iutrc  &ifbit  un  cfventail  d'une  cfpaule 
de  mouton.  Voici  la  mufîci^ue  chingee  :  c'eftoit  de» 
aveugles  avec  U  Autre  &  le  ubourin  ,  &  voila 
marcher  la  reveué  des  geus  d'Egtifc,  faite  à  Parii. 
le...  Que  m'amuferai-jc  à  vous  contcr>  Vous  l'avci 
vcuë  en  peinture  aux  bonnes  maifons.  La  plufpxn 
portoit  la  mefche  d'une  main,  &  icnoit  le  muufquct 
lit:  l'juire;  plufieurs  ellolles  fervircnt  de  portp- 
efpecs  &  de  bauldriers,  &  c'eii  de  cette  monUrc 
qu'a  pris  fon  origine  la  façon  de  porter  l'efpec  le 
pouitiejii  dans  la  braguette.  Vous  y  voyei  un  Moine 
qui  fe  crevé  un  œil  de  l'hallebarde  de  celui  qui  va 
devant.  Je  pris  plaifir  à  voir  un  Carme  reforma  qui 
porcoit  fon  fourniment  dajis  le  derrière  du  froc. 
Tout  y  eft  comicque,    horfmis  qu'on    Moine,    tjui 


I 


LIVRE    IT,    CHAPITRE    XIII. 


617 


fon  rang  pour  leur  courir  remonftrer  que  cela  con- 
chioit  toute  la  befogne  ;  il  eut  pour  reponfe  quel- 
ques injures  &  quelques  coups  de  pierre  :  enfin 
Tamas  de  la  proceflion,  qui  fe  faifoit  au  Pré-aux- 
Clercs,  eftoit  encores  auprès  de  S.  Sulpice,  que 
la  telle  eftoit  à  la  dernière  repofee  que  fit  le  bon 
Saint,  quand  il  porta  fa  tefte  à  S.  Denis.  La  patif- 
fiere  Defcarneau  voulut  eftre  Sergent  majeure  des 
Amazones.  Le  malheur  fut  que,  Fafiaire  n^ ayant  pas 
efté  concertée,  il  n'y  eut  point  d'enfeignes  bien 
faites  ;  feulement  la  chambrière  d'Inceftre  arracha 
Tefcharpe  verte  que  Madame  de  Belin  avoit  fait 
faire  à  la  mort  du  Roy,  &  la  porta  au  bout  d'une 
quenouille  ;  les  PrincefTes,  qui  en  portoient  toutes 
depuis  la  journée  de  S.  Clou,  donnèrent  aufli  les 
leurs,  ou  pour  efcharpes  aux  Capitaines,  ou  pour 
arborer.  De  mefme  Mefdames  de  Montpenfier  &  de 
Guyfe  y  accourent,  mais  par  infolence,  demeurent 
derrier  ;  elles  crient  fouvent  :  Alte^  al  te,  al  te  y  pour 
paflTer  devant.  Madame  de  Nevers,  qui  arrivoit,  leur 
crie  :  •  Ne  vous  fâchez  point,  faifons  la  retraite; 
favez-vous  pas  bien  que  les  boftuës  &  les  boiteufcs 
doivent  eftre  au  cul  de  la  proceflion  ?  » 


^^^^^^^1 

i^^^î^^c^ 

ffM 

Chpitrh  XIV. 

H 

Titres  de  Piincienneié  de  Ftmejie  eti  Grtc  ; 
Vidus,  Diable  qui  n'appelle  point  â  la 
le  caillou  blanc,  &  ti>yt  blMcfu. 

:  Atùti/ln 
cbambrt. 

LIVRE    IV,    CHAPITRE    XIV.  619 


quin2iefme  :  «v  otç  çouvtodt  oc  ç«<jT«ptç  ev  Koo(m«.  C*eft  à 
dire  (ce  difoit  le  Curé)  :  la  race  de  Faenefte  reluira 
comme  flambeaux  au  monde.  Etnoucezque  ce  Curai 
eftoit  fabantas,  comme  ayant  fait  biàlu  le  Miniftre 
du  Mont  de  Morfan,  en  lui  demandant  comme  quoi 
s'appelloit  le  chien  de  Toubie.  —  E.  Certes,  il  en 
eut  bien  faid  viâus  d'autres,  car  l'ancienne  Bible  ne 
rendant  point  conte  de  ce  nom,  pour  fon  importance, 
je  ne  fai  en  quel  [livre]  il  Fa  pu  trouver.  J'ai  leu 
les  Antiquitei  Judaicques  de  Jofeph,  il  n'y  en  a  pas 
un  mot.  —  F.  Monfur,  je  bous  dirai  lou  fecret, 
pour  la  grande  amitié  que  ye  bous  pourte,  quoi 
qu'il  m'aie  eftai  vien  deffendu,  pource  que  nos  gens 
font  fort  eftimais  quand  il  fe  troube  quauques 
coyonneries  de  ces  difficultais,  pour  montrer  que 
l'Efcriture  n'eft  pas  contre  nous  par  tout.  —  £.  Et 
dites  moi  donc  le  myftere.  —  F.  Il  aboit  nom 
Canis;  car  en  la  Vulgate  il  eft  dit  noutamment  que 
canis  erat  femper  cum  illis,  —  F.  Vrayement, 
Monfieur  le  Baron,  vous  avez  bien  dit,  &  je  forti- 
fierai cela  d'un  exemple  de  telle  fubtilité.  Un  de  vos 
Prefcheurs  entreprit  de  prouver  par  tej^te  formel 
de  la  Bible  que  le  Pape  de  Rome  devoit  eftre  fupe- 
rieur  fur  tous  les  Patriarches  d'Orient  :  pour  cet  effet 
il  allégua  le  texte  du  premier  chapitre  de  la  Genefe 
fur  ce  qu'il  eft  dit  à  toutes  les  créations,  &  par  fix 
fois,  «  fi  fut  le  foity  fi  fut  le  matin  •  ;  (i  donc  en 
marquant  les  premiers  jours  du  monde,  le  foir  va 
devant  le  matin,  l'Occident  doit  aller  devant  l'O- 
rient, &  par  mefme  raifon  l'Empire  d'Italie,  qui  a 
nom  Hefperie,  devant  Conftantinople  &  Antioche, 
qui  font  de  l'Orient.  —  F.  Ces  vous  efprits  pren- 
nent ainfi  des  preubes  vizarres.  Je  bous  en  diray  une 
abenuë  ces  yors  à  Thouloufe.    Il  y   arriba   qu'un 


I 


620      AVANTUKES  DU   BARON    DB    PANESTE. 


praube  mélancolique  fe  plaignit  à  Melfieiirs  de  U 
Cour  du  Parlemem  que  Ion  Diavic  l'aboîi  fcduit, 
&  obtenu  de  lui  une  cedule  pir  laquelle  U  s'ouvti- 
geoii  corps  &  ame.  La  Cour  donna  un  adjourncmcnt 
perionnel  à  Sathan,  &  h  faute  de  c-onaparoiftrc,  par 
cnnrumac^  le  condamna  à  rendre  U  cedule.  Un 
coufin  mien  eflant  prell  de  fe  rendre  à  rEglifc^  à 
caufc  de  la  prife  de  Pamiét,  alla  conlidcrer  qtie  tes 
Diavli?s  n'en  appelloient  pas  i  la  Chamvre  mt-panie. 
Ce  proube  miferavle,  jugtant  par  là  que  lous  Dîavlet 
n'efioenc  pas  Hugucnaux,  pailqu'ÎIs  ne  relcboîcni 
poini  !a  fentence  àla  Chamvre  favorable,  U  ne  peut 
croire  ce  que  lou  Vernabit  aboît  promis  de  faire 
paroillre,  aflaboir  que  lous  Huguenaux  cIVoieni  du 
parii  dou  Diavle,  &fur  cette  fubtilitai  i]  ne  reboln 
point.  —  E.  Ce    n'ell  pas  toui,  Moafieur  le  Baron  ; 


LIVRE    lY,    CHAPITRE    XIY.  621 


quand  Monfur  d'Enay  fit  bénir  toute  ma  prouphetie 
en  fillaffe.  — E,  Mais,  Monfieur  le  Baron,  de  tant  de 
temps  que  nous  avons  efté  fans  vous  voir,  il  faut  que 
vous  vous  foyez  employé  à  quelque  chofe  que  vous 
ne  dites  pas.  —  F.  Il  faut  que  bous  fâchiez  tout  : 
certes,  y^ai  pafTai  une  couple  d'années  abec  de 
vrabes  hommes,  à  qui  je  ferbois  potir  amener  l'eau 
au  moulin,  c^eft  à  dire  des  duppes;  mais  en  fin  je 
bous  bai  dire  lou  grand  de  mes  malhurs.  Lou  Pro- 
cureur du  Roy  de  la  Rouchelle,  Barbot  &  Gen- 
dreau,  qui  aboient  eftais  Maires,  ayans  quelques 
petits  proucez  à  Paris,  prirent  cela  pour  couberture 
d'une  velle  entreprife  :  c'eft  qu'ils  mirent  chacun 
quatre  mille  francs  dans  une  vourfe,  pour  y  em- 
ployer les  rufes  de  cartes  &  de  dez  qu'ils  aboient 
fait  baloir  à  la  Rouchelle.  Us  me  prirent  pour  com- 
pagnon &  aide  du  ju,  comme  nous  dirons  des  Aides 
de  camp,  me  nourriilent,  &  donnent  de  bingt  efcus 
de  gain,  un.  Nous  abions  fait  merbeilles.  Un  yor, 
fur  les  dix  hures,  arribe  un  grand  homme  mal  fait, 
fur  une  jument,  abec  une  mallette  derrier,  que 
rhoufteffe  du  Cygne  eut  vien  peine  à  pourter.  Ceft 
homme  qui  prefchoit  fa  nouvleffe  en  arribant,  aboit 
un  chapeau  pelu,  un  grand  cafaquin  noir,  fonefpee 
pendue  à  un  ruvan  rouge,  fes  vottes  qui  en  pefoient 
deux  paires,  &  un  efpron,  fes  chauffes  de  drap 
jaune.  Cependant  que  lou  beilet  ferroit  la  monture, 
ce  fat  fe  mit  à  entretenir  fix  ou  fept  raillurs  qui 
eftoientdcbantlapourte,  &  y'ouiois  qu'il  leur  difoit: 
«  Quelque  mal  havitué  que  vous  me  boyez,  y' ai 
eftai  à  Rommle.  •  Un  Vreton  qui  eftoit  des  compa- 
gnons lui  demande:  «  Et  quel  chemin  abez-bous 
pris,  noftre  doux  maiftre?  —  Bous  penfez,  dit 
l'autre,  parler  à  un  idiot:   le   grand  chemin,  braie- 


"y,  m  homme  bi 

''">"'•'■  ^   4foi. 
I'»irc-di»,  ou  i  1^ 

1"  »»»«  compeme.  1 
"PPnfaesfeL^ 

""/"'  ''''"I' fa  ini, 
En6»         *'•"»"'  1° 

■PP0„„oi„,,e,„j'^ 


LIVRE    IV,     CHAPIT,&B    XIV. 


623 


nous  abons  dit  fe  trouberent  les  compeignons  du 
Vrcton  de  Paris,  qui  froutterent  vien  les  Rouchel- 
lois  &  faifirent  tout  l'aryent,  &  m'en  eufTent  faift 
autant  fi  je  n'uffe  fautai  lou  degré,  &  les  compei- 
gnons eurent  nom  à  la  Rouchelle,  Meiïieurs  de 
rOye  blanche. 


La  l-jiailtc  de  Sainâ-Pierre. 


w. 


NAY.  Enfin,  il  f3U[  que  vous  nous 
contiez  voftre  dernier  dcfartre  ; 
n'eft-ce  pas  de  Siinéi-Pierrc  que 
vous  rappeliez  ?  —  F.  Si  yamm  . 


LIVRE    IV,    CHAPITRE    XV.  625 

peine  un  jour.  —  B,  Tout  fe  fait  par  aides.  J'ai 
veu  qu'on  ne  parloit  d'aides  de  iid  qu'en  Poulogne  ; 
cela  eft  aujourd'hui  tout  commun  à  Paris  ;  le  Pre- 
fident  Le  Syrier  en  fit  l'ouverture.  Il  me  fouvient 
de  trois  Prefidentes  qui  fervoient  par  nuiâees  le 
Sieur  d'Ayacete.  A  leurs  eftreines,  Û  leur  fit  faire 
trois  cotillons  qu'elles  lui  avoient  demandé  plufieurs 
fois;  il  les  fit  border  &  femer  de  chiffires  grands  de 
demi  pied,  bien  reluifants  de  perles,  &  c'eftoient 
les  mefmes  chiffres  que  portoient  les  lacquais  fur 
leurs  mandilles,  fi  bien  que  fans  fe  douter  l'une  de 
l'autre  elles  furent  le  fpedacle  d'un  bal.  —  F,  Ha, 
qu'il  y  aboit  là  de  quoi  pareftre,  mais  bous  me  des- 
vauchais  tousjours  de  mon  conte.  Ye  bous  dits  donc 
que  la  plus  velle  &  reluifante  arme  qui  ait  paru 
depuis  Coutras  eftoit  celle  qui  fut  mife  entre  les 
mains  de  Monfeignur  lou  Marquis  d'Uxelles.  Ce 
n'eftoit  que  clinquant;  fon  veau  père  n'y  aboit 
efpargnai  ni  or  ni  argent,  —  E.  Ni  tant  de  courtoi- 
fies  defquelles  il  eftoit  plein.  —  F.  Poudez  dire,  en 
dix  huid  ou  bingt  mille  hommes,  il  y  aboit  fort  pu 
de  fouldats  qui  ne  parufTent  comme  Caiteines.  Je  ne 
beux  point  faire  ici  de  l'hiftouriographe,  je  bous  dits 
fulement,  comme  nous  eufmes  long  temps  montai 
pour  parbenir  à  Sant  Pierre,  quand  nous  fiifmes 
enbiron  à  quinze  cents  pas  des  varricades,  le  four- 
rier de  la  compeignie  &  moi  monufmes  fur  un 
petit  tuquet,  fulement  par  curiofitai,  &  nous  arres- 
tafmes  pour  hoir  à  man  droite  quauque  pu  de 
caballerie  de  l'ennemi,  qui  de  tous  temps  s'abançoit. 
En  mefme  temps  nos  gens  donnent  aux  retranche- 
mens,  au  moins  nous  entendifmes  Pefcopeterie  &  en 
bifmes  lou  fini.  Enbiron  cinquante  rouflis  de  çus  que 
nous  abions  contemplais  s'abancent  ;  l'effroi  fe  met 
II.  40 


626 


i  OV  BAKON   Dk   FSK'BSTE. 


p.ir  [jLtt;  chacun  crioit:  Ferme  .'&  moi  aufll  haut  que 
pas  un  ;  maïs  ye  ne  bis  aucuB  qui  touraaft  bers  les 
Liiiicmis,  qu'un  officier  de  l'armée  qui  s'appeloit 
Marollcs.  Ceiiui  là  fe  mit  k  nous  crier  injures,  août 
ap;'cllcr  canailles  &  poulirons;  mais  en  ycRanc  per 
fouhrc  l'erpaleun  defmeniit  &  un  repoutit,  autant  en 
emporte  lou  bent.  Nous  ellions  refoulus  à  prendre  loa 
vas  pourcercher  une  place  de  combat. — B.  CeRctat 
mcIniL'  curiofité  qui  à  la  bataille  de  Pragues,  fit  que 
le«  M^illres  de  camp  &  quelques  Capiiaîoes  firent  i 
cliLval  une  grande  révérence  aux  baïaUlous,  quand 
on  ciimmcnçoit  à  bruller  l'amorce,  &  par  compagnie 
alliTcnt  fe  pourmener  &  vificer  les  fortificadons  de 
la  \  illc,  tout  par  curiofit^.  —  F.  Ce  fut  une  grande 
(k'fri'jcc;  mais  les  Sabo^ards,  ou  par  pur  de  nous, 
(.iiirioUlc,  ne  nous  prcfTeni  pas  lous  lalons. 


LITRB    ir,    CHAPITB.B    S^T.  627 

bindrenc  fauter  dans  noftre  caaiin,  quHls  faiUlrenc 
à  s'efcatia  lou  coul.  —  B.  Il  me  fouvienc  du  temps 
paiTé,  que  Monfieur  du  Maine,  paflant  devant  Ponts, 
Monfieur  d^Elbœuf  ayant  choid  cinquante  Seigneurs 
de  la  Cour,  fe  vint  prefenter  pour  demander  le  coup 
d'efpee.  Sur  tous,  paroifToit  à  fa  tefte  un  Comte  de 
Champagne,  tout  couvert  de  broderie  d^argent  battu 
en  velours  incarnadin,  horfmis  les  braflards  &  la 
fallade  argentée,  empannaché  de  grandes  aigrettes, 
&  le  cheval  qui  eitoit  blanc  d'un  pennache  incar- 
nadin. Quinze  chevaux  4^  U  ville  vont  ^  )fi  charge, 
&  le  petit  Brueil  qui  les  menoit  choififlancle  Comte 
pour  fe  coudre  à  lui,  Tautre  quitte  fa  place  de 
la  tefte,  &  fe  va  nichcf  derrier  le  cul  de  la  troupe.  — 
F,  Boila  un  grand  cas;  il  mVfchappo^t  de  crier  que 
c'eftoit  vien  pour  pardftre.  O  vien,  je  bous  ai  contai 
lou  maihur.  Je  me  troubai  à  table  à  Diyon,  en  lieu 
où  ye  fallis  vien  en  avoir  des  querelles.  Il  y  eut  un 
floignac  qui  nous  tirade  fa  pochette  une  lettre  que  les 
Confuls  de  Briançon  ont  fait  imprimer  en  ce  païs  là, 
pour  fecouër  deflus  lurs  teftes  la  faute  qu^ils  attri^ 
buoient  à  Monfurlou  Marquis;  car  les  mulets  qu'ils 
n'ont  pas  fourni  ont  faiâ  tout  lou  dommage.  Ils  con- 
tent que  les  pillages  aboient  fait  fiiir  tout  lou  monde  ; 
que  nous  abions  trop  fejournai,  &  toutesfois  nous 
eftions  partis  d'Amvrum  lou  bingt  feptiefme  Juillet, 
&  arribafmes  à  Billards  le  cinquième  d'Aouft.  Je 
refpondis  à  cela  que  Monfur  ne  boulut  point  fur« 
prendre  rennemi,  pour  faire  en  bieux  Gaulois; 
&  faut  dire  que  ces  maudits  mulets  ont  donnai  un 
grand  coup  de  pied  à  la  France.  Nous  difons  que 
cette  retraite  a  furpaifaye  celle  de  Monfur  de  Mer- 
cure debanc  Canife.  Nous  eftions  fans  nmnitions, 
&  lou  moien  de  trouber  du  {domb  encre  ces  mon- 


DE   FfNESTC. 


lagnes  où  l'on  ne  fe  fert  que  de  bailTclle  de  vois? 
Nous  ne  nous  fierons  plus  aux  mulets  de  Vriânçon. 
Enfin  quelque  vUfme  qu'on  ait  mis  fur  nous,  tout 
cela  n"a  pu  empefcher  un  hocnelle  homme  de  faire 
à  noilre  louange  ce  petit  fizain  que  [e  tire   de  niJ 


1 


Ca/jr  gui  II  monde  con^oifi 
Après  tout  vtiinca^  fe  Viiinguit. 
D'UJfel  lire  une  gloire  extrême 
En  la  guerre  des  Savoyards; 
Lui  O"  les  Jùns  font  des  Carfartj 
Car  iU  fe  font  Vidneui  eux  mefmi 


E.  Vous  les  penlîezbien  furprendre,  mais 
dit  le  Gafcon,  Doou  s'en  penfe  fait,  de  l'aliro  lom 
Imicadour;  &  fi  vous  regarder  bien  à  l'Epigramme 


mJK 


LIVRE    IV,    CHAPITRE    XV.  629 

molire.  Au  vieux  temps,  tel  a  efté  fept  ans  à  la  f  de 
par  Dieu. —  E,  J'entend  bien  :  il  fe  vouloit  vanter 
d'eflre  bien  fondé.  Cela  baloit-il  pas  mieux  que  les 
malices  de  ce  temps P  N'eft  ce  grand  cas  que  les 
Jefuifles  aboient  fait  un  bers  qu'ils  ont  imprimay 
tournai  en  fix  mille  feiçons,  &  qui  eft  : 

Tôt  tihi  funt  laudes ^  ^^gOj  ^^^^  fidera  cœlis. 

Un  de  bos  Huguenaux  Teft  allai  coëSer  d^un  otre, 
&  le  boici  : 

Tôt  tihi  funt  fraudes j  Gerroy  quot  gramina  campis, 

Encor  y  aboit  il  un  malicieux  qui  aboit  mis  ftercora 
pour  gramina.  Le  boila  encor  rembié  par  un  tiers 
qui  fe  put  tourner  en  trois  fois  autant  de  feiçons 
que  l'otre  : 

Sic  maie  fraus  tua  fert  laudes  qua  non  hene  cedunt, 

—  B.  Et  vous  n'approuvez  pas  que  Ton  en  fâche 
tant;  à  la  vérité,  il  efl  bien  mal  aifé  que  tels 
efprits  croyent  aux  petites  oyes  de  voftre  religion, 
comme  au  baptefme  des  cloches,  à  Tufage  des  grains 
bénits,  des  chemifes  de  Chartres  &  des  Agnus  Dei  ; 
&  vous  mefme  eftes  trop  cavallier  pour  eftre  bigot 
jufques  là.  —  F.  Ye  me  fuis  une  fois  laifTai  em- 
pourter  à  ufer  d'un  Agnus  Dei;  mais,  à  un  vallet 
qu'on  faifoit  à  l'Arfenal,  un  exempt  des  Gardes  me 
donna  dans  la  prefTe  (car  il  ne  me  remarquoit  pas) 
un  coup  de  vafton  qui  me  [le]  fit  entrer  dans  la  peau; 
je  n'en  ai  plus  boulu  pourter  depuis  de  telles  fadai- 
zeries.  —  E,  Vrayement,  Monfieur  le  Baron,  vous 
nous  avez  conté  des  combats  fi  eftranges,  que  l'An- 
tiquité n'en  a  guaires  de  pareils.  Quoi  que  ce  foit. 


^fl  devenu  t 


^m»^i}f^*^!^^: 


Chapitre  XVI. 
Lti  triomphes. 


EAUJBtr.  Par  le  difcourg  palTé, 
je  me  voi  engagé  k  vous  conter 
la  malice  de  du  Monin...,que  le 
Roy  nomma  lepoiu  des  chevaux 
Itgtrs.  Ce  galand  eftani  un  jour 
dans  le  carroffc  de  Madame  de 
Mcienare,  il  arriva  que  b  la  def— 
t  vtauxj  celui  de  Madame  de 
Bran,  celui  de  laChoifi,  qui  venoitde  l'Arfcnal  pour 
fuccedcr  au  défaut  de  la  Clin,  celui  de  la  dti  Vire, 
qui  vcnoit  de  l'Univerfiié  de  chez  le  Confeillef  le 
Grand,  Sl  s'en  alloic  vifiter  fa  tante  Madame  de  Guife, 
&  la  coufine  de  Montpenfier  ;  d'autre  codé  le  carrofle 
de  la  Barai,  &  encores  les  deux  carrofles  de  la  du 
Tillet&de  la  Poyane,  avec  la  litière  de  Monfieur  de 
Bourges,  tout  cela  s'embaralTa  &  fit  faire  une  pôfe 
k  Madame...,  qui  en  efmeut  fa  colère,  &  jura  par 
S.  Philibert  que  Monfieur  la  refuferoit,  ou  il  y 
aoroit  un  impoU  fur  les  carroiTcs,  &  cependant  elle 
pria  du  Monin  de  lui  faire  une  Elégie  fur  ces  emba- 
raircffleais.  L'autre  refpond  que  le  fub}eâ  efloit 
biea  pitoyable,  mats  plus  propre  poor  une  fircc.  EÎi 


6}2      AVANTURES  DV  BARON  DB   FANBSTB. 

bien,  pour  farcir,  moB  m»ri  s'y  eoteiui;  &  je  lui 
ay  ouy  dire  quelque  chofe  pour  rîre  fur  les  efpinu-dt 
de  Monfieur  de  Vandofroe.  Comme  un  propos  tire 
l'auirc,  il  avoit  concé  il  cette  Dame  comment  il 
s'en  alloit  à  Lyon,  celant  qu'il  s'alloit  rendre  au 
Duc  de  Savoye  pour  aSbtblir  la  France  d'autant. 
—  Puifijue  vous  allez  à  Lyon,  dit  la  Dame,  je  vous 
prie  de  me  faire  faire  une  patiffcrir  (je  voulois  dire 
une  tapitTerie),  de  quelque  nouvelle  iaventioQ.  S'il 
fe  peui,  qu'il  y  ait  des  brefmes?  —  Qu'appellcz- 
vous  des  brefmes?  dit  le  poète.  —  C'eft,  repond  la 
Dame,  de  cela  qu'il  y  avoit  en  la  tapifTerie  que  le 
Roy  ofla  à  Madame  pour  donner  à  la  DuchelTe;  on 
l'ellimoic  cent  cinquante  mille  efcus  ;  ma  foi,  il  euil 
cfté  plus  honnefle  au  Roy,  maintenant  qu'elle  ell 
mone,  d'en  faire  un  prefent  ii  Monfieur,  que  de  fe 
faire  héritier  de  la  deffunfle;  mais  les  vieux  ferri- 


LIVRE    IV,    CHAPITRE    XVI.  633 

noftre  capillier  vous  en  envoira  les  mefures.  Mon- 
fieur  n'y  veut  rien  efpargner,  &  a  délibéré  fur 
tout  d'y  tapifTer  la  cuifine,  chofe  qui  ne  fe  void 
gueres  ailleurs;  mais  aga,  voyez  vous,  il  n'eft  point 
glorieux.  On  dit  quUl  faut  commencer  un  baftiment 
par  la  cuifine  (les  autres  difent  par  la  cave);  Mon- 
fieur  dit  librement  que  la  cuifine  a  eflé  le  premier 
fondement  de  noftre  maifon.  —  L'entrepreneur 
picque  en  pofte  jufques  à  la  Farnache  :  il  vid  la 
grandTalle,  qui  ne  fe  pouvoit  tapifTer  à  moins  de 
douze  pièces,  trois  de  chaque  cofté,  feparees  par  les 
feneftres,  8l  d^une  bande  par  la  cheminée.  Eftanr 
donc  à  Lyon,  U  fait  reiiflir  fon  entreprife,  laquelle 
depuis  fe  fit  voir  à  la  grandTalle.  Elle  eft  de  quatre 
triomphes,  chacun  de  trois  pantes.  Ce  n'eft  pas  le 
triomphe  de  la  Chafteté,  ni  rien  de  Pinvention  de 
Pétrarque.  Le  premier  eft  le  triomphe  d'Impiété,  le 
fécond  de  l'Ignorance,  le  troifiefme  de  Poltronnerie, 
le  quatrième  de  Gueuferie,  qui  eft  le  plus  beau. 
Les  couleurs  8l  les  diverfitez  y  font  fort  agréables  ; 
rien  n'y  va  à  nuances  ;  les  changements  y  font  tout 
à  coup.  La  bordure  des  grotefques  eft  d'efcriture  en 
chiffres  que  perfonne  n'entendoit;  mais  du  Monin, 
qui  ne  craint  plus  rien,  pour  avoir  pzfTé  le  Mont  du 
Chat,  en  a  envoyé  l'explication,  &  les  mémoires 
tout  du  long,  au  petit  Chevalier,  qui  a  meilleure 
grâce  à  les  lire  que  fa  cotte  mautaillee  des  religions, 
8l  Dieu  fçait  les  glofes  que  les  copieux  feront  fur 
ces  belles  hiftoires,  quand  ils  en  auront  fceu  le 
fecret. 


^"",  pli»  lui 

""■'lourde 

*"'  «voi,  „i,  , 


LIVRE     IT,    CHAPITRE    XVII.  6j5 

(Iration.  —  B,  Ouy,  vraycmeûtj  mais,  pour  fuivre 
mon  propos,  vous  faurez  que  dans  le  mefme  chariot 
alloit  à  reculons  la  Volupté,  qui  n'avoft  couverture 
que  fes  cheveux,  qui  lui  couvroit  tout  le  front,  lui 
faifoit  des  mouftaches,  &  des  bouchons  à  la  lac- 
quaife,  &  en  un  mot  elle  fembloîc  toute  crachée  à 
la  Marquife,  &  dei  là  la  mode  a  pris  fon  modellâ 
pour  la  garcette  de  ce  temps.  Aux  deux  fieses  des 
deux  codez,  comme  portières,  eftoient  en  tutre  de 
captif,  premièrement  la  Cotifcie^e  :  c'eftoit  un 
corps  demi  mort,  qui,  fans  fentimem,  eftoit 
afiis  ft  fommeilloit  fur  un  monc^U  de  chauiTe* 
trappes;  de  Tautre  codé,  la  Stupidité,  qui  avoit  la 
peau  faite  à  efcailles  de  fer  roiiillé<  La  mufique  qui 
entournoit  ce  chariot  efioit  de  tambours,  de  tombâtes 
&  de  cornets  venus  des  Bacchantes  par  fucceifion, 
avec  tout  efquipage  de  charivari.  Souveneai  vous 
qu^à  chaque  codé  de  la  falle  il  faloit  trois  pentes  de 
capifferie  :  la  première,  de  ce  que  foumifToit  F  Anti- 
quité; la  féconde,  de  ce  que  nous  avons  appris 
durant  la  primitive  Eglife;  la  troifiefme  eft  des 
Modernes  &  de  ce  temps.  Et  cet  ordre  eft  obfervé 
par  tout,  horfmis  au  troifiefme  triomphe,  à  caufe  de 
la  cheminée.  Si  bien  qu'à  la  première  pante  d^au* 
prés  de  la  porte,  marchoit  devant  le  chariot  la 
première  troupe  des  prifonniers  :  elle  eiloit  des 
Patriarches  &  Saints  honunes  du  premier  fiecle, 
comme  Abel,  Enoch,  Noé,  Abraham  &  fes  enfans, 
David,  tous  les  Prophètes  enchaifnés  comme  les 
prifonniers  des  Lanfquenets,  &  les  bouts  de  leurs 
chaifnes  dans  les  poings  des  champions  vidorieux. 
Vous  voyez  à  la  telle  Caïn  &  Cam,  Nembrot,  les 
Géants  qui  fe  mocqdoient  de  l'Arche;  au  milieu, 
Pharaon,  Og  :  vers  la  queue,   les  cinq  Roiâ  que 


6j6     avanturks  od  bakoh  de  tskbstb. 


pendit  Jofue;  AchaE  &  Jefabcl,  habillez  en  Ama- 
zones. Ces  pauvres  prlfonniers  vont  à  regret,  &  con- 
icmplent  d'un  œil  trifte  les  roués  du  chariot,  qui 
ont  pour  pavé  les  tables  de  la  Loi  &  l'Arche 
de  l'Alliance,  qu'ils  ont  mis  en  pièces.  —  F.  Cap 
de  you!  ye  troube  eftraoge  de  boir  pareilrc  Pha- 
raon, Og,  Seon,  &  lous  otres  qui  ont  elUi  baincui, 
au  nombre  des  triomphants.  —  B.  Leur  élire  eO 
miferabie,  mais  le  pareftre  eft  pour  eux.  Ce  n'efl 
pas  d'aujourd'hui  que  les  foldats  de  l'Impiété, 
quelque  battus  qu'ils  foyent,  triomphent  tousjours, 
lefmoins  les  plus  vaillants  de  ce  fiecle,  qui  (ont 
devenus  beaucoup  de  fois  en  leur  vie,  biens  8t  hon- 
neurs, gibier  des  champions  de  rimpieti.  De 
tout  pareil  ordre  marchoii  l'Eglife  primitive,  Aptu- 
très,  Martyrs  &  CoofelTeurï,  menez  rudement  pw 


Î1 


J 


LIVRE    IV,    CHAPITRE    XVII. 


637 


Diables.  Mais  les  Sergents  qui  les  font  marcher  font 
braves  &  glorieux  :  vous  y  voyez  le  Comte  de  Buen- 
dia  qui  porte  l'efpee,  un  autre  le  grand  eftandart 
rouge  ;  les  Inquifiteurs  en  pourpoind,  tous  mines  de 
maupiteux,  8l  tels  que  vous  les  voyez  defcrits  aux 
aâes  de  Plnquifition.  N'eft  pas  oublié  que  la  facree 
Hermandad  va  en  bonne  ordre,  deux  à  deux, 
une  main  derrier  le  cul;  ils  chevauchent  en  latin, 
8l  marchent  courbez  fur  des  chevaux  d^Efpagne, 
fe  tenant  à  Parçon,  pour  mener  à  la  mort  des 
troupes  de  foixante  ou  quatre  vingts  vieiUards, 
femmes  &  enfans  baaillonnez.  Plufieiu's  tragédies 
de  France ,  d* Angleterre ,  d'Italie ,  de  Flandres 
&  d'ailleurs,  font  en  fi  grand  nombre  qu'elles  ne 
peuvent  trouver  la  place,  &  ne  font  mifes  ici  que 
par  abrégé. 


Chapitke   XVIII. 


T^ïompht   de    l'Ignorance 


N  après  marchoit  le  char  triom- 
phant de  l'Ignorance,  tiré  par 
quacre  afnes  emmuficqiiez  de 
trompes  de  bouche  &  de  come- 
fes.  La  Dame  efl  toute  nuë, 
n'ayant  pas  le  jugementde  Cacher 
fes  parties  honteufcsj  elle  a  le 
fronteftroU,  &les  yeiw^rav,  aufTi  bien  que  l'autre; 
la  bouche  demi  ouvoifçc  elle  lit  par  contenance 
dans  un  Bréviaire,  de  bii.fnhaui  {comme  feu  Mon- 
fieur  de  Vandofme  qui  elloit  gaucher),  s'cclatte  de 
rire  en  y  lifant,  comme  y  trouvant  la  matière  plai- 
fame  &  délicate;  elle  a  beaucoup  de  traits  de  v^age 
de  Benhohne.  Vis  à  vis  de  la  triomphante,  qui  eft 
&  dire  devant,  eft  la  Folie  qui  s'efcrimc  d'une 
marotte;  à  fa  droite  eft  L'Opiniaftreié,  à  la  grofte 
tefte,  &  de  l'autre  cofté  la  Superftition ,  toute 
bardée  de  patenoftres.  Tout  de  mefrae  qu'à  l'autre 
triomphe,  marchent  aufli  trois  bandes  de  captifs,  af- 
favoir  :  du  premier  fiecle,  Noé,  qui  voulut  faire  le 
favant  k  inventer  l'arche  ;   Moyfe,  à  amener  la  loy 


LIYRB    IV,    CHAPITRE    XYIXI.  6'}^ 

à  des  gens  qui  n'en  vouloienc  point;  les  Prophètes, 
fafcheux  corne-guerres,  ennemis  de  l'aife  8l  du  bon 
temps;  8l  fi  vous  trouvez  eftrange  qu'ils  foient 
peints  en  plus  d'un  lieu,  fâchez  que  telles  gens  font 
bien  gourmandez  plus  d'une  fois,  &  en  plus  d'une 
façon;  vous  les  voyez  malmenez  par  ces  Geans,  par 
les  ignorans  qui  baftifToient  Babel  ne  s^entendans  pas, 
par  ces  mutins  Juiis  qui  prefchoient  le  bon  gouft 
des  oignons  d'Egypte,  &  y  vouloient  retourner. 
Cet  efcoiiade  finit  par  Sedecias,  qui  donne  à  Michee 
un  defmenti  &  un  foufflet.  A  la  féconde  file  vous 
voyez  les  Doâeurs  de  TEgUfe,  comme  Irenee,  Ter- 
tullian,  S.  Hierofme  &  S.  Augullin,  quelques 
Docteurs  de  Rome  jufques  à  Sylveftre.  Vous  y  voyez 
d'autre  codé  ce  paillard  Lyberius,  qui  au  commeor- 
cément  enchaîné  avec  Athanafe,  trouve  moyen  de 
fe  fauver,  &  s'eftant  r' allié  avec  les  Arriens  triom- 
phants, firappe  fur  Athanafe  &  Chryfoftome  plus 
que  quatre  autres,  comme  faifoic  Sanci  au  maf- 
facre  d'Orléans,  en  tuant  fon  hofte,  &  maffacrant 
les  corps  morts  pour  fe  fauver.  Entr' autres  tels 
comittes  paroifTent  Zambres  &  fes  compagnons. 
Puis  vient  la  troupe  de  ce  fiecle,  où  vous  voyez 
tant  de  Dodeurs  d'Alemagne  qui  ofoient  prefcher 
contre  l'ivrognerie  ;  le  pauvre  Calvin ,  maigre 
comme  un  haranc-foret,  les  douze  Minidres  de 
Poifli,  les  Sieurs  de  Chamdieu,  &  de  nouveau  le 
Pleilis  Mornai.  Tout  cela  eil  traifné  fi  vifte  qu'ils 
n'ont  pas  loifir  de  parler.  Les  triomphants  au 
rebours  ont  la  gorge  ouverte,  comme  leur  faifants 
la  huée,  &  faifans  crier  les  pages  &  lacquais  :  c  Qit'ii 
eft  laidj  il  a  ejcorché  U  renard!  U  a  chié  au  Uû.  » 
Là,  dit  le  Poëte  en  fon  mémoire,  que  le  renfort  des 
corne-mufes  eft  pour  eftouffer  les  remonftrances  des 


640 


AMTURBS  DU    BARON   Ot   F£NES 


ITE.  ■ 


affligez.  Le  chariot  a  pour  pavé  force  livres  pole- 
mictjues,  VInJiiruMa,  le  Myfiere  d'iniqaiié,  qui 
fut  premièrement  enfoiré  à  Saumur,  &  puis  jonché 
par  les  rues;  de  ce  rang  font  la  Sepmaiae  de 
du  Bartas,  les  livres  de  du  Moulin,  &  \' Hijhire 
d'Aubigné.  Les  eilaffiers  qui  font  marcher  ces  mi- 
ferablesfont  Cachât,  la  Bajlide,  Lignerac.Ie  Chan- 
celier de  Birague,  redevenu  gendarme  quand  il  vid 
que  fcs  harangues  faifoient  rire  les  gens;  puis, 
pour  cloiture  de  la  pante,  marchent  en  foule  derrier 
le  chariot  les  Princes  qui  n'ont  rien  fceu,  le  père 
&.  grand-perc  du  D^c  de  Monipenfier,  le  Connella- 
b!e,  qui  fçaii  efcrire  &  non  pas  lire,  car  il  efcrit  fon 
nom,  quelques  Confeillers  d'Eftat,  qui,  aufli  bien 
que  les  Preftres,  ont  ofé  fe  vanter  de  n'en  fçavoir 
pas  plus.  A  la  retraite  cft  TEcclefiaUique  Alenot, 


LIY&B    lY,    CHAPITRB    XYIII. 


641 


celui  qui  fuie,  eftans  conviez  à  tous  deux;  entre 
ceux  là  eft  reconnu  au  vif  un  Marefchal  de  France 
&  autres  que  je  n'ofe  nommer,  pource  qu^ils  portent 
le  cordon  bleu. 


II. 


4î 


cha^itrb  xrx. 


Triompht  dt  ta   Poltroniurit. 


,  gare,  gare  le  corps!   car 
I  voici  le  chariot  de  Madame  PoU 
,  tiré  par  quatre  daimi  _ 


tlVRÉ    IT,    tMAPlTkS    Xix.             ^Àf} 
1 

font  force  vaillans  hommes  du  fîecle,  tant  de  Bour- 
bons, de  ceux  de  Lorraine,  les  Chaftlllons,  les 
Marefchaux  de  Biron  père  &  fils,  ceux  de  la  Noue, 
de  Motttgomeri,  de  Montbmn,  toute  la  bataille  de 
k  S.  Bardielemi,  le  Marefchal  d'Aumoût,  Givry, 

les  Ducs  de^  Bouillon  &  de  Thoars 

&  de  nottveaa  Montbarot,  criminel 

d*avoir  fauve  la  Bretagne  de  la  prife  de  Rennes, 
ft  qui  plus  eft,  coulpable  de  fa  prifon.  Il  n'y  a 
pomt  moyen  d'enrooller  cette  multitude;  j'y  connois 
bien  pounant  à  la  fin  Pralim,  mon  de  regret. 
Tant  y  a  que  ces  mauvais  garçons  font  mener  en 
triomphe  par  force  gens  viÔorieux,  entre  lefquels 
paroiflent  le  feu  Marefchal  de  Rez,  le  Sieur  de 
Lanfac,  grand  père  de  ceux  ci,  car  fon  fils  eftoit 
des  prifonniers,  ayant  perdu  cinq  Gouvememens 
par  fa  libéralité.  Maiftre  René,  le  parfumeur,  fervoit 
de  comitte.  Mais  voila  une  troupe  montée  de 
Barbes,  &  un  Comte  à  la  telle,  une  Cornette  après 
lui,  coëffce  de  gaze  pour  cacher  la  croix;  ceux  là 
veulent  renverfer  deux  Huguenots  boiteux  qui  les 
pouffent  au  combat;  vous  voiez  à  travers  la  gaze 
une  corbeille  &  le  mot  de  PEmblefme  eft  :  i  Je 
vous  [vends]  ce  corbillon  •.  Voik  enfuite  cinq  Cheva- 
liers au  cordon  bleu, -^  vif  âge  defcouvert,  &  fans 
vous  donner  à  attendre  1-âtplication  quelque  jour, 
comme  ceux  qui  viennent  d'eftre  alléguez,  les  pre- 
mières lettres  de  leurs  noms  font  Do,  Manou,  Che- 
meraultj  un  Clermont  &  Chafteau- Vieux ^  qui  à  la 
bataille  d'Ivry  voulurent  tuer  un  homme  qui  fe 
fauvoit,  &  s'en  fervir  tous  cinq  pour  rougir  Tefpee, 
mais  ils  ne  peurent  obtenir  cela  de  lui,  fans  un 
Argolet  paffant,  qui  d'un  feul  coup  leur  donna  de 
quoi  faire  repaiftre  le  coutelas.  Nous  aurons  encor 


5 


; 


644      AVANTUKBS  DU  BARON  I>B  TSSESTB. 

befoin  de  l'explicatton  du  Pocte  pour  un  coing  où 
eA  peint  un  Pantalon  à  barbe  gnfc,  qui  tire  en 
a.rriere  un  Capitaine  qui  fcmbic  tout  craché  à 
Praliro,  lequel  defgaine  à  demi  pour  aller  tuer  ua 
Horaiio,  qui  a  le  vlfige  comme  un  des  mignons  du 
fiecle,  monté  fur  une  Y/jbella.  Pantalon,  couvert 
d'un  jac  de  maille,  void  l'adultcre  pris  fur  les  cEufs, 
jette  cet  apophthegrae  notable,  »  Je  ne  puis  croire 
ce  que  je  vois,  1  &  cmpefche  le  matamore  de  jettcr 
par  les  fencilres  l'adultère  catholique  &  univerfel. 
Le  payfage  elt  bordé  bien  i  propos  de  force  chaf- 
icaux  &  belles  maifons,  fur  les  portaux  defquelles 
il  y  avoit  en  frontifpicc  d.;  belles  pierres  taillées 
nouvellement,  en  la  place  des  vieilles  qu'on  avoit 
oftees.  Là  dloient  enlevées  les  armoiries  de  U 
Bafoche,  mieux  timbrées  que  les  premières  ;  au  bas 
de  tous  les  efcuffons  elioieni  ces  trois  marques  : 
D.  D.  D.;  il  vous  eft  aifé  de  vous  les  expliquer  par 
irois  mots  :  <  Difpari  Domimi  Domùtaris,  • 


Dt  la  Gueu/trU, 


L  ne  refte  plut  que  la  facree  ft 
vénérable  GueuTerïe,  de  laquelle 
le  chariot  branlant,  tout  fait  de 
pièces  rapportées  &  de  contons, 
eAoii  tiré  par  quatre  louves 
maigres.  La  triomphante  eft  toute 
edonnee    &    honieufe    de    fes 


beaux  habits,  &  ne  fait  quelle  grâce  prendre;  mais 
l'Impudence,  qui  eft  allïze  fur  le  coffret  de  derrier, 
par  une  petite  feneftre  lut  donne  courage,  &  quel-- 
quefois  de  la  main  redrefte  fa  contenance  efgaree, 
qui  ne  fe  peut  alTeurer.  C'eftoient  les  mefmes  hon- 
teufes  contenances  qu'avoit  la  Conneftable  le  jour 
de  fes  nopces  :  car  quelque  fardée  qu'elle  foit , 
tousjours  paroilTent  en  fon  vifage  les  rides  de  fa 
première  condition.  Quoi  qu'elle  fe  voye  en  eftat 
de  donner  aux  autres,  elle  croit  tousjours  devoir 


6^6      AVAMTUB.ES   I 


ON    D£    rjEKBSl 


demander  &  quaimandcr;  elle  avisa  vis  d'elle, 
&  qui  a  parc  à  fa  gloire,  l'infolcnce,  affbz  belle 
de  loin,  efchevelec  &  veftuc  de  dix  couleurs; 
à  gauche  eft  la  RuiBnerie,  que  ces  mefchans  tapif- 
fiers  ont  tird  fur  le  portraift  de  Madame  de  S.  Du,, 
maquerelle  de  France  xat'i^oxnv  ;  à  droite  la  Flatterie, 
qui  donne  à  qui  en  veut  des  grains  bénits  &  des 
bougies  pour  aller  dire  des  oraifons,  A  la  première 
panie  des  trois,  font  pluficurs  Rois  &.  Princes  chafTcz 
de  leurs  pais,  conduits  à  coups  de  nerfs  de  bœuf 
par  Bagouas  &  autres  enucqucs,  à  qui  je  tie  me 
faurois  amufer,  pour  ce  que  ce  font  bifloires  trop 
anticques.  En  la  féconde  vous  voyez  tant  de  riches 
Romains,  ou  de  ceux  qui  «voient  voulu  efpoufer  la 
querelle  de  la  liberté;  entre  autres  y  font  remar- 
quables Senecque,  Helvidius  Prifcus,  Thrafee, 
qu'on  appelloit  la  vertu  mefme,  la  pauvre  Epicaris 
Sl  une  grande  troupe  de  gens  qui  oui  [c^ru]  ^ar  1^ 
fortuneG,  qui  portent  dus  leurs  tajûas  leurs  teÀg- 
neots,  pour  les  prefenter  mut  Tyrans  &  ^  leuK 
valets.  Cette  troupe  demi  aueeftoiirudMDentgKwe 
par  quelques  liâeurs,  fur  le  chapeau  delâucJs 
e&oieMl  ewitfi  leurs  ooms,  comme  Harâje,  Pallas, 
fleur  dÂJit;  fur  le  derrîer  eQoit  BiUiff^ànus,  qui 
demandoit  l'aumofne,  après  avoir  dompté  &  def- 
poiiillé  tant  de  Rois.  Mais  au  plus  vif  efclattoit  la 
dernière  troupe  des  modernes,  qui  avoit  à  fa  telle  le 
Conneâable  Montagu,  faifaju  elxharpe  d'un  ticol  de 
61  d'or;  &  conme  il  efloit  £Is  d'yn  barbier,  auŒ 
fltoit  il  couplé  avec  le  barbier  du  Roi  Louis  XI, 
ponaut  pour  efcuJTon  ua  bafliii  d'or,  &  efcrit  eo 
fable  :  FortiM»  toajor  quifyue  ftur.  Ces  deui  f.ù- 
foient  faire  place  aux  prifonnlert,  k  la  teAe  4ei^ 
iqudb  vous  vpyez  biea  piteitx  le  pauvre  Xioofiilvc, 


LITKE    iy<,    CHAPITRE    XX*  647 

nommé  par  ezcellenoe  k  Capicaine;  le  Comte  de 
Rocendolf,  mort  de  faim  à  Paris,  après  avoir 
amené  &  ezfdoiâé  <}iiatre  armées  au  feconrs  de  nos 
Roit;  il  aroit  for  les  efpaules  «n  manteau,  <jae  |e 
lui  ai  veu  autresfots,  de  fathi  feurréde  martre  sibe- 
Une,  &  maintenant  de  pardiemi»^  fans  autre  cotK 
vertttfe;  k  Vidame  de  Chartres,  parent  de  noe 
Rois,  mort  aux  gakres^  A  de  mefme,  iforce 
Seigneurs  d^iUoftres  matfons,  tous  vilages  abbacus, 
kxiiais  un  q«i  oonfoloit  fes  compagnons,  ft  (f'eftois 
^fi  la  femUance  ne  me  trompe)  Odet  de  la  HchêH^ 
tout  reifoui  d^avoir  orouvé  à  vendre  «ne  de  fel 
maifoos  à  demi  prix.  Là  parokSbtt  k  brave  Moiijr) 
defefperé,  qui  avok  dit  à  fon  Maîftre,  comme  on 
lui  oÂoit  fa  penfion  :  f  Je  demeuré  ridke  4f honneur 
&  £pamLî.  »  Il  eut  pour  réplique,  que  chacun  de 
fes  amis  k  nourriroit  une  femaine.  De  ce  régiment 
eftoknt*  force  Gentilshommes  qui  ont  facrifié  kurs 
biens  à  la  guerre,  &  que  U  pais  avoit  furpris,  &  4 
qui  on  aroit  dit  :  Le  Royaume  a  efté  trente  uns  au 
pillage  :  pourquoi  n^avei^vous  rien  faut  Les  Maref- 
chaux  de  camp  qui  trainent  cette  cadene  font  Ragot 
(&]  du  Halde,  qui  a  pour  eftaffier  l'héritier  de  Ptcoe. 
Après  ce  diariot  marche  U  troupe  triom{rfiante  t 
k  premier  rang,  de  deux  Cardinaux  qui  vont  coàt 
i  cofte,  de  l'un  defquels  k  rolkau  dit  :  //  Cardimda 
de  la  Simia,  eout  moucheté  fur  l'efcarlatte  de  gros 
poux  &  de  punaifes.  Cettni  ci,  eftant  gueux  à  U 
porte  du  Pape,  fiit  prins  en  amitié  par  fa  fingefle, 
pour  la  bonne  moiiTon  de  poux  qu'il  portott,  &  par- 
vint au  gouvernement  de  cette  befle.  Son  maillre, 
Fajrant  £Eut  habiller,  k  trouva  bonne  n^,  &  par  k 
fiege  parvint  au  S.  Siège;  rhifioire  vous  en  dit 
davantage.  A  foa  oofté  marchoit  k  Pape  Sixte  V, 


64S     avantures  du  baron  de  f^mcstb. 

monté  fur  un  porceau;  à  mon  advis,  c'eft  ce  pour- 
ceau mefme  qu'il  perdit,  &  pour  cette  perte  s'enfuît 
de  fon  maiftre,  devint  portier  d'un  couvent  de  Cor- 
deîiers,  &  de  là  Pape,  comme  les  hîlloires  vous 
enfeigneront.  O  U  brave  troupe  qui  paroiflbtt  en 
ce  triomphe  de  Ducs,  Marquis,  Comtes,  Vicomtes 
&  Barons!  tous  noms  qui  dureront  long  temps, 
car  ils  font  bien  nouveaux  ;  une  armée  de  plus  de 
carrofTes  que  Xerxds  n'eut  de  navires,  comme  ii 
paroift  les  felles  à  la  montre  du  cours;  je  dis  les 
felles,  pour  ce  que  la  plufpart  ont  befoin  de  gagner 
leur  vie  les  jours  ouvriers.  Il  y  avoit  à  U  marge  de 
h  tapilTerie  une  grofle  gibecière  qui  accuchoit 
d'un  cftui  de  bonnei,  ccrt  eftui  d'une  malle  coffrée, 
&  eu  fuite  un  gros  vilain  carofle  qui  accouchoit  de 
petits  caroflillons,  qui,  comme  une  fourmilliere,  fe 
joignirent  à  la  croupe,  chacun  fon  efcrîteau  com- 
mençant par  :  Madame j  &  quelquesfbis  Madamt  dâ 
Jean,  Madame  de  Pierre,  Madame  de  Martin,  &e. 
En  un  petit  coing  du  tableau,  on  remarquoit  deux 
vieilles  Damoifelles  accroupies,  à  peine  reconnuiés 
pour  Mefdemoifelles  de  Tuurnon  &  de  BrelTuire. 
Elles  ont  les  yeux  tournez  au  Ciel,  font  d'une  main 
un  grand  figne  de  croix,  &  de  l'autre  monftreni  les 
troupes  des  Dames;  je  penfe  que  c'eft  par  admira- 
tion, pource  qu'elles  ne  voulurent  jamais  haufler 
leur  tUtre  de  Damoifelles, ,  bien  qu'elles  culTent 
l'une  oâante,  &  l'autre  nonante  m'dlc  livres  de 
rentes  ;  elles  fe  reigloient  ainfi,  pource  que  leurs 
maris  n'avoient  jamais  efté  Chevaliers  de  l'ordre  de 
Saint  Michel.  Cependant  la  troupe  s'cfcoule  &  la 
fuite,  il  la  fin  de  laquelle  ferrent  de  Sergents  le  peut 
U  RtKhe,  autrefois  donné  pour  nain,  car  Belat, 
Tilet  de  garderobe  du  Duc  de  Savoye,  1«  maiftre 


LIYRB    IV,    CHAPITRE    XX.  649 

de  la  tapifTerie,  faifoic  Thonneur  de  la  maifon.  Le 
Poëte  dit  en  fes  Mémoires  qu'il  ne  faut  trouver 
eftrange  fi  vous  ne  voyez  point  en  la  troupe  des 
gueux  triomphans,  ni  parmi  les  autres  un  Porcins 
CatOj  autrefois  porcher,  ni  un  Serçmsj  autrefois 
efclave  :  comme  aufli  parmi  les  modernes,  un  Baron 
de  la  Gardey  autrefois  nonmié  Capitaine  Poulain, 
pour  avoir  eilé  Saltimbardel,  &  avoir  gardé  les  pou- 
lains; ni  la  Burlotte,  pour  avoir  eflé  barbier  de 
village;  c'eft  qu'il  ne  veut  comprendre  en  ce  rang 
ceux  qui  ont  monté  fans  gueufer.  Ce  n'eft  pas,  dit-  • 
il,  gue\iferie  que  de  tirer  falaire  &  honneur  de  fes 
mérites,  &  partant,  font  bannis  de  ce  triomphe  ceux 
qui  font  parvenus  par  la  probité,  par  les  fervices 
fignalez,  par  les  armes  &  par  les  lettres.  Que  ceux 
là  s'aillent  cacher,  n'y  ayant  place  ici  que  pour  ceux 
qui  ont  fait  fortune  turpibus  artibus.  Il  faut  un  mot^ 
des  coings  :  en  l'un  defquels  fe  void  un  arbre 
comme  ceux  d'Efcofle,  qui  d'un  codé  laiffe  choir 
fon  fruit  dans  Peau,  &  le  fruit  fe  change  en  canes  & 
canars;  ce  qui  tombe  à  terre  font  chaperons  de 
drap,  qui  s'eftriffifrent  &  fe  changent  en  velours  ; 
vous  en  voyez  de  demi  formez,  qui,  aiant  roi^é  deux 
tours,  fe  chargent  de  pierreries  ;  &  c'eft  de  là  que 
tant  de  Madames  de  drap  deviennent  Madames  de 
velours,  gagnent  le  Paradis  des  Dames  fans  avoir 
paffé  au  Purgatoire  des  Damoifelles;  &  c'eft  en  cette 
accroifTance  que  les  petits  fiefs  de  France  font 
aujourd'hui  Baronnies,  les  Chaftelenies  font  devenues 
Vicomtez,  les  Baronnies  Comtez,  les  Vicomtez  Mar- 
quifats,  les  Comtez  Duchez,  &  les  Ducs  voudroient 
bien  devenir  Rois,  s'ils  avoient  affaire  à  un  maiftre 
patient  &  à  un  Roy  qui  ne  fuft  point  foldat.  La  che« 
minée  de  la  falle  fe  trouve  bien  à  propos  dans  le 


que  le  i'oëie  n'a  pu  tnterp 
couvre,  c'eft  une  grande  i 
vous  voies  en  une  monu. 
pefchCE,  au  foleil,  à  recouc 
Uurs  pourpoÎBM  &ia  k  U 
doublet    mouftaches;    ]k 
bocez,  use  DanoifeUe  qui 
DomlMÎl  &  le*  tdbu,  ft  toi 
ailleur*  de  cette  idairs  bic 
comme  la  movAuhe  fanre 
tout  ce  qui  coooerne  la  gar 
Et  vicnl  la  mouftacbe,   oi 
quelques  coups  au  bilain.  - 
coodure,  je  r'û  plus  à  voui 
où  ptfTent  le«  roues  du  dern 
caSbat,  de  chevrons  brifez, 
&  nefme  de  fleuri  de  Es 
momphe  de  U  Gumferie  n» 
palTanc,  l  quoi  aident  encor 
U  y  1  de  quoi  £ure  pleurer  < 
le*  fpeâaiears.  En  &i,  c'cft 
fcrie,  qui  promet  aux  fraiflr 
trons  &  aux  beliftret  les  goi 
les  hoanmr»  *  '*•  (.:—   — 


LIY&B    lY,    CHAPIT&B    XX. 


651 


triomphe  &  dans  la  félicitai.  —  £.  Et  moi  y  efire 
veriublement. 

Adieu  jufques  à  une  matière  qui  pourra  fervir 

de  cinquiefme  livre 
à  Fanefte. 


FIN 


▼ 


LE 

DIVORCE    SATYRIQ.UE 
LES    AMOURS 

DE  LA  REYNE  MARGUERITE 

IPablii  d'iprti  l'Ëditlon  it  ttio, 

(X«uJl  it  Hnrfii  fliiir  fiTMia  à  rUftbi  it  Hnrj  III,  f.  loo  à  foi*.) 

k  pour  lu  idditlou,  fiprti  celle  de  i6«j.| 


I 


DIVORCE    SATYRIQ.UE 
LES    A^40URS 

DE  LA   REYNE  MARGUERITE' 


'bit  aux  Rots  i  faire  les  loix, 
difeni  les  Tyrans  &  ceux  dont 
la  force  &  non  pas  l'amour  reigne 
fur  les  peuples,  mais  je  ne  loiie 
point,  ny  apprenve  ceft  axiome, 
encor  que  les  armes  &  la  vio- 
lence m'ont  rendu  l'héritage  &  le 


fceptre  de  mes  pères.  Dteil  bénit  la  douceur,  ft  falA 
profperer  les  deiïeins  de  ceux  dont  les  aâions  font 

t.  L'authenticité  dn  Dirorci  tatjrrvpit,  qoe  ooui  jngio» 
d'aillenri  adei  févèrenient  [*oir  notre  introd.,  p.  u),  ne 
nouj  ivsit  pu  fen^lé  foSTimment  établie  pour  reprodmre 
dans  notre  édition  de*  tenvrei  de  d^Aabigné  ce  violent  b  mé- 
diocre pamphlet.  Notre  opinion  ne  s'eft  guère  modifiée,  maû 
l'an  de  qaelqaei  JD|e)  compétent!,  tels  qna  HH.  Ch.  Raid, 
Ch.   Lenient,  Henri  Sordier,  Tamiiej  de  LwroqaB,  etc  , 


$^6  LK    DirORCI     SATTRI4UE. 

autant  aymees  que  redoubtces,  &  feray  mon  tefmoin 
fi  vos  cœurs  ingrats  s'en  rendent  mefcogroi (Tans,  que 
j'ay  pardonné  à  plus  d'ennemis,  que  vciigé  d'injures, 
aux  yeux  de  tout  le  monde,  comme  à  la  France,  à 
Paris,  maclemence  &  madebonaire  bénignité  n'ayant 
pas  abfous  feulement  les  perturbateurs  de  l'Eftat, 
de  leur  crimes,  mais  auili  remis  mon  particulier 
iniercll  à  ceux  qui  téméraire  ment  ont  oié  attaquer 
mon  nom.  J'ay  celle  obligation  au  bonheur  d'avoir 
glorieulement  veu  la  fin  de  troubles  démon  Royaume, 
d'avoir  expérimenté  la  foy  de  mes  bons  fubjets, 
d'avoir  dtably  pour  long  temps  une  iieureufe  paix 
avec  mes  voifins,  &  d'avoir  efteini  mes  ennuis  plus 
particuliers  par  le  moyen  d'un  divorce  qui  fepare 
de  ma  maifon,  ainfy  que  du  cœur,  ce!Ie-dont  l'in- 
famie a  longuement  obfcurcy  ma  réputation.  Je  fçay 
que  plufieurs  Eftrangers,  &  plufieurs  François  mal 
affeftionncz,  trouvent  fort  eftrange  qu'aprei  vingt- 
huia  ans  de  mariage,  un  prétexte  de  parentage  ail 
délié  ce  qu'un  facremcni  fi  digne  avoit  conjoliift  : 
les  uns  m'en  appellent  voluptueux,  les  autres  athée, 
&  tousenfemble  mefcognoiflànt,  il  &ut  que.  j'ef claire 
à  leur  ignorance,  &  que  je  confonde  leur  caute  ma- 
lice, cachant  ma  juHe  douleur,  &  déployant  les  digues 
raifons  que  j'avois  par  honneur  voulu  deguifer  à  Ift 
renommée  avec  des  parolles  exqutfes,  ambiguiis  &  re- 
cerchees.  Ma  grandeur  m'expofe,  &  me  met  en 
veuë,  &  l'intégrité  de  ma  confcience  fait  trouver  bon 
qu'tm  chacun  lifedans  mes  œuvres,  afin  que  les  ma- 

oou  décide  à  le  réimprimer  fout  toutei  réfcrvei.  Nom 
réiameroD)  au  ootes  les  motifs  inToqoét  a  l'appiû  de* 
diverfei  ofânioiu.  Nous  aron»  placé  eaire  crochets  )et 
addition!  qae  donne  pour  la  première  fois  one  dei  ediriou 
(te  iM], 


LE     DIVORCE     SATTR.I(J[JS.  (S57 

lint  &  mal  intbnnez  n'attribuent  i  tort  aux  delicet, 
à  la  Religion  ny  ii  l'ingratitude,  encore  qu'elle  Ibii 
des  dépendance*  de  la  Couronne,  ce  que  det  caufei 
plus  pregnantes  &  recevables  excufent. 

Une  pluye  de  fang  au  moni  Aventin  durant  la 
Romaine  fuper&ition,  prefagea  la  deffaide  de  Canet. 
&  un  torrent  de  fang  refpandu  par  loutte  la  France 
•t  mes  trilles  nopces,  prédit  la  dcffaiâe  de  mon  hoi^ 
neur  :  le  Ciel  qui  voit  clair  i  nos  adventures  en 
donne  fouvent  quelque  cc^oilTasce  avant  le  fuccez, 
&  les  fages  évitent  le  péril  par  la  prévoyance,  ie 
voyoii  le  jour  au  travers  de  mon  tnf<»'nine,  &  touctea 
chofes  [afchoieni  à  m'en  efclaircir  :  mais  je  n'iy  pu 
fuir  mon  dommage,  encor  que  le  Roy  Charles  pour 
lors  régnant,  ii  qui  l'humeur  de  fa  fœur  eftoit  proe 
cogneuë,  m'en  donna  quelque  fentiment  deJToKx 
ceû  oracle,  lors  qu'aiïeurant  les  Huguenotz,  pour  les 
aiirapper  &  les  allécher  d'une  fèinie  paix,  il  proteT- 
toit  fbubz  mille  fermens,  qu'il  ne  donnoii  pas  fa 
Margot  feulement  pour  femme  au  Roy  de  Navarre, 
mais  à  tout  les  Hérétiques  de  fon  Royaume.  O  Pro- 
phétie trop  véritable,  &  digne  d'une  fainâe  &  divine 
infpiration ,  s'il  eut  mis  le  gênerai  &  non  le  particu- 
lier, &  qu'au  lieu  des  Huguenotz  feuls,  il  eut  com- 
pris tous  les  hommes  :  car  il  n'y  a  forte  ou  qualité 
d'iceux  en  toutte  la  France  avec  qui  cefte  dépravée 
n'ait  exercé  fa  lubricité;  tout  eft  iodiierent  k  Ces 
volupiez,  &  ne  luy  chaut  d'aage,  de  grandeur,  ny 
d'extraâ ion,  pourveu  qu'elle  faoule  &  faiisfaHê  àfea 
appetis,  &  n'en  a  jufques  icy  depuis  l'aag e  d'onze 
ans  dûfdit  à  perfonne,  auquel  aaf^e  Ancraguet, 
&  Charins,  car  tous  deux  ont  creu  avoir  obtenu  les 
premiers  ceftc  gloire  &  eacSt  les  prémices  de  fa 
chaleur,  qui  augmeniuii  tous  les  jours,  &  eux  n'ef- 
it.  '.4s 


^ 


6;8  LK     DIVOKCE     SA 

i«nt  point  fuffifans  à  l'efteinilrc,  encor  que  Antragues 
y  fit  un  effort,  qui  luy  a  depuis  ibregé  la  vie,  elle 
jetta  l'œil  fur  Manigues,  &  l'y  arrefta  11  long  [emps, 
qu'elle  l'cnroolla  foubz  fon  enfeigne,  &  en  don- 
nèrent l'un  &  l'autte  tant  de  cognoiffance,  que 
e'eftolt  le  difcours  &  l'entretien  commun  de  ions  les 
foklatz  dans  les  armées  où  l'on  cognoilToit  le  dit 
Martigues  outre  fa  valeur  pour  Colonel  de  l'Infan- 
terie. Plafieurs  d'entre  voys,  vous  fouvenez  bien 
d'une  efcharpe  de  broderie,  &  d"itn  petit  cbien  qu'il 
porioit  ordinairement  aux  lièges  &  aux  efcarmouchci 
plus  ttangereufes,  &  n'ignorcï  pas  d'où  parioient  les 
amoureufes  faveurs  qui  continuèrent  jufqiies  à  la 
mort,  aprez  lnjuelle  il  fallut  que  par  rentn-'milc  de 
Madame  de  Carnavalet,  Monfieur  de  Guife  en  paf- 
fac  les  mains,  jeune  Prince,  brave  &  ambitieux, 
lequel  commençant  desjà  de  conftruire  celle  machine 
qui  trop  toft  elbranAee  luy  chera  deffuz,  fongeoitde 
parvenir  de  fes  impudiques  baifers  aux  nopces, 
&  d'en  fortifier  fes  prétextes  &  fes  defTeins,  ayant 
rompu  dexirement  le  traicté  de  mariage  d'elle  &  du 
Roy  de  Portugal  desji  fort  advancé  &  en  tous 
termes,  par  le  moyen  du  Cardinal  de  Gutfe  fon 
onde,  envoyé  l'an  mil  cinq  cens  foixante  huift  en 
Efpagne,  poiu:  fe  condouloir  de  la  part  du  Roy  tr<s 
Chrellien  avec  le  Roy  Catholique  de  la  mort  de  la 
Royne  Ifabeau  de  Valois  fa  femme,  Princeffc  autant 
vertueufe  &  fage,  que  celle  fienne  fceur  vitieufe 
&  folle;  &  de  laquelle  les  inconftances  font  fi  fi^ 
quentes,  que  l'examen  de  fa  mémoire  mefme  errt- 
roii  à  compter  fes  fautes;  celle-cy  fçay  je  bien 
toutesfois,  qu'elle  adjoulla  toft  aprez  à  fes  falles 
conquelles  fes  jeunes  frères,  dont  l'un,  à  fçavoii 
François,    continua    ceA    incefte   toutte    fa    vie 


LE     DIVORCE     SATYE.rC!UE.  âjp 

&  Heary  l'en  defeftima  tellement  que  depuis  il  ne  Is 
put  aymer,  ayant  mefmes  à  la  longue  apperceu,  que 
les  ans  au  lieu  d'arrefler  fes  defirs  augmentoient 
leur  furies,  Se  qu'aufli  mouvante  que  le  Mercure  elle 
branfloic  pour  le  moindre  objeâ  qui  t'approchoit. 
Voila  la  pucelle  que  mes  proches,  &  le  bien  com- 
mun, me  Sreni  prendre  pour  belle  &  bonne,  à  fon 
grand  mefconteatemenc  8l  de  fes  favoris,  entre  lef- 
quels  Antragues,  comme  le  Marefchal  de  Recz  m'a 
autrefois  diâ, qu'il  faillit  àmourir  de  regret, oùd'un 
lafchemenc  de  fang  que  la  violence  de  la  douleur  de 
nous  voir  marier  luy  provoquoit  par  divers  en- 
droits :  mais  le  temps  qui  guérit  touttes  chofes,  le 
guérit  auflî  &  le  pourveui  pour  plufieurs  années, 
d'une  moins  belle,  mais  plus  conftante  MaidrelTe, 
&  elle  de  divers  ferviieurs,  dont  l'un  tourtefbis,  k 
fçavoir  la  Molle,  s'en  trouva  marry,  car  foubz  pré- 
texte de  tremper  en  quelque  confpiration,  dont  furent 
accufez  tes  Marefchaux  de  Montmorency  &  de 
ColTé,  en  laiifa  U  telle  i  Sain»  Jean  en  Grève, 
accompagnée  de  celle  de  Coconas,  où  elles  ne  moi- 
firent  ny  ne  furent  pas  longuement  expofees  à  la 
veuë  du  peuple  ;  car  la  nuiâ  avant  ma  preude  femme, 
&  Madame  de  Nevers  fa  compagne,  Sdelle  amante 
de  Coconas,  les  ayant  faiA  enlever,  les  portèrent 
dans  leur  carofTes  enterrer  de  leurs  propres  mains 
dans  la  Chapelle  Sainâ  Martin  qui  e  foubz  Mont- 
martre, lailTant  celle  mort  de  la  Molle  maintes 
larmes  k  fa  MaiArelTe,  qui  foubz  le  nom  d'Hyacinte, 
a  longuement  faiâ  foufpirer  &  chanter  fes  regretz, 
nonobllant  les  fréquentes  &.  noâurnes  confolations 
de  Sainâ  Luc,  que  nous  avons  veu  depuis  arriver 
par  fois  incc^neu  8t  defguift  à  Nerac,  jufques  i  ce 
que  fiufly  luy  en  fie  oublier  la  perte,  qui  a  elle  par 


66o  LS     DIVORCE    SATy&IvtUE. 

elle  dcfeouïerte,  quelque  repuution  qu'il  eut  d'élire 
bnve  yiarmy  les  hommes,  &  de  ne  Teftre  guerres 
parm)'  les  temmes,  a  caufe  de  quelque  colique  qui 
le  prenoii  ordinairement  ii  minuiâ.  Cette  dej^ouûee 
deguifint  en  quelque  façon  fon  appétit  de  divcrfes 
faulces,  s'en  prit  à  MonOeur  de  Mayenne,  bon  com- 
pagnon gros  &  graï,  &  voluptueux  comme  elle, 
&.  font  tousjours  depuis  demeurez  bons  amis  en 
touttes  leurs  rencontres;  bien  furent  ils  quelque 
temps  brouillez  pour  une  lettre  efcrittc  k  la  Vîtry, 
OÙ  il  promettoit  de  préférer  le  Soleil  à  U  Lune  : 
mais  louiies  chofes  ptcifiees,  lemaltaleot  en  demeura 
leulemcni  fur  la  Vitry,  qui  pour  cela  ne  hilTa  pas 
de  trouver  party,  non  plus  que  celie  pleine  Lune, 
dont  je  n'ay  jufques  icy  déduit  que  les  vemiz,  ny 
par  modeflie  compté  U  dlnne  de  ceux  que  la  reuoia- 
mee  rend  participuia  de  fes  fecrenet  faveurs,  me 
contentant  de  ceux  feulement  que  je  fçay  fort  bien 
qu'elle  ne  voudroit,  ny  ne  fçauroii  defadvouër  &  fes 
premiers  amants  fuccedereni  doncques  en  divers 
temps,  (car  le  nombre  m'excofera  u  je  fauls  &  les 
bien  ranger).  Ce  grand  dcgoofté  de  Vicomte  de 
Turenne,  que  comme  les  precedens,  elle  «ovoya 
bientoft  au  change,  trouvant  fa  taille  difpropcKtioa- 
aee  en  quelque  endroift,  l'accomparani  aux  nu^es 
vuides  qui  n'ont  que  l'apparence  dehors,  dont  le 
triAe  amoureux  au  defefpoir,  aprez  un  adieu  plein 
de  larmes,  s'en  allait  perdre  en  quelque  loingtaine 
région,  11  moy  qni  Içavoïs  ce  fecret,  &  qui,  pour  le 
bien  des  Eglifes  feignois  pourtant  de  n'en  rien  Ra- 
voir, n'eulTe  très  exprelTement  enjoinft  à  ma  cfaafle 
femme  de  lerappeller  :  ce  qn'elle  fit  très  mal  volon> 
tiers,  deûrani  de  tout  temps  pour  la  vanité,  que 
qudqoe  lourduu  fe  rompit  le  col  i  foa  occaiîoa  : 


LS     OIVOKCE     SATrRIQUZ.  66l 

mais  il  n'eQ  guère  plut  de  cet  fotx  depuis  qu'on  s'ea 
mocque  ;  car  de  manger  de  rage  les  plumes  de  fon 
chapeau,  comme  la  B<Ak,  ft  cafler  en  colère  uns 
bouteille  d'encre  aux  yeux  des  Dames,  comme  Cler- 
mont  d'Amboife,  ce  font  petites  rages  St  ialoufiet  qui 
n'eftoient  que  trop  ordinaires  ches  nous,  ft  que 
confentant  à  mon  dethonneur,  je  fçavois  À  Yoyoit 
clairement,  donnant  par  celle  tolérance  aux  uns 
&  aux  autres  Couvent  le  courage,  &  les  commodités 
de  faillir  ;  elle  le  fçait  bien,  &  plulieurt  de  voua  qui 
tenez  la  main  à  les  gentilefles,  auffi  je  ne  fuis  point 
tellement  aveugla  moy  mefine  en  un  faiA  li  fetifible 
&  fi  apparent,  que  je  n'apperceulTe,  comme  le* 
autres,  que  Clermont  miintefois  la  baifoit  touite  en 
Juppé  fur  la  porte  de  fa  chambre,  tandii  que  le  foir, 
pour  luy  donner  loifir  de  fe  mettre  au  liQ,  je 
joiioii  ou  me  promenois  avec  ma  NoblefTe  dant  la 
falle.  Que  direx-voua,  fafcheux  maris,  de  cefte  fou& 
France?  n'aurez-vous  point  de  peur,  que  vos  femmes 
vous  lailTeni  pour  venir  à  moy,  puifque  je  fuis  ainfi 
amy  de  nature?  ou  n'ellimerex-vous  point  pluHoft 
que  ce  fut  quelque  lafchet^?  vous  aures  raifon  de 
le  croire,  &  moy  de  vous  l'advouër,  û  confiderant 
que  i'avoLi  pour  lort  plus  de  nex  que  de  Royaume, 
ft  plu*  de  parollei  que  d'argent,  voua  m'approuves 
que  i'avois  befoin  de  touttes  met  pièces,  &  princi- 
palement de  faire  &.  conferver  det  afflit,  ou  bien  les 
perdre  &  n'en  point  acquérir  :  la  coniideration  de 
ceAe  Dame,  telle  qu'elle  eft,  flecbilToit  fes  frères 
tk  la  Royne  fa  mère  aigris  contre  moy  :  fa  beauté 
m'aniroic  force  Gentils  hommes,  &  fon  bon  naturel 
les  y  retenoii  ;  car  il  n'eftoit  point  fils  de  bon  lieu, 
ny  gentil  compa^on,  qui  n'avoit  une  fois  en  fa  vie 
eàd  ÀrviteBr  de  U  Roync  de  Navarre,  qui  ne  refuTiMt 


i 


LB     DIVORCE    S  ATTRIQUÏ. 

perfonnc,  acceptant,  ainfi  que  le  tronc  publicq,  les 
offrandes  de  tous  vcnans  :  il  eft  vray  que  de  quelques- 
uns  cllcfe  moçquoii,  comme  vous  direz  de  ce  vieux 
rufien  de  Pibracq,  que  l'amour  avoit  faift  devenir 
Ion  Chancelier,  duquel  pour  en  rire  elle  me  raonftroti 
les  lettres.  Jecognois  à  vos  yeux,  ennemis  de  focietf, 
que  a  vos  femmes  vivoietit  ainfy,  vous  feriez  en 
peine  &  paraventurc  iriez  vous  au  Confeil  de 
Chaune  ou  de  Vjlleclaire,  pour  fçavoir  comme  on 
s'y  gouverne  :  mais  je  n'eus  jamais  cette  volonté, 
quoy  qu'on  me  confeillat,  quoy  qu'elle  craignît,  tiy 
quoy  que  les  Aftronomes  plus  entendue  vilTent, 
&  cogneufTent  au  Ciel,  &  au  poincï  de  Ton  horof- 
cope  :  je  fçavoîs  fon  bien  que  dés  le  si  juTques  au 
a8  de  Mars  de  l'an  1560,  fa  nativité  la  jugeoit  mou- 
rir de  ma  main  pour  raifon  d'honneur;  mais  une 
certeine  prefcience  de  noftre  future  feparation,  ou 
pour  mieux  dire,  ime  certeine  prudence  humaine,  me 
fit  divertir  les  effefls  des  affeâions  &  impreflions  des 
aftres,  continuans  tous  deux  comme  devant,  moy  ma 
bonté  naturelle,  &  elle  fon  opiniatlre  inclination  i  fa 
volupté,  laquelle  pour  exercer  avec  plus  de  délices, 
&  hors  des  rudelTes  de  la  toille,  celle  impudique  a 
d'kUErefois  couché  avec  fon  Seigneur  [qui  eft 
le  Seigneur  Chanvallon,  qu'elle  Kiulloit  appeller 
fon  Seigneur  &  Maiftre,  par  un  refpeA  &  amour 
paniculier  qu'elle  lui  portoit,  Se.  dans  le  fecrei 
&  myfterieux  de  fcs  conteniemens,  fon  confeil,  fon 
Apollon,  l'ayant  pour  objeA  faifl  reprefeoter  duis 
fon  lift,  dans  l'efclat  &  dans  le  luftre  de  fa  belle 
jeuneflë,  accompagné  de  Mufes  &  autres  galanteries. 
Il  y  a  plus  que  j'ay  apris  par  relaiion  que  cette 
Princedê  tant  elle  eftoii  amoureufe  de  ce  Gentil- 
homme, que  pour  lever  tout  foupçon  il  fe  fûfoit 


LE    DIVORCE     SATY&IQUE.  663 


poner  au  Louvre  dans  un  coffre  de  bois,  fe  fervant 
à  cet  effed  d'un  menuifler  fort  expert,  qui  lui  avoit 
fait  unefcallier  portatif,  pour  appliquer  aux  chambres 
&  garderobbes,  puis  le  recevoir]  dans  un  liét  efclairé 
de  divers  flambeaux,  entre  deux  linceuls  de  taffetas 
noir,  accompagnez  de  tant  d'autres  petites  voluptez 
que  je  laifTe  à  dire  :  ce  fut  lors  qu^elles  con- 
çeurent  de  ces  mignardifes  non  pas  une  Lyna 
comme  Uranie,  dont  à  tort  elle  ufurpe  le  nom  : 
mais  bien  cefl  Efplaudian  qui  vit  encores,  &  qui 
foubs  des  parens  putatifs  promet  de  reiiflir  quelque 
chofe  de  bon  un  jour. 

[A  ce  mot  je  vous  dirai  que  j'ay  cognu  &  con- 
verfé  familièrement  avec  un  jeune  efcolier  eflevé 
&  nourri  aux  eftudes  en  Tage  de  dix  huid  & 
dix  neuf  ans  par  un  nommé  Moyfe,  concierge  de 
l'hoftel  de  Navarre,  &  s'appelloit  Louys  de  Vaux, 
croyant  eftre  fils  du  Sieur  de  Vaux,  parfumeur 
proche  de  la  Magdelaine  à  Paris,  &  chez  lequel 
ledit  Sieur  de  Chanvallon  le  voulut  voir  un  jour 
&  lui  parler  fans  lui  faire  aucune  ouverture  ou 
cognoiiTance,  finon  qu*il  lui  donna  un  tefton  pour 
avoir  des  plumes,  lui  difant  qu'il  fe  tint  droit  en 
faifant  la  révérence.  Voila  fes  pères  putatifs  &  ce 
faifeur  de  mémoire  a  grande  raifon  de  dire  qu'il 
promet  quelque  chofe  de  bon,  car  vous  fçaurez 
qu'ayant  efté  tiré  de  Paris  &  conduit  à  Bourdeaux 
par  ledit  Moyfe  fon  Direâeur,  il  y  a  pris  l'habit  de 
Capucin  &  y  a  vefcu  cinq  ou  fix  ans,  ce  qu'ayant 
edé  fceu  par  la  fœur  de  Chanvallon,  elle  lui  efcrivit 
en  de  beaux  termes,  loiiant  fa  genereufe  &  pieufe 
refolution  :  le  jeune  homme  ne  demeura  court,  &  lui 
donna  le  change,  &,  ce  qui  eft  à  remarquer,  c'eft  que 
ce  jeune  hommç  avoit  le  corps,  la  taille,  les  jolies, 


fellès  &  des  plus  favorifees 
j'ay  dit  toute  rinllrudion  dt 
&  du  lieu  où  il  avoii  ellii  m 
Ne  vout  eAoonez  plus,  1 
retour  de  U  guerre,  de 
sucret  viokDs  esemcn,  ell 
me  c&rdTer,  iufquei  i.  chu 
n'avioat  feuleiaent  demeiu 
enlemble,  puilque  libn  defir 
difes,  &  ne  l'anTibuez  plut, 
celle  facheufe  feuteur  de  l'ti 
m'accufe,  ny  au  defdûn  « 
que  voui  ayex  apperceu  q 
prifat  &  defeftimat  l«  mieju 
un  jour,  que  je  voulou  ( 
mengcai  i  Ta  uble  (car  (^t 
pareiu,)  qu'il  Talluii  pluAo 
bailinreinply  d'eau,  ftirnef 
elle,  iU  fe  lailTalIeni  laver  : 
que  c'cftoieac  det  gueux,  t 
la  Cène,  ne  £e  fouvcoaiw  [ 
met  nouveaux  alliez,}  qu' 
Mercadans  qui  luy  font  plut 
....  »,.  „n  ^11;^  Hp.  niitft 


LE     DIVORCE     SATTKIQVB.  66$ 

m'efcouter  &  d'emendre  une  partie  de  fes  fortunes. 

Depuis  qu'elle  fut  homeufement  foriie  de  Paris, 
d'où  un  Capitaine  des  Gardes  ta  fit  partir,  aprez 
avoir  fouillé  juTques  dans  fa  littiere,  &  regardé  qui 
l'accompagnoit,  &  &  Madame  de  Duras,  &  de 
Bethune,  Secrétaire  de  fon  Cabinet,  y  elloient  pour 
les  en  chalTcr  :  cetl  affront  luy  fit  peur,  &  luy  fit 
tellement  craindre  pis,  qu'elle  fiii  quelque  temps 
viranteaveclavergongnedc  fes  pèches  :  mais  eftant 
mal  aifé  que  le  poilTon  ne  revienne  à  l'hameçon, 
&  le  corbeau  à  la  cbarongne,  ce  haut-de- chauffe  k 
trois  culs  fe  laiffe  derechef  emporter  à  la  lubricité  & 
débordée  fenfualiié,  me  quittant  fans  mot  dire  &.  s'en 
allant  à  Agen,  ville  contraire  à  mon  pany,  pour  y 
eftablu:  fon  commerce,  &  avec  plus  de  liberté  con- 
tinuer fes  ordures  ;  mais  les  habitans  prefageans  d'une 
vie  infolcnie  d'infolens  fucces,  luy  donnèrent  occa- 
fion  de  partir  avec  cane  de  hafte,  qu'^  peine  fe  put 
il  trouver  un  cheval  de  croupe  pour  l'emporter,  ny 
des  chevaux  de  loiiage,  ny  de  polie,  pour  la  moitié 
de  fes  filles,  dont  plufieurs  la  fuivoient  à  la  file,  qui 
fans  mafque,  qui  fans  devantier,  &  telle  fans  tous 
le*  deux,  avec  un  defaroy  fi  pitoyable,  qu'elles 
reflembloienc  mieux  à  des  garces  de  Lanfquenetz  k 
la  route  d'un  camp,  qu'à  des  filles  de  bonne  mai- 
fon;  accompagnée  de  quelque  Noblefie  harnachée, 
qui  moitié  fans  bottes,  moitié  k  pied,  la  conduifirent 
foubs  la  garde  de  Lignerai  aux  monts  d'Auvergne 
dans  Cariai,  d'où  Marze  fon  frerc  eftoit  Chaftelain, 
place  forte,  mais  relTcntant  plus  fa  tanniere  de  lar- 
rons, que  la  demeure  d'une  PrincelTe,  fille,  fceur 
&  femme  de  Roy. 

Je  rougis,  &  remémore  à  regret  tant  d'indignttez, 
içachani  bien  que  les  fiùâa  da  Grands  ne  meurent 


)amais,  &  qu'après  mille  iiecles,  iin  fiecle  moins 
vicieux  s'efraerv  ciller  a  que  le  aortre  ait  produit 
un  monrtre  au  lieu  d'une  fêmrae,  &  le  vitupère 
d'un  !i  beiu  Icxe  de  la  femence  des  Oinfts  de  Dieu, 

.IVfperois  avant  cefte  dernière  boutade,  ayant 
tant  de  preuves  de  fon  naturel  incontlant  qui  fc 
lalTe  lie  lout,  qu'enfin  elle  fe  dcubr  lafTer  d'une  fi 
continué  dilTolution,  &  que  le  gré  de  tne  voir  oublier 
le  prefent  comme  le  pafTé,  la  deubt  gagner  &  vaincre 
d'obligation.  J'en  ay  perdu,  comme  vous  voyez,  & 
ma  douceur  &  ma  peine,  &  ne  m'en  refte  que  le 
regret  d'avoir  veu  ma  maifon  fouillée,  &  l'apprehen- 
fion  de  fervir  de  fubjefl  à  ceux  qui  gravent  nos  noms 
à  l'Eierniid,  ourre  Tcnnuv  d'elîre  dcsji  vieux,  &  de 
voir  à  fon  occafion  ccftc  petite  famille  dont  Dieu  a 
béni  noilre  fcparaiion,  en  un  fi  bas  aage,  qu'elle  ne 
puiffe  régir  aprei  raoy  fans  crainte  cefte  Monarchie, 
ny  recueillir  en  repos  ce  que  j'ay  femé  avec  fi  grands 
labeurs.  Dieu  qui  m'a  faift  cette  grâce  qu'il  fit  i 
Jonas  en  me  délivrant  du  ventre  famélique  de  cefte 
baleine,  fçaic  combien  volontiers  je  voudrois  avec  des 
parollesplus  douces  pouvoir  eitpofer  l'article  fecret 
de  noftre  divorce,  St  n'eftrc  pas  contrainft  d'ef venter 
ce  que  je  voudrois  enfevelir  :  mais  le  murmure  pu- 
blicq  &  la  calomnie  m'y  forcent,  &  l'alTeurance  que 
i'ay  d'avoir  plus  de  teûsoins  de  fea  maléfices,  qu'il 
ne  fe  trouverott  de  voix  pour  l'exaucer,  m'y  convie. 

Le  Roy  (on  firere  oyant  cefte  fienne  fuittCf  &  ma 
plainte,  m'efcrivit  que  fi  j'eufTe  creu  fon  confeil  tu 
retour  de  Paris,  &  iraifté  fa  fœur  comme  elle  le 
meritoit,  &.  comme  Tinformation  qu'il  m'en  avoit 
envoyé  le  confentoic,  je  ferois  hors  de  peine,  &  luy 
fans  foucy  de  fes  impertinances,  &  dit  tout  haut  en 
prefence  de  ceux  qui  le  voyoienc  difner  :  «  Let  Cadeti 


LE     DIVORCE    SATTRIQUB,  667 

de  Gafcongne  jiont  feu  faouler  la  Roy  ne  de  Navarre; 
elle  efl  allée  trouver  les  muletiers  &  chauderoniers 
d'Auvergne.  •  Je  vous  jure  (car  nous  avons  déformais 
la  perruque  tondue  &  blanche  efgalemenc)  que  le 
refped  qu^on  doibt  au  poil  blanc  me  retient,  &  que  je 
laifTe  à  dire  plus  de  chofes  que  je  n^en  dis,  me  con- 
tentant de  celles  qui  font  voir  que  je  ne  parle  pas 
par  cœur,  ny  en  homme  qui  paye  mal  fes  adver- 
ciflèurs.  Chauny,  qui  luy  a  fouvent  parfumé  fon 
devant  de  (lorax^  [eftoit  des  muficiens  du  cabinet 
&  des  plus  privez,  lequel  fut  chaiTé  &  payé  à  coups 
de  bafton  pour  les  bons  fervices  qu'il  avoit  rendus, 
&e(l  à  remarquer  que  ledid  [Chauny]  ne  l'ayant  point 
veuë  depuis  fon  defpart  d'Ûflbn  jufques  à  une  jour- 
née de  fon  retour  &  fejour  à  Paris,  qu'il  la  ren- 
contra à  la  defcente  des  degrez  de  la  Sainte  Chapelle, 
il  conceut  une  telle  impreffion  &  eut  fi  grand  hor- 
reur de  Tafpeft  de  ce  vifage,  fe  reflbuvenant  du 
pafl[%,  que  retournant  au  logis  fur  fes  pas  la  fièvre  le 
ïaifit,  fe  mit  aulid,  &  en  mourut.  Il  eiloit  Chanoine  de 
N.  Dame  de  Paris,]  outre  qu'il  m'a  fervyde  tefmoin 
que  c'eft  le  plus  puant  &  le  plus  infed  trou  de  tous 
ceux  qui  pifTent,  m'en  a  autrefois  tant  dit  &  de  tant 
de  fortes,  qu'il  n'y  a  que  les  ignorans  qui  m'en 
puiflfent  defadvouër  :  à  qui  j'apprens  que  cefte  perdue 
eftant  arrivée  à  Cariât,  où  elle  fut  long  temps  non 
feulement  fans  daiz  &  li£t  de  parade,  mais  aufîy  fans 
chemifes  pour  tous  les  jours,  elle  commencea  de 
voir  &  de  regarder  fur  lequel  de  ceux  cy  courroie 
l'honneur  de  fon  nom,  elle  jetta  l'œil  fur  fon  Cuifi- 
nier,  pour  ne  chaumer  pomt,  fe  fafchant  d'attendre 
Duras  qu'elle  avoit  envoyé  vers  le  Roy  d'Efpagne 

3uerir  de  l'argent,  encore  que  fa  femme  fa  confi- 
ante craignant  qu'elle  ne  luy  enlevât  fQn  Çaufa<jue^ 


£68 


tB   nuroRCB 


luy  prcfchai  U  conlluice  &  le  mérite  de  ccll  abfcnc  : 
mais  ToD  defir  infaciable  efgai  à  U  faim  d'un  limier 
qui  caiife  une  LlerallUnce  à  qui  ne  Te  faoiile  [ousjours, 
nepeui  endurer  celle  atieote,  ny  celle  de  Sainte  Vin- 
cent, qui  pour  éviter  la  depenfc  edoic  allé  jufques 
k  fa  maifon.  Elle  s'en  prit  au  triftc  Aubiac  comme 
au  mieux  peigné  de  fes  domefliques,  qu'elle  enleva 
de  l'Efcurie  en  la  Chambre,  &  s'en  fit  tellement 
picquer,  que  fon  ventre  heureun  en  telle  rencontre 
en  devint  rond  &  tnâé  comme  un  ballon,  vomiiïani 
en  Ton  terme  un  petit  garçon,  avec  le  iecours  d'une 
l'âge  femme  que  la  mère  de  ce  picqueur  pour  l'amour 
de  fon  fiU  y  avoit  conduiite,  aflillee  du  Médecin  du 
May,  lequel  outre  fa  profellion,  &  de  luy  pcnfcr 
quelque  apoitume  lur  Ion  derrière,  luy  fervit  à  ce 
coup  de  porœr  ce  jeune  Prince,  nouveau  Lyfander, 
mal  emmailloté  en  nourrice  au  village  d'Efcoubiac 
U  auprez,  fi.  fratfchement  né,  que  neanimoint  pour 
le  froid  enduré  du  long  chemin  il  en  demeura  pour 
touajourE  privé  de  l'ouïe  &  de  la  parolle,  &  pour  ces 
imperfeâtons,  abandonné  de  l'amour  &  du  foin  de 
fa  propre  mère,  qui  ayant  oublié  let  plaifirt  de  la 
conception,  a  long  temps  permis  qu'il  ait  gardé  les 
oifons  en  Gafcongne,  où  Mademoilelle  d'Aubiac,  fon 
tyeule,  l'a  {tant  qu'elle  a  vefcuj  prefervé  de  mourir 
de  faim,  &  depuis  elle,  Gefilax  île  Firmaçon,  fon 
beau  fili,  qui  monftre  encore  aujourd'buy  par  grande 
rareté  ce  gage  de  la  Couronne  à  ceux  qui  le  vont 
voir  i  Nerac,  où  il  l'entretient  moyenani  deux  cent 
efcuz  de  penfîon  que  Goûte  Raquette  luy  va  depuis 
quelque  temps  chercher  ^'UlToa  &  à  Paris, 

PluTieurs  de  ceux  qui  fçauront  fa  fécondité  s'ef- 
merveiUeroni  arec  raifon  qu'elle  n'ait  auflitot 
retenu  de  moy  que  d'un  autre,  &  ferontdivers  juge- 


LE     DIVORCE     SATTRIQUE.  669 


Aens  de  mon  impuiflance,  au  lieu  d'attribuer  ce 
fecrec  à  celuy  qui  ne  permet  point  que  la  maifon 
paillarde  profpere  :  je  m'en  fuis  quelque  fois  esbahy 
moy  meûne,  qui,  Dieu  mercy,  ne  fuis  pas  des  plus 
refroidis,  &  qu^il  n'en  deplaife  à  celle  preude  femme, 
ay  autant  d'adultérins  mal  fèmez  comme  elle  en 
divers  endroids  :  mais  je  n'ay  fçeu  onques  deviner 
la  caufe  de  noftre  compagnie  fterile  &  infrudueufe, 
ny  pu  l'attribuer  aux  raifons  communes,  bien  que  je 
fçache  qu'à  regret  elle  a  fouvent  confenty  à  la  force 
àt  mes  defirs  pour  fe  donner  volontairement  en 
proye  à  mille,  qui  n'en  euflent  ofé  prétendre  ny 
efperer  aucune  faveur,  fi  luxurieufement  effrontée, 
elle  ne  les  eut,  pour  parler  intelligiblement,  mis  def- 
fus  :  entre  lefquels  on  peut  bien  mettre  Aubiac, 
Ëfcuyer  chetif,  rouffeauft  plus  uvelé  qu'une  truitte, 
dont  le  nez  teint  en  cfcarlatte  ne  s'eftoit  jamais  pro- 
mis au  mirouër  d'eftre  un  jour  trouvé  dans  le  li£t 
avec  ime  fille  de  France,  ainfi  qu'il  le  fut  à  Cariât 
par  Madame  de  Marie,  qui  trop  matineufe  fit  ce 
beau  rencontre,  allant  donner  le  bon  jour  fuivant  fa 
coufiume  à  la  Royne,  payant  neantmoins  ceft  offi- 
cieux debvoir  avec  la  mort  de  fon  mary,  que  cefte 
vertueufe  Princefle,  entendue  au  boucon  du  païs 
maternel,  fit  empoifonner,  efperant,  délivrée  de  ceft 
obftacle  &  fortifiée  des  foldats  que  Romes,  coufia 
d'Aubtac,  eftoit  allé  lever  en  Gafcogne,  fe  rendre 
maiftrefTe  abfoluë  de  la  place,  &  en  tirer  ingrate- 
ment  ceux  qui  Tavoient  libéralement  receuë  &  mife 
à  couvert  :  mais  l'exemple  de  Duras  les  avoit  faiâ 
fages,  qui  revenu  d' Efpagne  tout  mutiné  de  trouver 
fa  Dame  pourveuë  &  avoir  ignominieufement  efté 
ietté  par  les  efpaules,  en  danger  de  pis,  fi  Miflilac  ne 
fiic  tout  à  propos  arrivé  au  fecours,  foubz  preiexse 


670  LE     DIVORCE    SATTRIgUB. 

d'avilir  prodigalement  employé  ce  que  celle  nouvelle 
Amazone  avoit  delUné  pour  me  gueroyer,  en  guu 
parfumez,  chevaux  d'Efpagne,  &  autres  babioles 
du  piis  d'où  il  venoii  :  û  bien  que  la  garde  renfor- 
cée, &  fon  fecourt  gafcon  defcouvcrc,  on  luy  con- 
fcilla  familièrement  de  trouver  autre  gifte,  &  de 
vuider  promptemeni  le  logii.  Ce  qu'elle  (peurcuTe 
&  apprelienfive)  exécuta  fur  l'heure,  pariant  avec  la 
mcfme  confufion  &  defarroy  qu'elle  y  elloit  venue, 
&  parvenani  par  fes  journées  à  Ivoy,  maifon  de  la 
Iloync  fa  Mère,  où  it  peine  arrivée,  elle  fut  du  com- 
manLlenicni  du  Roy  par  le  Marquis  de  Canillac 
alTiL'gcc  &  prife  avec  fon  amani,  lequel  on  trouva 
vikincminicachéfoubz quelques  ordures,  fansbarbe 
&  fans  poil;  l'ayant  fa  HailtrefTe  unfi  deguifé  de 
fes  cifcaux  mefmes  pour  le  fauvcr,  &  aprez  que  mille 


LE    DIVORCE     SATYRIQUB.  6jl 

d'excufes,  lors  meûnemenc  quelles  font  conceuës 
par  un  fale  defir,  guidé  par  reffronterie,  entrete- 
nues par  la  volupté,  ainfi  que  ces  deshonneftes  plai- 
firs,  dont  la  diverfité  vous  eftonne,  &  le  vice  aug- 
mente mon  deshonneur,  à  la  confufion  de  cède  autre 
Alcine,  qui  pleurante,  &  à  peine  hors  des  bras  du 
dernier  amant,  fonge  &  invente  d'autres  moyens  de 
prendre  celuy  qui  Ta  prife.  J'ezcufe  Canillac,  quoy 
que  vilainement  il  trahit  celuy  qui  fioit  fa  fœur  fur 
fa  preudhomie,  &  je  confeffe  (moy  de  qui  la  fragilité 
fe  laiffe  fouvent  emporter  aux  femmes)  qu'il  eft  très 
difficile  de  parer  aux  yeux  &  à  la  voix  qui  confulte 
noftre  ruine.  Ce  Marquis  tefmoigite  mon  dire  &  plus 
né  pour  les  affaires  que  pour  Tamour,  qui  préférant 
à  la  foy  qu'il  debvoit  à  fon  Maiftre  un  chetif  plaifir, 
fe  laiifa  piper  aux  artifices  de  fa  prifonniere,  ou- 
bliant fon  debvoir,  &  quittant  tout  ce  qu'il  pouvoit 
prétendre  de  fa  fortune,  pour  fe  rendre  amoureux 
de  cette  amoureufe,  &  tellement  jaloux,  qu'il  en 
facrifia  le  pauvre  Aubiac  au  foupçon,  luy  faifant 
faire  fon  procez  par  Lugoly,  &  puis  pendre  &  eftran- 
gler  à  Aigueperfe,  tandis  qu'au  lieu  de  fe  fouvenir 
de  fon  ame  &  de  fon  falut,  il  baifoit  un  manchon  de 
veloux  raz  bleu,  qui  luy  reftoit  des  bienfaiâs  de  fa 
Dame.  J'admire  qu'en  ce  genre  de  mort  fut  accom- 
plie une  prophétie  ;  car  plufieurs  qui  s'en  fouvien- 
nentencor  fort  bien,  vous  tefmoigneront  que  Aubiac 
accompagnant  le  Commandant  de  Saind  Luc,  lors 
qu'il  vit  cette  Royne  premièrement,  did  tout  haut  en 
la  regardant  attentivement  :  t  Je  voudrais  avoir  cou-' 
ché  avec  elle^  à  peine  d!eftre  pendu  quelque  temps 
après.  *  Il  n'eft  pas  tousjours  bon  de  deviner  :  ces 
oracles  ainfi  exprez  font  à  craindre,  &  m'eftonne 
que  ceux  qui  ont  hérité  depuis  eux  d'une  fi  precieufe 


LE     DIVORCE     SATYRICiVE. 


*  rare  fortune,  n'en  aycnt  apprehcndf  pûur  le 
moins  autant  :  miis  on  void  bien  que  les  gibetz  [ont 
pour  les  malheureux,  &  non  pas  pour  tous  les  cul- 
pables.  Caniilac  pour  ce  criminel,  fur  qui  il  exerce» 
piullojl  fa  jaloufie  que  ma  vengeance,  ne  laifTa  pas 
de  faire  le»  doux  yeux,  &  de  foigner  fa  petite  taille 
outre  l'ordinaire,  devenant  en  peu  de  tempe  d'aullî 
mal  propre  que  je  pourrois  eftre,  oinél  &  poli 
comme  un  beau  petit  amoureux  de  village,  mais  de 
quo/lui  fervii  ÏU  longue  fa  bienfeanceî  [L'hiftoire 
cil  plaifante  des  rufes  &  ariîGces  defquels  cette  Reyne 
s'advifa  pour  etloigner  de  ce  Chafteau  ledit  Marquis 
de  Caniîlac,  qui  l'iraporrunoit  fort,  c'cft  qu'elle  luy 
fatfoit  croire  qu'elle  Vaymoit,  qu'elle  luy  vouloii 
&ire  du  bien,  enfin  elle  luy  donaoic  fa  maifon  de 
Paris,  l'hoftel  de  Navarre,  &  une  terre  de  valeur 
de  plus  de  deux  mil  livres  de  renie,  fituee  en  fon 
Duché  de  Valois,  proche  Senlis,  &  pour  joindre 
les  effeâs  aux  paroles,  elle  luy  fit  expédier  une 
donation  en  bonne  forme  de  ces  deux  pièces,  &  fiit 
envoyée  à  Monfieur  Hennequîn,  Prefident  en  la  Cour 
de  Parlement  &  un  des  chefs  de  fon  Confeil,  &  en 
mefme  temps  fit  expédier  une  contre  lettre  audit 
Sieur,  luy  mandant  qu'il  n'en  fift  rien  &  que  tirant 
l'affaire  en  longueur,  il  le  tint  tousjours  en  hal«ne 
&  efperance  d'obtenir  d'elle  tout  ce  qu'il  voudroit. 
Il  y  a  plus,  continuant  fes  artifices  elle  feignit 
d'aimer  grattdemeni  fa  femme,  &  elle  fe  fit  tin  jour 
apporter  fes  bagues,  elle  voulut  qu'elle  s'en  par^ 
quelque  temps  dans  le  chafteau,  mefme  elle  luy 
ùdoit  i  s'en  enjoliver  ;  puis  luy  difoit  :  t  Ha  qut  cela 
vous  fed  bien!  ha  qua  vous  efies  belle,  Madame  la 
Marquife!  f  Et  le  bon  du  jeu  fut  que  fitoll  que  fon 
mary  eut  le  dos  vMX'oé  pour  venir  à  Paris,  elle  la 


LB    DIVORCB    SATYRIQUE.  67} 

defpouillz  de  fes  beaux  joyaux,  fe  mocqua  d'elle,  la 
renvois  comme  une  peteufe  avec  tous  fes  gardes, 
&  fe  rendu  Dame  &  Maiftreiïe  de  la  place.  Le 
Marquis  fe  trouva  belle  &  fervic  de  rlfee  au  Roy  de 
Navarre,  qui  l'avoit  commis  au  Roi  fon  frère, 
&  à  coûte  la  Cour.]  Cette  inconflante,  doni  il 
cuidoit  retenir  la  légèreté  foubz  la  clef  &.  foubz 
rinexpug;nable  forterefle  d'UITon,  fe  fafche  de  fon 
ordinaire  &  coullumiere  façon  de  commander, 
&  d'approcher  de  fon  râtelier  ores  l'un,  ores 
l'autre,  &  fouvent  plufieurs  à  la  fois,  voulut  de- 
venir maiïlrefTe  &  chercher  à  l'acouflumé  dazis 
le  change,  la  pointe  &  l'efguillon  de  fon  appétit, 
pour  à  quoy  parvenir  &  fçachani  par  expérience  * 
combien  peut  le  defir  fur  la  volup[é,  feint  d'aymer, 
de  fe  veoir  aymee;  &  confentant  à  l'importuniié  de 
quelques  prières,  elle  efmeut  &  allume  fi  bien  fon 
gardien,  qu'enfin  fes  artificieufes  careffes  obtiennent 
fa  liberté,  foubz  promefTes  que  ce  qui  fembloit  élire 
feulement  accordé  pour  lors  chichement  i  la  force, 
feroit  prodigalement  départi  par  la  volonté,  lorfque 
libre  &  maidrefie  d'UfTon  abfoluc,  elle  pourroit  fans 
apprehenfion  vacquer  à  l'amour,  le  tromper  en 
cefte  façon;  car  à  peine  euft  elle  obtenu  que  la  gar- 
nifon  vuideroit,  qu'elle  remplaceroit  des  gens  à  fa 
dévotion,  &  que  fon  facil  Marquis  cependant  fe  reti- 
reroit  à  Sainâ  Cirque  cueillir  fes  pommes,  qu'in- 
grate de  ce  ferviteur,  elle  ne  peut  plus  ouïr  feul^ 
ment  proférer  fon  nom  ;  &  raifeuree  d'une  bonne 
trouppe  d'hommes  qui  luy  fui  envoyée  d'Orléans, 
qui  faillirent  toft  aprez  i  la  traifter  en  fille  de  bonne 
maifon;  ellefe  refout  de  n'obeVr  plus  qu'à  fes  volon- 
cez,  &  d'edablir  dans  ce  roc  l'Empire  de  fes  délices, 
ou  clofe  de  trois  enceintes  &  tous  les  grands  portaux 


mufcE,  Dieu  fç>ii  &  toune  la  France  les  beaux  }eux 
qui  en  vingt  ans  Te  font  jotiez  &  mis  en  ufage.  La 
Naiina  de  l'Aretia  ny  fa  Saincle  ne  font  rien  auprex. 
délivra/ qu'au  lieu  desgalands  qui  fouloienr  adou- 
cir fa  vie  paffee,  elle  y  a  efttî  reduîcte,  à  faute  de 
mieux,  à  fes  domeftiqucs,  Secrétaires,  Chantres 
&  Métis  de  NoblefTe,  qu'à  force  de  dons  elle  y  atii- 
roit,  dont  la  race  &  les  noms  incogneuz  à  leurs  voi- 
11ns  mefmea,  font  indignes  de  ma  mémoire,  horfrais 
eeluy  tant  célébré  de  Pomîny,  fils  d'un  chanderon- 
nicT  d'Auvergne,  lequel  tiré  de  l'Eglifc  Cathédrale 
de  la  ville,  d'enfant  de  Chœur  parvint,  par  le  moien 
d'une  alfez  belle  voix  qui  le  difcemoit  d'avec  fes 
femblables,  à  la  mufique  de  cefte  Royne,  s'introdui- 
fani  enfin  de  la  Chapelle  i  la  Chambre,  ft  de  la 
Chambre  «u  Gabion  pour  Secrétaire;  où  longue 
ment  il  a  tenu  diverfes.  partie*,  &  faid  diverfet 
depefchea  :  c'eft  pour  luy  que  fec  folies  fe  fiHif  fi 
fbn  augmentée*,  qu'onenpouiToit  fournir  deapiftet 
volumes  :  c'ell  de  luy  qa'etle  dit  qu'U  change  de 
corps,  de  voix,  de  vifage,  &  de  poil,  comme  il  luy 
femble  :  &  qu'il  entre  ï  huis  clos  où  il  luy  ptûft  : 
c'eft  pour  luy  qu'elle  fit  iùire  les  lias  de  ces  Dame* 
d'IKTcHi,  fi  hauit  qu'on  y  voyotc  delTouz  fana  fe 
courber,  afin  de  ne  g'efcorcher  plu*  comme  elle  foo- 
loit  les  efpaules,  ni  te-  fefiler,  en  t'y  fourrant  à 
quatre  pieds  toutte  nue  pour  le  cercher  :  c'eâ  pour 
luy  qu'on  l'a  veuë  fouvent  laflonner  la  ta[ufierie 
prâfant  l'y  trouver,  &  celuy  pour  qui  bien  fou- 
vent  en  le  cerchant  de  trop  d'afEeâion,  elk  a'dl 
marquée  le  vifage  contre  le*  portes  &  les  parois  : 
c'eft  pour  luy  que  vous  avex  tant  ouy  chanter  à 
DOS  bielles  vtnx  de  Cour,  ce*  vers  faiâs  par  ell»- 
mefme  : 


LE     DIVORCE     SATTTRIQUB.  675 


A  ces  hoisj  ces  pref^  Cf  ces  antres 
Offrons  les  vaux^  us  pleurs^  Us  fons^ 
Idi  plume j  Us  yeux^  Us  chanfons 
D^un  Poéte^  à* un  Amant^  d^un  Chantres» 

Et  c'eft  luy  qu'elle  nomme  maintenant  ce  méchant 
homme,  qu'elle  dift  luy  gafter  tous  fes  ferviteurs, 
&  pour  qui  fon  œil  droid  luy  bat  fans  y  faillir, 
lorfque  contre  elle  il  braflê  quelque  malice.  Qui 
d'entre  vous  peut  ignorer  ces  myfieres  tant  apper- 
ceuz  des  moins  clairvoyans,ny  s'esbahir  déformais  de 
nofbe  divorce,  ayant  tant  de  juftes  raifons  de  noftre 
feparation?  Je  fuis  un  peu  long  temps  en  ce  difcours 
contre  ma  couftume,  &  cognois  que  je  fafche  peut- 
eftre  quelqu^un  à  qui  la  continuation  de  ma  honte 
eftoit  agréable  :  mais  le  faid  me  touche,  &  faut  que 
pour  un  bon  coup  je  me  faoule  aux  defpens  de 
voftre  patience  &  de  mon  loifir.  Ce  Manifefte  qui 
peut  eftre  vivra  plufieurs  ficelés,  apprendra  quelque 
jour  aux  efprits  amis  de  vérité,  ce  que  j'ay  voulu 
taire  tant  par  modeftie  à  noftre  Saind  Père,  &  au 
Cardinal  de  Joyei^e  Commiffaire  par  luy  député 
pour  m'oiiyr  fur  les  caufes  de  noftre  répudiation; 
n'ayant  fur  vingt  &  deux  chefs  en  fon  interrogatoire 
refpondu  chofe  qui  luy  puiilè  apponer  deshonneur 
ni  blajfme,  fi  ce  n'eft  peut-eftre  fur  celuy  qu'il  s'en- 
quift  de  moy,  fi  jamais  durant  le  mariage  nous  avions 
eu  commimication  enfemble  :  où  je  refpondis  con« 
trainâ  par  la  vérité,  que  nous  eftions  tous  deux 
jeunes  au  jour  de  nos  nopces,  &  l'un  &  l'autre  fi 
paillards,  qu'il  eftoit  plus  qu'impoflible  de  nous  en 
empefcher.  La  defcription  particulière  de  fa  vie  ne 
me  dément  point,  je  m'en  rapporte  à  fes  amis  mefmes, 
fi  tant  eft  que  fon  vice  luy  en  ayt  encor  laiflé  quel- 
qu'un, &  me  foubmetz  à  leur  jugement,  quoyque  fort 


furpcâ,  fi  i'adjoufle  ou  dinitiue  au  conte,  aymaat 
beaucoup  mieux  eo  dire  trop  peu,  que  m' obliger  à 
déduire  loue.  Taut  &  fi  diverfifiees  font  &  ont  edé 
jufques  iey  fes  affeftions,  ou  plutoft  fes  foibleiTes 
(car  ainTi  faut  il  baptifer  fes  jaloufics  &  dernières 
fureurs  amoureufes)  qui  commencèrent  à  Bonivet 
&  qui  ont  lousjours  continué  depuis  ;  c'eft  bien  loin 
de  ce  que  fa  bonne  fortune  luy  promectoit,  l'ayant 
fait  naillre  d'un  des  plus  grands  &  magnanimes  Roys 
de  la  terre,  de  la  voir  aujourd'liuy  valeicr  de  la 
forte,  &  tellement  reduitte  du  trot  au  pas,  que  de 
Royne  elle  foît  venue  Duchefle,  &.  de  légitime 
Efpoufe  du  Roy  de  France,  amante  paflionnee  de 
fes  Viilciz.  Partant  on  ne  fçaurolt  jiiftement  s'olFen- 
fer  pour  elle  concre  Madame  de  Guife,  qui  difcou- 
rant  une  fois  du  ravalement  de  fa  gloire,  chanta 
fon  à  propos  une  vielle  chanfon  de  foa  temps,  dont 
le  refrein  eftoit  : 

Margot  MargutrilU  ta  haut, 
Margot  MoJ-gueritt  m  bat, 
Margot  Margutrutt. 

Tellement  on  l'avoii  déshonorée,  &  de  grande 
qu'elle  fouloit  eflre,  d'un  chacun  merprifee  &  rangée 
au  petit  pied,  Dieu  le  caufant,  dont  irreltgieufe  elle 
commet  fes  falcs  myfleres,  ofant  impudemment 
depuis  plufieurs  années  trois  fois  la  fepmaine  faire  fa 
Pafque  dans  une  bouche  aullï  fardée  que  le  cœur,  la 
face  plailree  &  couverte  de  rouge,  avec  tuic  grande 
gorge  defcouverte  qui  relTembloit  mieux  &  plus 
proprement  à  un  cul,  que  non  pas  il  un  feio.  J'ay 
horreur  de  me  fcandalifer,  moy  qui  ne  fuis  pas  des 
plus  entenduz  du  Royaume  au  fait  de  ma  Reli^on, 
de  voir  ainû  prophancr  celle  lainâe  reconciiiadon 


LE     DIVORCE     SATYRIQUS.  677 


avec  fon  Dieu,  &  de  recevoir  fi  fouvenc  le  Sauveur 
du  monde  en  un  corps  û  poilu  de  paillardes  volupcez, 
fi  tant  eft  (car  les  contemplatifs  en  doubtent,)  que 
rhoftie  que  hypocritement  elle  feint  recevoir ,  foit 
confacree,  ne  pouvant  quelques  fois  parmy  la  pitié 
que  j'en  ay  m'empefcher  de  rire  des  extravagantes 
jaloufies,  &  fortes  paffions  qu'on  raconte  de  fes 
amours,  qui  la  tranfportent  plus  fouvent  à  mefprifer 
ce  qu'elle  void,  &  à  croire  ce  qui  ri'eft  point,  ores 
cerchant  furieufe  &  chaude  fes  rufiens  en  tous  les 
endroids  les  plus  cachez  dé  fa  maifon,  bien  qu'elle 
ne  puiflê  ignorer  qu'ils  font  autre  part  :  &  ores  les 
voyant  &  oyant,  &  toutes  fois  fe  perfuadant  que  foubz 
leur  image  ce  foient  d'autres  qui  tafchent  à  la  déce- 
voir, &  à  luy  mefaire.  Vous  fçavez  les  particularités 
mieux  que  moy  qui  n'en  fçay  que  trop  :  mais  peut 
eflre  vous  ignorez  que  l'énorme  laydeur^  &  le 
peu  de  mérite,  &  la  qualité  de  ce  Pominy,  a  fait 
croire  à  plufieurs  qu'il  y  ait  eu  du  charme,  quoy 
qu'elle  ait  efté  plufieurs  fois  charmée  de  mefme^ 
s'arrefiant  fur  ce  qu'à  UfTon  on  luy  voyoit  ordinai- 
rement pendu  au  col  entre  la  chemife  &  la  chair, 
une  bourfe  de  foye  bleue,  en  laquelle  fes  plus  privez 
avoient  defcouvert  une  boette  d'argent,  dont  la 
fuperficie  grande  reprefentoit  naïfvement  (outre 
plufieurs  difierens  &  incogneuz  caractères)  d'un 
codé  fon  portrait,  &  de  l'autre  fon  chauderonnier, 
qui  l'avoit  par  un  fi  folennel  ferment  obligée  à  ne  l'ou- 
vrir de  certain  temps,  ni  à  s'en  defaifir,  qu'elle  con- 
feifoit  la  larme  à  l'œil  ne  Tofer  ny  le  pouvoir  faire. 
On  m'a  dit  que  le  Roy  fon  père  fut  par  Madame  de 
Valentinois  enforcelé  de  mefme,  &  je  n'ignore  pas 
qu'en  niant  la  magie,  on  réfute  en  un  mefme  temps, 
non  feulement  la  propriété  des  herbes,  des  plantes,  des 


minéraux, des  corps  CGelelles,&  des  parollcs,  mats  auA| 
U  propre  puilTancc  de  Dieu  en  la  vertu  des  fubftancwf 
feparccs.  Que  ce  foil  charme  ou  nos,  à  d'autres  e0  ' 
fou  II  dirpuie,  fi  Taudra  il  i^uc  l'on    advouë  qu'il 
fe  trouve  pour  cnforceler,  des  maiicrea  bien  aifees 
&  difporeeï,  8l  une  ame  fort  ïiliUlhce  au  corps,  & 
un  corps  fort  fubjcâ  a.u   charnel  plaifir  :   dont  ICT 
fréquent  ufage  l'a  rcduiite  4  ne  pouvoir  plus  oojjd 
proférer,  lans   rougir  ny  penfer  qu'où  fe  tnoct^iiH 
d'elle,  CCS  mots  (honneur  &  vertu)  qui  font  eiuiem^l 
&  direâement  oppofcz  à  fa  profefllon.  Il  u'eA  politf 
de  juge  meilleur  que  la  confcieace,  elle  nous  efveille  jn 
noua  poind  ordinairement  en  la  partie  la  plus  dolente: 
aulli  celle  Dame  a  beau  avoir  demeuré  enfermée, 
&  n'aroir  vcu  que  petites  gens  dans  Uffon,  elle  a 
elle  pourtant  trompecee  partout  le  monde,  &  s'eft 
rendue  fubjette  à  ne  pouvoir  plus  tolérer  qu'on  touiTe, 
rie,  ou  parle  bas  en  fa  prefence,  tant  le  bupçon  &  le 
mesfy  d'ellemefme  lui  faiâ  appréhender  le  dlfcours 
de  fes  actions.  Je  fuis  maintenant  i  peu  prez  exempt  de 
fa  honte, &  délivré  déformais  dene  m'en  fouvenir,  & 
fuis  alTez  bon  compagnon  pourveu  qu'elle  en  valut 
la  peine,  pour  luy  en  dire  par  humeur  encor  deux 
mots  auiC  bien  que  les  autres. 

Jufquet  icy  fes  fautes  n'elloicnt  que  fleurs,  quoy 
qu'afli»  mal  couvertes  ;  l'a^e,  le  temps  &  fa  volon- 
taire prifon  d'UlTon  en  faîfoii  tolérer  &  cacher 
quelques  uns  :  fon  habitude  au  mal  avoit  detjà  laflé 
les  langues  plus  babillardes,  &  fa  longue  abfencc 
avoit  desjjt  fait  oublier  fon  nom  parmy  les  Grands  : 
mais  pour  couronner  fon  œuvre,  &  donner  la  der- 
nière main  i  ce  beau  difcours  de  fa  vie,  elle  a  voulu 
venir  revoir  la  France,  &  n'a  pas  voulu  moins  ctun- 
fir  que  Paris  &  les  yeiu  de  la  Cour,  pour  f  ervir  de 


LB     DIVORCE    SATYRIQUB.  6/9 

théâtre  &  de  cefmoin  à  fon  hiftoire  qu'elle  promet* 
d^efcrire  cy  aprez.  Vous  y  voyez  auiC  clair  que 
moy  :  mais  oyez  en  quelle  façon  un  fourrier  bien 
inftruid  luy  marqua  THoftel  de  rEvefque  de  Sens, 
lors  qu^aprez  fon  arrivée  en  cefte  ville  elle  y  alla 
premièrement  loger  : 

Comme  Royne  elle  iehvoit  ejlre 
Dedans  la  Roy  aile  maifon; 
Mais  comme  putain  c'ejt  raifon^ 
Qu^elle  foit  au  logis  d'un  Preftre. 

Je  ne  croy  point  que  û  on  peut  avoir  quelque  refTen- 
timent  d'honneur,  qu'elle  n'ayt  d'eftranges  eflance- 
mens  dans  fon  ame  autant  de  fois  qu'elle  tourne  fes 
yeux  vers  le  Louvre^  fe  reprefentant  qu'elle  en  a 
perdu  la  demeure  pour  un  f  ubjed  dont  une  plus  chafte 
qu'elle  ne  fe  fçauroit  fouvenir  fans  rougir.  O  infi- 
gne  impudence,  &  manifefte  effronterie  I  à  huis 
ouverts,  aux  yeux  de  tous,  &  faifanc  gloire  de  fon 
infamie,  exercer  publiquement  fa  lubricité,  &  ayant 
depuis  fon  enfance  faiâ  banqueroute  à  la  renom- 
mée, il  ne  luy  chauc  que  l'on  Feftime,  pour  veu  qu'on 
fatisfaife  à  fes  ords  defirs.  Elle  tint  bon  à  Paris,  & 
au  bois  de  Boulongne  environ  fix  fepmaines  :  mais 
ne  fe  pouvant  plus  pafler  du  mafle,  plaignant  le 
temps,  &  ne  voulant  plus  demeurer  oifive,  elle 
envoya  cercher  un  petit  valet  en  Provence  [qui 
s'appeloit  Dac  &  s'eft  depuis  hh  connoifire  fous 
le  nom  de  Saind  Jullien]  qu^avec  ûx  aulnes  d'eftofie 
elle  avoit  annobli  dans  Ulfon  en  Fabfence  de 
Pominy  depuis  quelques  années  dont  l'eloigne- 
ment  luy  caufoit  tant  d'impatience,  qu'à  fon  arri- 
vée pour  luy  faire  payer  le  chaume,  ils  demeu- 
roient  fouvent  enfemble  enfermez  dans  un  cabinet 


&6         L«  «»«'•&<■  4À<rT&t«n. 

des  fept  &  huid  jours  avec  les  nuiAs  entières  fans 
fe  laifTer  voirqu'à  Madame  de  Chaftilion,  qui  cepen- 
danc  rongeoir  fon  frein  à  leur  porte,  &  aydoit  feule 
ï  tenir  fecret  ce  que  tout  le  monde  fçavoii  afTci. 
Ceft  amani  eft  ce  Dat  pour  qui  vous  voyez  encor 
tant  de  palmes  en  fes  tapilTeries;  c'eft  ce  peiii  chi- 
chon  tant  reclamé  en  fc3  volupteï  :  cell  ce  fils  d'un 
charpentier  d'Arles,  jadis  laquais  de  Garoier,  l'un 
des  Malflrcs  de  ma  Chapelle  ;  c'eft  ce  mignon  que 
le  jeune  Vermond  luy  tua  deux  mois  aprez  qu'il  fut 
arrivii  à  Paris  [d'un  coup  de  piftolei  dans  h  lefte, 
eftant  à  coftS  d'elle,  à  la  portière  de  fon  carofTe, 
proche  l'Holle!  de  Sens  où  elle  logeoit,  entre  midy 
&  une  heure,  au  retour  de  la  HefTe  des  Celeftitu, 
pour  avoir  eflé  caufe  de  la  difgrace  de  fes  Père  & 
Mère  anciens  ferviteurs  de  la  Reyne,  &  qui  avoient 
efté  nouris  dés  leur  jcunelTe  en  fa  mailbn,  l'un 
P^e  &  l'autre  jeune  Damoîfelle,  cousjours  aymee 
de  laditte  Dame,  qu'elle  aroic  mariez  enfemblement 
comme  j'ay  dit,  cy  deflus. 

Ce  jeune  homme  jura  la  perte  de  Sainâ  Jullien 
voyant  qu'il  «voit  ruiné  fa  fortune  en  la  perte  de 
fon  Père  :  il  elloit  aflez  mal  monté,  c'ell  pourquoi 
ayant  eAé  fuivy,  il  fut  pris  hors  la  porte  Satnâ 
Denis,  ramené  qu'U  fut  &.  confronté  au  corp*, 
•  Toiimej  /«,  dit  il,  que  je  voyt  s'îkejl  mort;  ha  qut 
jt  fiùt  content j  put  [qu'il  efl  mort!  t'il  m  l'efioùj  jt 
Pacheveroit.  ■  La  Reyne  outrée  de  colère  protefta 
qu'elle  ne  vouloii  boire  ny  manger  qu'elle  iw  l'eut 
veu  mourir,  ce  qui  arriva  deux  jours  après  qu'il 
eut  la  icfte  tranchée  devant  l'Hoftel  de  Sens,  repaif- 
fant  fes  yeux  dans  le  fang  de  ce  Gentilhomme  ^ 
de  vingt  deux  ans;  il  mourut  contant  &  confiant. 

Defirantavoîr  le  colhaulicomme  une  picqtie,  il  fit 


LE     DIVORCE    SATTRIQUE.  68 1 

amende  honorable  &  ne  voulue  jamais  demander 
pardon  à  la  Reyne  Margueritte  &  jecca  la  torche  :  il 
eft  à  remarquer  que  auflicofl:  qu'elle  vit  ce  Gentil- 
homme reprefentéau  corps  elle  s'écria  :  t  Qju^on  le  tue 
ce  mefchant;  tenei^  tenei^  coda  mes  j arêtier  es.  qi^on 
Veflrangle.  •  Le  lendemain  de  l'exécution  elle  com- 
manda qu'on  luy  trouvafl:  logis  au  fauxbourg  Saind 
Germain,  ce  qui  fut  auflitoft  exécuté,  &  par  un  ca- 
price particulier,  quoy  qu'une  Dame  luy  laiflaft  fon 
logis  pour  mil  eicus  de  loyer  elle  lui  en  donna  treize 
cens  efcus,  &au  meûne  temps  y  fit  abattre  &  badir.] 
C'eft  celuy,  [le  dit  Dat]  dont  la  perte  luy  fit  changer 
le  quartier  Sainft  Anthoine  avec  Sainâ  Germain,  ce- 
luy pour  qui  depuis  elle  a  fait  efcrire  &  chanter  tant 
devers^  &  celuy  pour  qui  Ton  ne  peut  feicher  ni  ta- 
rir fes  larmes,  quoy  que  le  bien  difant  Beaujemont 
en  ait  entrepris  la  cure,  fecouru  des  plus  fortes  per- 
fuafions  que  le  Mayne  fon  ailiftant  peut  tirer  dans 
touttes  les  fleurs  de  bien  dire.  Que  vous  en  femble? 
ne  debvoit-ellepas  bien  venir  à  Paris  pour  tefmoigner 
ce  bel  amandement  de  vie  paflee?  &  elle  la  plus 
difforme  femme  de  France,  n'eftoit-ce  point  à  elle 
à  faire  venir  des  Moynes  reformez?  qui  fera  celuy 
qui  lira  fes  aâes  héroïques  (car  ils  ne  manqueront  pas 
d'efcrivains,) }  qui  n'admire  fon  inclination  au  puta- 
nifme,  &  qui  n'approuve  qu'ils  méritent  d'eftre 
enregiftrez  au  bordel?  ceux  qui  foubz  cefte  efpe- 
rance  de  libéralité  la  louent  en  leur  prefches,  luy 
adreflent  des  livres  ou  qui  efcrivent  à  fa  loiiange, 
ont  beau  luy  attribuer  des  qualitez  qui  ne  luy  font 
pas  deuës,  car  la  véritable  traditive,  que  malgré  eux 
les  fiecles  futurs  conferveront  de  père  en  fils  imme- 
morialen\ent,  faifant  fort  qu'ils  font  des  menteurs 
autant  pleins  d'avarice,  &  de  flatterie,  comme  elle  eft 


excepté  quelques  uns,  enrich 
qui  voyez  les  prifons  pleines  c 
vric  ?  l'avez-vous  jamiis  veu  ai 
à  Vefpre  fans  parler,  &  i  la 
Je  crojr  que  pluûeurt  luy  pe 
nuiaiesfbii  prodiguer  dû  au 
efi-ce  qui  luy  a  jamaii  veu  p: 
debte^  Elle  donne,  je  le  fçt 
pens,  la  difine  de  touttes  fet 
Convenu  &  Honafteres  toui 
aufli  elle  retient,  dont  j'ay  gr 
fei  domelliques,  &  de  ceux  i 
luy  ont  fourny  leur  denreei 
forome  tout  fon  faiâ  n'ell  qu'a[ 
fant  aucune  eâincelle  de  devo 
cognois  de  longue  main.  Si 
dirorce  ne  faiisfbnt  i  ceux 
feparadon,  ft  qu'il  n'y  ait  poii 
prou  de  fubjeft  pour  l'abandoi 
une  autre  fois  à  loifir  les  monfl 
où  vous  n'aurez  pas  moins  oc 
vousefmerveiller. 
Le  fubjeâ  m'emporte,  &  pli 


LE    DIVORCE    SATYRIQUB.  68} 


ceft  efcha&uc.  Ce  Beaujemont,  mecz  nouveau  de 
cefie  affamée,  idole  de  fou  temple,  le  veau  d'or 
de  fes  facrifices,  &  le  plus  parfaid  fot  qui  foit 
jamais  arrivé  dans  la  Cour,  lequel  introduit  de  la 
main  de  Madame  d'Anglufe,  inftruiâ  par  Madame 
Roland,  civilifé  par  le  Mayne,  &  nagueres  guery 
de  deux  poulains  par  Penna  le  Médecin,  &  depuis 
foufflecé  par  Delain,  maintenant  en  poflefllon  de 
cède  pecunieufe  fortune,  fans  laquelle  la  pauvreté 
lui  allait  faffraner  tout  ainfi  que  la  barbe  le  refte  du 
corps.  Je  n'ay  que  faire  de  vous  conter  leurs  pri- 
vautés, elles  font  prou  cognuës,  ny  rechercher  dans 
la  mémoire,  pour  vous  particularifer  leur  amours, 
aucuns  termes  de  mignardifes  &  de  douceurs  :  car 
ce  feroit  tout  autant  comme  d'appeller  des  gros 
maftins  de  boucherie  Marjolaine  ou  bien  Romarin. 
Je  vous  diray  feulement  en  paiTant,  [que  de  Loué 
pour  Finfolence  &  irrévérence  commife  dans  le 
chœur  des  Auguftins,  ayant  voulu  tirer  Tefpee  contre 
le  Sieur  de  Beaujemont,  il  fut  mis  prifonnier  au  fort 
TEvesque,  elle  fe  rendit  partie  alléguant  contre  luy 
plufieurs  chofes  criminelles,  comme  il  lui  fembloit, 
ïefquelles  les  juges  n'eurent  point  d'efgard  :  il 
eftoit  vivement  follicité  par  Monfieur  de  Chaftillon 
&  autres  Seigneurs  de  la  Cour  à  l'adveu  &  du 
confentement  du  Roy  eflant  recogneu  pour  un 
brave  garçon  plein  de  courage  &  bon  foldat.  Je 
vous  diray  en  pafTant]  que  celle  Dame  ayant 
depuis  longtemps  deux  loups  aux  jambes,  elle 
a  voulu  que  fon  amant  ait  des  caudiques  aux  bras, 
afin  qu'en  leurs  embraflemens,  &  lorfque  goulue- 
ment  elle  le  recevoit  à  jambes  ouvertes,  il  y  puiffe 
venir  pareillement  à  bras  ouverts  ;  &  cecy  foit  did 
comme  feulement  en  paiTant  &  par  parenthefe  dudit 


I.E     DtVOIlCt     ÎATTRIQUI, 

BeaujemoDt  atuodant  de  voir  U  6d  de  leur  tnfolence, 
ft  C  ce  cheval  félon  luy  fera  poiiu  enfin  comme 
aux  autres  perdre  l'arfoa.  Pour  die  vous  u'ignom 
ce  que  je  luy  fuis,  &  la  mémoire  du  pafTé  m'oblige 
i  n'en  dire  point  davuiïage,  mait  à  luy  foutuiier 
quelque  amaadement  &  à  prier  Dieu  qui  feul  peut 
loucher  le  cœur,  de  luy  depanii  quelque  goucte  de 
rcpcnunce,  fans  laquelle  l'eau  de  cire  &.  de  chair 
qu'elle  alambicquc  pour  fon  vifage,  ne  peut  cacho- 
l!ei  impcrfeâiuns,  l'huile  de  iaOemio  dont  elle  (»aâ 
chafque  nuift  fon  corps,  eropefcher  la  puante  odeur 
de  fa  réputation,  ny  l'herefipele  qui  fi  fouvent  luy 
pele  let  membres,  changer  &  dépouiller  fa  mauvaife 


] 


"^ 


APPENDICE 


LETTRES    DIVERSES 

B.  Bibl.  Niiiouk,  colIccliOD  Cldninbâull,  M)    b>  i  iM.) 


APPENDICE" 

LETTRES    DIVERSES 


Hiilleiaii,  ce  ip*  mari  (ifii)]. 

ADAHB,  fi  celuy  qui  doit  tout, 
pouvoit  offrir  quelque  chofe,  je 
chercheroU  des  nurques  de  re- 
cognoilTance  pour  les  prefenier 
k  Vollre  MftjdU  en  temoigiuige 
de  mon  refTendineat.  Mais  l'ad- 
miradon  de  Tes  bornez  m'a/ant 
impofé  un  refpeâueuz  filence,  }e  penfe  feulement 
que  les  bienfoitz  non  preffei  exigeni  des  fervicea 

*  Nou*  doimont  îd  en  appendice  hnit  lettre*  direrlet 
b  un  Memairt  itt  Ptntioai  du  Situr  d'Aubigny.  Cet 
pièces,  qui  derraient  fe  tronver  à  la  fin  de  notre  Tome  1", 
n'ont  été  tronvée*  ^D'aprèg  fa  pnblicaiion  par  H.  Uljflë  Ro- 
bert, jeune  Tarant,  attaché  an  dépulement  des  Hanafcril) 


APPENDICE.  689 


III 
AU    ROY 


Février  1617, 


Sire,  je  ne  puis  aflez  reflentir  ny  Thonneur 
extrême,  ny  Texez  de  bonté  que  Voftre  Majellé  a 
daigné  defployer  en  bien  heurant  de  fes  comman- 
demans  un  vieux  ferviteur  opprimé  d'accufations 
continueles,  foit  de  ceux  qui  pour  vandre  leurs  pênes 
cherchent  des  contrarians,  ou  de  ceux  qui  mefurans 
mes  fervices  envers  un  Roy  qui  a  eu  Tuzage  de 
ma  vie  avec  les  recompenfes  &  mes  penfees  au 
leur,  ne  peuvent  imaginer  en  moy  le  contentemant 
que  j'ay  pris  en  moy  mefme.  Ce  me  feroit  un  grand 
redoublement  de  bonheur,  s* il  plaifoit  à  Vollre 
Majcfté  oiiir  de  Monfieur  de  Villeite  chofe  que  je 
puis  maintenir  à  toutes  fortes  de  preuves,  c*ell  que 
defpuis  la  paix  de  Loudun,  je  me  fuis  privé  de 
toutes  compaignees  &  que  ceux  qui  m'ont  recherché 
chez  moy  ne  fe  peuvent  vanter  que  j*aye  favorifé, 
ny  de  parolle  ny  d'efFed,  aulcun  partifan,  ne  rel- 
pirant  que  le  fervice  de  V^oftre  Majeilé  &  le  repos 
de  ma  dernière  vieillefTe  foubz  fes  bonnes  grâces. 
J'ay  auffy  prié  le  dit  Sieur  de  protefter  pour  moy 
coment  je  n*ay  obligation  ny  à  Prince  ny  à  homme 
vivant  qui  s'oppofe  à  celle  de  ma  naiifance,  qui  eil 
de  monftrer  par  ma  ferme  [rcfolution]  de  vivre  & 
de  mourir,  que  je  feray  jufques  au  dernier  foufpir 
de  ma  vie,  Sire,  de  Voftre  Âlajellé  le  très  humble, 
très  obeiffant  &  très  fidelle  ferviteur  &  fubjed. 

AUBIGNÉ. 

II  44 


i  690  APFKKDICE.  J 

IV 

A  M.  PI  rorratAKT&*nr 

GMCMte  *  tKTMbt  Mht. 
*  Miilleuj,  te  1)  loofl  1618. 

Monfieur,  je  a'ay  point  voulu  jurqucsicy  importu- 
ner vos  plut  graniA  meilleurs  ïlTaires  des  miens  faf- 
chcux,  jufqucs  àccque  Monfieur  de  Rohan  m'ait  fait 
Içavoir  que  vous  ne  reprouviés  pas  une  ouverture 
qu'il  vous  avoic  faite  fur  nos  propos.  Je  luy  ay  dit 
avL-cq  jmerrume  de  cirjr,  qLi'iyani  fervi  Henry  le 
Grand  avecq  plus  d'ardeur  de  péril  &.  de  travail 
qu'autre  que  je  congnoiiïe,  mais  avecq  moings  de 
foing  de  prelTer  les  recompances  qu'il  ne  faloit, 
j'en  fuis  demouré  là  qtic  l'extrême  violance  de  ma 
jeunefTe  ne  peut  faire  eliimer  qu'une  autre  aage 
m'aye  donné  d'autres  mœurs,  joint  qu'ellani  obligé 
de  ferroens  es  mains  de  ceut  qui  les  ont  mefpriféa 
&  qui  les  avoieni  exigés,  je  n'ay  pas  reglé'ma  foy 
à  mes  lutheurs  :  mais  en  la  guardant  je  me  fuis 
angagé  i  un  miferable  parti  bien  que  je  le  re- 
congnuflë  pour  tel.  Cet  angagemenifut  caufe  que  je 
brigay  à  Loudun  la  claufe  de  l'Edîft  par  laquelle 
il  y  a  folution  mutuele  de  tous  fermans  donnés  & 
receus,  &  de  crainte  que  cela  fufl  oublié,  j'en 
envoyai  de  mon  lia  un  billet  i  Monfieur  de  Ville- 
roy.  L'obfervation  que  j'ay  randu  à  cet  article  a 
paru  aux  derniers  mouvemens  aufqueU  vous  ne 
doubtés  point  que  je  n'ayeefté  folicité,  ayant  quelque 
crédit  &  experiance  parmi  les  armes,  &  encor  vons 
pouvés  vous  fouvenir  que  deflors  j'eftois  privé  de 


APPENDICE.  691 


coures  mes  pétitions,  criminel  de  mon  apfance  &  des 
avantages  que  les  prefans  ont  pris  fur  moy  par  leurs 
rapports.  Toutesfois  l'obeiffance  que  je  dois  au 
Roy  n^a  point  fanti  ni  les  defpitz  que  plufieurs 
prenent  [de]  telles chofes,  ny  les  vaines  efperances, 
ny  les  folicitations  des  defefperés.  Je  n^alegue  pas  la 
congnoiiTance  de  mon  devoir  pour  reproche,  mais 
contre  les  mauvaifes  defcripcions  qu'on  fait  de 
moy.  Or,  Monfieur,  je  fuis  demeuré  defchiré  & 
defpouillé  :  le  premier  m'eft  infurportable ,  je  y 
aporte  mes  efcrips,  foibles  remèdes  pour  les  apfans. 
Je  porte  Tautre  plus  patiemment,  ne  pouvans  rien 
avoir  que  je  puiiTe  difputer  contre  mon  Roy,  à  la 
juftice  duquel  tout  apartient  &  puis  ces  remar- 
quables fervices  qui  m^avoient  acquis  des  pantions 
y  a  quarante  cincq  ans,  ont  eftés  dévorez  par  le 
temps,  mefprifez  &  peult  eftre  hayz  en  cetuy  cy. 
Je  ne  fuis  pas  moings  prefl  de  porter  ma  vie  au 
fervice  de  mon  Roy  que  ceux  qui  vont  croifTant  en 
biens  &  honneurs,  &  outre  cela  fi  defireux  de  fa 
bonne  grâce  que  j^ay  dit  &  efcript'  à  Monfieur  de 
Vignoles  plufieurs  fois  ce  que  je  vous  adrefTe  main- 
tenant, non  feulement  comme  à  celuy  en  la  famille 
duquel   j^ay  congnoiiTance  dés   le    berceau,    mais 

"'comme  à  perfonne  publique  &  qui  a  en  charge  la 
province  où  je  fuis  emploie.  C'eft  que  je  defire 
patiemment  la  bonne  grâce  du  Roy  qui  ne  peut 
eftre  fans  que  Sa  Majefté  prene  confiance  de  moy, 
ne  m'ofirant  point  à  eftre  ni  fon  ferviteur  ni  fon 
fubjeft,  pour  ce  que  cela  eft  à  Sa  Majefté  fans 
mon  ofire,  mais  je  y  ajoufteray  un  terme  que  le 
maudit  fiecle  fait  permettre  fans  raifon.  C  eft  que 

■  je  voudrois  mourir  fon  ferviteur  partifan,  ainfi  que 
j'ay  dit  à  Monfieur  de  Vignoles  &  qu'il  m'a  promis 


APPENDICE. 

de  vuusdire.  Voila  11  première  parric  de  marcquelle. 

dcmindanc  à  me  dunner  moy  mefme,  fans  l'ayde  de 
ceux  qui  traffiqucm  de  moy.  Mais  fi  je  ne  puis 
obtenir  ce  bonheur,  je  me  condamne  à  l'oUradimc, 
pourveu  qu'avecq  honneur  &  à  ufcr  mes  jours, 
relégué  entre  les  plus  fidèles  ïoifms  &  ferviteurs 
de  la  Couronne,  avccq  lettre  de  faveur  &  un  efcu 
de  pantion,  alîn  d'eftre  plus  obligé  &  biencoll  hay 
&  puni  de  ceux  entre  Icfquels  j'abiteray,  s'il  m'ef- 
chape  parole  ni  effeft  qui  paffe  le  devoir  envers 
mon  Prince.  Si  on  me  prant  au  mot  cete  propo- 
fition,  je  demande  la  pcrmifTion  pour  me  dcffaire  de 
'aparricnt  dans  qucltjties  moys,  félon  qu'il 


elir 


:  Moi 


■  de  Rohai 


m'a  mandé  que  vous  aprouviés  démettre  raaraaifon 
encre  les  mains  du  Roy,  je  vous  fuplie  de  voir  la 
lettre  de  Monfieur  de  Vifçnolcs,  pardonner  la  lon- 
gueur de  la  mienne  qui  eft  chofe  bien  ellougnee  de 
ma  coullume  &  à  laquele  m'inAruit  la  neeelTiié, 
eneor  ozeray  je  vous  demander  refponce,  laquele 
je  baiferay  en  la  recepvant,  principalement  (i  elle 
m'aporte  moyen  de  demourer  tout  entier  util  à  mon 
Roy  &  à  vous  Monfieur,  voftre  iris  humble  &  très 
fidèle  ferviteiir, 

AUBICK'É. 


APPENDICE.  693 


V 

A   M.    DE    PONTCHARTRAIN' 
ConretUer  &  Secrétaire  d'Efiat. 

Du  Donjon,  le  !$•  Septembre  1618. 

Monfieur,  vous  aurez  rcceu  il  y  a  10  jours  par  la 
voye  de  Monfieur  de  VignoUes  une  lettre  en  laquelle 
plus  au  long  que  ma  couftume,  j^ay  traitté  ce  que  je 
pourrois  refpondre  maintenant  à  celle  dont  il  a  pieu 
au  Roy  me  favorizer  par  voz  mains.  Je  n'ay  pas 
eftimé  pouvoir  recognoiftre  un  tel  honneur  plus  à 
propos  qu'entre  elle  mefmes,  n'ayant  poind  avec  Sa 
Majefté  les  favorables  privautez  que  j'ay  eues  avec 
Henry  le  Grand,  lequel  trioit  d'entre  les  mains  de 
Monfieur  de  Villeroy,  &parmy  plufieurs  defpefches, 
mes  petits  billetz  de  trois  lignes,  pour  fans  mérite 
les  eftimer.  Je  vous  fupplic  donc,  Monfieur,  en  fup- 
pleant  à  ma  crainte  &  à  monrefpe£l,  affurer  de  moy 
Si  pour  moy  ce  que  Sa  Majefté  me  demande,  puif- 
qu'il  luy  plaift  exiger  le  fien,  &  veut  la  promeffe  de 
ce  que  je  doy.  Il  me  feroit  dur  de  jurer  de  nouveau 
une  fidellité  qui  ne  fut  jamais  entrerompuë,  &  que 
j'ay  fignec  de  fang,  de  fucurs  &  de  fervices  par  delà 
mon  pouvoir,  mais  telles  rccognoiffances  fe  ft)nt 
avec  raifon  par  les  mutations  qu'on  trouve  aux 
chofes  &non  aux  perfonnes,  &  quand  le  deffaut  qui 
n'offenfe  poinft  noz  amcs  fe  defcharge  fur  les  acci- 
dentz.  Il  y  a  trois  ans  que  je  travaille  à  rendre  mes 
vœux,  mais  n'ayant  que  la  parolle  des  abfens  qui  eft 
l'ufage  des  lettres,  j'efprouve  leur  foibleflc  &  Tinfi- 
delité  de  plufieurs  mains  :  &  quand  à  l'affaire  qui 
vous  a  efté  propozé  par  M.  de  Soubzbize  avec  fes 


I 


694  APPBWDICK. 


«Itppendances,  voicy  la  féconde  par  laquelle  je  voiiî 
affureray  que  fi  je  ne  puis  obtenir  enciere  confiance 
neceïïairc  à  la  boaae  grâce  de  mon  Roy,  &  que 
parcanE  îl  ne  luy  pliife  pas  fe  fcrvir  de  moy  tout 
entier,  il  n'y  a  partie  qui  ne  fe  trayne  jufques  aux 
piedz  de  l'autel  pour  facridicr  le  tout  à  qui  je  doy 
tout.  Il  refte,  Monfieur,  que  vous  fâchiez  comment 
la  liefmolilion  de  ce  lieu  vaut  bien  une  pezante  del- 
liberation,  après  l'avoir  faifle  recognoiftre  par  un 
ingénieux  fidelle  &  fufErani,  car  ce  que  10,000  pjf- 
loUes  de  defpence  y  ont  apporté  d'artifice  pour  eflrc 
mis  bas  pour  10,000  efcuz,  mais  50  fois  autant  n'en 
peuvent  dcilruire  la  nature,  j'en  ouvriray  les  moyens 
à  qui  un  m'ordonnera,  s'iî  faut  campUirc  aux  paf- 
fions  de  mes  voifins.  Si  je  fuis  long,  jugez  combien 
je  retiens  i  dire  Si  en  cela  honnorez  de  voftre  par- 
don, Monfieur,  voflre  humble  &  crés-Sdelle  ferrî-' 
teur. 

AvaiQut. 


A  M.    DB    SAINT-PtOUR 

(Septembre  lAiB.) 
Monfieur,  j'ay  tenu  les  mémoires  que  vouz  m'avez 
demandez  tous  prellz  pour  voflre  lacquais  avec  une 
lettre  à  Monfieur  de  Pontchartrain,  refponfive  i 
celle  du  Roy,  en  laquelle  après  avoir  diH  les  mûni 
par  qui  j'ay  receu  &  par  Icfquelles  je  refpondz, 
j'adjouflemot  pour  moi  ce  qui  s'en  fuit  :  ■  Je  vous 
fupplie  donc,  Monfieur,  en  fuppleant  k  ma  cralnAe 


APPÏNDICX.  695 


&  à  mon  refped,  aflurer  de  moy  &  pour  moy,  ce  que 
Sa  Majeflé  me  demande,  puifqu'il  luy  plaiil  exiger 
le  ficn  &  veut  la  promeffe  de  ce  que  je  doy.  Il  me 
feroit  dur  de  jurer  de  nouveau  une  fidellité,  qui  ne 
fut  jamais  entrerompuë,  &  que  j'ay  fignee  de  fang, 
de  fueurs  &  de  fervices  par  delà  mon  pouvoir,  mais 
telles  recognoifTances  fe  font  avec  raifon  par  les  muta- 
tions qu'on  trouve  aux  chofes  &  non  aux  perfonnes, 
&  quand  le  deffaut  qui  n'offenfe  poind  noz  âmes  fe 
defcharge  fur  les  accidentz.  Il  y  a  trois  ans  que  je 
travaille  à  rendre  mes  vœux,  mais  n'ayant  que  la 
parolle  des  abfens  qui  eft  Tufage  des  lettres,  j'ef- 
prouve  leur  foibleffe  &  Tinfidellité  de  plufieurs 
mains.  > 

Voila  tout  ce  qu'U  y  a  pour  cet  affaire,  pour 
lequel  il  n'y  a  rie;j  dans  les  bornes  du  fervice  de 
Dieu  que  je  ne  face  avec  gayeté  de  cœur  &  paflion, 
&  fy  vous  pouvez  exécuter  ce  que  vous  m'avez  pro- 
mis par  paroUes  &  par  lettres,  outre  ce  que  je  le 
recognoytray  en  effed,  ce  me  fera  une  véritable 
occafion  de  demeurer,  Monfieur,  voftre  bien  humble 
ferviteur. 

AUBIGNÉ. 


VII 

AU    ROY 


Du  Dognon,  ce  6  Novembre  1618. 

Sire,  defpuis  Tenvoy  duquel  la  Province  de  Poi- 
tou m'honora  vers  Voftre  Majefté,  plufieurs  acci- 
dentz, &  fur  tous  mon  aage  m* ayant  defnié  le  bon- 


I 


beur  de  voir  U  face  àe6txh\e  Ae  mon  Roy,  )'iy 
«erdié  (ptf  l'cntrcinize  de  met  amU)  tous  mo>'eai 
i'zchever  le  rcfle  de  mes  jours  avecq  ceft  avan- 
tage. (]u' ayant  eu  pour  feul  roaiflre  &  à  bonnes 
tiurquei  le  Grand  Henry,  je  ne  fuflê  neceiTité  de 
fervir  foubi  Vollre  Majeïlé  avecque  elle  mefme,  mais 
uant  cfprouvd  combien  Joubieules  &  peu  titilles 
font  Ict  Icttrct  (foiblcst  paroUet  des  abfens)  fur  les  dcui 
qu'il  a  ptcu  à  Vollre  Majelté  m'cfcrire  d'affaires 
particuliers,  qutry  que  ma  peticefTe  eut  à  fe  con- 
tenter de  ï'adrcflcr  en  chofe»  ordinaires  aus  Officieri 
de  TEftat,  j'ay  par  l'avis  de  Monficur  de  Moncolon 
pris  la  hardieire  de  confier  à  H.  de  Vilette,  lèrvî- 
teur  très  fidclc  de  Voftrc  AUjelU-.  &  m.  in  proche, 
ce  qui  me  louche  &  plm  le  fcrvire  de  \"nftre 
Majefté,  .comme  auIH  afin  qu'emploiant  la  partie 
que  Dieu  m'a  lailTee  à  la  gloire  du  plus  grand  Roy 
qui  ayt  ceint  efpce  defpuis  huift  cens  ans,  mes 
envieus  ne  puifflent  m'oller  l'accès  à  l'oint  de  Dieu. 
Je  prie  jour  &  nuîft  pour  voftre  perfonne  &  Eftat, 
comme  doibi.  Sire,  ie  très  humble,  très  fidèle  &  très 
obeifTanc  ferviteur  &  fubjefl  de  Vollre  Majefté. 

AOBIGNÉ. 


Vin 

[sans  SUSCRIPTION.] 

Monfieur,  s'il  y  a  quelques  termes  obfcurs  en  ma 
lettre  pour  vous  fupplier  de  donner  cela  aux  cir- 
confpeftions  que  demande  un  traifté  avec  fon  Roy, 
celte  révérence  réduit  mon  (lille  entre  de«  barrières 


APPENDICE. 


(^97 


eilroices  ;  c'eft  ce  qui  m'a  fait  appeler  circonftances 
les  claufes  qui  avec  un  efgal  feroienc  conditions.  'Je 
ne  fuis  pas  fi  mal  né  que  je  n'aye  parfaire  créance  à 
un  Roy  &  mefmes  en  celuy  qui  dés  fon  aage  cendre 
a  donné  des  marques  notables  d'avoir  fa  parole  en 
recommandation,  mais  la  foy  d'un  fi  grand  Prince 
s'employe  en  chofes  dignes  de  fon  eflevation.  Nous 
ne  fommes  arredés  que  fur  un  fait  de  finance 
&  encore  fur  un  préalable.  Je  vous  prye,  Monfieur, 
ne  trouver  point  mauvais  que  la  feureté  panche  du 
cofté  du  foible,  &  d'ailleurs  mes  afiaires  ne  peuvent 
fupponer  mon  deflogement  qu'en  defmeublant  & 
après  avoir  figné  le  contrad,  je  ne  toufche  une 
fomme  moindre,  Dieu  mercy,  que  mon  bien,  que 
ma  foy  &  la  foy  de  mes  amys;  fi  c'eft  chofe  que 
vous  reprouviez,  je  lairray  ces  affaires  fans  plus 
vous  en  importuner.  J'acheveray  mon  propos  ainfy, 
que  fi  voftrc  prudence  ordonne  Tachevement  des 
chofes  commencées,  je  parferay  avec  candeur  ce  qui 
fera  de  ma  promefle,  fi  je  demeure  en  Teftat  prefent  ; 
tant  plus  auray  je  d'occafions  &  de  moyens  de 
rendre  au  Roy  très  fidèles  fervices  &  à  vous, 
Monfieur,  les  preuves  certaines  que  je  fuis  voftre 
humble  &  plus  fidèle  ferviteur. 

AUBIGNÉ. 


MÉMOIRE     DES     PENTIONS 
DU    SIHUR    d'aUBIGNY. 


[1618.J 

Mes  pentions  ont  efté  de  4,000  livres  fur  Tordi- 


6çi  AfPEtfDICK. 

nairc  &  de  3,000  fur  I«  pecic  eftai.  Je  ne  puis 
■ccfibuer  la  perte  de  ces  i,<X)0  cfciu  qu'à  la  haine 
de  Melfieiirs  de  Bouillon  &  de  ScuUy,  c'eft  pour- 
quoy  telle  chofe  eft  purcrociu  de  la  bonne  grâce 
du  Roy.  Quand  aux  autres  4,000  livres,  il  y  a 
44  ans  que  j'en  ay  eu  le  commencement,  le  refte 
ordonné  à  diverfes  fois;  (om  cela  me  fut  dilconiinué 
en  1615.  Or  n'oferois  je  en  demander  le  payement 
jufques  à  la  paix  de  Loudun.  eneor  que  les  armes 
que  nous  portions  ayenc  elle  juftiffiees  par  ce  qui 
«'eft  paffS  depuis.  Par  ainlî  ayant  tenu  ferme  pour 
le  Roy,  fans  me  laifler  emporter  aux  mouvemencz 
de  folicitations  qui  fe  fireni  à  la  prife  du  Pont  de 
Ce,  i'eftime  cllre  bien  Icani  à  la  home  du  Roy  de 
me  donner  comme  de  nouveau  cy  après  telle  pention 
qu'il  luy  plaira. 

Et  pource  que  par  deux  diverfes  voyes  Sa  Majellé 
m'a  faiA  promettre  le  reftabliffement  8c,  arreraiges 
des  penfions  à  moy  oftees,  il  feroit  jufte  de  me  les 
reltablir  des  3  cartiers  de  16,  de  17  tout  entier,  de 
ce  qui  eft  de  l'année  courante. 

El  quand  au  mauvais  traiitemeai  que  nous  avons 
receu  par  l'extraordinaire  des  guerres  &  pour  l'en- 
tretien de  nos  garnizons,  lefquelles  il  m'a  fallu 
tenir  par  delà  mon  pouvoir  &  mon  dezir  pour  la 
pezante  haine  de  M.  d'Efpernon,  il  fufiira  un 
eommandemcni &  lettre  défaveur  de Monfieur  Janin 
pour  me  faire  rendre  juftice  en  cette  partie. 


TABLE    DES    MATIÈRES 


COKTBKUBS     DANS     CB     VOLCME. 


TRAITTÈ    SUR    LES    GUERRES  CIVILES. 

Ch.phrîj  Pig 


^^^^^BBJI 

700                    TAaLI    Dit    MATil&ES.                                              | 

LKCAODCEe  00   L'àUGE  DE  r»IX. 

■  ■■ 

MCDITATIONI  fUK    LES  FtEACMES. 

rfe»ooir  «. 

Me'liUluiD  far  le  Pfeaiime  8* r)7 

Oaafion  i  arguaunl  de  11  HedJMtioa  faide  for  le 

Pfeiome  7j m 

Méditation  far  te  Pfeaaaie  t) 15) 

Ottafien   4  argumtitt  de  U  Hediutioa  faide   for  le 

preiame  ]i 174 

Meditition  Tar  le  Pfeinrne  tr 17a 

Oeeafian  4  arpimtat  de  U  Hediiition  biâe  far   le 

Ffeiame  SB 190 

Hedilation  far  le  Pfeaame  S8 191 

Oecafion  4  arguininl  de  la   Méditation  faiâe  far  le 

Pfeaame  tù SO4 

Méditation  for  le  Pfeaame  16 loj 

L'HEacDii  CHiOTiia »a 

CONFESSION    CATHOLIQUE    DU    SIEUR 
DE   SANCY. 

l.i*rt  premier. 
Cbipllrci 

A  Moniteur  le  Reverendiffime  Evefque 
dEvreai.   .   .  ajî 

I      De  l'aothorité  de  l'Eglife  t  de  fon  chef «j^ 


TABLB    DBS    MATIBRBS.  701 

Chapitres  Pages 

II.  Des  traditions 244 

III.  De  l'interceffion  des  Sainds  fr  Sainâes  ....  253 

IV.  Du  Purgatoire 2$6 

V.  De    la  J  unification  des   œuvres  fr    œurres  de 

fupererogation a6i 

VI.  Des  Miracles  fr  Vojages 270 

VII.  Des  Reliques  fr  Dévotions  du  feu  Roj  ....  278 

VIII.  Des  vœux 288 

IX.  De   diverfes  manières  de  pefcher  les  hommes.  298 

X.  De  la  Tranfnbftantiation joa 

Livre  fécond, 

I.  Dialogue  de  Mathurine  t  du  jeune  du  Perron.  )07 

II.  De  la  reunion  des  religions J19 

III.  Des  caufes  qui    me  pouflerent    à  ma  féconde 

reformation,  qui  fut  la  troifiefme  converfion.  326 

IV.  Apologétique  pour  ma  longue   demeure  entre 

les  hérétiques j)o 

V.  Des  miferes  des  Huguenots 335 

VI.  Examen  de  quelques  livres  de  ce  temps.   ...  340 

VII.  De  l'impudence  des  Huguenots 348 

VIII.  Des  Martyrs  à  la  Romaine 3$5 

IX.  Corollaire 366 


LES   AVANTURES   DU    BARON   DE   FiENESTE. 

L'Imprimeur  au  leâeur 377 

iAvre  premier. 

Préface $79 

Argument 381 

I.  Rencontre  d'Enaj  t  de  Fsnefte    qui  couche 

d'entrée  de  dix  ou  douze  querelles 383 

II.  Moyens  de  pareftre,   detfenfe  des  bottes,    des 

rofes,  pennaches,  t  perruques 387 


I 


yOi  TABLE    DBS    MATlbAfiS. 

[II,  Arriïee  de  F«iielle  s  ]&  Cour isj 

IV.  Rencontre  àa  roufTeaa,  l'iccidenl  de>  fagoTs, 

b  l'ambition  de  Ftenede ]P7 

V.  Dircouri  fur  U  DUifon  d'En>j,  «  de  la  chiSe .  ^aa 

VI.  Des  Vadepied ^oj 

VU.  Des  quatre  gucrrei  de  FenelLc 40( 

VIII.  Amours  de  Fciieae,  querelle  du  CarrcilSer.  .   .  407 

IX.  Des  braves,  des   r'affinei  fi  dueU «09 

X.  Enlree  de  lible,  altaque  de  lleligiiiii 41} 

Du  Baron  de  Fajolle,  b  du  Dognon ^ij 

XII.  Enirepnres  de  Dd  Lignaut t<7 

.   Xltl.  De  U  Cour 4S0 


LivTt  fécond. 

t.           Des  grâces  latines  II  de  leur  conûrnâioa.   .   .  ««} 

II.  Haiiliere.   L'Eglife  inviCble,   des  reliques  b 

bonne  intention 417 

III.  La  gagenrede  Caniû,  la  qaelUon  do  bdplefme 

agitée  à  Rome 4)o 

IV.  Le  baron  Harelais,   le  Morne  c  autres  jeux  .  4]] 

V.  De  Marthe  la  démoniaque,  b  autres  miracles,  «j^ 

VI.  Miracles  de   la  Rochelle,  de  Sainâe   Leurine, 
,  du  fainâ  homme  de  Billoiiet,  b  de  la  Mer 

Rouge 4)p 

VII.  Divers  jeuK ,   .  44a 

VIII.  Difpute  da  Ljmbe 444 

IX.  Théologie  de  Clochard  b  de  Mathe 447 

X.  Amours  du  Baron  t  enchaatemeiu 449 

XI.  Antres  amours 4Sj 

XII.  Hilloire  de  Cajer 4]f 

Xltl.     Du  Marercba)  de  Fervacques  II  des  clercs  du 

Palais 4lB 

XIV.  Conte  de  Matthé,  des  quatre  Curez 4^1 

XV,  Théologie  de  Surgeres,  querelle  dn  Baron  .   .  464 


TABLB    DES    MATIERBS.  703 

Chapitres  Pages 

XVI.  Combat  de  Corbineau 4^6 

XVII.  Enchantemens  à  la  Coor  fur  les  amours  du 

Baron 4^ 

XVIII.  Avanture  fur  Brilbaut  fr  fur  le  mot  :   Où  eft 

l'honneur? 47j 

XIX.  Sur  l'Eftre  &  Pareftre,  le  coucher  du  Baron.  .  477 

Livre  troifiefnte, 

I.  La  vie  de  Fsnefte  à  Paris 481 

II.  Vie  de  la  Dame  de  la  Cofte  ft  des  Bohémiens.  484 

III.  Du  Théologal  de  Maillezais 486 

IV.  De  l'Advocat  Chefne-verd,  fr  de  la  vente  du 

Cimetière 490 

V.  De  la  Roche-Boifleau  k  des  Sergents 493 

VI.  Miracle  du  loup,    ft   de   Tnitre,    du  piftolet 

avallé 495 

VII.  La  proceffion  de  Beaumier 497 

VIII.  Le  quadran  des  Oufches;  du  cours  du  Soleil.  500 

IX.  Songe  du  Conneftable,  AdiouHas  d'E/h'ade.   .  $oa 

X.  Des  Refolutions 504 

XI.  Querelle  avec  le  Sçabantas,  duel  de  Valleri  .  506 

XII.  Du  Miniftre  de  Glenaj 509 

XIII.  Hiftoire  de  Pautrot,  ft  de  la  Dame  de  Noaillé.  511 

XIV.  De  Bourron,  aenigme  de  Filafle 515 

XV.  Explication  de  l'énigme 519 

XVI.  De  Sourdy  fr  fa  femme,  du  Prince  joiieur,  de 

Chenevieres,  du   Preftre  de  Bougouin,  du 

Mojne  de  Maillezais 596 

XVII.  Du  Comte  de  Lormc ...  529 

XVIII.  Quelque  fuitte  de  TOrme $j) 

XIX.  Du  Comte  de  Manie $j6 

XX.  De  Cojons  de  mille  livres,  des  efpions  •   .   .  540 

XXI.  Quelques  quatrains  ft  commencement  de  l'his- 

toire de  Calopfe $44 

XXII.  Commencement  des  opinions  du  Confeil  k  la 

refolution $47 


SUT.  HttokMdsBidBt *^lltolMki. -;....    si« 

L         C<MWBUliMr<>ntr  fthSinrdelanijea 

9iL'a«TWi^(ap«.«i'ftBuifaat  Ac,  Ac'  .  .    ji« 

III.       D«.{écoad.4aIUraàkTalMliM  ......    j» 

IT.        ExemcB   de  ~F»nete,    b   qa«l4|iie  diofe  dn 

vojage  d'Itïlie 570 

V.  Suite  des  gloirei jt) 

VI.  De  la  guerre   dn  Prince:  familimté  du  Roi 

ft  de  F^nelte;   Chilu>,   tillrei  ;  Regianle 
Jefa;  l'antiquité  de  Langin  ........      178 

VU.       Nobtcift  de  Fcnelle,  b  en  Tuiite  dircoun  de 

Renardière jS) 

VIII.  InretKïon  du  curé  d'Efchitais:  différence  des 

Sermons {88 

IX.  Sermon  du  Père  Ange jg* 

X.  Soitte    des    inrenlioni    percnifes    aai    Pref- 

chenn tpS 

XI.  Aâiont  eUrai^e»  de  gens  d'EgUfe tfot 

XII.  De«  Noanains 609 

XIII.  Groiefque  de  la  Terne «1} 

XIV.  Titres    de  l'ancienneté  de   FKoelle  en  Grec: 

Hiniftre  ViSui,  Diable  qui  n'appelle  point 
à  ta  chambre,  te  caillou  blanc,  li  l'oje 
blanche diS 

XV.  La  bataille  de  Sainâ-Pierre Sa* 

XVI.  Les  triomphes «li 

XVII.  THomphe  de  l'Impiété tfjt 

XVIII.  Triomphe  de  l'Ignorance. ■    '18 


TABLE    DBS    MATIERES.  705 

dwpitres  P*ges 

XIX.  Triomphe  de  la  Poltronnerie d^a 

XX.  De  la  Gueuferie 645 

LE  DIVORCE  SATTRIQUE 

Le  DÎYorce  fatyriqne  on  les  Amoars  de  la  Rejne 

Marguerite tfS3 

Appendice. 
LETTRES     DIVERSES. 

I.  A  la  Reyne.  Maillexaiz,  ce  19*  mars  [itfij].  •  •  .  687 

II.  A  M.  de  Pontchartrain,  Confeiller  t.  Secrétaire 

d'Eftat.  De  Maillezaiz,  ce  17  juillet  [1614].  .  686 

III.  Au  Roj.  Février  1617 (S^ 

IV.  A  M.  de  Pontchartrain,  Confeiler  t.  Secrétaire 

d'Eftat.  Maillezaj,  ce  aj  aooft  itfiB 690 

V.  A  M    de  Pontchartrain,  Confeiller  t.  Secrétaire 

d'Eilat.  Du  Donjon,  le  1$*  feptembre  1618.  .  693 

VI.  A  M.  de  Saint-Flour  [feptembre  itfi8]  ^  .  .  .  694 

VII.  Au  Roj.  Du  Dognon,  ce  6  novembre  1618.  .  .  695 

VIII.  [Sans  fufcription] •  696 

Mémoire  àts  pentions  du  Sieur  d'Anbignj  [itfi8]  697 


IL 


45 


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